La brute qui a besoin de tendresse
Isham
Sourire timide.
Mais pas tellement.
Dans ses yeux brillent quelque chose tissé de complexités.
La supplication, la revendication.
L'intimidation, l'audace.
L'espoir, l'appréhension.
Elle me rend dingue, complètement, et moi, je suis subjugué, comme un con, à ne pas savoir comment agir.
Parce qu'elle est vierge, putain !
Jamais je n'ai eu le rôle du premier, et je ne voulais pas l'avoir pour qui que ce soit. Parce que ça donne cette place, celle qui compte, celle qu'on oublie jamais, ou celle qu'on garde en mauvais souvenir.
Je repense à tout ce que je lui ai dit, à ma façon de l'embrasser, à celle que j'ai de lui parler, à ses gémissements quand elle me sentait bander contre elle. Putain...
Et si je foirais ça ? J'ai une pression de dingue, et pourtant, cette pensée s'évanouit dès qu'elle ramasse ses affaires pour sortir de ma chambre.
- Attends...
Je bondis de mon lit, lui barre la porte de ma chambre pour l'empêcher de sortir. Ses joues prennent une teinte légèrement rosée quand je prends les vêtements de ses mains, que je les dépose sur la commode, que d'une main je l'attire contre moi. Je ne parle pas, et elle non plus. Je crois qu'on n'a pas besoin de forcément mettre des mots sur ce qu'on veut faire, ni même sur ce qu'on ressent.
Elle retient son souffle juste avant que je ne l'embrasse.
Doucement.
Comme si elle allait se briser sous mon assaut, sous ma bouche, sous mon désir.
Sa bouche s'entrouvre quand elle me rend mon baiser, je frémis sous ses doigts qui se faufilent timidement sous mon t-shirt, j'approfondis mon baiser, grogne dans sa bouche. Je veux qu'elle me touche partout, que ses mains me caressent, qu'elle m'ensorcèle encore et encore, qu'elle me fasse oublier la merde qui se joue dehors. Je m'écarte d'elle, savoure son regard quand j'enlève mon t-shirt. Ses yeux se baladent sur mon torse, sur les dessins, les écritures et les cicatrices qui l'ornent. Elle n'a pas le temps de remonter ses iris vers les miens puisque je l'attrape par la nuque, et brutalement cette fois, je l'embrasse, lui arrachant un geignement. Je nous fais tomber sur le lit, me délecte d'être entre ses jambes, adore ses mains dans mon dos. Mes lèvres quittent les siennes, parcourent la peau de son cou, remontent sur sa mâchoire, et je reprends possession de sa bouche, mes mains glissent par-dessous le t-shirt qu'elle porte, s'agrippent à ses hanches pour ne pas aller plus haut. Ma queue me fait mal tant j'ai envie d'elle. Elle gémit. Elle gémit et c'en est trop. Je ne vais plus pouvoir m'arrêter.
Je m'arrête, me relève et sors de la chambre, la laissant en plan dans mon lit.
Je m'enferme dans la salle de bains, ouvre le robinet de la douche, me fous à poils, grimpe directement dans la cabine sous l'eau gelée qui n'a pas eu le temps de chauffer. Tout de suite, l'eau glacée me débarrasse de cette chaleur incandescente qui me brule de l'intérieur.
- Fait chier, putain !
Je jure plusieurs fois, frappe de mon poing dans les faïences, me branle pour ne pas ressortir d'ici et m'en foutre d'être doux, d'être son premier, d'être dans mon lit pour la prendre brutalement. Je ne veux pas la brusquer, ni même lui faire mal, encore moins lui laisser des marques qu'elle regrettera.
Quand je sors de la salle de bains, que je me dirige vers ma chambre, Malo n'est plus là, sur mon lit. Je vais dans le salon, la retrouve assise sur le canapé, les jambes recroquevillées, à ma place.
Son regard fuit le mien et sans que je ne comprenne le pourquoi, je ressens le besoin de lui dire la vérité.
- Je ne veux pas être ton premier.
Elle relève la tête dans ma direction, l'air surpris dans les yeux. Putain... Si je n'avais aucun respect pour elle, je la baiserais, là, maintenant, sur ce canapé juste pour qu'elle comprenne que ce n'est pas de sa faute.
- Et je suis censée faire quoi de cette information ?
Elle a dit ça d'une voix tellement contenue que je comprends qu'elle est énervée. Et pourtant, si elle savait comme je me comporte au pieu avec d'autres, elle me comprendrait, me remercierait. Les femmes, je ne les prends pas dans mon lit, jamais. Je ne leur fais pas l'amour tendrement, je n'y vais pas doucement. Je prends ce que je veux prendre, même si ça doit me couter de donner un peu et je me casse.
- Ce que tu veux. Je te disais un fait, c'est tout.
Je prends mon paquet de clopes, ouvre la fenêtre, m'allume une cigarette, regarde le parc devant les tours pour échapper à ses yeux.
- Donc si je comprends bien, faut que je me fasse un autre pour...
- Ce mec-là sera un homme mort.
Elle se tait alors que j'observe son reflet dans la vitre du salon. Elle fronce les sourcils, secoue la tête lentement. Pourquoi est-ce qu'elle est si belle ?
- T'es lourd, Isham. Tu veux me baiser mais pas être le premier. Tu veux que sexuellement j'en ai un autre, mais tu dis que le jour où...
Blablabla. Je sais bien que ça n'a aucun sens mais je ne l'écoute déjà plus. L'idée qu'elle s'envoie en l'air avec un autre me révulse, même si j'ai conscience qu'un jour, elle connaitra un mec avec lequel elle bâtira sa vie, se construira un avenir.
La brune se relève, me jette un dernier regard que je reçois comme un coup de poignard, sort de la pièce. Je décide de la laisser tranquille, finis ma sèche. Rien ne sert de la suivre, de parler, de lui expliquer. Elle ne comprendrait pas mes réticences et chouinerait comme toutes les autres qui aiment croire que chaque homme est capable de douceur.
*
Il fait encore noir quand j'ouvre les yeux, mais je suis aveuglé par la télé laissée allumée. J'ai fini par m'endormir sur le canapé, épuisé à trop penser. J'éteins l'écran plat, me lève, embarquant avec moi le plaid du canapé, ouvre la porte de ma chambre.
Malo est là, dans mon lit de gosse, sous mes draps, le visage vers le mur. Cette image est étrange, presque dérangeante. Jamais une nana n'avait pieuté chez moi, encore moins sur le matelas que j'ai depuis pas mal d'années. Le réveil sur la table de chevet indique qu'il n'est pas encore trois heures du mat. Je ferme la porte, la repousse doucement vers le mur pour me faire une place, dépose ma tête sur l'oreiller après avoir rassemblé ses cheveux éparpillés. Elle soupire et lentement, pour ne pas la réveiller, je pose mon bras sur sa taille.
- Tu peux te mettre en-dessous des draps...Mon vagin de pucelle ne va pas te bouffer tu sais...
Je ris.
Parce que je ne m'attendais pas à ce qu'elle parle, ni même à ce qu'elle ose me dire quelque-chose de la sorte. Je soulève les couvertures, m'y mets, me colle contre son cul divin, la resserre contre moi en posant mon bras sur la peau dénudée de son ventre. Elle a tout pour me plaire. Absolument tout. Et pourtant, je ne fais que déconner avec elle, à cause de ce que je suis, à causse de ce qu'elle est, à cause de son futur départ.
- Je ne voulais pas te faire de peine, chuchoté-je.
Comme elle ne répond pas, je n'insiste pas, ferme les yeux en respirant l'odeur fruitée de ses cheveux. Et c'est la vérité. Je ne veux pas la blesser, ni même qu'elle s'imagine ne pas être à la hauteur.
J'inspire quand ses doigts se mêlent aux miens, sur son ventre et je comprends que c'est sa façon à elle d'accepter, de me comprendre. Faut que je dorme. Bordel faut que je dorme.
*
Je suis parti de l'appartement bien avant que Malo se réveille. Évidemment, je n'ai que très peu dormi, me concentrant de toutes mes forces pour ne pas bander dès qu'elle remuait son popotin contre moi. Quant à elle, elle a dormi à poings fermés, lovée dans mes bras, le corps réchauffé par le mien qui ne pouvait plus réguler sa température de la faute à ce trop pleins de tentations.
Je m'arrête devant chez Sam, les muscles tendus. Je n'avais jamais ressenti d'animosité envers lui, et lui n'en avais jamais eu non plus pour moi. Puis sa nièce a débarqué dans nos vies et dans ses valises, son putain de regard et son fichu caractère. Alors forcément, à chaque fois que je me ramène ici, mon stress grimpe en flèche. Et pourtant, si je veux gravir les échelons, je ne peux pas me contenter de bien vendre, ni de rapporter la blinde de frics. Je dois le convaincre, je dois lui montrer ma loyauté, mon honnêteté, mon respect.
Mais ça devient compliqué quand il se dresse entre Malo et moi, tel un mur infranchissable. Je descends de ma caisse quand celle de Kinsha se gare devant la mienne.
- Yo, mec.
On échange une accolade et je lui prends le joint qu'elle fume pour en tirer une latte.
- Prête à faire son sac ?
- Génial...
Kinsha lève les yeux au ciel alors que je me marre. Si je pouvais, je la ferai moi-même cette valise, lui prenant uniquement les sous-vêtements qui me plaisent vraiment... Ou pas.
Je me renfrogne et Kinsha me donne un coup dans le ventre en se postant devant moi.
- Alors, mec... t'as sorti le matos ?
Elle rit, le visage éblouissant de taquinerie et je grimace, continue d'avancer tandis qu'elle marche à reculons. Kinsha est une meuf extra, qui ne va jamais par quatre chemins. Elle sait tout de moi, de mes blessures, de mes rêves, de ma façon de voir la vie comme je connais chaque chose la concernant. Ses chagrins, je les ai consolés. Ses peines de cœur, je les ai balayées. Ses fou-rires, je les ai partagés. Elle est la sœur que je n'ai jamais eue, l'unique fille avec laquelle aucun malentendu ne peut exister, avec laquelle je peux parler comme à un pote puisqu'elle en est un.
- Me dis pas qu'elle t'a laissé la béquille entre les jambes !
Elle éclate de rire quand je la pousse, contenant mon sourire.
Nous grimpons les deux marches du porche et je pose mon doigt sur ma bouche avant de lui octroyer un clin d'œil. Je frappe à la porte, entre et tombe nez à nez avec Sam, assis sur son fauteuil, arme dans la main gauche.
- Salut les jeunes.
Kinsha remonte directement le foulard sur son visage et je recule pour enfiler le mien. Un blanc, chauve, est assis sur le fauteuil en face de Samuel, la tronche éclatée de coups.
Mes yeux le parcourent rapidement, s'arrêtent sur le loup tatoué sur sa main.
- Bah tu sais la bonne nouvelle, me dit Sam en se levant et en allant derrière l'enfoiré, c'est exactement le fils de pute qui rodait à la superette hier, hein Marco !
Il lui tape sur la tête, faisant chouiner le mec.
Mes épaules se tendent un peu plus encore. C'est lui qui a parlé à Malo et ça ne me plait pas.
- Et ce mec est une vraie pipelette, bon sang ! raille Samuel. J'ai même pas dû user de mon arme pour qu'il ouvre sa bouche ! Mes poings ont suffi.
Ils me montrent ses poings écorchés, ses phalanges explosées d'avoir trop frappé, mes yeux se reposent sur le mec qui s'est pissé dessus.
- Tu sais tout ce que tu voulais savoir ? demandé-je au vieux.
Sam hausse les épaules, hoche la tête. Je dégaine mon arme, la pointe sur sa tronche, me penche vers sa gueule de rat et souffle au creux de son oreille :
- Va dire à ta bande que personne ne parle à la fille du magasin sans mon autorisation.
Et je tire dans son genoux, lui arrachant des cris, des larmes. Le sang gicle dans la pièce, tache le canapé. Je me retourne vers Kinsha et lui ordonne d'aller prendre le pourquoi nous sommes là.
Sam se lève, me tend ses clés dont je saisis le trousseau.
*
Après avoir balancé le type dans son quartier, Kinsha et moi traçons pour revenir chez Sam. Je suis en colère. En colère de son inconscience, de sa connerie !
Je tire le frein à main de sa Jeep quand j'arrive devant chez lui, coupe le moteur sans dire un mot, fonce à l'intérieur sous l'œil réprobateur de Kin. Elle sait que je suis énervé, même si elle n'en saisit pas le pourquoi.
Je pousse la porte sans frapper, attrape le vieux occupé à nettoyer le sang du canapé, le colle contre le mur derrière lui, faisant tomber un cadre sur le sol.
- Pourquoi tu l'as amené ici, putain ?! Et si elle était venue avec moi ?! Et si elle avait vu ça ?! Merde !
Samuel ne se démonte pas, me repousse brusquement et je resserre ma prise quand il se marre, le faisant tousser.
- C'est pas ce que tu m'as demandé, Ish ? C'est pas ce que tu voulais ? Qu'elle voit notre vraie vie, notre vrai visage ?
Mon cœur tambourine fort dans sa cage, mon sang pulse à pleine puissance dans mes veines. Il a raison. C'est moi qui lui ai demandé d'arrêter son hypocrisie en jouant à l'oncle idéal ! C'est moi qui lui ai dit de faire les choses avec Malory ! Mais pas comme ça, pas ici, pas quand elle galère déjà à se sentir chez elle ! Je devrais lui foutre la baffe de sa vie, lui cracher à la gueule, mais je le relâche.
Kinsha s'installe sur une des chaises de la cuisine, ne manquant rien de cet échange.
- Tu ne peux pas ramener des Lycanto ici, Sam ! Si elle avait été présente , elle aurait eu peur, peur de toi, peur...
- Parce qu'elle ne peut que te craindre toi, hein ?
Je ricane froidement, fais craquer ma nuque qui commence vraiment a être douloureuse à force d'être tendue.
- Elle ne me craint pas !
Samuel ramasse le cadre à terre, le dépose sur la table basse et me fusille du regard.
- Non, c'est pire que ça, Isham. Elle est amoureuse de toi !
Je cesse immédiatement de me foutre de sa gueule.
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