Chapitre 5
Une alliance ? Je dévisageai Zayan comme s'il venait de lui pousser une deuxième tête ainsi qu'un troisième bras. Il y avait tellement de points négatifs dans la simple idée que nous puissions faire équipe ensemble que je ne savais même pas par laquelle commencer. Au fur et à mesure que la liste s'allongeait dans ma tête, je n'arrivais pas à déterminer si j'avais envie de rire ou de grimacer.
Non. Il ne pouvait pas être sérieux. Il voulait juste me rendre folle. Et il y arrivait très bien.
Je retire ce que j'ai dit plus tôt. J'aurais préféré qu'il ne soit pas à Versailles avec moi. Être seule au milieu d'inconnus, ce n'était pas si mal, en fin de compte.
— Très drôle, Ulner. T'en as d'autres des comme ça ou tu les gardes pour plus tard ?
Je ne comprenais pas quel intérêt il avait à se comporter de la sorte mais après tout, je ne l'avais jamais vraiment compris. C'était en partie à cause de ça que je ne le supportais pas.
— Je suis sérieux.
— Mais oui, bien sûr. Et moi, je suis la fille cachée du président, ironisai-je. C'est pour ça que je suis là. SI je réussis à survivre, je dirigerai la Cité.
Dépité par ma blague de mauvais goût, Zayan claqua sa langue contre son palais d'un air impatient. Les poings sur les hanches, je quittai la fenêtre pour me diriger vers la porte. Je l'ouvris, faisant ainsi comprendre au Privilégié que je voulais qu'il parte. Il ne bougea pas d'un millimètre, préférant rester assis devant mon bureau.
— Dehors.
— T'as même pas réfléchi à ma proposition.
— Parce que je n'ai aucune raison de le faire. Je suis certaine que tu te fous de ma gueule et, même si ce n'est pas le cas, t'es bien la dernière personne ici avec qui je m'associerai. Il y a cinq autres Privilégiés ici qui ne demanderaient qu'à faire équipe avec toi. Va les voir et laisse-moi tranquille.
— T'as pas l'air franchement stressée ou paniquée à l'idée d'être ici, commenta-t-il.
Il était vrai qu'aucun de ses sentiments ne m'étreignait pour le moment. À vrai dire, j'étais simplement énervée d'être ici. J'étais une Privilégiée. Je savais à quoi m'attendre depuis le moment où mon tuteur m'avait droguée. La peur viendrait sans doute plus tard. Actuellement, j'avais juste envie de prendre Kaito et de lui exploser la tête contre un mur.
Tout ça, c'était à cause de lui.
— Il faut plus qu'un simple jeu comme celui-là pour me faire flipper. Maintenant, sors de cette pièce.
Avec ses conneries, je recommençais à avoir mal au crâne. Mon organisme n'appréciait visiblement pas d'avoir été droguée deux fois en aussi peu de temps et de devoir supporter Zayan en prime. Je le comprenais parfaitement. Je l'entendis soupirer bien qu'il se trouve à l'autre bout de la pièce, mais il se décida enfin à lever son postérieur de ma chaise de bureau. Les mains dans les poches, il s'approcha de moi et donc, de la sortie. Il s'arrêta un instant à mon niveau, avant de me jeter un regard en biais.
— Tu sais aussi bien que moi qu'ils ne nous laisseront pas sortir d'ici vivants, murmura-t-il.
— Ouais. Et si je dois crever ici, t'es bien la dernière personne à qui j'ai envie de parler, alors dégage.
Il serra ses lèvres, mais n'ajouta rien. Il s'éloigna de moi et chemina dans le couloir pendant quelques secondes avant d'entrer dans la pièce juste à côté de ma chambre. J'en profitai pour examiner le corridor. Il y avait cinq portes sur le mur d'en face, et cinq autres de mon côté du couloir. Dix chambres. Le nom de chaque occupant était inscrit en lettres d'or juste au-dessus de la poignée.
C'était donc comme ça que Zayan avait réussi à me trouver. J'étais presque déçue que ça n'ait pas été plus dur.
La porte juste en face de ma chambre s'ouvrit, et je retournai m'enfermer dans ma chambre avant de croiser un autre être humain. Zayan m'avait épuisée pour la journée.
Seule dans la pièce, je l'examinai en soupirant. Voici donc l'endroit où j'allais vivre mes prochaines semaines. J'essayais d'allumer l'écran plat, mais cela ne fonctionna pas. Cela manquait cruellement de technologie. D'accord, c'était un test menant à la mort de probablement la totalité des personnes se trouvant ici, mais regarder la télé de temps en temps n'aurait pas été de refus. Surtout que ce n'était pas avec les plateformes de streaming que nous allions pouvoir contacter l'extérieur.
Au moins, le Test de cette année n'était pas une épreuve de survie comme l'année dernière. Les Vagabonds qui y avaient participé avaient eu quatre jours pour se rendre au sommet d'une île montagneuse qui se faisait progressivement engloutir par les eaux, tout en devant résoudre des énigmes sans lesquelles ils ne pouvaient plus avancer. En quarante-huit heures, tout le monde était mort parce qu'ils n'étaient pas parvenus à trouver la réponse de la deuxième énigme. Je supposais qu'un remix du jeu Loups-garou ne pouvait pas être si terrible.
Je m'étirai et allai ramasser le règlement que Zayan avait laissé en plan sur mon bureau au moment de sortir. Je le parcourus rapidement, constatant qu'il n'y avait en tout que sept points. Je le rangeai après avoir lu ce qu'il contenait et avisai la pendule qui était déposée non loin. À ce moment-là, une voix robotique résonna entre les murs du château.
— Le dîner sera servi dans le Salon d'abondance dans une heure. Aucun retard ne sera toléré et la présence de tous les participants est obligatoire.
Le message tourna en boucle pendant une dizaine de fois avant de cesser enfin. Tournée vers la télévision, d'où venait sans aucun doute l'ordre robotique, je la fusillai du regard.
— Donc tu ne t'allumes que pour les mauvaises nouvelles et donner des ordres ? C'est noté.
J'allais vachement me faire chier si je devais rester toute seule pendant les trente prochains jours. Car il était totalement exclu que je me fasse des amis dans cet endroit. Avec la chance que j'avais, j'allais me lier avec des Loups et ils allaient devoir tous mourir pour que je survive. Je m'étirai longuement, une odeur désagréable chatouillant mes narines lorsque je levai les bras.
— OK, je bouge pas d'ici tant que j'ai pas pris une douche.
Je ne désirais peut-être pas me faire des amis, mais pour mon propre bien et pour ne pas asphyxier tout le monde, il était préférable que je me lave avant de sortir de cette pièce. Avant de filer dans la salle de bain, je me dirigeai vers la penderie qui se trouvait près de la fenêtre. Je n'avais apporté aucune affaire. J'espérais bien qu'il y avait des vêtements à ma disposition. Je n'allais pas porter les mêmes fringues pendant un mois. C'était dégueulasse.
— Non mais c'est une blague ?
Je ne savais trop à quoi je m'attendais en ouvrant la porte de l'armoire, mais certainement pas à voir des robes et des vêtements que je ne porterais jamais en temps normal. Entre les jupes, les hauts colorés et les jeans bien trop moulants, j'avais l'impression de faire face à un cauchemar. Les organisateurs se foutaient de ma gueule. Je m'habillais en noir depuis dix ans. Qu'est-ce qui leur était passé par la tête pour me refourguer des couleurs. C'était le comble. J'attrapai avec minutie les affaires les moins colorés que je trouvai, puis m'enfermai dans la salle de bain.
Une baignoire creusée à même le sol était présente dans un coin de la pièce, une douche juste à côté, ainsi qu'une coiffeuse, un lavabo et des miroirs. On allait probablement tous crever mais au moins, on pouvait le faire en étant pomponné. J'ouvris un tiroir et y découvris des produits de beauté.
C'était absurde.
Mon premier réflexe fut de m'assurer qu'il n'y avait pas de caméras dans cette partie de ma chambre. De longues minutes, j'inspectai chaque recoin caché avant de hocher la tête, satisfaite. Je ne me fis pas prier pour entrer dans la cabine de douche.
L'eau chaude détendit mes muscles alors que je rejetais la tête en arrière, pensive. Maintenant que j'étais ici, je n'avais plus le choix. J'allais devoir démasquer les petits espions avant la date butoir. Il était hors de question que je laisse l'autre équipe remporter la victoire. Un ricanement m'échappa. Les Agneaux. Ils m'avaient foutu dans l'équipe portant le nom d'une proie. Je me serais plus vu chez les Loups mais apparemment, les organisateurs me pensaient inoffensive.
Quatre Loups... Nous étions sept Privilégiés. Avec de la chance, seuls quatre d'entre nous maximum allaient sortir d'ici vivants.
Et l'alliance de Zayan... Nos parents avaient commis les deux pires crimes de toute l'histoire de la Cité. Ce serait complétement stupide de la part des organisateurs de nous mettre dans la même équipe. Quelle image donnerait le président s'il nous laissait nous en sortir tous les deux ? L'image que les enfants de traître pouvaient s'en sortir sans trop de mal. Il n'y avait que deux possibilités. Soit nous n'étions pas dans la même équipe, soit les organisateurs allaient se débrouiller pour être certains que l'un d'entre nous allait mourir avant la fin du jeu.
Je coupai le robinet d'eau en sachant qu'elle serait ma première étape dans cette épreuve pourrie. Découvrir dans quelle équipe se trouvait Zayan. Et je n'aurai aucun scrupule à le dénoncer s'il s'avère être un Loup.
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