Chapitre 14

Trois semaines plus tard

Je n'ai plus de nouvelles de James.

Depuis plusieurs semaines je me dis que ça ne m’atteins pas, que je n’ai pas envie de le voir ou de lui parler de toute façon. Je le dis et le répète à Peter que je vois une à deux fois par semaine et à son mari Josh, que je vois chaque samedi, quand je vais dîner chez eux avec Dorian et Van Gogh. Je leur mens et je me mens quand je leur dis que je vais bien et que ça ne m’atteint pas de savoir que James est de nouveau avec son ex femme. Je leur mens quand je dis que je suis passée à autre chose. Je leur mens quand je leur dis que je ne pense même plus à lui. Je mens, car tout les soirs quand Dorian dort et que je suis seule sur mon canapé ou dans mon lit, je regarde mon téléphone et lis certains messages qu’il m’avait envoyé. Parfois quand je me sens vraiment mal je regarde même des photos de lui sur internet. Et je regrette automatiquement ma décision quand je tombe sur des photos de lui, avec elle, plus ou moins récente. Après ça j’ai encore plus mal et je m’endors en pleurant, pour recommencer le lendemain à mentir et à avancer avec un faux sourire au visage.

Mais Peter et Josh ne sont pas dupes et tentent toujours de me parler de lui. Selon eux quelque chose se trame, mais ils ne savent pas quoi. James refuse de leur dire quoi que ce soit sur le pourquoi du retour avec son ex-femme, tout ce qu’il leur a dit c’est de prendre soin de moi, comme si j’avais besoin qu’il demande ça à sa famille. Cela m’a pourtant rassuré qu’il leur demande ça plutôt que de leur demander de couper les ponts avec moi et d’arrêter de me parler. Il n’a donc pas découvert quoi que ce soit sur mon passé. Normalement.

Je suis à nouveau chez le couple pour passer la soirée et comme toujours j’évite quelconque sujet qui pourrait nous mener à parler de James, mais son frère ne compte pas exaucer mon souhait de ne pas entendre parler de lui et lance quand même la conversation en m’annonçant quelque chose que je n’ai pas envie d’entendre.

— Il a demandé de tes nouvelles et celle de Dorian aujourd'hui.

Je ne réponds pas. Ce n’est pas la première fois qu’il demande apparemment de nos nouvelles, mais je ne comprends pas pourquoi, moi je ne préfère rien savoir de lui. C’est mieux comme ça. Josh ne laisse pas mon silence le décourager et continue.

— Je lui ai bien sûr mentis en disant que tu allais bien.

Je réagis enfin et me redresse en lui lançant un regard noir.

— Je vais bien !

Peter s’en mêle finalement et se met évidemment du côté de son mari, aucun des deux n’a l’intention de me laisser m’en tirer ce soir, je pense qu’ils ont atteint leur limite de temps avant de m’obliger à réagir.

— Aisling, tu nous mens et tu te mens à toi même. On sait très bien que ça t’atteint même si tu dis le contraire, il y a quelque chose qui cloche avec James, on ne sait pas quoi, mais je suis sûre que tu pourrais le découvrir si tu l’appelles.  

— Il s'est remis avec sa femme, pourquoi je l'appellerais ? Je ne suis pas une briseuse de couple, il a fait son choix, Je le respecte.

Peter soupire et a l’air sur le point d’abandonner pour ce soir, mais Josh ne se laisse pas démonter et insiste.

— Tu devrais l’appeler parce qu'il était heureux quand il était avec toi et qu’il ne l’est pas avec elle. Ça se voit, il se force à être avec elle.

— Il sera heureux dès qu'il aura un enfant, c’est ce qu’il veut. Dorian n'était qu'une distraction pour lui.

— Ne dis pas ça, c'est faux et tu le sais, Dorian lui manque énormément, il me demande toujours s’il va bien et il veut tout savoir sur ses progrès.

Je regarde mon fils dans les bras de ce dernier et souris. En presque un mois il s’est beaucoup éveillé et a l'air de changer tout les jours. Mes deux nouveaux amis se sont rapidement proclamés tonton Josh et tonton Peter à force de côtoyer Dorian ce qui m’a touché plus que je l’aurais cru possible. J’ai l’impression, grâce à eux, qu’il commence enfin à avoir un semblant de famille et même s’il n’y a aucun lien du sang c’est aussi fort que pourrait l’être n’importe quelles familles biologiques. Je sors de mes pensées pour répondre :

— Il n'a qu'à m'appeler s’il a tellement envie d'avoir des nouvelles.

— Tu lui as clairement fais comprendre que tu ne voulais plus avoir à faire à lui, rétorque Peter.

Je m’apprête à répondre quand quelqu'un sonne à leur porte et m’empêche de dire quoi que ce soit. Peter se lève pour aller ouvrir pendant que je reste seule avec Josh et Dorian. On est dans le salon, je suis assise dos à l'entrée, mais quand je vois Josh lever les yeux et se figer de surprise je me retourne pour voir ce qu'il se passe et je pense avoir la même surprise quand je vois la scène qui se déroule sous mes yeux.

Peter vient de revenir, mais il n’est plus seul. Derrière lui, James le suit... accompagné de sa femme. James se fige et me regarde, apparemment il a l’air aussi étonné de ma présence ici, que moi de la sienne. J’aurais pu penser à un coup monté de la part de Peter et Josh, mais le malaise qui se sent à travers la pièce ne laisse pas de doute sur le fait qu’aucun des deux n’avaient prévus ça. James brise le silence pesant le premier quand personne ne se lance pour le faire.

— J'ai oublié mon téléphone ici ce matin, explique-t-il à son frère.

Il ne m'adresse pas la parole et n’ose pas regarder dans ma direction non plus alors que je ne peux pas détacher mon regard de lui. Peter et Josh ont raison, il n’a pas l’air heureux du tout, mais quand ses yeux se posent sur Dorian un grand sourire sincère apparaît finalement sur ses lèvres. Il s’avance lentement vers lui et me jette enfin un rapide coup d’œil, quand il voit que je le fixe il baisse aussitôt la tête et se concentre à nouveau sur mon fils. Il s'accroupit devant Josh qui tient toujours Dorian contre lui, puis se retrouve à la hauteur de la petite bouille avant de tendre sa main pour lui caresser la joue.

— Bonjour bonhomme. Qu'est-ce que tu as grandi.

Dorian attrape son doigt quand James recule sa main et lui souris. J'ai le sentiment qu'il se souvient de lui-même si ça me paraît impossible, ils ne se sont pas suffisamment vus pour que mon fils ait de souvenir précis de lui.

Quelqu'un derrière moi se racle la gorge et interrompt la scène qui se déroule devant mes yeux.

— On me présente ? demande la femme qui accompagne James.

Ce dernier se redresse alors comme s’il se rappelait d’un coup de sa présence et fait les présentations visiblement à contrecœur. Il me regarde un instant et un voile de tristesse passe dans ses yeux, mais disparaît aussi vite qu’il est venu.

— Emma, voici Aisling et son fils Dorian. Aisling, c’est Emma, mon ex-femme.

— Petite amie sonne mieux qu’ex-femme, répond-t-elle tout sourire. Quel mignon petit bébé, lâche-t-elle ensuite très faussement en regardant Dorian.

La situation devient vite vraiment insoutenable et tendue. Peter n'arrange en plus pas les choses en invitant les deux arrivants à rester boire un café. James accepte avec plaisir tandis qu’Emma rechigne, mais finis par céder. Ils s’assoient tout les deux, côtes à côtes sur un canapé libre. C’est insupportable pour moi de les voir ensemble et je tente par tous les moyens de les ignorer et de ne pas regarder dans leur direction, mais James qui m’adresse la parole fait envoler toute mes résolutions.

— Comment tu vas Aisling ?

— Très bien.

Je réponds puis serre les dents, je sens les larmes proches, mais je refuse de craquer. Je n’ai pas envie de lui parler et surtout pas alors qu'il est en compagnie de cette femme qui pue le dédain à des kilomètres. Peter me sauve d’une conversation gênante en arrivant enfin avec des cafés pour James, Emma et Josh et les distribue avant de s'installer à côté de son mari qui n’a pas l’air plus à l’aise que moi et préfère s’amuser avec Dorian.

— Aller Dorian viens voir tonton Peter pendant que tonton Josh boit.

James regarde son frère puis me regarde avec un air que je n’arrive pas déchiffrer.

— Tonton Peter et tonton Josh, hein ?

— Oui, deux hommes qui vont rester dans sa vie pendant longtemps et ne pas partir à la première occasion, alors ils peuvent se considérer comme tels.

Je sais qu’il comprend très bien l’allusion, mais il baisse la tête vers son café et ne répond pas. Puis son regard se pose de nouveau sur Dorian avant de nouveau s’ancrer au mien. Je vois bien qu’il hésite à me demander quelque chose, il se lance après un instant.

— Est-ce que je peux le prendre ?

Je jette un coup d’œil à Peter qui me regarde pour avoir une réponse, mais je ne peux pas. L’idée de voir mon fils dans les bras de James me fou un coup qui me fait un mal de chien. Les souvenirs que j’ai d’eux deux ensembles sont déjà suffisamment douloureux pour en rajouter une couche. Je me lève alors et récupère mon fils sous quatre paires d’yeux qui me scrutent.

— Désolée, c'est l'heure de le changer puis qu'il aille dormir. Je peux le remettre dans la chambre ?

Je me tourne vers Josh et Peter qui acquiescent. Je n’attends pas longtemps avant de me diriger vers l'étage où j'ai posé plus tôt dans la journée le sac à langer de Dorian. Le couple a déjà prévu la chambre de leur futur bébé, quand je viens ici j’ai tout ce qu’il faut pour mon fils puisque les deux m’autorisent à utiliser le lit et la table à langer, ça me permet de voyager plus léger quand je viens passer des journées entière chez eux.

Alors que je monte les marches j'entends Emma parler et mes poils se hérissent aussitôt.

— Je vais monter avec elle, autant m'habituer de suite puisqu'on va en faire un.

J’entends James essayer de la dissuader, mais ça ne fonctionne clairement pas puisqu’elle me rejoint là haut à mon plus grand désespoir. Elle entre dans la chambre pendant que je commence à changer la couche de Dorian.

— Ça pue, c'est une infection ! lance-t-elle à peine arriver.

— Désolée mon fils ne chie pas des roses.

Je suis aussitôt sur la défensive, je sais qu’elle ne m’a rien fait, mais il est hors de question qu’elle parle de mon fils. Je ne la sens pas, qu’elle soit avec James ou non, si je l’avais croisé dans la rue j’aurais tout de suite senti à quel point c’est une femme abjecte. Elle me lance d’ailleurs un regard tueur et m'observe à distance.

— Je sais très bien qui tu es, dit-elle enfin en brisant le silence.

Je ne réponds pas et pose mon fils dans le lit quand j’ai terminé de m’occuper de sa couche.

— Tu es la petite conne qui pensait pouvoir me voler mon mari.

Je me tourne vers elle surprise de ce qu’elle ose me dire, mais ne me démonte pas. Si elle pense pouvoir me faire mal elle se trompe de personne, des insultes comme ça j’en ai entendu pendant longtemps, ils ne m’atteignent plus et je suis loin d’avoir envie de m’écraser devant elle.

— Premièrement, c’est votre ex mari. Deuxièmement, je n'ai volé personne puisqu'il est visiblement avec vous. Et troisièmement, si vous penser m’atteindre en me traitant de quoi que ce soit, vous vous trompez.

Mes mots ne l’arrêtent pas, elle se fiche clairement de ce que je lui dis et avance d’un pas dans ma direction avant d’à nouveau attaquer.

— Ce ne sera plus mon ex pour longtemps. Ne crois pas que tu aies une seule chance avec lui, j’ai réussi à le faire revenir et l’éloigner de vous deux, je peux faire ce que je veux.

— Je ne crois rien du tout. Vous êtes ensemble alors pourquoi venir m'agresser ? Je n'ai pas parlé à James depuis un moment alors je ne vois pas ce que vous avez à me reprocher.

— Il ne fait que de parler de toi et ton gamin dès qu'il est au téléphone avec son frère, je l'entends. Je l’ai pourtant prévenu qu’il devait arrêter.

Je commence à en avoir marre de son charabia, je ne comprends pas pourquoi elle vient s’en prendre à moi si James parle de nous à son frère, je n’y suis pour rien, je ne l’oblige à rien.

— Et c'est de ma faute parce que... ?  

— Parce que tu l'as attiré avec ton gosse.

— Bien sûr, j’ai tout prémédité, mon fils était un appât, vous avez d’autre connerie du genre ? Vous allez en faire un et il nous oubliera mon fils et moi à la seconde ou vous lui direz que vous êtes enceinte alors je ne vois pas de quoi vous avez peur. Comme vous l’avez dit, vous pouvez faire ce que vous voulez alors ne me mettez pas dans vos histoires.

Elle se marre et croise les bras sur sa poitrine, faisant ressortir les faux seins qui se cache sous son décolleté.

— Si tu crois vraiment que je vais faire un mioche tu rêves ! Jamais cela n'arrivera, mon corps et ma carrière sont trop important, mais à un moment où un autre je vais lui faire croire que je suis enceinte, puis perdre le bébé, il s'en voudra suffisamment pour ne plus jamais me quitter.

— Il va vite le savoir.

— Tu ne lui diras rien, il ne te croira jamais et même si c’était le cas il ne peut pas partir, il est bloqué et il le sait.

Je fronce les sourcils à sa dernière révélation, pourquoi James serait bloqué avec elle en sachant qu’elle ne veut pas d’enfant. Elle sourit car elle sait qu’elle a piqué ma curiosité, elle s’approche à nouveau de moi et se plante à quelques centimètres comme pour me révéler un secret.

— Si tu ne veux pas que sa carrière soit entaché d’un scandale, parce que tu ne m’auras pas écouté,  tu vas disparaître de nos vies toi et ton sale petit batârd de fils.

Je n’ai même pas le temps de penser à ce que je vais faire que ma main se lève pour lui mettre une gifle dès que j'entends ce mot. Elle me regarde effaré, puis sans même essayer de se défendre ou de dire un mot elle sort de la chambre avec un sourire diabolique aux lèvres. Je ne suis pas violente, je me suis jurée de ne jamais l’être peu importe les circonstances, mais je n’ai pas pu m’empêcher de  la toucher quand ce mot est sortie de ses lèvres. Mon fils n’est pas un bâtard, il a un père qui l’a toujours voulu même s’il n’a pas eu l’occasion de le connaître et je ne supporterais jamais que quelqu’un ose dire ça de lui, je le défendrais toujours pour ça.

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