7. L'embuscade

-Tu devrais aller lui parler.

Je feins de ne pas l'avoir entendu, et continue à me coiffer.

-Azilis. Je te parle, s'agace Rhésa.

-Tu parles de qui?

-Arrêtes de me prendre pour une bille. Tu sais très bien de qui je parles.

Je remonte mes cheveux en chignon sans la regarder.

-Il n'a qu'à venir lui.

Elle soupire.

-Je t'en prie! Tu es ridicule. C'est toi qui a piqué ta crise de jalousie à la taverne, il y a deux jours. C'est à toi d'aller t'excuser. Il n'a rien fait du tout. Il a même essayé de repousser cette pauvre fille.

Je me tourne vers elle, choquée:

-Tu as bien dit cette "pauvre" fille?

Elle lève les yeux au ciel.

-Oui, cette "pauvre" fille. Tu l'as quand même menacé de mort.

Je hausse les épaules.

-Elle n'avait qu'à pas se coller autant à Ethan.

Rhésa éclate de rire en s'allongeant sur le lit.

-Tu sais, je n'aurais jamais pensé que tu pourrais être jalouse comme cela.

-Moi non plus, avoué-je.

Et c'est la vérité. Je n'aurais jamais pensé attaquer cette fille comme ça.

-Tu as bien plus de caractère que je ne le pensais, ajoute Rhésa.

Je plante la dernière pince dans mes cheveux.

-Et c'est positif ou non?

-Bien-sûr. Je te détestais parce que tu paraissais fragile, perdue et idiote. On aurait dit une petite duchesse désorientée, me raille-t-elle.

Je souris en haussant les sourcils.

-Ça veux dire que tu ne me détestes plus?

Elle me jette un coussin que j'esquive.

-N'y compte pas trop.

Le troisième jour sans lui parler, je sais que Rhésa avait raison. C'est n'importe quoi. Je dois aller le voir. Je met ma fierté de côté et quitte l'auberge. La menuiserie où Ethan travaille se trouve à quelques minutes de marche. Et je sais que tous les midis, il a une pause d'une heure. Il mange sur place.

Je m'y rends donc, bien décidée à me réconcilier avec lui. Je lui parlerais du marquis. Je lui parlerais de Noam. Et enfin, je lui parlerais de Tarek. Je ne sais pas encore quand, mais je sais que j'en serais bientôt capable. Et je veux qu'il le comprenne.

Je trouve la menuiserie sans problème. La contournant, je me rends dans la petite cour ou se trouve la porte des menuisiers, là ou Ethan sortira à sa pause. Il travaille seul avec le gérant mais celui-ci rentre chez lui le midi. Je me retrouverais donc seul avec lui, ce qui sera parfait pour que nous nous expliquions.

Je rentre dans la cour sombre et jette un coup d'œil à ma montre... lorsqu'une main s'abat violemment sur ma bouche. Je hurle mais étouffée par le poids de la main de mon agresseur, aucun son n'en sort. Il porte des gants. Moi aussi. Je ne peux pas toucher sa peau. Je vais mourir ici. Mon cœur s'arrête de battre un instant puis je me reprends et tente de donner un coup de coude dans le visage de l'homme qui me tient. Celui-ci l'esquive facilement et resserre sa poigne sur moi, ce qui me fait paniquer. Il est trop fort. Il est bien trop fort pour moi. Je continue de m'époumoner en vain et la peur enfonce ses griffes dans mon ventre tandis que je comprends ce qui est train de se passer.

Un deuxième homme se poste devant moi et j'écarquille les yeux. Ils sont deux? Trois! Une troisième sort de nulle part et va se poster juste à côté de la porte d'où va sortir Ethan.

-Salut, murmure l'homme en face de moi.

Une grosse cicatrice lui barre la joue. Il sourit d'un air carnassier, ce qui me glace au plus profond de mon être. Il a les yeux d'un bleu froid qui me glace toute entière.

-Elle n'est pas aussi moche que je ne l'aurais cru, n'est-ce-pas? Demande-t-il à l'homme dans mon dos, qui n'a pas desserré sa poigne.

-Je suis d'accord, ricane-t-il.

C'est plus fort que moi. Je fonds en larme.

L'homme à la cicatrice hausse les sourcils.

-Ne pleure pas chérie (il me caresse la joue), on a quelques minutes avant que notre cher Ethan ne nous rejoigne. On va bien s'amuser.

Je sens la respiration lourde et poisseuse du deuxième homme dans mon cou. Je ferme les yeux, essayant de réfléchir. Comment l'attaquer? Mais je n'ai pas le temps de mettre mes idées à exécution, qu'il me retourne contre lui. Mon souffle se bloque dans ma gorge. Il est grand. Fort. Tout ce que je lis dans ses yeux, c'est la mort. Il me pousse au sol et je tombe comme une masse, m'égratignant le visage contre la terre. Sans perdre une seconde, je me remet à genoux, prête à détaler. Mais une main attrape mes cheveux et m'écrase contre le mur. Cette fois-ci je hurle de toutes mes forces.

-Restes-ici, gronde la voix.

L'homme à la cicatrice se colle contre moi et emprisonne mes mains.

-Tu sais comment je m'appelle?

Devant mon silence, il continue:

-Silas. Je ne sais pas si tu as déjà entendu parler de moi. En tout cas, moi j'ai beaucoup entendu parler de toi. Tu as tué trois de mes hommes en les touchant (il ricane). C'est pour ça que j'ai mis des gants. Et je vois que toi aussi. Tu n'es pas très intelligente.

Il enserre mon cou d'une de ses mains et serre. Je suffoque.

-Tu vas voir, gronde-t-il. Je vais me venger. Et je jure que quand j'en aurais fini avec toi, ton petit-ami ne pourra même plus t'identifier.

Je tente à nouveau de crier mais il me décroche un coup de poing dans la mâchoire d'une violence qui me la fait craquer. Complètement sonnée, je me laisse glisser contre le mur.

Je vais mourir. Ce n'est plus une hypothèse.

Silas s'avance vers moi et me décroche un coup de pied dans le ventre. Le souffle coupé, j'ai juste le temps de me recroqueviller avant d'en reçevoir une deuxième.

-Az! Azilis!

La terreur qui émane de la voix d'Ethan me force à ouvrir les yeux.

Il est agenouillé devant le troisième homme, son épée posée juste sous son menton. J'ai dû perdre connaissance pendant un court instant parce que je ne l'ai pas entendu arriver.

Je tente de parler, de le rassurer mais seul un faible gargouillis sort de ma gorge. Ethan blêmit en me regardant et je comprends que je n'ai pas bonne mine.

-Laissez-là... Elle n'y est pour rien dans cette histoire. Tuez-moi et laissez-la partir.

Silas éclate de rire et pose son pied sur mon corps pour m'empêcher de bouger. Je tente de le faire tomber, de lui attraper les pieds mais mes bras sont comme cassés. Je n'arrive plus à rien. Tout juste à respirer.

-Tu crois vraiment que tu va t'en tirer aussi facilement? Tu ne vas pas mourir tout de suite. Et c'est pareil pour elle. Tu va nous regarder nous amuser. Tu va nous regarder sagement et à genoux.

Il se tourne vers un de ses hommes:

-Mets-lui les chaînes.

Des bracelets de chaînes se referment sur les poignets d'Ethan. L'homme attache l'autre bout de la chaîne à un anneau dans le mur, servant normalement à attacher les chevaux.

-Bien. Parfait. On va continuer, dit Silas en remontant les manches de sa chemise.

Il me relève par les cheveux et me gifle. Quand il me lâche, je m'effondre sur le sol comme une poupée de chiffon.

Mes oreilles bourdonnent et je n'entends plus que, lointainement, les hurlements d'Ethan. Je me déteste d'être aussi faible.

-Regarde-moi, m'ordonne-t-il.

Quand je n'obéis pas, il me secoue sur le sol et mon crâne heurte la terre. Je ne vois plus que des tâches noires dansant devant mes yeux. Mes paupières sont si lourdes... Soudain les mains de Silas me lâchent. Je tente de prendre une inspiration mais une douleur me vrille l'intérieur de la poitrine. Je suis persuadée d'avoir plusieurs côtes de cassés.

Alors que je pense que la torture est fini, je me rends compte qu'il est en train de déchirer mes jupons. Une peur sans nom me dévore de l'intérieur et j'essaie de le repousser mais je suis trop faible. Je suis comme désarticulé, toute cassée. J'étouffe. Il arrache ma chemise et je sens ses mains gantées sur ma peau nue. Je ne peux rien lui faire. Je suis complètement à sa merci. Je crois que je pleure. Il me murmure des choses à l'oreille mais je n'arrive pas à comprendre ce qu'il me dit. Puis une voix douloureuse, déchirée:

-Lâche-là! Bon sang lâche-là! AZILIS! Silas, arrêtes! AZILIS!

Les mains de mon agresseur continuent à me dépouiller de mes couches de vêtements et des frissons d'horreur parcourent mon corps meurtrit.

-Silas! S'il-te-plait... Je t'en prie... Je ferais tout ce que tu voudras, je t'en supplie...

Silas me délaisse un instant pour se redresser à genoux et se tourner vers Ethan.

-Tu me supplie, maintenant? Pour une fille?

À travers mes paupières ecchymosées, je vois Ethan complètement fou, de rage et de douleur. Il tire sur ses chaînes comme un forcené, en vain. Je ne l'ai jamais vu aussi désespéré. Je ne l'ai jamais vu supplier.

-Tu sais ce que j'en fais de tes supplications? Grogne Silas.

Il m'attrape par le cou, m'étranglant par la même occasion et me relève avec lui, à moitié nue.

-Voilà ce que j'en fais.

Et il enfonce un poignard dans ma poitrine.

Une douleur intense explose dans tout mon corps. Puis c'est le néant. 

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