Tentative d'amnésie

Isham

Quand les grilles de la prison s'ouvrent dans un bruit sourd, je souris. Enfin dehors ! Je balance mon sac sur mon épaule, rejoins Kinsha jusqu'à sa bagnole où sa lampe de taxi est allumée. J'ouvre la portière, me laisse tomber sur le siège passager et échange un check avec elle, suivi d'une accolade.

- Merci d'être venue me chercher.

Elle tchipe et démarre, je brandis mon majeur vers l'enceinte pénitentiaire.

J'ai été arrêté à l'aube qui a suivi mon baiser avec la brune. Elle était encore dans mes rêves quand un vacarme assourdissant m'a réveillé, quand les condés sont entrés à plusieurs dans l'appartement, faisant hurler ma mère, faisant battre mon cœur un peu plus vite. Corps plaqué sur le lit par deux flics, j'ai été menotté alors qu'ils ont fouillé ma chambre comme des acharnés. Malheureusement pour eux et heureusement pour moi, Malo ne m'avait pas donné de marchandises et avait récupéré le fric de mes ventes. C'est bredouille qu'ils m'ont ramené au poste, c'est comme un con que j'ai appris que le magistrat ordonnait mon maintien en cellule pour dégradation sur véhicule. J'ai pris un mois pour cet enfoiré de Yoko, mais j'aurais pu prendre beaucoup plus si j'avais de la came ou du fric avec moi parce qu'ils savent très bien ce que je fous de mes nuits.

Je demande à Kinsha des nouvelles du quartier, elle me dit que rien n'a changé, que Bri a repris mon point de vente, que celles-ci ont un peu chuté. Je fronce les sourcils, quand elle ajoute :

- En même temps, on est en train de se faire bouffer par les Lycanto. On a besoin de plus d'armes dans les rues, de plus de moyens et seulement après on pourra récupérer du terrain. Je sais que Sam avait une réunion avec Lil aujourd'hui, et qu'ils allaient avec d'autres types, se pencher sur la question.

- Déclencher une guerre de territoires, hein ?

- Ouais...

Elle soupire en repoussant ses tresses derrière son épaule. Je n'ai jamais été fana des guerres de territoires parce que ça veut dire qu'on entre dans une période compliquée durant laquelle chaque personne doit se méfier, se calfeutrer, éviter de se balader seul. Il y aura des morts de leur côté, mais on en aura aussi du nôtres, faut pas se leurrer.

- File-moi un oinj.

Kinsha se penche, ouvre la boite à gants et sort un pacson en contenant plusieurs déjà roulés et j'en allume un.

- Faut que tu m'amènes chez Sam, je dois récupérer de la marchandise.

- Ça marche.

*

JK m'a dit qu'ils étaient tous sur le parking de la superette et j'ai directement pensé à Malory. Est-ce qu'on lui a dit que j'avais été arrêté ? Ou a-t-elle osé se repointer chez moi ? J'espère que non, qu'elle ne se soit pas encore rappliquer alors que je n'étais pas là pour surveiller ce qu'elle avait le droit d'entendre ou pas. Après m'avoir déposé chez moi, Kinsha repart et c'est avec plaisir que je lui ai promis de la rejoindre sur le parking, dès que j'aurai parlé à ma mère. En entrant dans l'appartement, je ne la trouve pas, mais tombe sur un mot qu'elle a posé en évidence sur la table de la salle à manger, à ma place.

Je suis partie quelques semaines chez Yoko. Je t'appelle demain. Bisous Maman

J'en ai le ventre noué, mon poing se resserre autour de ce mot à la con et je le balance à travers la pièce. Est-ce qu'elle m'évite ? Ma mère a toujours été présente pour mes sorties. Elle me prenait dans ses bras, m'engueulait, avant de fondre contre mon torse. Et pour la première fois qu'elle n'est pas là, je me sens con. Con de ne pas savoir quoi faire sans elle alors que je devrais me ruer sur le plat qu'elle m'aurait préparé pour ma libération, que je devrais lui raconter comment c'était, et lui faire de fausses promesses en jurant que je ne recommencerai plus, que je ne fauterai plus. 

Je me dirige vers la salle de bains, prends une longue douche et me brosse les dents avant de me rendre dans ma chambre. Dès que j'y mets un pied, je revois Malo, allongée sur le sol qui sépare la commode du lit. Je me revois sur elle, ses poignets dans mes mains, ma bouche sur la sienne, balaie ses images d'un froncement de sourcils. En prison, Sam est venu me rendre visite. Sa présence n'était pas méchante, mais n'était pas bienveillante non plus. Ma mère lui avait dit pour Malo et moi, pour cette soirée. Après avoir pris de mes nouvelles, son air était redevenu sérieux, vorace derrière la vitre du parloir. Et c'est là qu'il m'a clairement dit de ne plus jamais toucher à sa nièce. Il me l'a hurlé, a exigé que je reste loin d'elle, que je ne pose plus jamais le moindre petit doigt sur la brune, et comme un connard d'arrogant, je l'ai laissé me déblatérer sa connerie en le fusillant du regard. Et pourtant, Samuel ne sait absolument pas ce que j'ai fait, ni comment je l'ai choppée par la gorge pour la plaquer contre ma caisse, ni comme je l'ai embrassée en jurant de ne plus jamais recommencé. Il sait juste que je l'ai trainée par le bras pour l'enfermer dans ma chambre, que j'lui ai crié dessus, qu'elle s'est débattue, qu'elle m'a envoyé chier mais il ignore l'attraction que je ressens pour sa fichue nièce.

J'ai pu respecter ma parole durant un mois.

Simplement parce que je n'étais pas là.

Mais maintenant que je suis de retour à Dorcoast, je ne sais pas comment je vais réussir à jouer l'amnésique.

*

Plusieurs voitures sont garées sur le parking quand j'arrive. Bri saute de son capot, et rejoint par Charlie et Kinsha, vient m'accueillir.

- Salut mec !

On s'échange une accolade, puis on reprend notre vie comme elle l'était, sans parler de la taule, sans causer de mon arrestation, sans évoquer nos emmerdes. On se partage la beuh, les bouteilles d'alcool et les joints tournent entre nous. Petit à petit, les membres se barrent, jusqu'à ce que je sois seul avec Kinsha. Mon regard ne quitte pas la porte de la superette, attendant avec impatience que Malo sorte, qu'elle croise mon regard, que je me noie dans le sien.

- T'es vraiment à fond sur cette meuf, rit-elle en avalant un comprimé d'Extasy.

- Détrompe-toi, sifflé-je en me penchant vers elle, je n'ai pas le droit de l'approcher tellement je suis méchant avec ce petit être fragile.

Elle se marre alors que je me tends.

- Excuse-moi, j'avais oublié que tu fais toujours ce que Sam te demande de faire.

Mes lèvres s'étirent imperceptiblement. C'est vrai que je n'en ai jamais rien eu à foutre de ce qu'on exige de moi, mais je sais que quand ça concerne sa nièce, Sam ne plaisante pas. Si la vitre du parloir n'avait pas été en verre trempé, il m'aurait explosé la gueule après l'avoir brisée.

- Sam a raison, mec, reste loin de ce genre de meuf. Elles sont trop désaxées par rapport à nous.

Je prends des mains de Kinsha la bouteille de Whisky, en avale une gorgée à l'instant où Malory sort du magasin.

Jeretiens mon souffle quand ses yeux surpris croisent les miens. Je respire quandje vois qu'elle part de l'autre côté, vers la Jeep, jure sous les moqueries deKinsha quand elle fait demi-tour et vient vers moi.


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