6 - Nael
Je ne reconnaissais pas mon corps. Les lignes recouvrant ma peau m'étaient parfaitement étrangères. Est-ce que j'avais trop bu lorsque j'avais fait ça ? Putain, le Régent m'aurait mis la mandale de ma vie et j'aurais écopé d'au moins une semaine au Trou. Était-ce pour ça que j'avais l'impression d'être passé sous un rouleau compresseur ? Mon corps me faisait un mal de chien et le fait d'avoir pris quelques coups dans la gueule par cet enfoiré de Zoran n'arrangeait rien.
Une Main ne se tatouait que lorsque ses premières Chasses avaient eue lieu. Que lorsque le moment était venu en quelque sorte.
Quand on avait trouvé notre Alpha, même. Putain, aux dernières nouvelles je n'avais pas d'Alpha, alors pourquoi est-ce que j'étais autant tatoué ?
Je me souvenais de l'image fugace des autres ; Zoran, Priam et Joaquim, eux aussi tous tatoués. Et changés.
Priam n'avait plus cette lueur dans les yeux.
Putain. Qu'est-ce que qui s'était passé ? La dernière chose dont je me souvenais, c'était une chute. Violente. Le Trou ? Peut-être. J'avais suivi mon instinct pour rejoindre le Régent, mais il n'était pas là où il aurait dû. Clairement pas. Et ces trucs que je portai... je ne connaissais pas tout ça.
Je ne reconnaissais rien et l'animal en moi commençait à tourner en rond.
Hoho. Très, très mauvaise chose. C'était le genre de truc qui pouvait très vite tournée à l'orgie de sang. Zoran m'avait énervé et ça, c'était rarement une bonne chose.
Le Régent n'avait rien dit, mais en général, il sentait ces choses-là avant nous.
Lui aussi il était bizarre.
J'avais été dans les choux combien de temps au juste ? Parce que là, j'avais conscience que quelque chose n'allait pas du tout.
Ce n'était pas la première fois, mais en chemin pour venir ici, j'avais bien vu que rien n'était comme ça aurait dû être.
Moi-même... putain, mais c'était quoi ce bordel au juste ?
Grognant, j'enfilai les vêtements étranges que le Régent m'avait refourgué et je bougeai, mal à l'aise. C'était presque que comme si l'époque avait changée. Complètement impossible. Et débile.
Et merde. Fébrile et en demande de sang, je quittai la pièce pour suivre l'énergie du Régent.
Je savais où nous étions. Une Maison. Mais elle n'avait rien à voir avec celle où nous avions grandis. Cette bonnasse de louve était quoi ? La Régente ? Ça existait seulement, ça ?
Me grattant l'arrière du crâne, je débouchai dans une grande pièce.
Là aussi, je ne reconnaissais pas la moitié des objets. J'étais tombé sur la tête ? Ou une connerie dans le genre ? Je n'avais pas laissé le temps à quiconque de me prendre la tête. J'avais frappé Zoran, Joaquim avait voulu s'en mêler, comme depuis qu'on était gamin et Priam avait commencé à ouvrir la bouche.
Et où étaient Neal et Bjorn d'abord ? Et si j'allais chercher un peu de sang vers lui ? L'idée n'était pas déplaisante. C'était même carrément bandant !
Quelque chose attira mon regard et je m'avançai vers... vers quoi ? Une image. Moi ? Ouais, ça, c'était bien ma sale gueule, pas à dire.
Et cette gonzesse que je tenais, c'était...
Je penchai la tête. La louve dont ma queue voulait aller dire bonjour à sa bouche ? Qu'est-ce que c'était que ce bordel ?!
Relâchant l'objet, il alla se briser par terre et je me dirigeai dehors, le corps vibrant.
Le soleil m'aveugla un instant et mes yeux se posèrent sur le Régent, qui se tenait debout avec la louve. Son expression à lui était la même que j'avais toujours connu. Au moins ça, ça n'avait pas changé. Elle, elle fulminait. Et elle m'offrait une magnifique vue sur son cul.
Je me léchai les lèvres.
J'avais envie de baiser. Sauvagement. Brutalement. De faire mal. Sans tuer. C'était une limite qu'Ahmet nous avait imposée. Même si Bjorn avait du mal avec ça. Grand malade pas très net lui aussi. Il était le pire de nous tous. Mais bizarrement, il était celui qui savait se contrôler le plus avec Neal. Comme s'il savait qu'un jour il trouverait un Alpha à la hauteur de sa folie barbare.
Notre Régent essayait de faire que je ne sois pas tout le temps en équipe avec Bjorn. J'avais tendance à me laisser complètement aller quand j'étais avec lui. Forcément. La folie appelait la folie, non ?
Il y avait des gosses. Des petite Recrues. Pas si mignonnes que ça. On ne l'était pas quand on finissait dans un endroit comme ça.
Mais ils me semblaient plus vieux que jeunes, alors je me demandais comment c'était possible. Ahmet était le Premier Régent et nous étions les Premières Mains.
Cette Régente, elle venait d'où ? Et ses mioches, ils venaient d'où ?
Je descendis quelques marches et jetai un coup d'œil autour de moi.
On éduquait vraiment des Recrues ici ? C'était loin d'être ce que nous connaissions. Je fronçai les sourcils en avisant quelques Surveillants.
Ahmet n'en avait jamais eu besoin avec nous. On n'était pas assez fou pour tenter quoi que ce soit. Bon, peut-être qu'on avait essayé. Quelques fois. Ahmet n'avait tué aucun d'entre nous, certes, mais quand chaque os de votre corps était brisé par ses coups, vous appreniez la leçon. Et plus vite que prévu.
C'était une blague. Je croisai le regard d'un garçon. Il me sourit.
Je fis un pas, mais la voix du Régent résonna.
— Naël.
Je ne bougeai plus, me mettant en position. Dos droit, jambes un peu écartés, mains dans le dos. Je pouvais rester ainsi qu'il pleuve, neige, vente.
Ahmet nous avait fait tenir ainsi au plus haut du sommet d'une montagne. Six jours. Six putain de longs jours où la bête en Joaquim avait craquée la première et avait voulu faire un festin de nos tripes. Je l'aurais bien laissé faire avec Zoran, mais c'était déjà à cette époque qu'Ahmet avait balancée sa bombe : si l'un tombe, les autres le suivront.
La blague.
Je n'étais pas le plus coriace de tous. J'avais du mal à suivre parfois et en combat, je n'étais pas le plus robuste.
Mais quand je voyais le corps que j'avais, là, je me disais que j'avais dû louper quelques trucs. Vraiment juste un peu.
Si j'aimais ce que je voyais ? Plutôt deux fois qu'une. Mon sourire grimpa alors que je fixai mon attention sur la louve.
Si elle était vraiment Régente, elle était une putain de louve Dominante. J'adorais ça. Pas autant que Joaquim, mais, hummm, à soumettre en baisant, c'était orgasmique.
Rien que d'y penser, je frôlai presque l'éjac'. J'avais terriblement envie de la prendre, là, sans même lui demander son avis.
Je n'étais pas un violeur. Notre Régent nous avait appris une certaine forme de respect envers les femmes. Et Krishna aussi, du reste. Mais je voyais cette lueur dans ses yeux. Et je pouvais sentir l'odeur de son désir quand elle me regarder.
Le laper.
Comme je lécherai bientôt sa petite chatte qui ne demandait que ça, j'en étais sûr.
Est-ce que je l'avais déjà goûtée ?
L'image dans la pièce me revint. Et soudain, je me sentis un peu bizarre.
Qu'est-ce que je foutais sur une image avec elle ?
Mes doigts se crispèrent. Je pinçai mes lèvres. Quelque chose m'échappait. Quoi au juste ? Aucune idée. Si je lui demandais, elle me le dirait ?
Mauvaise idée. Si elle ouvrait la bouche devant moi, je n'aurais qu'une envie : y foutre ma queue. Bien profondément. M'enfonçant dans sa gorge. L'étouffant avec mon foutre.
La décharge de désir qui traversa mon corps me fit presque perdre ma position.
Wowowo !
Arrête de penser à sa chatte, m'intimai-je et en moi, mon loup ne broncha pas alors qu'il aurait ricané d'habitude.
Qu'est-ce qu'il avait lui aussi, là ?!
— Putain, Régent, faut vraiment que je baise. Ou que je tue. Au choix, mais si je reste ici une minute de plus, je vais péter une durite.
Ahmet ricana en s'approchant. Sa démarche était celle du prédateur ultime.
Son regard avait perdu quelque chose.
Un éclat.
Non. Non. C'était l'inverse en fait.
Cette étincèle, là, c'était quoi ? Je penchai la tête.
— Tu deviens irrespectueux, cul poilus.
— Peut-être, répliquai-je, mais qu'est-ce qu'on fou ici d'abord ?
Je me plaignais souvent de notre manque de liberté, mais le fait est que lorsque j'étais loin de la Maison et d'Ahmet, je n'étais pas à l'aise.
Joaquim disait que j'étais complètement barré. Je n'allais pas le contredire là-dessus, hein. Je l'étais totalement. C'était pas question d'aimer ce que je connaissais, ou d'y être seulement habitué. C'était plus que ça.
— Et pourquoi les autres sont tous chez cet empaffé d'Alpha ?
Je ne l'avais vu que quelques minutes, mais je ne pouvais pas me l'encadrer. Cette gentillesse dans son regard, ça me débectait. Ça me donnait envie de faire mal. Très mal, même. Il avait été là lorsque je m'étais... réveillé.
Pourquoi est-ce que je m'étais réveillé là-bas ? Et pourquoi avait-il été là ? Juste lui, personne d'autre ?
Même pour un fou, ça n'aurait pas eu de sens. Qu'est-ce qu'un Alpha – parce que j'avais vite compris qu'il en était un – foutait penché au-dessus de moi ?
J'inspirai, cherchant à calmer mes esprits. Juste un peu.
— Ils vont venir, répondit Ahmet. Quant à Auxann...
Je n'aimais pas ce prénom. Je n'aimais pas ce loup. Je n'aimais pas la sensation là, que j'éprouvai.
La bête en moi coula dans mes membres. Elle grimpa jusque dans mon regard. Et étira mes lèvres en un sourire qui n'était rien d'autre que le reflet de mon âme. Et en cet instant, ce n'était pas très beau.
— Est-ce qu'il était une Chasse, Régent ? Est-ce que je devais me débarrasser de lui ?
Ahmet nous avait déjà demandé bien pire que de tuer simplement un Alpha. C'était des tests bien souvent. Quand on avait échoué et qu'on revenait... que dire ? Nous n'étions plus capables de marcher pendant de longues semaines.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Cracha la louve.
Je n'appréciais pas sa façon de prendre la parole quand je m'adressais à mon Régent. Ahmet ne disait rien pourtant.
Il me fixait, me sondant. Mais avant d'avoir pu ouvrir la bouche, je senti l'énergie de mes frères.
Je détournai les yeux de ma douce proie dans laquelle j'enfoncerai bientôt ma queue et regardai Joaquim, Priam et Zoran surgir sous leur forme de loups. Presque au même moment apparurent l'Alpha et deux autres hommes.
Un loup et un...
Sorcier.
Zoran fut le premier à reprendre forme humaine. Son regard était sombre, mais ne l'était-il pas toujours ?
Les autres suivirent et Joaquim et Priam se dressèrent là.
Plus de tatouages.
Plus de marques et de cicatrices.
Je ne comprenais plus rien.
Il y avait quelque chose de changé chez eux. Pas seulement dans l'apparence. Non, c'était plus profond. Plus enfoui, secret.
Plus important. Précieux.
— Je t'ai dit de te démerder sans moi, Zoran, grommelai-je. Je n'ai pas envie de voir ta seule gueule aujourd'hui.
Son poing rencontra durement ma mâchoire. Ça craqua.
Ahmet resta là, nous regardant.
Zoran lui tournait le dos. Jamais, jamais il n'avait fait cela. C'était une règle. J'observai Priam et Joaquim, une main sur ma mâchoire ou un bleu était déjà en train de fleurir.
Ce n'était plus pareil.
Leurs positions envers le Régent. Plus pareil.
Le plat de ma main s'écrasa au sol alors que j'étais accroupi après le coup porté par Zoran.
— Qu'est-ce qui se passe ici, putain ?!
L'Alpha s'avançait. Je n'aimais pas ça. Je fusillai Zoran du regard. Il était petit et rapide. Il était celui qui me les brisait le plus.
Depuis notre première rencontre.
— Régent, grondai-je.
Une demande.
Une simple demande.
La louve regarda Ahmet, ainsi que les deux autres. Je n'avais besoin que d'un geste. Que d'un accord. Mais déjà, Zoran fondait sur moi et me clouai au sol, ses poings frappants.
Mon loup explosa et frappa, durement. Le coup fut porté à un des reins du connard qui s'écarta. Je me redressai.
— Ahmet ! Crachai-je.
L'Alpha était là, mais Ahmet posa une main sur son épaule, pour le retenir.
Et il hocha alors la tête.
C'était parti.
J'attrapai une poignée de terre et la balançai à la gueule de Zoran quand il attaqua de nouveau. Il grogna et du fermer les yeux. C'est ce qu'il me fallait. Je frappai dans le tibia, mais il saisit mon vêtement pour m'aveugler avec et mes bras se retrouvèrent entraver.
Bâtard.
Nos deux corps se heurtèrent.
Deux masses, deux boulets de canons lancés à pleine puissance.
Depuis quand étions-nous aussi... forts ?
Depuis quand je pouvais encaisser ses attaques à ce point ?
Cela me déstabilisa plus qu'il n'aurait dû et ses poings percutèrent un coin de ma tête, faisant siffler mes oreilles.
Atteinte des tympans.
Je chancelai, mon équilibre compromis. Comme toujours, pas de répit. Zoran fit pleuvoir les coups.
Mains, coudes, genoux, pieds.
J'encaissai.
Je ne percevais que mon souffle. Tout le reste était secondaire.
Notre Régent nous avait appris à subir la douleur. Sous toutes ses formes.
Physique et psychologique.
Il nous avait appris à encaisser. Les premiers coups avaient été hésitants. Pour devenir plus violents.
Pour devenir plus mortels.
— Il faut qu'il se rappel à quel point se battre contre son frère et dur. Et déchirant. À la fin de leur initiation, ils n'en étaient plus capables.
De quoi parlait Ahmet ?
La fin de l'initiation ? Il parlait de notre apprentissage ? Depuis quand on avait fini notre apprentissage ?
DEPUIS QUAND PUTAIN ?
Tout ça n'avait aucun sens.
Ahmet. Zoran. Joaquim, Priam. Cet Alpha. Ce sorcier. Cette Maison.
Rien. N'avait. De. Sens.
Les crocs du loup de Zoran.
Mon cri étouffé avant de franchir mes lèvres.
J'enroulai mes bras autour de son encolure et y exerçait une pression suffisante pour le faire étouffer.
C'était au premier qui tomberait. Et j'en avais assez d'être celui qui échouait.
Plus rapide que le changement lui-même, je reçu le coude de Zoran.
— Reprends-toi, bordel, Naël !
Son cri dans mes oreilles.
Me reprendre ?
— Tu attaques ; c'est de mon devoir de te répondre !
Un autre cri résonna.
L'Alpha.
Mon loup se ratatina sur lui un instant.
Un moment de trop.
Je hurlai. De colère. De rage.
De frénésie.
Nos deux poings se heurtèrent et mon regard rencontra celui de Zoran.
« Zozo ! Zozo !
Je lui courrai dessus alors qu'il était de dos et lui sautai dessus avec un éclat de rire.
— Zozo !
Comme un enfant ».
Un écho. Un mirage ? Je ne savais pas ce que c'était.
Nous nous faisions face.
Zoran saignait. Moi aussi. Nos gueules ne devaient pas être belles à voir, mais on avait connu pire que ça. Tellement pire.
J'avais chaud. J'étais en transe.
Mon loup tournait en rond. Encore et encore.
C'était un cercle vicieux.
— J'ai envie de te tuer, dis-je, froid, mauvais, distant.
— Tu en es incapable, répondit-il.
Je pris le risque de détourner les yeux lorsque je rejetai la tête en arrière pour éclater de rire. Incapable ?
Nous étions du même moule.
Nous étions des jumeaux les uns des autres.
Mais Zoran... Zoran avait toujours été celui que j'exécrai le plus.
Parce que lui... lui il avait toujours su ce que c'était que d'éprouver. Quelque chose, n'importe quoi.
— Je vais te tuer.
L'impact fut douloureux.
Il brisa des os.
Il brisa... quelque chose.
Mes mains sur ses bras, les siennes sur les miens.
— Ahmet, cracha la louve.
— Ça suffit, hurla presque l'Alpha.
Des ordres qui n'avaient aucun sens pour moi.
Ou pour Zoran.
Qui résonnaient, vides de sens. Vides de tout.
Et puis...
— Arrêtez !
Zoran, il se figea complètement, les pupilles dilatées, les narines frémissantes. Du sang partout. Des blessures.
Qui était cette louve ? Qui était cette chose pour arrêter ainsi Zoran ?
C'était une petite femme. Louve. Elle ne me donnait aucune envie de la baiser.
Trop douce.
Beaucoup trop douce pour moi. Et fragile. Comme si un rien pouvait la briser. Ce serait intéressant à tester. Non ?
Derrière elle, Joaquim était livide. Il avait un bras tendu, comme s'il avait essayé de la retenir.
C'était qui ? C'était qui, PUTAIN ?
Le bruit de sa gifle résonna alors que Zoran ne bronchait pas.
J'étais incapable de... il s'était laissé faire ? Il...
Je reçu la même.
Ma joue chauffa. Me brûla.
La louve me fixait. Elle pleurait. Elle pleurait ?
— Il est blessé et toi tu ne trouves rien de mieux que de le frapper ? cracha-t-elle à Zoran.
Silence.
Je respirai à peine.
J'étais figé. Bloqué là, coincé.
Personne ne m'avait jamais frappé de la sorte.
Le Régent était une chose.
Mes frères aussi.
Mais elle ? Qui était-elle pour se croire permis d'agir ainsi ?
Ahmet et les autres agir avant même que je ne frappe à mon tour.
La louve fut attrapée et tirée en arrière par Zoran alors qu'Ahmet me ceinturait violemment, sa puissance s'enroulant autour de moi. Priam était devant Zoran qui était lui-même devant cette inconscience.
Joaquim avait agrippé mon bras avant même que le dos de ma main n'atteigne l'idiote.
La peur dans ses yeux à elle alors que je lui souriais, lui montrant quel psychopathe j'étais.
Tremble petite louve. Tremble.
— Eh bien quoi, dis-je, depuis quand tu laisses une femme te traiter ainsi, zozo ?
Mauvais.
Mes mains tremblaient. Mon corps tout entier aussi.
— Matte-la ou je m'occuperai d'elle la prochaine fois qu'elle porte la main sur moi.
— Si tu la touche Cain, je t'arrache le cœur de mes propres mains ! Hurla Zoran, voulant s'avancer.
La louve le toucha et c'est comme si ce simple toucher le calmait.
Que...
Ma rage s'effaça, comme balayée soudain.
— C'est ta... compagne ?
Aucun bruit.
Aucune parole prononcée.
Son regard à elle.
La presque frénésie de Zoran et cette... douleur dans le regard.
Je repoussai Ahmet et Joaquim qui se laissèrent étrangement faire. Je reculai.
Les Recrues de cette putain de Maison étaient là. Ils avaient assisté à ce qui était arrivé.
Zoran. Lié ? Une compagne ? C'était une blague. N'est-ce pas ? Une putain de blague ?
Une Main... liée ? Lui ? Et... et Ahmet n'avait rien dit ?
Putain...
Putain, mais qu'est-ce qui s'était passé ? Qu'est-ce que s'était que ça ?
Je secouai la tête.
Croisai le regard de l'Alpha.
Il me fixait. Moi et uniquement moi.
« Sais-tu qui je suis ? »
Mon cœur. Qui battait, battait, battait.
À tout rompre. Me donnant la nausée.
J'allais m'effondrer. Putain, ouais, j'allais m'effondrer là.
— Casse-toi, cul poilu, dit Ahmet.
Il savait.
Il le sentait.
Il ne fallait pas me le répéter deux fois. Mon loup écartela ma peau et il détala, sans réfléchir, sans regarder derrière.
* * *
J'étais avachi sur un canapé. Nu. La femme qui s'avançait devant moi était une humaine qui avait l'habitude de recevoir des loups.
Qui aimait ça.
Elle portait une tenue très, très sexy comme je n'en avais jamais vu. Sa démarche était celle de la femme qui savait l'effet qu'elle faisait.
Mon esprit était dans une brume euphorique.
L'effet du sang de vampire. Toujours aussi rapide et jubilatoire. J'avais fracassé quelques têtes pour m'en procurer. Juste un peu.
J'avais peut-être laissé un ou deux cadavres sur ma route. Je n'avais pas fait attention. Parce que je n'en avais absolument rien à foutre !
Sa main sur ma cuisse.
— Tourne-toi, dis-je.
Ma voix était dure.
Baiser ne me ferait rien.
Tuer ne m'avait pas fait grand-chose, alors...
J'étais tendu.
Trop tendu.
L'animal en moi était aux aguets.
Il y avait trop d'odeurs dans ces villes.
Humains.
Loups.
Sorciers.
Vampires.
Chasseurs.
Je n'aimais pas ça. Non, je ne supportai pas ça.
La femme se tourna, m'offrant ses fesses qu'elle frotta contre mon sexe.
Une main sur sa hanche, l'autre tirant violemment sur ses cheveux.
Je n'éprouvai rien.
Absolument rien.
J'étais vide. Tout était froid. Presque glacial. Mon cœur battait-il seulement ? J'en doutai en cet instant. Mon corps me faisait mal. Les coups de Zoran avaient amené un nouveau degré de douleur que je pouvais certes toléré, mais qui aurait raison de moi lorsque la drogue n'agirait plus.
Zoran était lié.
Et alors, j'avais compris les étincèles dans les yeux de mes frères.
Ils l'étaient tous.
Zoran.
Joaquim.
Priam.
Et Ahmet... Ahmet l'était aussi.
Impossible. Et pourtant.
La femme commença à gémir. Mon sexe n'était même pas en elle. Je ne bandais pas. Je ne lui trouvais aucun intérêt.
Putain. Voilà que je ne pouvais même pas baiser l'esprit tranquille.
Je la repoussai et me relevai :
— Dégage avant que je ne te bouffe.
Elle détala sans demander son reste. J'attrapai des fringues et bougeai de là.
Il fallait que je voie les choses.
Que je les comprenne. Même si ce n'était qu'un tout petit peu.
Je me concentrai sur la trace olfactive d'Ahmet. Juste du Régent pour l'instant.
Mon loup pris le dessus et pendant des heures, si ce n'est un jour entier, il courut.
Il traversa des forêts, des villes, des villages, des plaines et des champs.
Il croisa des loups. Sous leur forme humaine ou animale. Aucun ne l'arrêta. Certains le saluèrent même.
Je n'y réfléchis pas. Je n'y pensais pas. J'avançai.
Toujours tout droit. J'arrivai dans un autre bois.
Beaucoup d'énergie.
Des loups.
De l'Antre. Certaines énergies étaient familières. Trop peut-être même. Lakshan était ici. Je savais que tous les tatouages sur mon corps étaient son œuvre, même si je ne me souvenais de rien.
Je me savais suivi, mais il n'y avait aucun danger, du moins pas immédiat, alors je ne voyais pas de raison de m'arrêter.
Une autre Maison.
Camouflée.
Je redevenais humain et m'avançai.
Il y avait quelques Recrues. Des loups plus vieux que là où j'étais allé trouver Ahmet.
Je reconnus des visages de l'Antre. Qu'est-ce que ces loups foutaient ici ?
Deux femmes jaillirent de la maison. L'une d'elle riva son regard au mien. Ses yeux étaient très clairs. Très bleus. Comme si on y avait mis toute l'eau des océans.
Noha.
Elle s'appelait Noha. Comment je le savais ? Aucune idée.
— Naël ?
Et elle me connaissait. Bien-sûr.
Son énergie était chaude et puissante. Jeune louve.
Alpha. C'était une Alpha. Un homme dans mon champ de vision.
Une Main. Je le sentais. Je le savais.
L'énergie de cette louve était intrinsèquement liée à celle d'Ahmet.
— Tu es sa compagne ? Demandai-je d'une voix blanche.
Elle fronça les sourcils.
— Tu parles de qui, Naël ? D'Ahmet ?
Je ne comprenais plus rien.
Pourquoi est-ce que tout semblait avoir en même temps du sens et en être dénué ? Ça n'avait ni queue ni tête.
Je m'avançai, mais la Main bougea, sa plaçant vers son Alpha, sentant le danger que je représentant.
Ce loup n'aurait pas dû exister. Nous étions les Premières Mains. Alors que faisait-il là ?
— Mey, écarte-toi, dit Noha. C'est Naël.
— Non, répondit la Main, ce n'est pas lui.
Mon sourire. Il n'était pas aussi idiot qu'il en avait l'air.
— Bien-sûr que c'est lui, cracha l'Alpha. Il m'a quasiment élevée, je sais encore...
Un choc.
Moi, élevée cette louve ? Qu'est-ce que c'était encore que ces conneries là ?
— Noha...
Elle voulut s'avancer, mais la jeune femme à ses côtés la retint. Je m'avançai, mauvais. Je détestai qu'on me prenne pour un bon loup. Ce n'était pas ce que j'étais.
Clairement pas.
— Si tu continues à avancer, je serais obligé de t'arrêter, dit la Main.
— Essaye donc, petit loup, lançai-je.
Il agit et me heurta. Il ne me fallut pas plus de cinq minutes pour le mater. Je lui brisai l'épaule et lui écrasait le visage au sol avant que des cris ne résonnent.
— Meyssan !
Je relevai la tête, un sourire barbare aux lèvres alors qu'une jeune fille courrait dans notre direction.
Jolie.
Fragile.
Elle avait des airs de Priam. De... Priam ?
— Romy !
Une femme, le visage paniqué. La mère de cette fille. La... compagne de Priam ?
Je relâchai ma prise sur la Main et me redressai. La jeune fille fut retenu par quelqu'un et soudain, je senti toutes les attentions tournées vers moi.
C'était peut-être ici que mon premier bain de sang aurait lieu après tout. Non ? Je senti un étrange pouvoir s'enrouler autour de moi. Fronçai les sourcils. La compagne de Priam me fixait. Avec beaucoup d'attention.
Plus loin derrière moi, des loups.
Les débiles m'avaient suivi. Forcément.
Je crachai au sol et redevins loup.
Il n'y avait rien ici.
Rien dont je me souvenais.
Je détalai et retournai là où Ahmet se trouvait.
J'arrivai alors que la nuit était tombée depuis longtemps. Il y avait du monde, des énergies. Pour l'instant, c'était le seul endroit où je pouvais être. Même si lui non plus ne m'était pas familier.
Je réussi à me hisser à l'étage sans avoir à passer par la maison et pénétrai dans une des chambres par une fenêtre ouverte.
J'étais nu, couvert de sang sécher et d'autre substance. Mes phalanges étaient explosées d'avoir trop tapées.
Mon corps se relâchait doucement.
L'adrénaline était partie. Il n'en restait pas même une goutte maintenant.
La porte s'ouvrit alors que je me tenais au milieu de la chambre. Sans bouger. C'était à peine si je respirai.
La louve bandante.
— Où est-ce que tu étais ? Lâcha-t-elle.
Oh. J'adorai la colère dans sa voix. C'était... jouissif.
— Ici et là, trouvai-je drôle de répondre.
Mais vu sa gueule, ça ne lui plus pas.
Soudain, j'eu conscience que nous étions juste tous les deux. Elle et moi. Juste elle et moi.
Je n'avais pas envie de la baiser. Enfin si, bien-sûr. Elle avait un corps trop bandant pour ne pas que j'en ai envie, mais...
— Je suis lié moi aussi ? Demandai-je.
Ils l'étaient tous. Même cet idiot de Zoran. Même ce malade d'Ahmet.
Dans la pièce plongée dans l'obscurité, il n'avait que ses yeux.
Elle répondit, mais mon corps flancha à ce moment-là. Et je tombai.
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