CHAPITRE 1
Ma chambre est enfin rangée, du moins à peu près. Je me laisse tomber sur mon lit, tentant de me familiariser avec cette maison qui est désormais la mienne. Chaque détail me paraît encore étrange, mais je commence à m'y faire. Jasmine débarque dans ma chambre, en sautant sur le lit. Je l'évite de justesse, agacée.
- Papa et maman abusent graves ! J'ai plus de bras, les cartons étaient trop lourds ! Plus jamais on déménage, déclare-t-elle, l'air exaspéré.
- Tu dis n'importe quoi ! Arrête de te plaindre, tu as vu la maison qu'on a maintenant ? On va être super bien ici, le quartier à l'air tranquille en plus, je lui réponds avec enthousiasme.
- Pas faux ! fait-elle en se redressant, son visage s'illuminant. D'ailleurs, ça te dit qu'on aille faire un tour et ce soir, on va au parc ?
- Quel parc ?
- Lilia sérieusement ? T'es pas un peu au courant de ce qui se passe ici à Ravenswood ? Tu t'es pas un peu renseignée ?
Elle me lance un regard condescendant, un peu comme si je venais de sortir d'une grotte. Nous sommes bien différentes. Jasmine est extravertie, toujours prête à rire aux éclats, à être la première à parler dans une conversation. Moi, je préfère de loin la tranquillité, éviter d'attirer l'attention. Moins on me remarque, mieux je me porte. Comme ce jour où, à 12 ans, Jasmine s'est lancée dans des rumeurs sur une fille de l'école, et deux jours plus tard, la même fille l'a attaquée à coups de poing dans la cour. Résultat : deux jours d'exclusion pour Jasmine. Elle ne se laisse jamais marcher sur les pieds, mais c'est aussi pour ça qu'on s'entend bien, malgré nos différences.
- Ravenswood possède un gigantesque parc d'attractions avec des grands huits, des balançoires géantes, des auto-tamponneuses, et pleins d'autres trucs cools.
- Un autre soir Jas... Le déménagement a été long.
- Non, non, non, en fait, je ne te laisse pas le choix, on y va !
Elle attrape mon bras et me fait littéralement tomber du lit. Je me laisse traîner sur le sol, pour lui montrer mon désaccord, mais elle ne s'en soucie pas. Déterminée, elle me tire jusqu'aux escaliers. Je me relève précipitamment, furieuse.
- Tu comptais me tuer à vouloir me faire descendre les escaliers comme ça ? râlé-je, toujours sur la défensive.
- C'était une méthode de pression, et devine quoi ? Ça a marché ! réplique-t-elle d'un air victorieux, son petit sourire satisfait sur le visage.
Je roule des yeux, mais malgré ma mauvaise humeur, je la suis. Dans le salon, nos parents sont en pleine tâche de montage d'un meuble. Jasmine fait une rapide annonce.
- On va faire un tour et sûrement aller au parc, ça ne vous dérange pas ?
Notre père lève les yeux vers nous, une goutte de sueur lui échappant alors qu'il ajuste son meuble.
- Pas le moins du monde, mais ne rentrez pas trop tard, et gardez de la batterie sur vos téléphones au cas où.
- Trop bien, merci papa ! répond Jasmine.
- Vous ne mangez pas ici, du coup ? demande notre mère, curieuse.
Jasmine et moi échangeons un regard, puis secouons la tête.
- Je pense que les churros du parc nous sustenteront, rétorque-t-elle avec son petit doigt en l'air, dans un ton imitant la noblesse.
Notre mère rigole alors que nous mettons nos chaussures et nous préparons à sortir. L'air est encore chaud, le soleil brille, et ça fait du bien après le long déménagement. En face, un homme d'environ l'âge de nos parents tond sa pelouse. Il nous remarque et nous salue de loin, puis retire son casque anti-bruit.
- Vous êtes les petites nouvelles, je suppose ? Bien installées ?
- Oui, très bien. Je suis Jasmine, et voici ma sœur, Lilia.
Nous échangeons un sourire et une poignée de main.
- Vous allez à Ravens, vous aussi ? Mon fils y est inscrit, il doit être de votre année.
- Oui, la rentrée est dans deux jours, on voulait profiter un peu avant de commencer les cours, je lui réponds avec un sourire.
- Ah, parfait ! Mon fils s'appelle Owen, j'aurais bien fait les présentations mais il n'est pas encore rentré. Vous vous rencontrerez peut-être en cours.
Nous acquiesçons, puis, après quelques échanges rapides, nous saluons notre nouveau voisin et repartons. Tandis que nous marchons dans la rue, nous comparons les maisons du quartier, scrutant les détails des jardins et des façades, cherchant à identifier la maison la plus belle, la plus bien entretenue. C'est un jeu que Jasmine et moi aimons bien, surtout qu'elle aime juger les autres d'une manière assez crue.
Nous discutons aussi de nos vies passées, de l'ancienne ville, et de la nostalgie qui commence déjà à se faire sentir. Jasmine, plus expressive, semble s'inquiéter un peu du fait qu'on soit loin de nos anciens amis. Je fais de mon mieux pour la rassurer, mais je sais que ce n'est pas facile pour elle, toujours aussi changeante dans ses émotions. Elle a un besoin constant de nouvelles rencontres, de nouvelles aventures. Je lui dis que tout va bien se passer ici, qu'elle va se faire de nouveaux amis sans souci.
Le long du chemin, nous croisons des passants, quelques jeunes qui marchent en discutant, des parents avec des enfants en bas âge. Pour détendre l'atmosphère, je commence à inventer des histoires sur chaque passant que nous croisons. J'invente des vies improbables, des métiers farfelus, des histoires d'amour interdites... Jasmine éclate de rire à chaque nouvelle invention, et me voir la sourire me rend heureuse, comme un petit éclat de normalité dans cette vie nouvelle, dans cette ville encore inconnue.
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