4. Les fuyeurs
Nous galopons à toute allure et je m'accroche à Ethan comme je le peux. C'est la première fois que je monte sur un cheval et je dois avouer que c'est grisant. Le vent me fouette le visage mais le corps que j'enserre me réchauffe. J'appuie ma joue contre son dos. Son corps souple et musclé est en parfaite entente avec le cheval. Ethan est parfaitement à l'aise. Il me fascine.
-Tout va bien derrière? Crie-t-il pour que je l'entende malgré le vent.
Je noue plus fort mes bras autour de son ventre et hoche la tête.
-Très bien!
Ethan claque la langue contre son palais et l'animal accélère. Je n'ai pas peur. Au contraire, je me sens parfaitement sereine. Et libre.
Le soir, je m'endors dans les bras d'Ethan et cette proximité naissante entre nous est au baume au cœur pour moi. Nous revivons les jours qui ont suivis notre rencontre, quand nous n'étions que tous les deux, sauf que là, il n'y a pas de tensions ou de malaises entre nous. Je me sens parfaitement bien.
Et tout doucement, je tombe amoureuse de lui. Sans même m'en apercevoir.
******
Je n'arrive pas à crier. Je n'arrive pas à respirer.
J'ouvre la bouche pour tenter de respirer mais rien ne vient. C'est comme si j'étais sous l'eau et que quelqu'un m'appuyait la tête, m'empêchant de remonter à la surface. Je me débats mais ne parvient pas à bouger pas d'un pouce. Tout autour de moi n'est que sang. Du sang partout. Sur ma robe, sur mes mains, dans mes cheveux et dans ma bouche. Je ne sais pas d'où il provient mais il y en a de plus en plus et je serais bientôt noyée dedans. Je tente de me redresser mais je glisse et j'essaie à nouveau de respirer mais...
-Az... Az, réveilles toi. Azilis...
Je sursaute et avale de grandes goulées d'air, tremblante et grelottante. Je me rends compte que je pleure en passant ma langue sur mes lèvres au goût salé. Je n'arrive pas à chasser le souvenir du sang et je pleure plus fort, entourant mon corps de mes bras sans parvenir à faire cesser mes tremblements.
Ethan m'attire dans ses bras et me berce doucement contre lui.
-Tout va bien. Ce n'était qu'un cauchemar.
Je m'accroche à sa chemise, les yeux grands ouverts, terrifiée à l'idée de replonger dans mon rêve si je les referme.
-Regarde moi.
J'obéis sans le lâcher.
-Respire doucement, reprends-t-il. Inspire par le nez, expire par la bouche. Voilà, comme ça. Tout va bien. Doucement.
Nous respirons doucement ensemble et il ne me lâche pas, attendant avec moi que je me calme. Puis, Ethan rassemble les couvertures et les repose sur mes épaules. Quand enfin, je me sens un peu mieux, il s'autorise à me lâcher et à me faire face.
-Qu'est-ce-que c'était? Demande-t-il en essuyant mes larmes d'un revers du pouce.
-Je... Je me noyais. Dans du sang.
Ethan ne dit rien pendant de longues secondes puis:
-Azilis, comment connais-tu le duc de Valenza?
Je baisse la tête sans répondre, en espérant qu'il ne va pas insister. Mais c'est mal le connaître. Il soupire puis ajoute:
-Je ne peux pas t'aider si tu ne me dis rien, Az. Je ne sais rien de toi. Tu ne me dis jamais rien.
-C'était le neveu de mon mari, chuchoté-je.
-Ton mari, répète-t-il. Celui qui n'est pas à notre poursuite et dont je ne dois pas m'inquiéter.
Je me mords la lèvre inférieure et jette un regard à nos mains posés côté à côte. La lune éclaire mon alliance doré.
-Oui. Il...
Je marque un arrêt, ne sachant pas si je dois continuer ou non.
-Il, quoi? Je t'écoute, m'encourage-t-il.
-Il est mort.
Ethan marque un silence puis:
-Donc, tu n'est plus mariée.
Je suis surprise par le soulagement dans sa voix. Je m'attendais à de la crainte, à des tas de questions sur les circonstances de sa mort. Mais rien de tout cela ne vient.
-Alors pourquoi portes-tu encore cette alliance? Me demande-t-il doucement.
Je presse fort les paupières l'une contre l'autre. Je suis à deux doigts de lâcher ma bombe. Je ne sais pas quoi faire. Les mots sont sur le bout de ma langue mais une force inconnue tente de me les faire ravaler. Prise entre deux émotions, je reste muette. Ethan brise le silence pour moi:
-Est-ce-que tu l'aimes encore?
-Non! M'écrié-je. Je ne l'ai jamais aimé.
-Alors, pourquoi?
Je ne réponds rien. La boule dans ma gorge m'empêche de parler.
-Peu importe. Ce n'est pas grave, murmure-t-il.
Je m'endors contre lui en remerciant le ciel et tous les dieux qui puissent exister de m'avoir conduite auprès d'une personne comme lui.
Et je me demande comment, il y a quelques mois à peine, il n'avait pu être qu'un inconnu.
-Comment tu te sens? Me demande Ethan alors que nous nous arrêtons un instant pour que le cheval puisse boire.
-Courbaturée, dis-je. Mais ça va.
-Nous ne sommes plus qu'à 3 jours de cheval des autres.
-Où est-ce-que nous les rejoignons, déjà?
-Dans une auberge près de la ville d'Izra.
-Comment vont-ils?
-Rhé à trouvé un petit boulot dans la taverne de l'auberge où nous logeons et Ash et Loën aident un forgeron.
Je fronce les sourcils, surprise.
-Vous avez arrêtés les vols? Demandé-je.
-Le roi paraît déterminé à nous trouver alors on s'est un peu calmé. Les soldats sont de plus en plus présents et les affiches de recherche placardés sur tous les murs. On préfère se faire un peu oublier.
J'acquiesce puis soupire, consciente du long trajet qu'Ethan a fait pour venir me chercher.
-J'étais quasiment à l'autre bout du pays, n'est-ce-pas?
Ethan boit une longue gorgée d'eau.
-Tu étais loin, c'est sûr. Tu te souviens du trajet, le soir où tu es partie?
Je tente de fouiller mes souvenirs mais rien ne vient. Je suis montée dans cette calèche et après... plus rien. Je me suis réveillée dans la prison dorée de Tarek. J'ai dû prendre un coup sur la tête ou boire un somnifère parce que je n'ai aucun souvenir des longues heures de voyages.
-Non... absolument rien.
Il ne dit rien puis tente de remonter sur le cheval. Sauf qu'il s'appuie sur la mauvaise main. Il tourne la tête pour cacher sa grimace de douleur mais c'est trop tard, je l'ai vu.
-Ethan s'il-te-plait. Donne moi ta main.
Il secoue la tête.
-Ça va. Je n'ai pas mal.
-J'ai l'impression d'être punie en refusant que je te soignes. Je suis désolée. Je suis désolée mille fois d'avoir fait une chose pareille et veux réparer cela.
Il fuit mon regard et je comprends alors que je n'ai pas tort. C'est une sorte de punition.
-Ne t'en fais pas. C'est presque guérit. Allez, remontons.
-Ethan...
-Az, je t'ai dit que c'était bon. Remonte.
Je croise les bras et lui fait face.
-Tu m'en veux, c'est ça?
Il ne réponds pas, prétextant de sangler la selle de l'animal. Je pose une main sur son épaule, tentant de le forcer à me regarder.
-Parles-moi s'il-te-plait...
-Evidement que je t'en veux! S'écrie-t-il en se retournant enfin.
Je suis si surprise que je recule de quelque pas. J'ai déjà vu Ethan s'énerver sur les autres mais jamais encore sur moi.
-Tu t'es enfuie sans un mot en me cassant cinq doigts et tu as disparu pendant 3 semaines!
Il passe une main dans ses cheveux et ajoute:
-J'étais mort d'inquiétude et les autres aussi. Je n'avais absolument aucune idée de l'endroit où tu étais. J'ai pu imaginer des milliers de scénarios tous plus que catastrophiques les uns que les autres. Alors oui, même si je suis rassurée de t'avoir retrouvée en bonne santé, je suis en colère contre toi.
Je baisse les yeux. Ethan a raison. J'ai agis sans penser réellement aux conséquences, sur un coup de tête.
-Tu as raison. Je suis désolée. Je n'ai jamais voulu vous inquiéter.
Il ferme les yeux en secouant la tête.
-Bien-sûr que tu n'as jamais voulu nous inquiéter. C'est bien là le problème. Tu ne pense pas. Tu crois être seule sauf que tu ne l'es plus. Maintenant, des gens se soucient de toi. Des gens t'aiment. Alors soucie toi d'eux.
Je le fixe, les yeux écarquillés. J'ai l'impression de m'être reçue une gifle en plein visage. Il en rajoute une dernière couche:
-Tu ne peux pas faire ce que tu veux sans penser aux conséquences. Il n'y a pas que toi qui entre en compte. Il y a moi. Il y a nous.
Une douleur sourde me serre la poitrine. Je n'avais jamais vraiment réfléchis à tout cela. Mais Ethan nous considère comme un couple. C'est si nouveau pour moi que je n'ai même pas pensé à mettre un mot sur notre relation. Alors qu'il me fait signe d'avancer pour m'aider à monter sur le cheval, au lieu de monter, je m'approche de lui et me dirige vers ses bras, le serrant contre moi. Ça me paraît si incongru de ma part mais juste au moment où je me sens ridicule, Ethan répond à mon étreinte et me serre contre lui, balayant toutes mes hésitations.
-Je suis désolée, répété-je. Je ne sais plus quoi faire alors je fais n'importe quoi. Vous êtes en danger à cause de moi. Ethan, le passage à tabac que tu as eu, c'était un message à mon égard! Je ne veux pas que tu souffres à cause de moi. Je ne veux pas sans cesse avoir peur qu'ils ne te tuent à cause de moi. Je voulais vous protéger.
Il prend mon visage entre ses mains.
-Tu aurais dû m'en parler. Je suis parfaitement capable de me protéger tout seul.
-Je te l'ai déjà dit, Tarek ne se bat pas avec honnêteté.
-On affrontera ce problème ensemble, Azilis. Mais je ne veux plus que tu fasses ce genre de choses. On gérera ça. Mais tous les deux. Pas toi, toute seule.
Mon cœur gonfle dans ma poitrine. Comment peut-il toujours avoir les mots parfaits?
-Merci, murmuré-je.
Il m'observe quelques secondes l'air impassible, puis pose rapidement ses lèvres sur les miennes. Bien trop rapidement à mon goût.
-Allez, remontons.
Nous galopons jusqu'à la tombée de la nuit. Et chaque soir, c'est la même routine qui s'installe. Il nous construit une petite cabane pendant que je ramasse des brindilles pour faire un feu. Il chasse un animal et nous le mangeons autour du feu, en discutant de tout et n'importe quoi puis je m'endors dans ses bras. Je pourrais m'habituer à cette routine. Car cette vie, simple et sans artifice, remplie d'amour et d'aventure est tout ce que j'ai toujours souhaitée.
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