PETIT AVERTISSEMENT:
En italique, vous vous trouvez dans la tête de Taehyung...
En italique + en gras, c'est Yoongi...
Bonne lecture!
---------
Tout est noir. Je ne sens plus rien.
Mon corps refuse de bouger, je ne peux même pas ouvrir les yeux. Tout ce que je perçois, ce sont des cris et des sanglots.
Yoongi.
C'est sa voix. Mais elle est floue. Lointaine. Comme si ma tête était plongée dans l'eau et qu'il m'appelait depuis la surface.
Yoongi, je suis là.
Je commence à avoir peur. Je ne sens plus rien d'autre que la douleur qui s'insinue en moi. Les notions d'espaces et de temps disparaissent, je semble suspendu dans le vide et l'obscurité. Sans rien d'autre que le froid et la douleur.
Yoongi, sauve-moi.
Pourquoi est-ce que tu ne m'entends pas? Pourquoi est-ce que tu prononces juste mon nom?
Je n'arrive plus à résister.
Les bruits flous s'effacent et je sombre.
L'atmosphère blanche et froide de l'hôpital me fout la trouille. A chaque fois qu'une infirmière passe devant moi, dans le couloir, je me rappelle la raison pour laquelle je suis ici. Dès qu'un médecin pointe le bout de son nez, je crains la nouvelle arriver. Mes nerfs sont à vifs et mes pleurs ont cessé. Même pas parce que je suis calme. Uniquement car je n'ai plus d'eau à verser.
Je me sens vide. Il n'existe plus rien autour de moi. Juste des émotions diverses et confuses dont je ne perçois que peu l'intensité tant elles sont violentes.
Peur.
Haine.
Colère.
J'aurais dû voir cette voiture plus tôt. J'aurais dû avoir le temps de le pousser et de me mettre à sa place. J'aurais dû pouvoir faire quelque chose.
Je me déteste. Dans les toilettes, mon reflet m'a renvoyé une impression de dégoût si extrême que j'en ai vomis. Le liquide brûlant et écoeurant avait fait quitter encore plus de force de mon faible corps.
Je ne ressemble à rien. Ma peau est aussi blanche qu'un cadavre, mon corps est petit et maigre. Mes cheveux sont tintés de rouge, comme le reste de mon être. Une femme m'avait proposé des vêtements mais je l'ai repoussée.
C'est glauque.
Mais son sang est la seule chose que je peux avoir avec moi en cet instant.
Le passant de toute à l'heure a eu la chance d'être un médecin. Il a contacté une ambulance qui a fait au plus vite. Mais son état était déjà bien trop grave.
Je ne veux pas dire son nom. J'ai peur de le prononcer encore une dernière fois, d'exploser.
C'est Namjoon qui lui a fait ça. Pas un de ses subalternes. Non. En me calmant, ici, je me suis souvenu du bras qui m'avait salué de loin et surtout du tatouage qui ornait le poignet masculin, cachant une cicatrice qu'un couteau avait laissé, pour ses quinze ans. Le chef du réseau s'est carrément déplacé pour faire cette sale besogne.
Il joue avec moi.
Mais je n'ai plus de raison d'exister si la seule personne qui me sortait de la merde n'est plus là.
Toute la haine que j'ai envers Nam et moi-même me fait tenir pour l'instant. Mais ça ne durera pas.
Tout est silencieux. Ça me fait vraiment peur.
Je n'ai plus aucun point de repère.
Mes sensations ont disparu.
Depuis combien de temps est-ce que je suis ici ?
Je me sens partir.
Yoongi, sauve-moi. Je veux pouvoir revoir ton sourire.
«Yoongi ! »
Cette voix.. Je la connais.
Mes yeux se tournent vers les deux silhouettes qui courent vers moi. Jimin et Jungkook. Ils sont là.
En voyant le rouquin, une violente onde de culpabilité me parcourt et m'accable tout à coup. Encore quelqu'un que j'ai fait souffrir.
Kook s'accroupit vers moi pour me prendre dans ses bras. Je n'avais même pas remarqué que je m'étais laissé glissé au sol.
Son odeur me contamine et je niche mon visage dans son cou pour me calmer. Ses bras se referment fortement autour de l'être misérable que je suis et me serrent comme si j'allais disparaître.
Mais j'ai déjà disparu.
Une de mes mains accroche son tee-shirt pendant que l'autre cherche à l'aveugle celle de Jimin qui s'est assis près de nous. Sa main d'enfant, petite et chaude, vient se mêler à la mienne pour souffler à nouveau un peu de vie dans mon corps glacé. Jimin représente le feu à lui tout seul, plus doux et rassurant que celui destructeur qui m'habite depuis tant d'années. Il réchauffe nos cœurs quand la fumée que je suis asphyxie les autres.
Je suis une pourriture. J'aurais dû faire quelque chose.
Je n'arrive même plus à parler. Je suis une merde.
Un médecin passe et Jungkook l'interpelle pour lui demander où est...Non, je ne peux pas dire son nom. Je n'arrive même pas à le penser.
Mes yeux détaillent alors mon cadet et je remarque que le liquide écarlate qui n'avait pas encore séché s'est transféré sur lui. Il porte aussi son sang. Il nous a éclaboussé de ses erreurs, de ses débilités, de son instinct de survie, de son sourire à la con.
J'ai mal pour Jungkook. Je sais qu'il l'aime encore, au fond de lui, même s'il fait la forte tête. C'est le seul qui puisse comprendre mon état.
Je panique.
Ma conscience est faible,je n'arrive même plus à me battre.
Yoongi, où es-tu ?
Je n'entends que des bruits métalliques autour de moi. Il y a des voix aussi. Floues, inaudibles.
Yoongi, sauve-moi. J'ai peur.
Son père est passé. Je l'ai vu de loin. Sa femme l'accompagnait. Elle pleurait comme une alarme de pompiers, c'était horrible pour les oreilles.
J'ai croisé le regard de Yongsuk mais, en voyant mes yeux vides, il a apparemment compris que ce n'était pas le moment pour s'offusquer de ma présence. Qu'il aille se faire foutre, lui et ses principes.
Quand ils sont partis, voyant qu'ils étaient inutiles, j'ai eu une pensée pour TaeHee. Cette gamine si enjouée dès que son frère pointait le bout de son nez. Cette âme innocente qui allait découvrir la douleur.
Jimin est parti chercher à manger, malgré mon incapacité à ingurgiter quelque chose. Jungkook est resté là, sûrement pour me surveiller mais, même s'il ne l'avouera pas, sans doute aussi parce qu'il avait mal au plus profond de lui.
Ma tête posée contre son épaule, je ne bouge plus depuis un moment.
Je me dégoûte. Je ferais mieux de crever.
C'est moi qui aurait dû me faire percuter.
Pas lui.
J'ai mal.
Quelque chose de chaud touche mon bras et je me retourne pour voir la mine inquiète de Chim. Kook doit sortir un moment pour arranger les dernières affaires de...ses dernières affaires. Il sait que je ne le ferais pas si..si..
Le rouquin reste à côté de moi. Puis, instinctivement, je viens me lover contre son torse pour sentir sa chaleur rassurante.
J'ai peur d'être seul.
Ma voix parvient enfin à se frayer un chemin jusqu'à mes lèvres mais elle est faible et basse, brisée :
«Je suis désolé Jimin. Pour tout ce que je t'ai fait. Excuse-moi... »
Il me coupe doucement en me disant de me taire. Il mérite mieux que ce regard fracassé qu'il cherche à me dissimuler. Pour me calmer un peu, il commence à chantonner délicatement une berceuse de sa voix douce, sa main caressant mes cheveux qui se mêlaient entre le rouge et le gris.
J'ai peur.
Ne me laisse pas seul.
Tout est vide, de plus en plus.
Une sorte de lumière semble éclairer le néant dans lequel je me trouve, de loin.
Peut-être que si je l'atteins...
Peut-être que la douleur disparaîtra....
J'ai mal.. J'ai peur...
Mes yeux se fixent sur mon téléphone alors que j'hésite à appuyer pour envoyer ce message. Mon cœur me fait trop souffrir.
Jimin remarque tout de suite que mon visage a changé. Il connait cette expression.
Sa main arrache mon portable des mains et je vois son visage se vider de son sang en lisant les mots que j'ai tapé.
«Il est le seul à pouvoir m'aider.. »
Je n'ai pas réussi à parler à Jungkook, même à son retour. Et heureusement qu'il est parti prendre un café pour Chim et lui, sinon je me serais fais tué. Quelle ironie. Oui, tuez-moi.
Le roux s'écoule presque à genoux face à moi et me regarde, perdu malgré sa détermination :
«Hoseok ne pourra plus rien pour toi, Yoongi. C'est fini, ces merdes-là. Ce n'est pas la solution. »
Pourtant, malgré ses dires, mon esprit réclame une putain d'injection. Je veux sentir le produit dans mes veines me calmer. Je veux sentir cette merde me tuer.
Ce serait vite fait de prendre de la morfine, ici.
Mais Jungkook et Jimin ne me lâcheront pas d'une semelle.
J'ai mal. De plus en plus.
Hoseok, abrège tout ça.
Je veux rejoindre cette lumière... Qui sait ce qui m'attend derrière... Peut-être que Yoongi... Non... Il n'est pas là.... Je suis seul ici, dans ce monde de néant....
Je ne ressens presque plus ma douleur.
Je suis trop faible pour ça.
Il est allongé là, sur ce lit.
Les tubes sont légions et le bruit des machines me vrille les oreilles.
Rien ne va.
Les médecins n'ont même pas osé me regarder dans les yeux quand Jungkook leur a demandé ce qu'il adviendrait de lui.
Namjoon a réussi son coup.
Il va m'envoyer ses fleurs à la con en condoléances.
Je voudrais lui faire bouffer son sarcasme et sa cruauté avec ces plantes, avant d'en finir.
Hors de question que je reste ici si lui n'y est pas.
J'ai demandé à rester seul.
Mes amis m'ont accordé ce souhait aisément.
Alors je reste là et je parle, seul. Mes mots ne trouvent pas de sens mais il faut que je parle.
Que je lui rappelle que je l'aime.
Qu'il est le seul.
Mais je dois aussi m'excuser.
Pour avoir brûlé tant de temps.
Pour avoir tout foiré.
Pour ne pas l'avoir sauvé.
Pourtant, je sais que mes dires ne servent à rien.
Il ne m'entend pas. Il ne me répondra plus jamais.
Quelqu'un toque.
C'est Hoseok.
Il me regard, l'air défait. Il est en pleine guerre intérieure, je le vois.
Il ne veut pas.
Il ne veut plus.
C'est sa promesse.
Mais il croise mon regard et comprend.
Que le choix n'est plus à faire. S'il n'accepte pas, j'irais voir quelqu'un d'autre. Il le sait.
Je veux mourir.
Je devrais mourir à sa place.
Hoseok approche et sa voix se brise dans un sanglot invisible alors qu'il me tend un paquet :
«Yoongi, je t'en supplie, ne prends pas cette merde. Tu peux encore vivre. Pour lui. »
Non. Je ne peux plus. Pas sans lui.
Ce monde nous a abandonné.
Il nous a rejetés et jugés.
Sans lui, je ne survivrais pas.
«Dis à Jungkook.. Que je suis désolé... Mon choix est fait... »
Une larme coule sur sa joue quand je saisis le plastique hermétique.
«Je ne veux pas voir ça... murmure-t-il. Réfléchis, ne fais pas ça. Ne t'injecte pas cette connerie dans les veines. Je sais que si je ne te la donne pas, tu iras voir un de ces connards qui t'en donnera bien trop. Mais Yoongi, je t'en supplie, réfléchis. »
Il ne tarde pas à sortir.
Il va empêcher Kook et Jimin d'entrer, je le sais. Il ne veut pas qu'ils me voient ainsi.
Les voix sont encore brouillées. Mais je reconnais celle de Yoongi. Et celle d'Hoseok.
Qu'est-ce qu'il fait là ?
Je ne comprends pas tout.
Je me sens dériver vers les limbes d'un sommeil dont je ne me réveillerai sans doute pas.
J'ai entendu un mot sur mon état.
Coma.
Alors c'est ça.
J'entends quelques bribes de conversation.
Malgré mon cerveau massacré, je comprends.
Yoongi.. Non....
Je ne veux pas...
Mon esprit s'embrume encore, peu à peu.
Yoongi.. Arrête...
Vis pour moi...
Mes forces déjà manquantes me quittent.
Je voudrais crier.
Lui hurler de ne pas faire ce que je crois.
Mais je ne peux pas.
Parce que mon monde s'effondre sur moi.
Mes mains tremblantes défont l'emballage stérile.
Mes gestes sont habiles, habitués, désireux.
Mon regard se lève une dernière fois, comme une excuse pour ce que je m'apprête à faire, vers celui qui m'a fait vivre.
Celui qui m'a abandonné le premier.
Celui que j'aime.
Des derniers mots sortent de mes lèvres quand mon regard fixe la ligne sur la machine bruyante :
«Je t'aime, Taehyung. »
Vous avez voulu connaître notre monde, notre histoire.
La voilà.
Comme dans chaque roman, il y a un moment où tout s'arrête.
Et malheureusement pour nous, c'est aujourd'hui, en glissant l'aiguille dans ma veine, en entendant la machine infernale, que je peux vous annoncer que le mot fatidique est arrivé.
FIN.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top