29 / Les roux étaient les suppôts de Satan au Moyen-Age, nan? (2/2)
[Yoongi – 11 ans]
J'ai encore raté le bus. Il fait encore froid pour un moi de mars, je n'ai pas envie de marcher. Maman dit toujours que ce n'est pas bien d'être aussi paresseux que moi. Kook aussi. Mais Kookie court partout, toujours. En même temps, il n'a que sept ans. Je vais essayer de rentrer vite à la maison pour pouvoir jouer.
Je me mets donc à avancer sur le trottoir d'une rue assez vivante. Les commerçants se parlent tous et tentent d'interpeler le client. L'odeur me donne faim, j'ai envie de goûter d'ailleurs. Mes yeux se lèvent vers une dame âgée qui vent des petits beignets sucrés au chocolat. Mon dieu, j'en veux un... Je tâte mes poches pour finalement constater que je n'ai pas pris mes sous. Mince.
Je grimace et la vendeuse me remarque. Je crois qu'elle aime bien ma bouille, avec le sourire de maman qu'elle a. Pourtant je suis petit et laid. Je fais presque la taille de Kookie alors que j'ai quatre ans de plus.
«Tu as faim, mon petit ? Me demande la vieille gentiment. »
Sans oser parler, je hoche timidement la tête mais lui fais signe que je n'ai pas d'argent. Maman me dit de ne pas parler aux inconnus, et puis de toute façon je n'oserai pas. Ma voix est encore plus pitoyable que mon physique.
Je vais m'en aller mais la dame me fait signe d'approcher, ce que je fais. Je la vois se pencher vers l'étale et elle me donne, dans une petite boite en carton, deux beignets. Mes lèvres s'étirent jusqu'à mes oreilles quand je la remercie, rougissant instantanément en remarquant que j'ai parlé. Gêné, je baisse les yeux alors qu'elle sourit.
Je n'aime pas cette voix faiblarde.
Je commence à marcher à nouveau vers la maison, en mangeant ma pâtisserie. Mon ventre commençait à crier famine et me remercie de ce présent. Je garde l'autre dans la boîte, mise à l'abri dans mon sac. Jungkook arrive ce soir pour passer le week-end chez nous.
J'ai hâte de le revoir. Même si je suis entré au collège cette année, je trouve toujours un moyen pour demander à mes parents de le voir. Pour ça, en général, je travaille. Mais à cause de ça, je m'ennuie en classe. Tout est trop simple. Pourquoi est-ce que je dois apprendre des choses basiques alors que je suis déjà entrain d'étudier, chez moi, les cours donnés aux dernières années du collège ? Ils ont trois ans d'avance et pourtant, je suis entrain de les rattraper du haut de mes onze ans. A cause de ça, ils se moquent bien de moi, d'ailleurs, avec mon corps chétif et mes cordes vocales merdiques.
Il vaut mieux prendre un raccourci pour arriver à l'heure à la maison, parce qu'il commence à faire moche. Il va faire de l'orage. Et j'aime pas du tout ça.
Je tourne donc dans une petite rue sombre et me fige en voyant ce qui se tient face à moi. Rapidement et silencieusement, je me cache derrière une benne pour observer la scène.
Il y a un garçon d'environ mon âge, assis sur une caisse en bois, qui regarde ce qui se passe. Malgré le fait qu'il semble aussi jeune que moi, il paraît plus grand et plus fort que moi. Il a la peau mate et des grosses joues. Face à lui, il y a un homme plus vieux et un adolescent. Enfin, fin d'adolescence vu sa tête.
Ils se disputent, je les entends d'ici.
«Je veux mon fric, mec.
-Bientôt, Shadow, je te le jure.
-Tu m'as dit ça il y a quelques temps déjà.. J'ai l'impression que je vais devoir te convaincre de me payer. »
Le vieux recule un peu, je le vois. Le jeune, Shadow apparemment, s'avance au contraire et je vois une lame briller dans sa main. Je suis tétanisé. Je ne peux pas parler. Que se passe-t-il ?
«Juste une fois...
-Non, WonWoo. Tu veux ta came ? Je veux mon fric. Je t'ai fait une avance la dernière fois, tu n'auras rien avant que j'ai les sous et les intérêts. En plus du prix pour ta prochaine dose, bien sûr.
-Je vais pas tenir sans ma dose...
-Si tu savais comme je m'en bats les couilles, mec. Je te laisse jusqu'à lundi. T'as trois jours, profites-en pour te soigner, cette plaie ne m'a pas l'air très jolie. »
L'homme le regarde, avec de la peur dans les yeux.
«Quoi.. ? »
Tout à coup, mes yeux s'ouvrent en grand et je couvre ma bouche. Le jeune, Shadow, vient de planter sa lame dans la jambe de son aîné, un sourire sadique aux lèvres. Je n'ai jamais vu un sourire pareil. Il fait peur. Vraiment peur. Toute sa personne respire la cruauté en ce moment-même. Le plus âgé ne tarde pas à tomber, geignant de douleur. D'ici, je vois qu'il ressemble vraiment aux drogués dont Papa m'a parlé une fois. Il en voit de temps en temps, à l'hôpital.
Celui qui a mon âge n'a pas bougé. Il semble fasciné par la scène morbide. Shadow se retourne vers lui et range son couteau.
«Viens, Nam, maman va pas tarder à nous engueuler d'être sortis sans prévenir.
-Tu parles, elle va encore roupiller avec ses médicaments...marmonna le petit.
-Nam. Tu sais que c'est pour son bien qu'elle prend ces médicaments, sinon les médecins ne pourront plus rien faire pour elle.
-Hm.
-Allez, de toute façon on doit aller compter les sous avant d'aller la voir.
-T'as du sang sur toi, hyung.
-Je sais. Allez, viens. »
Les deux partent dans l'autre direction, sauvant ma peau. Je devrais aider l'homme au sol. Mais j'ai trop peur de ce que je viens de voir. Aussi, je fui discrètement pour rentrer chez moi, courant comme un dératé malgré mon habituelle paresse, voulant retrouver mes parents, ma maison, mes jeux et, surtout, Jungkook.
~~~
[Yoongi – 13 ans]
J'ouvre un œil vers une touffe noire. A moitié surpris, je sens un corps sous la couette, bien endormi, proche de moi. Il a encore réussi à se glisser dans mon lit pendant la nuit... Je soupire. Heureusement que c'est lui, sinon j'aurais râlé.
Mais Jungkook n'a que neuf ans et il aime venir dormir avec moi quand il me rend visite. Alors je le laisse faire.
Je regarde l'heure. Sept heures. Bon, j'ai le temps.
J'enroule mes bras autour du petit corps enfantin et le soulève tout à coup pour le porter dans la cuisine. Réveillé en sursaut, Kook crie et s'agite mais je profite de l'avantage que j'ai d'être bien réveillé pour le tenir avant de finalement le poser sur une chaise.
Mes parents ont à peine levé la tête en nous entendant, vu les cris de goret que cet imbécile a poussé.
«Hyung, t'es méchant ! Je veux dormir ! Râle-t-il avec une moue endormie qui m'aurait presque fait céder.
-Ouais, mais je dois aller en cours.
-Et alors ?
-Et alors j'avais besoin de te réveiller parce que tu es encore venu dans mon lit et que tu bloquais le passage. »
Il continue de maugréer alors que je lui sers son déjeuner, qu'il prend quand même bien rapidement. J'ai le malheur d'avoir cours le samedi, maintenant, donc il reste avec mes parents toute la matinée. A force de se voir depuis maintenant quatre ans, au moins une fois toutes les deux semaines, il est devenu comme le second fils de la famille, comme moi dans la sienne. C'est agréable, surtout pour les fêtes de fin d'année. On a chacun deux fois plus de cadeaux.
J'avale un verre de jus d'orange et expédie un bout de pain grillé, faisant râler ma mère.
«Yoongi, tu devrais montrer l'exemple à Jungkook en prenant un vrai déjeuner et non pas en gobant du pain.
-Je gobe pas, maman, j'ai juste pas le temps. Je vais prendre ma douche ! »
Posant un baiser sur sa joue, je parle tranquillement vers la salle de bains pour me préparer.
Il commence à faire beau, comme par hasard au moment où je ne rate plus jamais mon bus. Quelle ironie. J'arrive donc à l'heure pour un cours de mathématiques ultra chiant, comme d'habitude. Les profs ont bien remarqué que je ne fous rien, à force. Et, comme d'habitude, ils essaient de me coincer.
«Monsieur Min, s'exclame mon prof en me sortant de mon demi-sommeil. Puisque vous aimez vous endormir pendant mes cours, venez donc résoudre ce problème ouvert au tableau. Vous avez de la chance, je venais de proposer à vos camarades de leur montrer un problème de niveau lycée, c'est-à-dire bien supérieur à votre niveau, monsieur Min.»
J'en entends pouffer et pourtant ils sont dans la même merde. On est au collège, notre prof n'a théoriquement pas à nous donner ces problèmes. Mais c'est un putain de sale con qui aime rabaisser ses élèves. Donc...
Je me lève et avance vers le tableau. Je n'en branle plus une en maths depuis la fin de la sixième, j'ai bien compris ce que ça faisait d'avoir les plus vieux sur son dos parce qu'on est fort. Pourtant, je bosse toujours chez moi. Donc, bien évidemment, mon prof ne sait pas que les équations trigonométriques et les nombres complexes en trigo, j'ai déjà vu. En temps normal, j'aurais fait de la merde pour qu'on me laisse tranquille. Mais là, il me fait clairement chier depuis quelques semaines, alors je vais le résoudre, son problème à la con.
Je saisis la craie et écrit rapidement au tableau, regardant chaque donnée, les murmures de mes camarades ne m'arrivant pas aux oreilles. Je marmonnais tout seul quelques bribes de phrases que seul mon professeur pouvait entendre.
«Alors..ouais..On est dans le plan complexe..Calcul du module avec la racine de la somme des carrés de a et b.. Ah ouais l'argument..Euh.. Merde. Ah ouais, cosinus c'est a sur module et sinus c'est b.. On passe l'angle en radian pour l'avoir en degré... Ouais, π/3 c'est une valeur remarquable. Ensuite on passe ça là.. On résout l'équation dans le domaine Ƶ des complexes... Il faut aussi que le complexe de la seconde question soit un imaginaire pur... Voilà, c'est bon, je peux retourner à ma place maintenant ? »
Mes yeux se tourne vers mon prof qui est bouche bée. Bah ouais, enculé, ça t'en bouche un coin de voir le dernier de ta classe de merde te résoudre un problème de dernière année de lycée ?
Je pose la craie sur son bureau et le laisse recalculer, repartant à ma place. Maintenant, je vais pouvoir dormir. Parce qu'avec Kook à la maison, ça va être compliqué ce soir. Une vraie pile électrique ce gamin.
Ma classe est tournée vers moi, déconcertée, je le sens. Mon prof bougonne des félicitations que j'accepte d'un petit hochement de tête. C'est bon, le spectacle est fini. Pourtant, même quand ils se retournent, je sens un regard brûler dans mon dos. Au bout d'un moment, gêné par la sensation, je tourne la tête vers le dernier rang pour croiser les yeux amusés de Namjoon. J'hausse un sourcil et il sourit gaiement en secouant la tête. Je finis par me retourner pour regarder par la fenêtre, blasé. Ce mec est bizarre, c'est pas nouveau. Mais j'ai appris que sa mère est morte il y a un ans, et qu'elle vivait hospitalisée jusque là. C'est peut-être ça qui lui a remué le cerveau, au Nam. Enfin, c'est clairement pas mon problème. Il vit avec son frère, du coup, et grand bien lui fasse parce que je m'en branle royalement.
«Alors, tu caches ton jeu, Yoongi chat ? »
Je lève des yeux irrités vers la voix grave qui vient de parler. Comment il m'a appelé, ce débile ?
«M'appelles pas comme ça, Namjoon.
-Oh allez, tu vas faire quoi sinon ? Me frapper ? T'es aussi fin qu'une brindille et t'as même pas encore mué, tu crois que tu peux te prendre pour un mec ? Rigole-t-il.
-Tais-toi. »
Je m'apprête à partir quand il retient mon bras, trop fermement pour que je puisse me libérer. Putain, je suis vraiment faible. Un gamin petit, blanc comme un linge et faible. Ses yeux sombres me regardent, amusés, alors qu'il relâche un peu la pression sur ma peau.
«J'ai vu ce que tu savais faire, en maths.
-C'est bien, t'es pas aveugle. Ça me touche de l'apprendre.
-Un petit rigolo en plus de ça.
-Ouais, tu veux voir mon nez de clown ? »
Je le vois ricaner. Au moins, je l'amuse, c'est déjà ça. Parce que vu le gorille, malgré nos treize piges, il va clairement m'envoyer dans le décor s'il me frappe.
«Tes maths, là. Ça peut servir dans la vraie vie ?
-Ouais. Pourquoi, tu te sens l'âme de Thalès ?
-Ouais c'est ça, exactement. Ça sert à quoi ? »
Je me libère enfin de son emprise en voyant qu'il lâche du leste et croise mes bras sur mon torse trop fin.
«C'est utile pour presque tout, Nam.
-Nam ? On est devenu potes ou quoi ? Allez, dis moi.
-Probabilités, statistiques, etc... Avec la physique aussi, tu peux prévoir quelques évènements.
-Tu sais faire ça, toi, le gringalet ?
-Le gringalet t'emmerde. Ouais, je sais un peu me débrouiller dans des situations basiques et théoriques.
-Ah bah améliore-toi, je vais avoir besoin de toi je crois, Einstein. »
Il me fait signe en partant et je soupire. Combien de fois vais-je m'empêcher de râler pour dire que je préfère les bouquins et l'histoire aux maths et à la physique ? Sérieusement.
Finalement, je décide de rentrer chez moi à pied, maugréant toutes les insultes que je connais pour le moment. Je ne pourrai rien dire avec Kook, il est trop petit.
Ouais, il est trop petit.
Ça fait trois semaines que Nam est venu me parler. Jusqu'ici, il ne m'a pas vraiment fait chier, mais il s'est soudainement mis à me poser des questions sur les maths en général. Puis ça c'est arrêté. Tatn mieux. Mais il a continué à m'attendre tous les soirs. Et, finalement, c'était bien d'avoir un ami de mon âge. Parce que Kook est encore en primaire. Je n'ai peut-être que 13 ans, mais lui a l'âge que j'avais quand je l'ai connu. Les choses changent.
D'ailleurs, c'est avec Nam que j'ai fumé ma première clope. Lui fumait déjà, je l'ai vu à la sortie de l'école.
On est au parc, profitant du soleil chaud. J'aspire la bouffée de nicotine, à côté de mon ami qui frotte ses tempes. Il a voulu attendre ici, son frère allait venir le chercher pour je ne sais quelle raison qui ne m'intéresse pas tellement.
«Bon, je te laisse mec, JoonHee est là. »
Namjoon se lève en écrasant son mégot au sol et je croise un regard familier au loin. Je me bloque imperceptiblement en regardant l'homme s'approcher de nous. Il doit avoir la vingtaine mais, en deux ans il n'a pas vraiment changé. Pourquoi Nam a changé, lui, alors ?
Il fait toujours aussi peur. C'est l'aura qui l'entoure, ça. Elle semble noire et angoissante.
Mais c'est bien le mec de la ruelle. Shadow, si je me souviens bien. Au même moment, un enfant percute sa jambe en courant et il lui lance un regard presque meurtrier. Reconnaissant Jungkook qui courrait vers moi, je me lève rapidement et le place derrière moi. Mon aîné et mon ami me regardent, le premier avec méfiance et le second avec curiosité.
«Un problème, gamin ? Demande la voix rauque et froide.
-Hyung, laisse le, c'est un pote, râle Nam. Allez, à plus Yoongi. »
Les deux s'en vont mais le regard que me lance JoonHee en partant me pétrifie. Il me fait peur. Vraiment. Je me rappelle de cet homme abandonné dans la ruelle avec un coup de couteau dans la jambe. Maintenant, je me rappelle que Nam était suffisamment dans l'ombre pour que je ne puisse pas décrire les détails de son physique. Mais, visiblement, je suis devenu ami avec la mauvaise personne.
Je baisse les yeux vers Kook qui est plus occupé à regarder le mégot que je tiens toujours. Je soupire et l'écrase au sol avant de m'accroupir face à mon petit frère de cœur.
«Hyung, c'était qui ?
-Personne, Kookie. Qu'est-ce que tu fais là ?
-J'ai pu venir jouer au parc et j'ai vu hyung. Hyung, c'est pas bien de fumer.
-Je sais, Kookie. Tu ne diras rien aux parents ? »
Il hoche la tête et je souris doucement.
«Juré ?
-Oui ! »
Je tends mon petit doigs qu'il scelle au sien. Ce bout de chou est vraiment lumineux. J'aurais aimé être comme cet enfant.
Pour le moment, je suis sauvé. Mais je ne sais pas encore. Je ne sais pas encore qu'à seulement neuf ans Jungkook vient de débuter les mensonges pour moi.
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[Yoongi – 15 ans]
«Mec, grouille-toi ! »
Je me mets à courir le plus vite que je peux pendant que Nam me suit, sa respiration proche de mes oreilles. Heureusement que je connais la ville comme ma poche, grace à lui. Les bruits des sirènes se rapprochent et je tourne sans prévenir pour entrer dans les halles, profitant de l'obscurité de la soirée. Mon ami me suit vite et je m'engouffre dans un stand au volet mal fermé après avoir donné un coup sur le loquet. Namjoon se cache avec moi dans le stand et nous baissons suffisamment le volet pour que nos poursuivants ne se doutent de rien.
On les entend.
«Putain, saleté de gamins ! Allez, j'ai pas envie de me les peler ici toute la soirée. On retourne au chaud, ils doivent être partis. »
La patrouille de nuit s'en va rapidement et nous rouvrons le volet pour sortir de notre cachette. Je regarde mon ami. Il a décoloré ses cheveux il y a peu et la lune se reflète dans les mèches claires. Son sourire est contagieux, nous éclatons de rire. Ça fait cinq fois en un mois, mais ils ne nous attrapent jamais. On court trop vite pour ces flemmards et les rues sont nos amies. On remballe les bombes de peinture en riant avant de marcher en dehors de notre planque, profitant de la lumière des réverbères.
«Tes parents pensent que t'es où ce soir ? sourit mon ami.
-A une fête chez un mec de ma classe. Demain je pars pour Busan pour la première moitié des vacances donc ils n'ont rien dit.
-Tu vas encore là-bas ?
-Ouais, Kook a quelques soucis pour s'intégrer je crois. Je vais lui faire la surprise.
-Pauvre petit chou. »
Je lui lance un regard noir et il abandonne en levant les mains. Il sait qu'il ne faut pas mal parler de Kook.
On passe devant le lieu d'où notre fuite a commencé et je rigole.
«On la finira peut-être un jour, cette œuvre d'art. »
Il admire le tag en cours et ricane en hochant la tête.
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[Yoongi – 17 ans]
Mon téléphone sonne mais je ne prends pas la peine de répondre. C'est Jungkook, je le sais. Et là, je suis occupé. Il appelle toujours au mauvais moment, ce gamin. Je balance mon portable rapidement.
Hyora se rhabille dos à moi, faisant bien attention à remuer son cul pour que je le vois. Je me lève, nu, et va attraper mon portable.
«Pas la peine d'essayer, je t'ai baisée une fois, pas deux. Casse-toi maintenant. »
Elle me regarde, offensée. Pauvre chou.
«C'est ta meuf qui t'appelle ou quoi ? Vas y dis moi, tu as honte de ce qu'on a fait hein ?? »
Putain mais qu'est-ce qu'elle casse les couilles. Heureusement qu'au lit elle rattrape ses défauts.
«Ouais ouais c'est ça. Allez dégage, je t'ai sautée pas demandée en mariage. »
J'enfile un boxer et pars dans le salon vide, le portable en main. 15 appels de Jungkook. Putain, il fait chier parfois.
Ces temps-ci, je lui réponds moins. Je passe mon temps avec Nam et des meufs d'un soir.
J'avais appris que mon ami se foutait bien du surnom que s'était donné son frère dans le milieu, il y a peu. Shadow, car JoonHee sait toujours tout, comme s'il se trouvait dans l'ombre. Il gère toutes les merdes de la ville. S'il lui arrive un truc, Nam prendra le relais.
Ça ne me plait pas de me frotter autant à ces deux-là. Mais ils ne dépasseront pas la limite que j'ai fixé, moi-même. Quelques conneries de gamins, c'est bon, on s'amuse. Mais je ne veux pas tremper dans leurs conneries.
Hyora se barre, derrière moi, je l'entends claquer la porte après une accumulation impressionnante d'insultes. 21 à la suite, précisément. Le record reste à Jihyun et ses 40 injures avant de partir. Elle avait fait fort, ce coup là.
Finalement, j'appelle Kook. Mais il ne répond pas. Il me casse les couille ces temps-ci, sérieusement, il ne dit jamais ce qui lui arrive et appelle quand il ne faut pas.
Inconsciemment, je sais que, du haut de ses 13 ans, il n'a plus les mêmes soucis que moi. A treize piges, je le protégeais de JonHee et il commençait à mentir pour moi. Il me soutient toujours, mais les rôles changent. Il est temps qu'on s'éloigne un peu.
J'aurais jamais dû penser ça.
Trois jours après, j'ai appris par les parents de Jungkook qu'un accident avait eu lieu. Il m'a menti. Il ne m'a pas dit que les enculés qui le faisaient chier avant continuaient. Il ne m'a pas dit qu'il recevait des insultes dans son casier, sur les réseaux sociaux, par téléphone. Il ne m'a pas dit que, alors que j'aurais dû lui répondre au lieu de baiser une meuf inintéressante, des mecs de son bahut l'ont coincé dans un vestiaire pour l'humilier.
Ce n'est encore qu'un gosse putain.
Et, dans mon esprit, je sais que c'est ma faute s'il n'a rien dit. Je me suis trop fermé à lui. Je l'ai abandonné.
Mais il est hors de question que ça recommence.
Il est hors de question que je le lâche à nouveau et, maintenant, je vais le protéger comme j'aurais dû le faire dès le départ. Je vais être là pour lui. D'ailleurs, il serait temps de l'encourager à commencer le taekwondo, lui qui aime tant ce sport. Et puis, je pense que je vais recommencer à prendre le train pour Busan, plus souvent qu'une fois par mois.
Quelques jours après, les gamins qui ont forcé Kook à l'humilation ont été retrouvés tabassés avec des brûlures de cigarette sur les bras.
Depuis, il n'a plus jamais été emmerdé. Et moi, j'ai pris l'habitude de venir fumer ma clope devant son collège dès que l'occasion de partir pour Busan se présente à moi, un sourire narquois aux lèvres.
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[Yoongi – 19 ans]
Nam m'a appelé plusieurs fois ces derniers jours mais je ne veux pas répondre. Il commence à aller trop loin. Il a toujours été cruel mais il respectait mes limites et ne m'entraînait pas dans les véritables conneries. Jusqu'ici.
Je crois que les flics sont sur la piste de JoonHee. Il prépare sa succession, ça se sent. Et il a réussit à me coincer pour m'inciter à être le bras droit de Nam.
Je ne veux pas de ces conneries. Taguer, faire chier les flics avant de se tirer, titiller les règles...Tout cela est amusant, ouais. Mais je ne veux pas tomber dans leur monde. Parce qu'avec eux, ça ne s'arrête pas à des petits délits mineurs. Combien de fois ai-je vu de la poudre prête à être donnée aux dealers chez eux ? Combien de fois ai-je vu l'arme de JoonHee ? Combien de fois ai-je vu des types dans des états catastrophiques, proches de l'agonie, à cause de Shadow ?
Non. Si je plonge dans ce foutoir, Kook va aussi tomber dedans. Je ne veux pas ça pour lui.
Je pars pour Séoul en septembre. Encore neuf mois à tenir. Là bas, je pourrais m'éloigner d'eux. En espérant que Nam me laisse faire. Il devient comme son frère. Quoiqu'il l'a toujours été.
Jungkook me rejoindra dans la capitale à la fin de son lycée, quand il pourra partir. J'ai hâte de me tirer avec lui. On est devenu plus fort.
Maintenant il a quinze ans mais, bizarrement, il ne fait pas les mêmes choses que moi. Il y a quatre ans, je ne faisais que baiser tout ce qui portait une jupe presque et accumulait les conneries dans le dos de mes parents. Lui se concentre sur le sport, les études et nous deux. Il a réussi à gagner haut la main sa compétition de taekwondo la semaine dernière, mais galère un peu plus en cours alors je l'aide. Il paraît si innocent comparé à qui j'étais à son âge.
Je n'ai pas beaucoup changé, en fin de compte. Je réussis mes études sans me fouler, comme d'habitude, et je fais le con. Aux filles se sont rajoutés quelques mecs dans mon lit de temps à autres. Histoire de changer.
«Yoongi. »
La voix grave m'interpelle sur la route. Il est une heure du matin, le quartier dans lequel je me trouve est vide de vie. L'orage tonne. Je me suis développé une passion pour la nuit et, moi qui avait peur de cette météo il y a huit ans, quand j'avais vu Namjoon pour la première fois, adore maintenant les éclairs qui cisailleront bientôt les ténèbles.
Je n'ai pas besoin de me retourner. Je sais qui est là.
«Nam.
-Alors comme ça on m'évite ?
-Non, j'ai eu à faire en ce moment. »
Je soupire et me décide à l'affronter. Ses yeux brillent d'une lueur malsaine qui ne le quitte plus depuis nos dix-sept ans. C'est mort pour lui. Je veux croire qu'il n'est pas trop tard pour moi. Je veux vivre, avec Kook. Je veux trouver une personne à aimer. Je veux profiter de mon avenir.
«Qu'est-ce qu'il t'arrive, Yoongi ?
-Quoi ?
-Ne me la fais pas. Tu étais toujours partant pour les conneries, avant.
-Des conneries d'un autre niveau, Nam. Tu vas bien trop loin. Reprends le flambeau de JoonHee, vas y, dirige les trafics de drogue, d'armes, de putes et je ne sais quoi. Bute ou traumatise ceux qui ne te paient pas. Mais je ne veux pas faire partie de ça.
-C'est trop tard, ricane-t-il d'un air froid.
-Non, Nam. C'est pas comme si j'allais te balancer vu que je serais complice pour l'avoir su sans rien dire. Alors laisse-moi, juste. Il me reste quelques mois avant de partir.
-Je sais. Mais tu vas faire un véritable mission avec nous, Yoongi.
-Non.
-Mec, tu es le plus intelligent d'entre nous, tu le sais. Mais je suis le plus impulsif et pote ou pas je serais prêt à te convaincre. Tu es suffisamment fort en maths, encore plus qu'au collège. Je sais que tu aimes analyser pour prévoir des choses que ce soit la météo ou une autre connerie. Alors tu vas m'aider.
-Quoi ?
-Un connard nous a volé du stock, à JoonHee et moi. Il a eu les couilles d'essayer donc on va aller reprendre ce qui nous appartient en montrant à ce fils de pute qu'il vaut mieux éviter de nous contrarier.
-Je marche pas là-dedans, Nam.
-Oh si, tu vas participer. Avec tes trucs de maths et de physique que je ne comprends toujours pas, là. Tu vas nous faire une simulation du plan pour nous aider à réussir sans se faire choper par les flics. Tu feras le guet, aussi. »
Je grogne et lui lance un regard noir. Il me prend pour un ordinateur ou quoi ? Sa simulation de merde, il peut la faire avec un logiciel. Bon, ok, il faut rentrer des formules adéquates. Mais je ne suis pas son chien.
«Namjoon, je te l'ai dit, je ne fais pas partie de ce genre de conneries.
-Si tu le fais pas, ton Jungkook le fera. »
Je me fige et l'observe. Il a son sourire sadique qui semble être de famille. Ce mec est un malade. Et un malade qui a un plan.
«Quoi ?
-Jungkook et toi, j'ai toujours pensé que vous baisiez en fait. Et me sors pas le coup des quatre ans de différence. Il en a quinze maintenant, c'est un grand garçon. Tu serais capable de te le faire, si c'est pas déjà fait. »
Je reste impassible en le regardant. Ce n'est pas comme si je n'avais pas vu que Jungkook grandissait. Mais il était bien trop jeune, à quinze ans. Dans trois ou quatre ans, je ne dis pas que je répondrais de mes actes si je suis célibataire, c'est un fait, mais pour le moment Kook reste la personne que je souhaite le plus protéger au monde.
«Si je propose le même marché à Jungkook, il acceptera de faire le guet si ça peut t'éviter les emmerdes. Vous avez toujours été comme ça, l'un pour l'autre. Alors, vas y, Yoongi, donne-moi ta réponse. »
Je suis figé. Non, il ne peut pas faire ça. Jungkook n'a rien à voir avec ça. Putain, il m'a toujours soutenu, il a menti pour moi et a caché mes conneries. Mais je ne l'ai jamais impliqué, c'est hors de question que ça commence ainsi. Je soupire en abandonnant.
«J'en suis.
-Je savais que tu ferais le bon choix Yoongi. Je t'appelle. »
Et il se casse, me laissant seul au même moment que le tonnerre gronde.
Bien entendu, je n'ai rien dit à Jungkook. J'ai tout préparé seul. La simulation, les détails, etc. J'ai tout supervisé avec Namjoon, avec une putain de boule au cœur. Je ne veux pas faire ça. Mais c'est trop tard. On y est.
Namjoon conduit la camionette. Je suis à l'avant, avec lui, quand les mecs sont derrière nous. Il ricane.
«Prêt au baptême, Yoongi ? »
Je ne réponds pas. C'est la seule fois que je fais un truc pareil. Il est hors de question que je recommence. Après, je me casse pour Séoul. Je veux une nouvelle vie. Je veux trouver une personne qui saura voir que je ne suis pas qu'un putain de flemmard. Je veux de vrais amis.
Mais c'est bon. C'est l'heure. Et tout le monde effectue le plan.
Parfois, j'oublie que Namjoon dirige presque le trafic et que les hommes sous ses ordres sont des professionnels. Pourtant, je n'ai pas peur. Je culpabilise. Mais je n'ai pas peur. Au contraire. L'adrénaline traverse mes veines.
Aux premiers sons de coups de feu, je déguerpis vers la seconde planque. Malgré ma flemme naturelle, je suis très rapide quand je veux, sans doute formé par les années à fuir les patrouilles nocturnes avec Nam, quand on tagait. Je me cache, comme prévu, et surveille.
Tout à coup, un mec tire une espèce de cadavre derrière lui, au centre du hangar. Nam s'approche, un sourire terrifiant aux lèvres. Je revois JoonHee en lui. Non. Shadow. En pire. En bien pire. Nam à toutes les armes pour devenir plus puissant que son frère, rien que sa carrure impressionne.
Je suis fasciné et mitigé face à cette scène, au point que j'en oublie mon rôle.
«Alors, on veut me doubler ?
-J'ai pas affaire à Shadow, aujourd'hui ? Ricane le type en crachant du sang, ayant été déjà bien tabassé selon moi.
-Non, t'as pas ce privilège. Par contre, t'as le frère pour t'arracher les couilles et te faire payer cet affront. Le quartier va savoir qu'on ne nous double pas. Et tu vas être notre exemple. »
En parlant, Namjoon a sorti son poignard et s'est accroupi près de l'homme. Je vois tout, du point en hauteur où je suis. Merde. Putain, il va pas...
Je grimace en voyant celui que j'ai considéré comme un ami planter son arme dans le ventre de sa victime, le temps de descendre son pantalon et son caleçon sur ses chevilles. J'avais déjà remarqué que Namjoon frappe toujours le ventre à la lame, quand son frère préfère les jambes. Ainsi, je sais lequel blesse une personne selon le nombre de coupures à ces endroits.
Une fois sa victime à moitié dénudée, Nam fait signe à ses gorilles de le tenir pendant qu'il fait le sale boulot. Je ne peux que tourner la tête en fermant les yeux. Putain, j'en ai mal aux couilles pour lui. C'est horrible. Namjoon est horrible. Déjà parce que c'est un mec et qu'il s'en fout de faire ça. Mais surtout parce que cette scène est dégueulasse. Ce monde est pourri jusqu'à la moelle.
Les hurlements résonnent dans le hangar vide, me faisant frissonner. Un relan me brûle la gorge et je vomis minablement à côté sur le bitume froid. C'est horrible.
Au bout de quelques minutes, je n'entends plus que des halètements et j'ose enfin tourner la tête pour voir le carnage. Une seconde envie de gerber me brûle l'estomac mais je suis trop absorbé par le sang qui recouvre le décoloré. Sa voix grave résonne, glaciale et neutre, quand il se retourne vers la sortie :
«Eh merde, je suis sale maintenant. Allez les mecs, passez vos nerfs sur lui. Utilisez ce que vous voulez tant que vous me le finissez et que vous l'exposez dans le quartier des traitres. »
Au moment où il avance et où les gorilles commencent une autre torture pour la victime, les sirènes retentissent et je tourne la tête vers les vitres. Eh merde, trop absorbé par ce désastreux tableau, je n'ai pas fait mon boulot.
«Putain Yoongi ! Crie Nam en se barrant, suivi de ses subalternes. »
Je descends rapidement de mon perchoir et cours plus vite que tout vers l'arrière, voyant que la voiture de Nam va démarrer. Il va me laisser, je le sais. C'est son clan, le plus important. Pour moi, c'est ma peau et celle de Kook. J'entends les flics hurler aux personnes restantes de jeter leurs armes et quelques tirs retentissent. Mais je cours, toujours, comme un dératé, slalomant entre les types qui se sont fait eux aussi abandonnés par leur patron.
Je vois enfin la sortie. Je commence à avoir mal de courir et l'adrénaline brûle mon cœur. Pourtant, dès que je sors, une main me jette au sol et j'entends crier à mes oreilles.
Putain.
C'est fini.
Ils m'ont mis dans une pièce, attendant que je parle. Mais j'ai trop peur pour ça. Je suis terrorisé. Si je balance qui que ce soit, Namjoon pourrait s'en prendre à Jungkook ou à ma famille. Vu ce qu'il a fait au hangar, ça ne m'étonnerait pas.
Ils m'ont fait boire et manger. Ils ont essayé la technique du bon et méchants flic. Ils ont voulu m'amadouer.
J'ai été presque le seul pris vivant, à ce que j'ai compris.
Et je suis entrain de me demander quel est mon putain de problème pour être resté dans les pattes de Namjoon et JoonHee durant six ans. Je viens de tout foutre en l'air.
Une nouvelle personne entre. Il est plus âgé que les deux jeunes de toute à l'heure et porte un costume gris antracite. Il s'assoit face à moi et pose ses papiers avant de se présenter.
«Je m'appelle Kim Yongsuk, je suis le procureur qui se chargera de ton affaire. Min Yoongi, c'est ça ? »
Je hoche la tête, l'observant étrangement. Il a un air hautain, mais en même temps très paternel. C'est bizarre.
«Tu sais les faits qui te sont reprochés ?
-Oui, dis-je dans un murmure.
-Cambriolage dans une propriété privée, le hangar dans le cas présent, complicité dans un trafic de drogue au vu des quantités retrouvées et complicité de tentative de meurtre. Tu reconnais tout ces faits ? »
Je ne peux pas m'en empêcher, une larme perle à mon œil et je l'essuie rapidement. Je ne peux pas pleurer. Pas maintenant.
Il me regarde, je le vois. J'entends son soupir, aussi, avant qu'il ne sorte son portefeuille. Qu'est-ce qu'il compte faire ?
«Je pense que tu n'es pas vraiment impliqué dedans. D'habitude, ces types sont froids et sans remords ou alors de vrais lâches qui crient comme des porcs. Toi, tu viens de verser une larme mais tu ne lâches rien.
-...
-Regarde. »
Il me tend son portefeuille ouvert pour que je vois la photo d'un garçon de mon âge aux cheveux bruns qui ne restera pourtant pas gravé dans mon esprit.
«C'est mon fils. Il s'appelle Taehyung.
-Et ?
-Tu sais, en tant que père, je ferais tout pour lui éviter de voir les horreurs que je peux voir. Mais en tant que procureur, je suis conscient qu'il peut facilement se faire enrôler. Tu me fais penser à lui, dans ta réaction de cacher tes larmes tout en gardant ta dignité. Quand il était petit, il faisait ça quand il était blessé. Il pleurait mais se cachait et criait qu'il ne versait pas une seule larme, rit-il doucement.
-Qu'est-ce que j'en ai à foutre, de votre histoire ? »
Ma voix craque. Son histoire me rappelle l'habitude de Jungkook et même la mienne quand j'étais enfant. On faisait la même chose que son fils à lui.
«Yoongi, tu as forcément quelqu'un que tu veux revoir, non ? »
Je le regarde, hésitant. Finalement, je hoche la tête.
«Je ne peux pas vous parler, monsieur. Si je le fais, Namjoon le trouvera et lui fera du mal. C'est la seule personne que je peux protéger. »
Il me regarde, interdit avant de froncer les sourcils :
«Kim Namjoon ? »
Eh merde. Je dois apprendre à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler. Mais il continue.
«Yoongi, si tu nous aide, on peut réduire ta peine. Je m'y engage. En tant que père, je veillerai à ce que cette personne soit protégée le temps de l'arrestation de ces gens. Dis moi ton rôle dans cette affaire et je verrais ce que je peux faire. »
Je l'observe, hésitant.
«Monsieur, je voulais juste quitter Daegu pour Séoul, en septembre... »
Je ne veux pas être une balance.
Mais je veux un avenir.
Je veux une vie.
Je veux pouvoir aimer quelqu'un qui me regarderait enfin pour ce que je suis. Certes je suis minable, petit et blanc comme un cadavre. Mais j'aimerais que quelqu'un trouve la force de me faire aimer. La force de m'aimer. C'est bête, mais c'est vrai. Jungkook va grandir et pourrait être cette personne comme il pourrait trouver son âme sœur. Je ne connais pas le futur. Je ne connais que le présent.
Et mes choix sont clairs.
Je hoche la tête vers le procureur qui regarde son magnéto toujours en marche. Et je me mets à parler.
Je raconte tout, depuis que j'ai vu JoonHee et Nam pour la première fois dans la ruelle.
Je dis tout.
Absolument tout.
Les armes, la drogue... Tout ce que je savais sur leur trafic.
Tout ce que j'ai entendu.
Tout ce qu'on m'a confié.
Les noms de ceux que je connaissais, insignifiantes taupes qui pouvaient se trouver aussi bien dans la police que dans la rue, jusqu'à JoonHee et Nam.
Je dis tout.
Je suis lâche de parler.
Mais je veux que Jungkook vive.
Je veux vivre.
Alors je sauve ma peau.
Je ne fais pas tomber le réseau, bien entendu. Ils ont assez de corrompus pour sortir, je le sais. Mais je veux négocier ma liberté pour partir. Pour renaître de mes cendres.
Le procureur m'écoute, sans arrêter de me regarder. Son visage est encourageant. Je pense un instant à son fils. Il a de la chance d'avoir un père qui est prêt à écouter les sottises d'un jeune au lieu de l'enfermer directement, et de le regarder avec cette compassion.
A la fin, je n'ai pllus de souffle. Mais je suis libre mentalement.
Enfin.
~~~
Taehyung regardait Yoongi et ne put s'empêcher de pleurer. L'argenté déballait tout, la cigarette abandonnée dans le cendrier à côté de lui. Il ne cessait de parler, comme s'il allait perdre quelque chose d''important en s'arrêtant.
Et le brun voyait défiler la jeunesse étrange de ce coloré qui avait réveillé son cœur.
Sa haine envers Jimin n'existait presque plus comparé à celle qu'il avait encore Namjoon.
Yoongi continuait son récit, encore et toujours.
«Grâce à ton père, je n'ai eu que sept mois de prison ferme et cinq de mise à l'épreuve. Il s'est arrangé pour que ces cinq mois puissent se faire à Séoul. Je n'ai pas voulu témoigner face à Nam donc je l'ai autorisé à utiliser l'enregistrement de mes aveux. C'est comme ça qu'ils ont su que j'étais un traitre. C'est pour ça que retourner à Daegu est dangereux pour moi. Mais j'ai pu m'en sortir. Avec mon casier, les universités n'ont pas voulu de moi et les jobs ne courraient pas les rues non plus. Le bibliothécaire m'a parlé parce que j'allais toujours lire, là-bas, et il s'est arrangé pour m'engager. La bibliothèque est gérée par la mairie, ton père avait appuyé la demande. Bon, maintenant il ne doit pas être le plus heureux du monde que son fils couche avec moi et ses aides vont se retourner contre moi, mais c'est un homme bien, Tae. »
L'argenté s'arrêta enfin, mais pas de son plein gré. Les lèvres du plus jeune venaient de se poser sur les siennes dans un baiser étonamment doux. Après le peu de temps qu'il lui fallut pour comprendre ce qui se passait, Yoongi approfondit l'échange pour l'embrasser à son tour, vraiment, avec tout ces sentiments refoulés depuis trop longtemps. Taehyung le serra contre lui et finit par séparer leurs lèvres. Il n'aurait jamais cru qu'un lien pareil les unissait dès le début.
Son amant lui avait juste dit avoir fait des conneries qui l'ont menées face au père du brun, mais ce dernier n'aurait pas imaginer qu'il avait été lié inconsciemment aux aveux de Yoongi. A sa sortie des ténèbres.
Sa main passa dans les mèches grises quand son aîné enfouit son visage dans son cou. La main blanche vient se mêler à la sienne qui été libre quand un murmure l'atteint en plein cœur :
«T'es vraiment un enculé, Taehyung. Tu n'as jamais rien remarqué, tu ne regardes pas vraiment ce qui se passe autour de toi. Tu n'as rien vu pour Jimin et tu vas être incapable de le comprendre. Tu fais partie de ton putain d'univers à la con qui vit dans les apparences. Mais tu as un père qui, malgré ses maladresses, t'a offert un cœur en or. Je n'aurais jamais cru, quand je t'ai rencontré, que c'était toi, la personne dont j'avais besoin. Et pourtant, maintenant, tu es celui qui me maintient en vie. »
Tae ne savait pas quoi dire. L'argenté n'aurait jamais dit quelque chose ainsi, avant. Son corps semblait avoir été rempli de papillons étranges, à ce moment. Il répondit à l'oreille de Yoongi, doucement, de sa voix grave et rassurante.
«Yoongi, je suis un enfoiré, ouais. Mais je t'aime, espèce de débile profond aux cheveux bizarres. Je les aime aussi tes cheveux hein. T'es le seul mec au monde capable d'être sexy avec une touffe d'une couleur impropable. Je ne veux pas te lâcher et on va se battre ensemble pour surmonter ça. Je suis plus faible que toi alors j'aurais aussi besoin d'aide. Mais on y arrivera.
-Oui...
-Par contre...
-Hm ?
-Pour Jimin. Je comprends sa façon de penser. Mais ça n'empêche que je veux lui en foutre une.
-Tae.....menaça le coloré en levant la tête.
-Laisse moi faire. »
Yoongi l'observa, interdit. Il ne lui avait pas tourné le dos, finalement. Et, même s'il ne le montrait pas, ça le rendait heureux. Vraiment heureux. Il avait quitté l'enfer pour rejoindre une espèce de paradis encore caché par des nuages sombres de l'orage. Mais il volerait toujours plus haut pour dépasser ces masses grises et atteindre le soleil qu'était Taehyung.
Le jeune homme se détacha et se leva, froissant le journal. Il envoya un rapide message et incita Taehyung à rester calme, de son regard impénétrable qui était passé par bien pire.
«Je vais aller voir Jimin pour lui dire que je lui pardonne. Toi, reste ici.
-Non.
-Taehyung.
-C'est bien, tu connais mon nom, ironisa le plus jeune. Yoongi, il m'a impliqué dedans.
-Putain, tu fais chier quand tu veux, soupira l'argenté. Bon, tu viens mais tu fermes ta gueule. »
L'autre prit un air innocent qui fit secouer la tête à l'argenté.
La tempête s'annonçait mais, pourtant, le coloré ne sentait qu'une simple brise. Il savait ce qui allait se passer depuis longtemps, il n'avait plus qu'à ce soucier de leurs choix à Taehyung et lui.
La bibliothèque était silencieuse, presque vide. Taehyung s'arrêta au bureau de son amant et se mit en tête de patienter. Sur le chemin, ils avaient abandonné face aux regards obliques et aux insultes dans leurs dos, la main du brun s'était alors glissée dans celle de son aîné qui avait entrelacé leurs doigts sans pour autant réagir. Il s'en foutait.
La société était pourrie, qu'elle le regarde ou non ne changerait en rien sa vision des choses.
L'argenté monta seul à l'étage, cherchant son ancien amant des yeux. Il ne tarda pas à remarquer la mine bouffie par les pleurs de Chim, ses cheveux roux à peine coiffées cachés sous un bonnet.
Yoongi s'approcha derrière lui et se pencha pour enlacer le rouquin qui était assis, posant sa tête sur son épaule. Ce dernier se figea avant d'entendre la voix du coloré :
«Qu'est-ce que tu as fait, Chim... »
Son ton doux et rassurant acheva le cœur de Jimin qui laissa les larmes couler une nouvelle fois sur ses jours. Son aîné le serra un peu plus contre lui, peiné de le voir ainsi. Il aimait Jimin. Mais à sa façon. Il regrettait de ne pouvoir l'aimer comme il le devrait, vraiment.
Le plus jeune n'arrivait plus à s'arrêter et sa respiration se fit sifflante :
«Yoon...gi...Je suis..d-désolé... Je ne voulais pas.. Je... Je voulais pas que ça se p-passe comme ça... Kook a-a voulu m'en e-empêcher... Je suis tellement désolé... Ils... J'ai d-dit que tout était de l-la faute de T-Tae... J-J'ai cru que comme ça, son p-père allait vous éloigner e-et que je pourrais essayer de... Je voulais p-pas qu'ils parlent c-comme ça de toi... Y-Yoon, je suis désolé...»
Jimin ne cessait de fondre en excuses, continuant de pleurer. Yoongi, derrière lui, le berçait doucement, le serrant contre son torse, son visage toujours posé sur l'épaule secouée de sanglots. Son regard presque tendre se posa sur le jeune homme et il sourit délicatement :
«Chim, tout va bien...Ne t'en fais pas...Je ne t'en veux pas, moi... Tout va bien... »
Le roux hoqueta en entendant ses mots et tenta de reprendre son souffle, en vain.
Finalement, il sortit l'aveu qui lui broyait le cœur :
«Pourquoi je t'aime, Yoongi ? P-Pourquoi je me suis toujours s-senti comme ça avec toi, b-bien avant que notre relation ne dérape ? Pourquoi...lui...
-Je suis désolé, Chim. Je t'aime, moi. Mais à mon propre niveau.. Je ne veux pas te savoir blesser par Tae et moi...Je suis désolé... »
Les sanglots de Jimin s'étoffèrent peu à peu et Yoongi resta dans la même position jusqu'à ce qu'il soit enfin calmé. Puis, il recula pour le laisser se retourner, croisant un regard triste qui lui brisa son petit cœur. Pourtant, un grognement retentit derrière et ils tournèrent la tête vers Taehyung.
Ce dernier restait figé sur l'image de son amant si proche de celui qui avait balancé leur histoire. Il comprennait de plus en plus les motivations de son ancien ami. Mais il ne pouvait pas voir Yoongi aussi proche. Non. Impossible.
«Park Jimin, t'es un homme mort, tonna Tae en s'approchant.
-Tae, je suis désolé, je- »
La phrase de Jimin fut subitement coupée par le poing de Taehyung qui partit très rapidement et avec force.
Puis un grand silence.
Le rouquin ouvrit un œil pour croiser le regard attentif de Yoongi qui s'était rapidement interposé entre ses deux cadets. Il avait ramené le corps fort du roux contre lui en même temps et le poing de l'homme qu'il aimait venait de faire souffrir son dos.
Chacun des deux plus jeunes cligna des yeux alors que l'argenté lâchait son ami et que Tae baissait son bras.
«Arrêtez. On oublie. Vraiment, on discutera quand on se sera calmé. Chim, je vais passer te voir chez toi dans quelques jours, d'accord ? On parlera. »
Le plus musclé opina timidement et la voix de Yoongi se fit plus forte et menaçante.
«Kim Taehyung, vu la mise en garde que je t'avais donné, tu as intérêt à savoir courir très vite si tu veux finir avec les couilles encore en place. »
Tae glapit et protégea ses parties dans un geste si humouristique que même Jimin ne put retenir un petit sourire. Le brun tira la langue et, contraint d'abandonner sa crise de jalousie, courut en bas, laissant les deux se dire au revoir.
Yoongi serra doucement la main de son cadet dans la sienne et embrassa sa joue avant de reculer.
«Si je peux faire quoique ce soit, dis le moi, Jimin. Parles moi. Même si c'est pour être silencieux ou que tu passes tes nerfs sur moi..Appelle-moi. Je serrais là. »
Sur ces mots, le jeune homme rejoignit son amant pour quitter la bibliothèque, laissant le roux s'affaler mollement sur la chaise. Il avait le cœur plein de regrets quand ses yeux se posèrent sur une connaissance surprenante.
«Tiens...Tu.. »
Yoongi plissa les yeux et serra la main de Tae dans le froid de la rue. Ils étaient face à son immeuble mais leur sortie à la bibliothèque ne se solderait sûrement pas de la façon prévue. Une voiture noire et élégante, sans aucun doute hors de prix, était garée devant l'entrée, annonçant la visite d'un invité particulier.
«Je t'aime, Tae. Oublie pas ça durant les jours à venir.
-Que... »
Avant qu'il ait pu finir sa phrase, l'argenté le fit prénétrer dans le bâtiment en serrant sa main. Ils montèrent presque trop rapidement les marches pour accéder au studio déjà ouvert dans lequel se trouvaient trois hommes.
Deux en costard noir, les chiens de garde.
Un petit, au costume gris clair et au visage familier pour le brun.
«Mr.. Byun... ? Murmura Taehyung face à la vision de secrétaire particulier de son géniteur qui se tenait dans le salon de son amant.
-Monsieur Taehyung. Je vous prierai de me suivre. Votre père vous attend et vous avez créé trop de problèmes pour qu'il ait la bonté de patienter d'avantage..
~~
J'espère que ça vous a plu! Le prochain chapitre sera un pdv de Taehyung!
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