V. Proposition.

| R Y U Z A K I |

J'ai tout essayé. Mais il a suffi d'une seconde d'inattention pour que tout espoir de remettre l'affaire Kira sur les bons rails ne s'échappe. Les inspecteurs m'ont relayés le temps que j'aille chercher d'autres dossiers qui pourraient faire flancher Néo. L'enquête menée sur elle par mes soins remontait jusqu'à ses parents. Sauf qu'en revenant, j'entendis des éclats de voix anormaux. Les papiers en main, je vis la cellule d'enquête se disputer. La porte grande ouverte, Néo m'aperçut. J'aperçus un sourire vainqueur se dessiner sur ses lèvres qui formèrent une phrase probablement murmurée.

« J'ai gagné. »

Soichiro Yagami m'informa que Matsuda avait laissé son téléphone sur la table pendant qu'il retournait discuter avec les autres. Mon suspect numéro deux s'en était saisi et avait informé le FBI. Quand je compris la situation, le premier réflexe me venant fut de cacher le dossier de Néo. Et en l'espace de quelques minutes, le bâtiment se retrouva infesté par les fédéraux. Ils bandèrent les yeux de Néo et la menottèrent mains dans le dos. Incapable d'intervenir, ce jour-là, j'ai regardé toute une affaire s'écrouler. Light ainsi que Misa marcher libre, pendant qu'une autre payait pour leurs crimes. Watari, tout aussi révolté que moi, trouva le courage de me rassurer. Il me répétait que tout ça, ce n'était pas ma faute. Mais je ne pouvais continuer de vivre en sachant que je regardais une gamine de dix-huit ans être envoyée au couloir de la mort. Mes appels auprès du chef des fédéraux furent ignorés. Ils tenaient leur suspect. Leur tête de turc. Et à ce stade, n'importe qui leur allait.

J'ai tenté de visiter Néo. Elle a refusé de me voir. On ne lui offrit aucun procès équitable. Ses aveux signés suffirent. Ainsi, la date de son exécution se trouva fixée quatorze jours plus tard. Cette situation me rendait malade. Watari essayait de me maintenir la tête hors de l'eau. Malgré son aide, je me sentais couler avec mon suspect numéro deux. L'erreur judiciaire dont je semblais être le seul à supporter le poids me donna presque des idées noires. Et, le soir avant la mise à mort de Néo, je pris la décision la moins sensée de ma carrière.

Après avoir soudoyé les gardes de nuit, mes pas me menèrent vers les cellules du couloir de la mort. Ma marche s'arrêta devant celle indiquée plus tôt. J'ouvris l'immense porte en fer qui émit un bruit monstrueux. Mes yeux se posèrent sur mon ancien suspect qui ne dormait pas. Assise en tailleur, dos contre son lit, la surprise se lisait sur son visage. Je poussais ainsi la porte contre le mur.

— Ryuzaki ? murmura-t-elle.

— Une voiture attend dehors. Sors d'ici avant d'être exécutée pour les crimes d'un autre.

Aucune réaction. Son corps ne bougea pas d'un poil. Elle soupira longuement.

— C'est trop tard, répondit-elle.

— Non, ça ne l'est pas. Pitié, sois raisonnable. Ce que tu fais est irréfléchi.

— Et toi ? Trouver le moyen d'entrer à l'intérieur d'une prison haute sécurité pour me faire évader ? Comment comptes-tu t'y prendre ?

— L'argent corrompt les cœurs. Avec le bon montant et ta coopération, tu changes de pays avant l'aube.

Je sortis un papier de ma poche et m'approchai d'elle. Accroupi, je glissai le tout à l'intérieur de sa tenue de prisonnière. Mais encore une fois, je faisais fausse route. La jeune femme se leva pour s'approcher de moi. Ses pas en ma direction m'obligèrent à reculer. Son regard, déterminé, ne se détacha pas du mien. Sans que je ne m'en rende compte, j'étais déjà hors de la cellule.

— Je t'en prie, murmurai-je. J'ai appelé quelqu'un en Angleterre, je ne vérifierais pas si tu es en vie ou pas.

— Tu as perdu, Ryuzaki. Accepte-le.

— Écoute-moi !

Mes mains saisirent ses épaules. Ce tourbillon émotionnel se déchaînait, alors que je réalisais l'inutilité de ma position. Ma voix, incapable d'atteindre ceux qui me tenaient en estime, persuadé de me voir sombrer tête la première dans la folie. Je n'étais pas fou. Et que personne n'arrive à me comprendre laissa entrevoir le tréfond de la frustration infinie qui me ronge encore aujourd'hui.

— Prends cette voiture qui t'attend dehors et ne te retourne pas. Considère au moins mon souhait.

L'expression sur la physionomie de mon ancienne suspecte termina d'achever les espoirs que je refermais entre mes doigts depuis ces dernières semaines. Elle ne viendrait pas. Sa décision était déjà prise.

— Rentre, souffla-t-elle. Laisse-moi accomplir mon devoir envers toi.

Ses paumes se posèrent sur mes joues. Le cliquetis de la chaîne brisa le silence. Horrifié, je ne pus rien dire. Mes lèvres restèrent scellées face au sourire accompli de Néo. Elle me relâcha, me poussa vers l'arrière avant de refermer la porte de sa cellule.

Les émotions qui me parcoururent furent trop violentes. Incapable de réagir, je pris simplement le chemin inverse d'un pas presque nonchalant. Les autres prisonnières du couloir de la mort tapaient contre les murs, essayaient de m'interpeller mais je ne répondis rien. Ma marche me mena jusqu'à la voiture où j'ouvris la portière. Le dossier de Néo figurait sur le siège. Je m'en saisis, refermai derrière puis tapai sur le toit. Le chauffeur démarra et disparut dans la nuit. De ma poche, je sortis un briquet. Une fois allumé, j'approchai la flamme du papier qui prit feu. Les seules preuves à son encontre, le secret de sa vie si bien gardé. Tous les noms qu'elle avait empruntés jusqu'à aujourd'hui ne tomberaient entre les mains de personnes d'autre. Le monde ne connaîtra que Néo, le criminel, Kira. Et le secret de ton innocence sera mon fardeau. 

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