Chapitre 24

Les quartiers du roi étaient encore plus vastes que ceux du prince. Ils étaient composés de six pièces dont au minimum deux devaient être dédiées à la reine lorsqu'elle venait lui rendre visite. Les autres étaient aménagées pour lui et Asgeir. Ce dernier se tenait sur un petit sofa sous la fenêtre, étalé lascivement en travers.

Alrek le précéda à l'intérieur. Ils avaient pris le temps de se changer et de retrouver des visages présentables face à Caspar. Malgré tout, ils marchèrent près l'un de l'autre dans les couloirs, deux gardes devant et deux autres derrière. Vestar évita délibérément le regard de Sakari.

Il ignorait où il en était exactement avec Alrek. Toutefois, il était évident qu'il y avait quelque chose puisqu'il avait été cherché un second baiser, comme par habitude, par besoin. Ses mains avaient trouvé leur chemin avec facilité, comme si elles l'avaient fait mille fois auparavant. C'était improbable et pourtant...

Au demeurant, ça ne lui disait pas où ils en étaient exactement. Juste qu'il ne pouvait pas jouer avec les sentiments du garde. Quand bien même retirait-il Alrek de l'équation, il n'avait aucune attirance envers Sakari. Il le voyait comme un ami, à la rigueur. Ça n'irait jamais plus loin. C'était impossible pour lui.

Le roi Caspar était installé dans son salon principal, celui où il devait recevoir ceux qui tenaient à le rencontrer. Il se leva lorsque son fils entra. Il roula des yeux en le voyant aux côtés de Vestar.

- Évidemment, il a fallu que tu viennes avec lui.

- Vous n'avez pas à parler à mon knähund sans moi.

- Passons dans le petit salon. Asgeir y a servi le thé pour nous.

Vestar retint une grimace à l'entente du nom du knähund du roi. Son dégoût pour lui ne faisait que croître à chaque rencontre. Malgré tout, il suivit les deux royaux dans une pièce attenante. Elle était aussi vaste que le premier salon. La décoration y était étouffante et sombre. Des squelettes de têtes d'animaux pendaient aux murs, les bougies enfumaient l'air, les fourrures étouffaient leurs pas. Un malaise tomba sur lui et Vestar se rapprocha d'Alrek. Il savait que ce n'était pas parce que Caspar était le père d'Alrek que ce dernier ne risquait rien.

- Sors.

Le mot sec et autoritaire était destiné à Asgeir qui parut surpris. Il ne s'était pas attendu à être congédié. Il regarda son maître avec stupeur et trahison avant de sortir. Il le fit discrètement, sans claquage de porte grandiloquent mais sa colère rentrée était palpable. Caspar soupira et parcourut la pièce des yeux.

- Va-t-il écouter ? interrogea Alrek avec détachement.

- Évidemment. Il a sûrement déjà trouvé le moyen de détourner tous mes moyens de l'en empêcher.

Alrek hocha la tête et se pencha sur Vestar.

- Fais-toi discret. Il faut que nous nous jouions d'Asgeir.

Il approuva d'un hochement de tête. Puisqu'ils savaient que le knähund écoutait aux portes, ils avaient forcément développé un moyen de le contrer. Il était curieux de savoir ce qu'ils avaient imaginé.

Caspar ouvrit la marche. Il s'approcha d'un mur et écarta d'un geste délicat et silencieux la tête d'un élan pour découvrir une poignée sur laquelle il tira. Un pan de mur s'écarta dans le silence le plus total. Ils s'y engouffrèrent sans un bruit et le mur se referma derrière eux. Ils descendirent une volée de marche escarpées dans une pénombre traître. La chevelure blonde d'Alrek se balançait juste devant lui. Il restait aussi près que possible mais, avec les marches, c'était difficile de garder l'équilibre.

Son coude heurta une roche. Il fut soudain aveuglé par une douleur fulgurante. Il manqua une marche et bascula en arrière. Une main s'enroula autour du devant de sa chemise, empêchant sa colonne vertébrale d'aller se fracasser sur les marches. Ses fesses échouèrent sur la pierre et il grimaça. Un sifflement passa par son nez alors qu'il se retenait de jurer comme un marchand.

- Ça va ?

- Oui. Je n'avais pas vu la pierre.

Alrek l'aida à se remettre debout et ils reprirent leur décente. Caspar ne les avait pas attendus. Il était déjà installé dans la pièce aveugle qui se situait sous les quartiers royaux. Ce n'était qu'une grotte peu vaste, à peine six mètres de diamètre. Aucun meuble, rien que de la roche brute et irrégulière.

Le roi se tourna pour leur faire face, le visage sérieux et fermé.

- J'ai appris ce qu'il s'est passé, commença-t-il. Je sais aussi que tu as levé le secret.

- En effet, répondit Alrek. Je lui ai parlé de notre passé.

Bêtement, Vestar fut surpris d'apprendre que le roi savait qui il était. Il aurait dû y songer depuis le départ, depuis qu'Alrek lui avait raconté leur passé commun. Au lieu de ça, il s'était laissé embarquer dans le passé et avait oublié de songer au présent. Une erreur de débutant. Il fallait vraiment qu'il se reprenne.

- Tu n'aurais pas dû faire ça, Alrek. Il aurait dû rester dans l'ignorance.

- Pour que tu puisses continuer à lécher les bottes d'Elina ? Le trône lui revient de droit. Je ne te laisserai pas l'assassiner.

- Il n'est plus question de l'abattre, désormais. Tu as ruiné ça. Je suppose qu'il ne nous reste plus qu'à l'utiliser.

- Au cas où vous l'auriez oublié, je suis juste là, grinça Vestar. Et je ne compte pas vous aider. Vous vous êtes mêlé aux affaires de ma très chère mère, vous assumez.

Le prince se rapprocha de lui. Son bras effleura le sien et sa peau se couvrit de chair de poule. Son attention chavira pendant quelques instants. Il cilla, se forçant à retrouver une concentration maximum. Il ne devait rien laisser passer à Caspar.

- Si tu veux aider mon fils, tu dois en passer par moi.

- J'en doute. Vous ignorez tout de ce dont je suis capable.

Le regard de Caspar se fixa sur eux et passa de l'un à l'autre. Ses épais sourcils se froncèrent.

- Il se souvient ? De vous deux ?

- C'est...

- Oui, coupa Vestar.

Alrek ne tourna pas la tête vers lui. Il devait être surpris par son mensonge mais, si c'était le cas, il n'en laissa rien paraître. Il marcha même dans la combine en emmêlant ses doigts aux siens. Vestar se rendit à peine compte qu'il resserrait la prise par une forme étrange d'habitude.

- Tout ce que j'ai fait... Tu as tout réduit à néant en le ramenant ici !

- Je lui ai sauvé la vie, objecta le prince. Je n'allais pas te laisser l'assassiner.

- Tu n'as toujours pas compris pourquoi j'ai fait ça ?

La main du prince se crispa.

- Tu n'as aucune raison valable d'avoir fait ce que tu as fait.

- J'ai cherché à te protéger de toi-même, Alrek. Plus tu le fréquentais, plus tu avais de faiblesses à éliminer.

- Des faiblesses ?

- Oui, des faiblesses ! Tu vas devenir roi, Alrek. Tu n'as visiblement aucune idée de ce qui t'attend.

- J'en sais plus que tu ne crois.

- Pas assez pour comprendre que n'importe quelle faiblesse peut être exploitée ! Et il est ta plus grande faiblesse ! Pourquoi crois-tu qu'Elina s'est arrangée pour qu'il accepte cette mission suicide ? Une reine régente n'envoie pas l'héritier du trône chez l'ennemi !

- À part quand elle cherche à le faire tuer, répliqua Vestar avec amertume.

- Il y a des centaines de moyens de se débarrasser d'un individu gênant. Si elle a choisi de t'envoyer ici, ce n'est pas par hasard. Elle savait ce qu'il y avait entre vous deux et elle tenait à s'en servir. Elle savait qu'Alrek te protégerait, te garderait en vie.

- Si c'est le cas, pourquoi ? reprit Alrek. Qu'y gagne-t-elle ?

- Du temps, répondit Vestar, commençant à voir où voulait en venir Caspar. Elle a gagné du temps.

Le roi hocha la tête.

- En effet. Elle a fait tout cela pour obtenir une liberté de mouvement qu'elle n'aurait pas eue autrement. Si elle l'avait assassiné sur le sol céraméen, le couronnement d'Anda aurait été accéléré. Elle n'aurait pas pu établir sa position de reine, la nouvelle dominance féminine qu'elle veut mettre sur Ceramos.

- Mais dans ce cas-là, pourquoi mentir sur sa mort ?

- Elle n'était pas officielle, dit Caspar. Elle a fait savoir qu'il avait disparu et considéré comme mort dans un affrontement. Il n'a pas été enterré ni quoi que ce soit. Ça n'avait rien d'officiel. Tout le monde l'a pris comme tel mais ça n'était pas le cas.

Vestar hocha la tête lorsque le prince tourna la tête vers lui. Il pressa sa main, sachant d'instinct que ça le rassurerait et lui assurerait son soutien.

- Donc les gardes qu'elle a envoyés...

- On fait exprès de me rater, termina Vestar. Ça fait sens, maintenant. Ils savaient que je suis en partie immunisé au venin, les flèches ne visaient pas de parties vitales... Le gâteau devait venir de Skuti. Mais quel idiot ! Comment ai-je pu manquer tout ça ?

- C'est difficile de voir venir la trahison d'un parent.

Les iris d'orage étaient rivés sur le roi. Caspar vacilla.

- Je ne t'ai pas trahi, Alrek. Je t'ai protégé. J'ai tenté de faire de toi un roi capable. Au lieu de ça, tu t'accroches à tes faiblesses et tu leur donnes des occasions de te briser. Et s'ils te brisent, tu ne pourras pas lutter contre eux. Ils prendront l'ascendant sur toi et détruiront notre lignée.

- Tu parles de Merken et Valdemar ?

Caspar parut surpris.

- Tu es au courant ?

- Je ne suis pas aussi ignorant que tu sembles le penser. Moi aussi, j'ai des oreilles dans tous les murs. Je sais qu'ils sont trois à tenter de mettre la main sur Ceramos.

- Trois ?

- Linus. Il veut tout le sud. Tu l'ignorais ?

L'air moqueur et satisfait d'Alrek fit sourire Vestar. C'était uniquement dans sa voix et dans ce petit redressement du menton.

Caspar se passa une main dans le cou, mal à l'aise. Vestar vit à travers le masque. Il était fier de son fils, de voir son potentiel étalé là, sous ses yeux. Ils avaient un réel problème avec le fait de montrer leurs émotions, dans cette famille.

- Si même Linus est contre nous...

- Il l'est. Il est le véritable rival de Merken dans la quête à l'acquisition du sud. Valdemar est presque négligeable. Il faut contrer Merken avant tout.

- Et vous avez un plan ?

Que le roi leur demande leur avis était une surprise. Vestar ne l'aurait pas cru capable de ravaler sa fierté et de s'abaisser à demander de l'aide à des subalternes. Toutefois, eux savaient pour Linus quand lui ne l'avait pas vu comme une menace. Ils avaient un avantage.

- Vous devez annoncer qu'Alrek va monter sur le trône.

- Quoi ? se récria le concerné.

- C'est intelligent, répondit Caspar. Ça neutralise de nombreuses menaces. Pas toutes.

- Mais ça bloque ma mère dans sa conquête d'Isstad. Ça va aussi ralentir ses projets de mariage tout en bloquant Merken, Valdemar et Linus pour un moment. Ils sont habitués à vous manipuler. Si vous laissez votre fils prendre votre place, ils devront lui faire face à lui. Pour reprendre leurs manigances, cela prendra du temps. Ils feront des erreurs par empressement dans la course qui lui permettront de se débarrasser d'eux.

- S'il prend le trône, il va devoir se marier.

Cette fois, Alrek ne se cacha pas et tourna la tête vers Vestar. Ce dernier évita son regard. Il avait su avant de prononcer les mots que ça devrait arriver et qu'il devrait l'encaisser.

- Le choix est sien, fut tout ce qu'il sut répondre.

Leur histoire étrange rendait tout extrêmement compliqué. Cependant, Alrek allait devoir faire des sacrifices pour régler tous leurs problèmes. Ils allaient tous devoir en faire. Certains plus que d'autres.

- Ça sera une affaire pour plus tard, décréta Caspar. S'il monte sur le trône, il deviendra une cible autant qu'un bouclier.

- Je le protégerai. Son couronnement empêchera ma mère de s'allier à Rhesad et Udlica puisque aucun des mariages qu'elle a en vue n'est encore officiel. Si elle n'a plus ses entrées à Isstad, les alliances seront moins certaines. Surtout qu'elle comptait sur un élément majeur : que vous me fassiez tuer.

- Comment ça ? De quoi est-ce que tu parles ?

Alrek s'énervait. Il était plus fébrile qu'il ne l'avait jamais vu. Vestar se força à lui faire face.

- J'ai compris ce que ma mère comptait réellement faire. Elle m'a envoyé ici en s'alliant avec ton père pour qu'il se débarrasse de moi. Elle savait ce qu'il s'est passé, le pourquoi de la guerre entre Isstad et Ceramos. De fait, elle pensait qu'il serait plus qu'enclin à me mettre à mort.

- Pourquoi avoir envoyé sa propre garde ?

- Parce que tu m'as choisi pour devenir ton knähund, ce qui entravait ses plans et compliquait la tâche de ton père. Tu t'es mis entre eux. Tu es devenu une cible. C'est pour ça que ça sera dangereux pour toi de monter sur le trône.

- Lui reprendre le trône pourrait être plus aisé que vous ne le croyez, intervint Caspar.

Les deux princes se tournèrent vers lui.

- Le jour du couronnement d'Alrek, il n'aura qu'à révéler ce qu'il s'est passé. Ta présence en sera la preuve. Il y aura forcément quelqu'un pour te reconnaître parmi tous les invités des différents royaumes. L'histoire se répandra et Elina sera jetée de son trône et tu pourras récupérer Ceramos.

- Pourquoi est-ce que tu l'aides ? siffla Alrek. Hier encore tu planifiais son meurtre.

- Je sais. Je sais aussi que tu ne me pardonneras jamais ce que j'ai fait il y a cinq ans et encore moins ce que j'ai fait en acceptant cette alliance.

- Dans ce cas, pourquoi faire ça ?

- Parce que tu l'aimes. Et que, même sans ses souvenirs, même en ayant été forcé de se soumettre à quelqu'un qu'il pensait être un ennemi, il t'aime aussi.

Vestar sentit son visage s'enflammer brusquement. Il ignorait ce qu'étaient ses réels sentiments pour Alrek. Nonobstant, il ne se voyait pas nier et blesser inutilement le prince. Après tout, ce moment dans le petit salon était assez confondant pour qu'il y songe un peu plus.

- Deux princes valent mieux qu'un. Et si vous montez tous les deux sur vos trônes respectifs... Ça sera une alliance bien plus puissante qu'aucune jamais établie auparavant. Il ne s'agira pas de politique. Vous opposerez un front uni.

Vestar aurait voulu souligner le fait qu'il était peu probable que ça arrive comme il l'imaginait. Si Alrek montait sur le trône, il serait obligé de se marier dans les trois mois. C'était une loi immuable d'Isstad. Un roi ne pouvait pas régner sans une reine à ses côtés. Même une fois qu'il avait eu des héritiers, il lui fallait une femme pour continuer à en produire. C'était idiot, du point de vue de Vestar. Toutefois, il ne pouvait pas lutter contre les traditions.

Si Alrek se mariait... Les choses se compliqueraient entre eux. Une alliance serait plus difficile que Caspar le croyait. Ils devraient couper les ponts. Vestar se savait trop fier pour être un amant dans le placard. Il ne pourrait jamais supporter de se cacher si ce qu'il y avait entre Alrek et lui était réel. Il n'y arriverait pas, même pour lui. En amour, c'était tout ou rien.

- Et ensuite ? demanda Alrek, un nœud dans la gorge difficile à dissimuler. Ça ne résout pas tout. Elina ne se laissera pas évincer comme ça. Merken et Linus, encore moins.

- Une fois que tu seras roi, tu auras la main sur l'armée. Tu pourras combattre Elina. Rien que pendant cette bataille, il y aura l'un des trois qui fera une erreur. Ils ne s'attendent pas à ce que tu montes sur le trône aussi soudainement. Ils ignorent qui est réellement Vestar. Ils seront pris au dépourvu et devront réajuster tous leurs plans. Il y aura forcément quelqu'un pour les trahir face au changement du vent ou alors, ils iront trop vite.

- De toute façon, reprit Vestar, on ne peut y aller que pas à pas. Il y a trop de variables pour que l'on puisse tout prévoir. Il va falloir y aller progressivement.

Il y eut un silence. Alrek plongea son regard dans celui de Vestar qui lutta pour ne pas se détourner. Discrètement, Caspar les laissa, disparaissant dans l'étroit escalier derrière eux.

- Il faut vraiment en passer par là ? Que je prenne le trône ?

- C'est la seule solution. La plus directe.

- Je ne veux pas. Je ne veux pas monter sur le trône en sachant ce que ça implique. Je ne veux pas avoir à épouser une femme comme lady Rahel et être forcé de lui faire des enfants.

- Pour l'instant, tu as juste à prendre le trône. Avec tout ce qui va se passer, tu auras un délai pour trouver quelqu'un.

- C'est toi que je veux. Personne d'autre.

Il baissa les yeux, incapable de faire face à tant d'honnêteté. Il ignorait comment répondre à ça.

Alrek le força à relever la tête, les mains sur ses joues. Il plaqua sa bouche sur la sienne avec une colère rentrée et un désespoir qui le faisait trembler. Aussitôt, le corps de Vestar réagit. Il l'enlaça de son bras libre et le serra contre lui, lui rendant son baiser avec ferveur.

S'il devait être honnête avec lui-même, il détestait l'idée de voir Alrek se marier à Rahel ou à une autre lady. Il abhorrait cette idée du plus profond de son être. Il voulait le garder pour lui. Rester comme ça. Ce qui était impossible pour eux. Ils avaient des royaumes à récupérer, des ennemis à déjouer. Ils ne pouvaient pas se laisser aller dans les bras l'un de l'autre. Rien ne pouvait être aussi simple pour eux.

- Promets-moi de tout faire pour trouver une solution, le supplia Alrek. Je refuse de te perdre une seconde fois sans tout faire pour l'éviter.

- Je te le promets.

C'était une promesse qu'il ne briserait pas. S'il y avait une solution, aussi difficile qu'elle soit à atteindre, il la trouverait. Pour lui.

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NdlA : Alors ? Quelle issue pour Alrek et Vestar, d'après vous ? Y arriveront-ils ou pas ? Dites- moi tout en commentaire !

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