La mort

Ce soir-là j’ai perdu quelqu’un qui signifiait tout pour moi. C’était une nuit blanche, cachée sous mes couvertures à trois heures du matin, craignant que mes parents ne découvrent que je ne dormais pas, je parlais à mon meilleur ami, celui dont la vie ne lui avait montré que ses plus sombres côtés. Il était fatigué. Il croyait que sa mort serait plus paisible que sa vie, il n’avait plus fois en rien. Mais jamais une personne morte n’est revenue à la vie, jamais personne n’a pu confirmer que la mort était plus douce que la vie. Alors qu’est-ce qui nous garantissait que le trépas serait la fin de nos souffrances ? Peut-être cela ne faisait-il qu’arrêter d’empirer... J’ai senti les frissons me parcourir et le froid s’installer en moi malgré la chaleur étouffante qui régnait sous mes draps. Cette nuit-là, mon meilleur ami avait choisi de rejoindre l’éternel bien avant que son âme ne le veuille et rien n’aurait pu le détourner de cette idée, pas même ma propre vie.

"Je vais te libérer de mon existence et de tout mes problèmes avec, merci d'avoir toujours été là pour moi"

Depuis lors toutes les traces de lui ont disparu, jusqu’à son compte devenu vide, il n’y avait plus la moindre existence derrière cet écran. J’étais perdue, le cœur serré, les mains tremblantes, je ne parvenais même plus à voir mon écran. Ma vue brouillée par l’océan de larmes qui remplissait mes yeux, je ne pus trouver le sommeil. Cette nuit-là j’ai espéré sans relâche qu’il change d’avis, qu’il revienne sur sa décision, qu’il choisisse de préférer sa vie avant qu’il ne soit trop tard. Avant qu’il ne prenne l’irréversible décision de l’abandonner, qu’il ait une lueur d’espoir, quelque chose, n’importe quoi, qui le pousserait à continuer encore, à ne pas laisser tomber. Mais au fond de moi je savais bien que c’était impossible. Je savais à quel point il souffrait, je savais que si j’avais été à sa place, j’aurais fait n’importe quoi pour mettre fin au chaos d’une telle existence.

La mort n’est rien de plus qu’un moyen d’échapper à la douleur d’une existence devenue trop lourde à supporter. Lorsque la vie devient plus effrayante que la mort, à quoi bon continuer à vivre ? Respirer, c’est exister. Avoir un nom, c’est exister. Connaître des gens, c’est exister. Mais rien de tout ça ne signifie vivre réellement. Exister est une évidence en soit, un principe naturel et biologique, mais vivre représente bien plus que cela. Cela demande à avoir un cœur qui réagit à toute émotions, des passions, des buts, quelqu’un pour qui tu comptes et qui t’aimera aussi bien durant ta vie qu’après ta mort. Mais mon meilleur ami lui, ne faisait qu’exister.


Souvent les gens ont tendance à penser que les personnes suicidaires sont égoïstes. Parce qu’elles pensent à leur déprime avant de penser à ce que ressentiront ceux qui les aime. Mais personne n’essaie de se mettre à leur place, d’imaginer ne serait-ce qu’une fraction de seconde ce qu’elles ressentent vraiment. Peut-être que la mort n’est pas un bon moyen d’échapper à sa réalité mais c’est de loin le plus efficace.

Le froid qui s’était installé en moi cette nuit-là avait vidé mon être de toute émotion. Je n’ai même pas tenté de les retenir. Certaines étaient en fuite, d’autres me regardaient paniquer sans rien faire et les dernières se disputaient à propos de laquelle d’entre elles je devais ressentir. C’est mon incapacité à faire un choix, à réaliser aussi, qui m’avait vidée de toute émotion.

Mais la nuit ne me laissa pas le temps de me ressaisir. Bien trop vite, les rayons brulants du soleil, que je ne voyais pourtant plus aussi lumineux qu’avant, ont pris la place de la nuit sombre et froide, semblable à ce que je ressentais au plus profond de moi. Mes parents ont fini par se réveiller mais je ne me sentais pas le courage de faire quoique ce soit, et j’ai lu sur leur visage que je n’aurais pas besoin de leur inventer une excuse pour rester chez moi toute la journée.

Les jours qui ont suivis se sont ponctués de nuits longues et difficiles où le sommeil me refusait la moindre seconde de répit. Je n’ai eu de cesse de me le demander. Devais-je moi aussi rejoindre mon ami dans les ombres ? Avant cette tragédie j’aimais bien cette vie, j’y tenais et n’y aurait renoncé pour rien au monde mais qu’en était-il désormais ? Je ne vivais plus. Je ne faisais plus qu’exister. Combien de temps allait durer ce doute, combien de temps serais-je moi aussi attirée par l’autre côté ? Finirais-je par laisser tomber à mon tour, serais-je un jour moi aussi forcée d’abandonner ? Je me suis demandé tout ça, pendant très longtemps, mais pas seulement. Je me suis aussi demandé si cela allait s’arrêter un jour, si je pourrais revenir à la vie après ce qu’il s’était passé. C’était cette réflexion qui avait manqué à mon meilleur ami, cette idée qu’un jour, tout cela ne deviendrait qu’un mauvais souvenir. Oui. Il lui avait manqué cette lueur d’espoir à laquelle moi de mon côté, je m’étais raccrochée de tout mon être.

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