CHAPITRE 9

Impatientes d'en apprendre plus sur ce jeu, sur Megan et sur le stalker, Jasmine et moi n'avons pas perdu une minute. Nous nous sommes précipitées vers le Sanatorium de Ravenswood. Sur le trajet, nous avons concocté un mensonge, prétextant un devoir sur les emblèmes de la ville. Un mensonge que nous espérons suffisant pour gagner la confiance du personnel. Après un long chemin parcouru, nous arrivons enfin devant le Sanatorium. Ce lieu, tout aussi effrayant en photo qu'en réalité, dégage une atmosphère oppressante. Jasmine prend ma main, et ensemble, nous avançons vers l'entrée.

L'endroit semble désert, presque abandonné, mais un malaise persiste dans l'air, un bruit sourd qui fait vivre cet espace froid. L'odeur, un mélange de désinfectant et d'humidité, ne fait qu'accentuer cette sensation de mal-être. Jasmine et moi échangeons un regard lourd de sens, puis elle s'approche du comptoir où une infirmière tape sur son ordinateur sans nous prêter attention. Nous attendons un moment avant de nous faire remarquer. L'infirmière lève les yeux, visiblement agacée.

- En quoi puis-je vous aider ?

- Nous souhaiterions rencontrer Megan Crawford, elle est internée ici, n'est-ce pas ? demande Jasmine, son sourire affichant une fausse assurance.

- Effectivement. Que lui voulez-vous ? La pauvre n'a que peu de visites, et je ne vous ai jamais vues ici.

- Nous sommes nouvelles en ville, et... je suis Jasmine Sullivan.

- Et moi Lilia, sa sœur, interviens-je rapidement, voyant Jasmine me lancer un regard discret.

- Nous avons un devoir à rendre sur des figures marquantes de Ravenswood, et l'histoire de Megan, racontée par elle-même, serait un sujet intéressant.

L'infirmière nous regarde un instant, son visage devenu sévère. Un soupir s'échappe de ses lèvres.

- Vous voulez la replonger dans tout ça ? Vous savez, on a travaillé dur pour tenter de la sortir de cet état.

- Non, au contraire, nous souhaitons montrer son évolution, comme une biographie, précise Jasmine en s'adoucissant. Désolée, je me suis mal exprimée.

L'infirmière nous jauge une dernière fois, ses yeux perçant, cherchant à détecter la moindre fausse note. Après une longue hésitation, elle finit par soupirer.

- Bon, de toute façon, des visiteurs lui feront peut-être du bien. Suivez-moi.

Elle sort du comptoir, et nous la suivons en silence, le cœur battant. L'ascenseur est vieux, grinçant, et le silence oppressant du bâtiment nous met mal à l'aise. Arrivées au troisième étage, nous cheminons dans un long couloir qui semble ne jamais finir. Des bruits déconcertants résonnent dans l'air : des murmures, des frappements contre les murs, des voix qui chantonnent. C'est comme si cet endroit était vivant, ou du moins, il se nourrissait des tourments de ceux qui l'habitent.

L'infirmière s'arrête devant une porte où le nom de Megan est inscrit, gravé sur une plaque en métal. Elle toque, puis nous invite à entrer. La pièce est petite, trop petite pour contenir toute la douleur qu'elle semble emmagasiner. Megan est là, assise à son bureau, dessinant d'un geste lent et méthodique des paysages flous à l'aide de crayons de couleur.

- Alors, qu'est-ce que tu nous fais de beau, Meg ? dit l'infirmière d'une voix douce, presque réconfortante. Elle te rapporte de la visite.

Megan tourne lentement la tête, son regard vide, sans émotion. Elle nous scrute un instant, puis baisse la tête comme une énième réponse mécanique.

- Ces jeunes filles sont nouvelles en ville, elles voulaient te rencontrer, explique l'infirmière, en prenant soin de peser chaque mot.

Le regard de Megan se fixe sur nous sans changer, comme si nous n'étions que des ombres passagères. Jasmine, nerveuse, serre ma main avec une force inhabituelle. Je lui adresse un sourire qui ne semble pas vraiment la rassurer.

- Je vous laisse, dit l'infirmière en nous abandonnant dans la pièce.

Je m'avance doucement vers Megan, m'efforçant de garder un ton calme.

- Tu es bien Megan Crawford ? demande-je, en tentant d'afficher un sourire amical.

Elle me regarde à peine, son expression toujours aussi figée.

- Oui, répond-elle d'une voix monotone.

- Tu pourrais nous raconter ton histoire ? Nous voulons faire ta biographie pour un cours.

Le silence qui s'installe semble lourd, presque suffocant. Megan se fige, puis sa main se pose délicatement sur mon visage, comme si elle cherchait à capter quelque chose, à sonder mon âme. Ses doigts effleurent mes cernes, mes joues marquées par les nuits sans sommeil.

- Stalker, murmure-t-elle finalement.

Je frémis.

- Que veux-tu dire ? dis-je, ma voix à peine audible. Tu peux tout nous dire, je te croirai, quoiqu'il arrive.

Ses yeux s'ouvrent légèrement plus grand.

- Le stalker... masqué, répète-t-elle, son regard devenu plus intense.

Je me tends, presque par réflexe.

- Il te suivait et portait un masque ?

Elle hoche vigoureusement la tête, ses cheveux tombant autour de son visage. Je saisis ses mains, posées sur mon visage, un peu plus fermement cette fois, en essayant de lui transmettre un peu de confiance.

- Je te crois, Megan, lui dis-je d'une voix douce.

Elle détourne les yeux, visiblement agitée.

- Il va revenir, fait-elle, sa voix tremblante. Promis.

Mon cœur rate un battement.

- Je sais, répondis-je d'une voix plus basse, comme si je n'étais plus sûre de ce que je voulais entendre.

Elle baisse alors la tête, le regard presque terrifié.

- Le jeu, chuchote-t-elle.

- Le jeu ? répète-je, ne comprenant pas tout de suite.

Elle lève lentement la tête et me fixe. Ses yeux, pleins de terreur, me dévisagent comme si elle me voyait vraiment pour la première fois.

- Ils te regardent tous, murmure-t-elle, son regard frissonnant.

Je frissonne à son tour, comprenant que cette conversation n'était que le début. Mais je veux savoir, plus que tout.

- Tu sais qui tire les ficelles ? Quelqu'un qui contrôle tout ça ?

Elle secoue la tête, se levant soudainement. Elle se dirige vers son lit, qui semble aussi dur que le sol, et elle tapote l'espace à côté d'elle.

- Tu... tu vas... devenir folle, me dit-elle enfin, d'une voix faible.

Jasmine et moi nous regardons, inquiets, mais je vois un éclat de compréhension dans ses yeux. Peut-être que Megan avait raison depuis le début, peut-être que je suis déjà dans ce « jeu ». Et ce n'est que le début.

- Tu connais un certain Owen Fletcher ? demande-je, les mots me brûlant les lèvres.

Les yeux de Megan s'éclairent. Elle prend mes mains avec une énergie soudaine, un sourire qui déforme ses traits jusqu'à ses oreilles.

- C'est... meilleur ami... murmure-t-elle, comme si le nom d'Owen seul suffisait à la rendre plus vivante.

Je ressens un choc, un souffle coupé, une question flottant dans l'air : Owen était-il impliqué d'une manière ou d'une autre ? Peut-être même... complice ?

- Owen était le complice du stalker ? Je lui demande, les mots me paraissant vides.

Elle secoue la tête vigoureusement, un air enfantin sur le visage.

- Non. Owen me croit, fait-elle, un léger sourire innocent au coin des lèvres.

Jasmine et moi nous échangeons un regard perplexe. Alors Owen savait, depuis le début... Mais qu'est-ce que cela signifiait pour nous ?

- Et Zane ? interroge-je à voix basse, presque effrayée par la réponse qu'elle pourrait donner.

Megan fronce les sourcils et secoue la tête.

- Zane... non. Lui, il ne sait pas.

Je relâche un souffle que je n'avais même pas réalisé retenir. Mais cela n'explique pas tout. Il y a quelque chose de plus, quelque chose de caché.

- Tu as un suspect ? demandai-je, sentant l'urgence de la situation se glisser dans mes veines.

Elle semble hésiter un instant, puis ses yeux se baissent, remplis d'une peur palpable.

- Le jeu a commencé, murmure-t-elle enfin, ses mots résonnant dans la pièce comme un terrible présage, ils te regardent tous.

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