Enfin à la maison, nous rejoignons nos parents dans le salon. Ils regardent un film. Jasmine et moi nous laissons tomber sur le canapé à leurs côtés. Je suis encore chamboulée de notre sortie, cette soirée où tout a basculé. Le bruit du film me semble soudainement lointain, comme si mes oreilles étaient bouchées, et l'ambiance chaleureuse de la pièce ne parvient pas à apaiser mon esprit tourmenté.

- Alors bien passé ? demande notre mère, sans même détourner les yeux de l'écran.

Nous acquiesçons, toutes les deux, sans ajouter un mot. Aucune de nous n'a envie de déblatérer sur cette soirée catastrophique pour l'une et l'autre. Il y a eu de l'angoisse, du stress et cette sensation de malaise qui persiste encore.

Après quelques minutes de silence, je comprends que le film ne m'intéresse pas du tout. Je quitte le salon discrètement, suivie par Jasmine qui me suit sans protester. Une fois dans ma chambre, je me laisse tomber sur mon lit, les pensées en vrac. Je commence à me préparer à dormir, en essayant de faire le vide dans ma tête.

- Tu vas mieux ? me demande-t-elle, le visage préoccupé.

- Oui, je lui réponds. Je te l'ai dit, c'était juste un acteur, ou bien une mauvaise blague. Je ne veux plus y penser.

Elle semble hésiter un instant, puis elle me fait un sourire rassurant, avant de s'éclipser dans sa propre chambre. Je suis enfin seule. Je tresse mes cheveux face au miroir, les gestes automatiques, mais mes pensées sont ailleurs. Un tourbillon dans ma tête. Je me répète que ce n'était qu'une mauvaise blague, mais la vérité, au fond de moi, c'est que je me sens totalement vulnérable. Pourquoi ce genre de choses m'arrive-t-il à moi ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ?

Je mets de la musique pour essayer de chasser ces pensées envahissantes. La mélodie me berce légèrement, et je tente de me concentrer sur autre chose, de me convaincre que tout cela n'était rien de plus qu'un mauvais moment. Mais plus je me concentre, plus je sens l'angoisse me ronger. Je ne veux pas recroiser cet homme. Jamais.

Je ferme les yeux un instant, mais une vibration me tire brusquement de mes pensées. Mon téléphone. Je râle, agacée, avant de le saisir. Une notification. Je déverrouille l'écran et... un message.

« Bonsoir Lilia. La sortie au parc d'attractions t'a plu ? J'espère que tu as aimé le labyrinthe... »

Le sang me glace dans les veines. Mes doigts tremblent légèrement en tenant le téléphone. C'est impossible... Je suis tétanisée. C'est comme si tout autour de moi s'était figé, comme si j'étais prise dans une toile d'araignée invisible, prête à être engloutie. Je sens mon cœur s'emballer, je me force à respirer, mais je n'y arrive pas. La panique monte en moi. Qui peut bien faire ça ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?

Je me précipite hors de ma chambre, le téléphone toujours dans la main. Je frappe à la porte de Jasmine.

- Jas ! Jas ! J'ai reçu un message ! je m'écrie, paniquée, presque hors de moi.

- Oh mais laisse-moi dormir, j'en reçois aussi ! Ce n'est pas parce que ta vie sociale est pathétique que tu dois me perturber dans mon sommeil, râle-t-elle d'une voix encore ensommeillée.

Je n'ai pas le temps de l'écouter.

- Non, non, Jas, regarde ! Allez, regarde je te dis !

Je lui tends mon téléphone, l'écran allumé, montrant le message. Elle roule des yeux, agacée, mais quand elle jette un coup d'œil au téléphone, son regard change. Elle regarde l'écran une seconde, deux, puis elle grimace.

- Tu te fous de moi là ?! Elle hausse les épaules, agacée. Tu me réveilles pour rien ! Il n'y a pas de message !

Je fronce les sourcils, perplexe. J'ouvre les yeux grandement, incapable de comprendre. Mais je l'ai lu ! Je l'ai vu ! Je montre l'écran vide, le même message que je viens de lire... mais il a disparu. Un frisson glacial me traverse. Est-ce possible de supprimer un message après qu'il ait été lu ? Est-ce que je suis en train de devenir folle ?

Jasmine semble énervée maintenant.

- Et même si tu as reçu ce message, ce n'est pas grave. Va te coucher !

Je n'ai pas la force de protester. Je la laisse retourner sous ses couvertures, et je retourne dans ma chambre, sous le poids de l'incertitude. Est-ce que je suis folle ? Est-ce que j'ai rêvé ?

Je me couche, tremblante, essayant de calmer mon esprit. Mais mon cœur bat encore à toute vitesse, mon esprit refuse de se reposer. Je repense à ce message. Il a parlé du labyrinthe... il savait des détails. C'était trop précis, trop intime pour être une simple blague. Je me force à fermer les yeux, mais... mon téléphone vibre de nouveau. Un autre message. Je n'ose pas l'ouvrir immédiatement. Mon cœur s'emballe. Finalement, je le déverrouille lentement, mes mains tremblantes.

« Pourquoi tu fais ça Lilia ? Personne ne te croira de toute façon. Et maintenant... le jeu commence. »

Le sol se dérobe sous mes pieds. Je suis paralysée. Le jeu commence ? C'est quoi ce truc ? Un jeu ? C'est devenu un jeu pour lui ?

Je décide d'agir. Je prends une capture d'écran, espérant avoir une preuve. Mais mon esprit est plein de doutes. Et si cet homme pouvait aussi supprimer mes captures d'écran ? J'hésite, mais je me dis que c'est ma dernière chance. Si demain matin la photo disparaît, alors je saurai que j'ai rêvé... ou que je suis vraiment folle. Je ferme les yeux, tremblante, et j'essaye de trouver le sommeil, mais une seule pensée me hante : Est-ce que je vais réussir à m'échapper de ce jeu ?