CHAPITRE 7
La nuit a été longue, agitée. Mais à force d'épuisement, j'ai finalement réussi à trouver le sommeil. Jasmine est restée avec moi, veillant comme une sentinelle, et aujourd'hui, pour une fois, aucun réveil brutal ne me tire du lit. J'émerge doucement, les paupières encore lourdes, et l'odeur du petit-déjeuner que prépare maman commence à me tirer hors du lit.
Je m'étire, me traîne jusqu'à la fenêtre, essayant de m'arracher aux brumes de la nuit. En regardant dehors, je laisse mon regard errer sur le paysage familier, jusqu'à ce qu'il se pose sur la maison d'en face, celle des Fletcher. C'est une famille discrète ; ils sortent peu, et en dehors d'Owen, que je croise au lycée, ou de ses parents quand ils travaillent dans le jardin, nous n'avons quasiment aucun contact avec eux. Pourtant, ce matin, quelque chose m'attire irrésistiblement vers leur maison.
La phrase d'Owen de la veille refait surface : « Tu n'aurais pas dû te mêler de ça. » Ses mots résonnent encore dans ma tête, tournant en boucle. Et si c'était lui ?
L'idée se faufile dans mon esprit et s'y enracine. Depuis cette maison, il peut voir toute notre rue. Il pourrait observer mes allées et venues, me surveiller sans que je m'en rende compte. Il pourrait même entrer chez nous... il connaît probablement nos habitudes, nos horaires, les moments où la maison est vide.
Mon regard se pose alors instinctivement sur sa fenêtre. Et là, je le vois : Owen. Il est là, derrière la vitre, m'observant fixement de l'autre côté de la rue. Nos regards se croisent, et un frisson glacial remonte le long de ma colonne vertébrale. Mon cœur s'emballe, et je reste figée, incapable de détourner les yeux. J'ai du mal à respirer, chaque seconde passée à soutenir ce regard me donnant l'impression d'étouffer.
Un bourdonnement soudain me ramène à moi-même. Mon téléphone vibre dans ma main, et je m'arrache à cet échange silencieux pour vérifier l'écran. Ce que je découvre me coupe le souffle. Une photo s'affiche - une photo de Jasmine et moi, endormies dans mon lit, prise manifestement la nuit dernière. Je reconnais la pièce, les détails ; c'est bien nous, figées dans le sommeil, vulnérables. Sur le bord du lit, posé comme une signature, repose un masque terrifiant.
La panique monte en moi, me coupant presque le souffle. J'ai du mal à garder mes mains stables en serrant mon téléphone. Instinctivement, je relève les yeux vers la fenêtre de chez Owen. Il est toujours là, me regardant comme s'il attendait ma réaction. Mon cœur bat à tout rompre, et je me précipite pour tirer les rideaux, me cachant de son regard intrusif.
Je me tourne vers Jasmine, accroupie à côté d'elle, et secoue son épaule pour la réveiller.
- Jasmine... réveille-toi, murmuré-je d'une voix tremblante.
Elle papillonne des yeux, encore ensommeillée, et me lance un sourire vague.
- Ça sent bon, maman a fait le petit déj...
Sans répondre, je lui montre mon téléphone, la photo qui me glace le sang. Jasmine se redresse d'un coup, le sommeil s'évaporant immédiatement de son regard. Elle saisit le téléphone et observe l'image avec une incrédulité grandissante.
- Ce grand malade est entré ici... pendant qu'on dormait ?! Mais il aurait pu... il aurait pu nous faire du mal !
- Je sais... il était là, Jasmine. Je ne comprends même pas comment il a pu s'introduire sans qu'on s'en rende compte.
Jasmine serre les lèvres, l'inquiétude se lisant dans ses yeux. Elle aussi commence à réaliser l'ampleur de la menace. La sécurité qui nous enveloppait s'effrite, remplacée par une peur glaciale qui nous lie maintenant, toutes les deux, à cette histoire.
- Et je crois qu'on a un suspect, dis-je, presque pour moi-même. Owen me fixait depuis sa fenêtre ce matin, et cette phrase... « Tu n'aurais pas dû te mêler de ça. » Hier encore, il me l'a dit avec un air bizarre. Jasmine... je suis certaine que c'est lui.
Elle hoche la tête, mais ses yeux sont pleins de doutes.
- Ce n'est peut-être qu'une coïncidence, murmure-t-elle. Mais si tu as raison... alors il faut en savoir plus. Peut-être qu'on trouverait quelque chose à la bibliothèque, dans les archives du quartier ? Il y a peut-être des trucs qui traînent sur sa famille, ou même sur lui.
Je reste silencieuse, mais mon esprit est déjà décidé. Jasmine a raison : il faut comprendre qui est Owen, et ce qu'il veut. Mais malgré cette résolution, un sentiment d'angoisse me ronge.
Mon regard dérive de nouveau vers la fenêtre. Derrière le rideau fermé, je sens encore ce poids du regard d'Owen, cet espionnage constant qui s'étend même jusque dans mon propre foyer. Il est là, quelque part tout près, et j'ai l'impression d'étouffer.
Jasmine, percevant mon trouble, pose une main rassurante sur mon épaule.
- Ça va aller. On va aller chercher, creuser... je suis avec toi, Lilia.
Je hoche la tête, trouvant un mince réconfort dans sa présence. Mais malgré cela, la peur ne quitte pas mon esprit.
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