Elle m'obsède
Isham
Durant les premières minutes du trajet, la brune ne dit rien, probablement encore choquée de ce qu'il vient de se passer. La tension ne quitte pas mon corps alors qu'elle est pourtant repartie avec moi.
- Putain !
Mon poing ensanglanté atterrit avec violence sur le tableau de bord, la faisant sursauter.
- Tu vois, sifflé-je, ce n'est pas ta place ici ! Jamais je n'ai dû foutre mon poing dans la gueule à un ami à cause d'une fille !
- Je t'ai pas demandé d'intervenir, Isham ! C'est toi qui es venu ! Je ne t'ai rien demandé, moi !
Elle crie à son tour, faisant monter encore plus ma colère. Je bous de rage. Je pourrais lui faire fermer sa gueule, la menacer, la provoquer, mais pour une fois, je décide de la fermer. Dès que j'ouvre la bouche, elle rétorque. Dès que je veux qu'elle la ferme, elle l'ouvre pour me martyriser de ses mots. Malory se croit assez forte pour affronter n'importe quel mec qui en veut à sa culotte, mais elle est très loin de se douter de la vérité.
J'inspire, m'apprête à lâcher ma bombe, m'engage sur l'autoroute qui nous ramène à Dorcoast.
- Bah si tu veux vivre une expérience sexuelle avec un violeur, vas-y, je t'en prie beauté. Il aime bien attacher les filles comme toi, les forcer à baiser. Mais bon, si c'est ton tripe.
Je lève les mains en l'air, pour dire que j'en ai rien à foutre alors que je sais pertinemment ce que je suis en train de faire. Je veux qu'elle cesse de l'idéaliser, qu'elle arrête de le fréquenter, de le trouver sympa ou trop cool, j'en sais rien, même si j'ai envie de dégueuler en balançant ça sur mon pote. Je veux qu'elle n'ait d'yeux que pour moi, qu'elle me voie différemment, qu'elle se dise qu'aujourd'hui, je viens de lui sauver son joli p'tit cul alors que je sais pertinemment que Jk ne l'aurait jamais touchée si elle n'était pas ok.
- Tu racontes n'importe quoi, gronde-t-elle.
- Bah tu demanderas à ton oncle dans ce cas, abdiqué-je, j'ai mes casseroles, mais Jake en a de belles aussi.
Elle est furieuse. Tout son corps transpire l'impétuosité qu'elle ressent pour moi. Elle croise les bras sur son ventre, détourne son visage du pare-brise pour se réfugier dans la contemplation des décors qui redeviennent les miens. Nous roulons depuis une demi-heure quand je m'arrête sur une aire.
- Tu veux manger un truc ? lui demandé-je doucement.
Elle ne me répond pas. Et je sais que c'est parce qu'elle ne sait plus quoi penser de JK, de moi, de ce duo qu'on forme.
Doucement, je repousse une mèche de ses cheveux et elle se retourne vers moi, l'air surpris dans les yeux. Qu'elle est belle, mon Dieu.
- T'as faim ? répété-je.
Elle secoue la tête. Pourtant, je voudrais la voir manger quelque chose. Je sais qu'elle bosse ce soir, et qu'en rentrant, elle aura tout juste le temps de se laver, d'enfiler une autre tenue.
Je sors de la voiture, et elle me suit, m'arrachant un soupir. En silence, nous marchons côte à côte, mes mains fourrés dans mes poches pour ne pas la frôler. Dans le shop, je prends une canette de soda, lui en prends une aussi avant de me diriger vers les viennoiseries. Elle me suit à la trace, et sans que je ne sache pourquoi, ça me fait drôle, mais ça me plait.
Je paie mes articles, et ensemble, nous sortons pour se rejoindre sur un des bancs près de ma caisse.
Assis sur la table, les pieds sur le banc, je lui tends le croissant au fromage quand elle s'installe.
- Mange ça.
Elle ne réplique pas, pour une fois, et quand ses doigts touchent les miens pour le prendre, une putain de sensation m'envahit.
- Merci.
Elle mange, ne se rendant pas compte qu'elle vient de réveiller chez moi quelque chose que je pensais crevé depuis un bail. Je l'observe, alors qu'elle est assise sur le banc, juste à côté de mes pieds.
- Jk n'est pas un type mauvais, lui dis-je pour interrompre le silence qui s'installe depuis un certain temps entre nous. Je n'aurai pas dû lâcher ça contre lui, c'est deg de ma part.
Elle relève ses yeux de biche vers les miens quand je m'allume un énième joint.
- Il a violé une fille et ne m'a rien dit. Je ne comprends même pas comment ça se fait que Sam me laisse partir avec lui.
Isham hausse les épaules.
- Il est mon ami d'enfance, Malo, alors même si les juges pensent qu'il a grave merdé avec cette fille et qu'il a fauté en m'envoyant ce message, je ne le déteste pas. Concernant ton oncle, crois-moi qu'on sait tous qu'en s'en prenant à toi, on déclencherait une guerre.
Elle déglutit, remballe le reste de son croissant avec le mien auquel je n'ai pas touché.
- Sauf que toi, tu n'as pas peur de le faire.
Elle me regarde intensément, comme jamais. Je ne lui dirais pas la peur qui m'a transcendé quand Sam m'a convoqué le lendemain, je lui raconterai pas à quel point je m'en suis voulu de voir la peur dans ses yeux.
- Si ça peut te consoler, dis-je en tirant une taffe, ma mère m'a fichu une tarte pour ce que je t'ai fait.
Elle écarquille les yeux, puis se met à rire de bon cœur et pour la première fois depuis que je la connais, ce rire m'est destiné.
- Tu veux dire que tu as dit à ta mère que tu m'avais étranglée ? reprend-elle. Enfin une femme que tu crains, mon cher Ish !
Je souris, me détournant de son regard déstabilisant. L'entendre m'appeler par mon surnom me fait bizarre, et j'ai aussitôt envie de lui dire de ne pas recommencer. On n'est pas potes tous les deux, elle ne doit pas l'oublier.
- Pas vraiment, non. J'ai expliqué en gros. Bon on y va ? Je te rappelle que tu bosses et que moi aussi.
Elle n'ajoute plus rien, mais son sourire ne quitte pas ses lèvres et même si j'ai envie de lui faire disparaitre, je me sens plus léger qu'une heure plus tôt.
*
Je n'ai plus vu Malory depuis plusieurs jours. Faut dire que je n'ai pas eu de temps pour moi. Ma mère a décidé de repeindre l'appartement, et le soir, je file chez Sam prendre mes pacsons avant de me barrer au point de vente que je n'ai toujours pas changé.
Pourtant, je n'ai pas cessé de penser à elle, lui écrivant un message, avant de l'effacer pour ne rien lui envoyer. Je ne veux pas qu'elle pense que je lui cours après, qu'elle se réjouisse de savoir que j'ai envie d'elle, bien plus que d'une autre. Je sais qu'elle n'a pas encore revu Jk, et c'est tant mieux. Bri m'a dit que je lui avais défoncé une côte et qu'il devait rester au repos le temps que ça se rétablisse.
Je suis en haut de l'échelle, en train d'appliquer cette foutue couleur terracotta quand ma mère surgit dans le salon, le sourire aux lèvres.
- C'est merveilleux ! J'adore cette couleur ! Et tu sais quoi ? Samuel m'a invitée ce soir !
Il est sérieux, lui ?
- Et tu vas y aller ? maugréé-je en descendant.
Je dépose le rouleau dans son bac, m'essuie les mains. Elles sont encore gonflées suite à ma bagarre avec Jake, les ecchymoses s'étalent presque sur l'entièreté du dos de mes mains, me rappelant sans cesse ce qu'il s'est passé, et le pourquoi.
- Bien sûr que je vais y aller ! On est amis depuis des années lui et moi ! En plus ce n'est pas tous les jours qu'on m'invite au restaurant !
Je me force à sourire, même si l'idée que ma mère fréquente un homme, Sam qui plus est, ne m'enchante pas, même si elle a l'air plus que ravie.
*
Il est vingt heures quand je m'arrête chez Sam. Avant qu'il ne parte, faut qu'il me file ma came et que je dépose mon fric au coffre.
Je frappe à la porte, entre et referme à clé derrière moi quand la brune surgit de la cuisine, un torchon dans la main, une assiette dans l'autre.
- Il est déjà parti.
Je retiens mon souffle quand je la vois dans sa robe de nuit d'été. Mes yeux parcourent son corps : ses pieds nus dont elle a verni les orteils de noirs, ses jambes fines et bien dessinées, sa poitrine cachée par le tissu trop ample, sa gorge.
- Ok, viens avec moi, me faut un garant de confiance, réponds-je en m'obligeant à la regarder dans les yeux.
Elle fronce les sourcils.
- Parce que tu me fais confiance ?
Elle recule dans la cuisine quand j'avance, s'appuie contre le plan de travail, juste devant l'évier.
- À toi ? Non. Mais Samuel te fait confiance, donc ça me va.
Elle ne me répond pas, se contente de sourire alors que j'ouvre la porte de la cave.
Je tire sur la ficelle qui allume l'ampoule pendante, descends les marches, la bombe sur mes talons.
- Je ne suis jamais descendue, chuchote-t-elle comme si elle était en train de faire une énorme connerie.
Je ricane bruyamment.
- Cool, tu vas donc enfin découvrir un truc avec moi.
Elle me tape sur l'épaule et je tourne la tête pour découvrir son air moqueur.
En bas, tout parait normal, comme si dans cette cave ne se trouvait pas près d'un demi-million et une partie de nos stock. Elle découvre, posant ses yeux partout, se poste près de la table posée au centre sur laquelle se trouve un stylo. Je déverrouille le premier coffre, en tire le carnet de compte que je lui tends après l'avoir ouvert à la dernière page. De ma poche, je sors les liasses de billets que je défais, que j'étale.
- Il y deux mille cinq, recompte.
La brune écarquille les yeux face à tant de petites coupures, mais ne moufte pas quand elle s'attèle à la tâche. J'essaie de ne pas la déconcentrer, mais en cet instant, je la trouve irrésistible. Les sourcils froncés, le nez légèrement retroussé.
Quand elle a fini, je me place derrière elle, mon torse frôlant son dos, lui pointe la ligne.
- Là, susurré-je doucement, tu notes ma réf, 327 et la somme.
Elle s'exécute, d'une main tremblante alors que je me rapproche encore un peu. J'inspire son parfum, celui de son shampoing, pose une main sur sa hanche, la faisant stopper son écriture l'espace d'une toute petite seconde. J'ai envie d'elle. Maintenant. Puis, je me souviens que ce lieu est filmé, et que dès que Samuel verra ça, il me coupera les couilles alors je m'écarte abruptement et reprends ma place de l'autre côté de la table, face à l'objet de mon obsession.
Je lui indique comment procéder pour ranger le fric dans le coffre. Puis je déverrouille le second et elle grimace aussitôt en découvrant le contenu.
- Pareil, prends le carnet, et donne moi dix grammes de beuh, dix de shit et quinze de...
Elle me dévisage et je comprends alors.
Elle n'a aucune idée de ce qu'elle doit prendre.
- Et si tu vendais demain et pas ce soir ?
- Et c'est toi qui me paie mon chômage technique ?
Elle se marre, mais moi pas. Une nuit de vente me rapporte près de trois cent dollars. Je ne peux pas rater ça, pas quand je n'ai pas une crève qui me cloue au lit.
- Tu sors un pacson de chaque et je te dis combien il m'en faut.
Elle secoue la tête en ne me quittant pas des yeux, et d'une main, elle referme le coffre.
- T'as qu'à revenir demain pour voir Sam, déclare-t-elle. Je ne suis pas une dealeuse.
Habituellement, j'enragerai et la collerai au mur pour son affront, mais pour une fois, son audace me fait rire, ce qui l'étonne à en croire sa tête. Je m'écarte quand elle me passe devant, et je la suis dans l'escalier qui remonte dans la cuisine, ne perdant rien de l'image de cette robe de nuit qui dévoile ses cuisses à chaque marche montée.
- Tu veux boire quelque chose ?
Je verrouille la porte de la cave quand elle prononce cette phrase. Je me retourne, m'y adosse, la dévorant des yeux. Si je ne m'abuse, elle fait la même chose que moi. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé depuis la dernière fois qu'on s'est vu, mais l'atmosphère entre nous a changé. Je n'ai plus envie de l'assassiner de mes mots, et elle ne me gonfle plus autant qu'avant. Et ma foi, on dirait que c'est réciproque.
- Je ne peux pas rester ici, Malory.
J'ai soufflé cette phrase avec tellement de difficultés que je ne suis même pas certain qu'elle l'ait entendue. Pourtant, son regard se charge de déception.
- À cause de Sam ?
Je secoue la tête par l'affirmative, même si c'est faux. Si je ne reste pas c'est parce que je sais qu'aucun retour en arrière ne sera possible. Je vais lui foncer dessus, l'attraper par la nuque pour que ses lèvres s'écrasent sur les miennes. Après je la soulèverai pour que son joli cul soit posé sur le plan de travail avant d'écarter sa culotte pour m'enfoncer dans sa moiteur. Et est-ce que c'est une bonne idée ? Non. Alors non, je ne peux pas rester ici.
Elle soupire doucement, presque imperceptiblement mais j'ai repéré le truc, bien malgré elle. Elle est clairement déçue et je ne sais pas si ça doit me ravir qu'elle le soit ou m'emmerder.
Que je ne veuille pas perdre pied avec elle devrait la réjouir, que je ne désire pas la blesser en la laissant croire qu'entre nous il peut se passer quelque chose devrait lui faire prendre conscience que même si je suis plus cool avec elle, je ne suis quand-même pas bon pour elle.
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