5 | Aleksey


Je regardai le plafond de ma chambre depuis quelques heures déjà. Je savais que si je commençais à faire de la musculation, il me serait impossible de me rendormir. Je pris une profonde inspiration et grognai.

Je me levai et sautai hors du lit. Depuis que Priam avait passé quelques jours ici, la maison avait un peu repris vie. Cependant, je ne passais pas assez de temps ici pour qu'elle soit vraiment vivante au sens propre du terme. Mitsuha avait toujours veillé à ce que notre maison soit propre, bien entretenue et qu'elle respire notre vie. Notre intimité. Je l'avais toujours laissée faire, car je savais que notre espace intime était censé être un refuge pour elle. Un endroit où elle pouvait être celle qu'elle voulait, celle qu'elle était. Et non pas la femme dure, indépendante et forte qu'elle montrait au reste du monde.

Je passai dans le salon. Sur le canapé, il y avait encore des affaires que les gosses avaient laissées la dernière fois qu'ils étaient venus. Eziah, Unai et Riham aimaient revenir ici quand Priam les laissait faire. Même Honor ne disait rien au fait que Priam passe autant de temps avec moi. Ces gosses étaient un peu fous et dérangés, mais au fond je n'étais pas si différent.

J'allais dans la cuisine et ouvris le frigo. Rien de bien intéressant n'attira mon œil. Je soupirai et allais enfiler des fringues. Je tirai mon pull des Maple Leafs sur mes épaules et passai ma capuche. J'enfilai des baskets et pris mon porte-monnaie. Je vérifiai que j'avais un peu d'argent dedans.

Je me rappelais encore ce que Mitsuha avait fait quand elle était partie de la maison. Pendant quelques semaines, elle avait fait en sorte d'utiliser l'argent sur notre compte commun pour financer des équipes de hockey. Des dons aux équipes pour de l'équipement ou de financements plus particuliers. Elle avait même réussi à faire des dons à de plus petites équipes. Comme si ça seule façon de se venger de moi avait été d'utiliser tout cet argent.

Je n'avais rien fait à propos de ça. La punir n'avait pas été dans mes priorités. J'avais été bien trop en colère qu'elle parte, qu'elle s'en aille enfin... Après tout ce que je lui avais fait subir. Les souvenirs du divorce étaient flous. Blake m'avait à peine géré pendant cette période et j'avais simplement laissé faire. Je n'avais pas signé les papiers tout de suite. Si j'avais pu garder Mitsuha avec moi, je l'aurais fait évidemment. Seulement, ce n'était pas la bonne solution pour elle. Je lui avais fait trop de mal pour qu'elle revienne naturellement vers moi.

Je sortis et le froid m'attaqua. Noël arriverait bientôt et les fêtes avec. Je n'aimais pas forcément cette période, c'était toujours délicat. La meute se regroupait beaucoup et j'étais rarement à l'aise avec les autres. Ceux avec qui je m'entendais le mieux et qui ne m'avaient pas tenu rigueur de mon comportement insupportable au fil des années étaient les joueurs et les anciens joueurs de l'équipe de hockey. Autant ceux qui faisaient partie de la meute, que ceux qui étaient humains. J'avais souvent fêté Noël avec Blake et Ylesia, mais depuis deux ans, je ne le fêtai pas. Il n'y avait rien à fêter... Priam allait sûrement me demander de venir avec eux. Je n'allais pas refuser, si cela me permettait de voir Honor. Je regardai mon portable et ne vis aucun nouveau message. Priam devait être occupé. J'aurais aimé passer voir ma... mère, mais je n'osais pas encore m'imposer. Malgré les nombreuses conversations et les vérités que nous nous étions dites, je n'étais pas encore assez à l'aise pour aller la voir comme si c'était naturel de le faire.

Je pris le chemin d'un restaurant ouvert 24h/24. Il faisait des pancakes à mourir. Je connaissais bien le propriétaire qui était une vieille connaissance de mes parents adoptifs. Je mis une demi-heure pour rejoindre le petit restaurant familial. Je rentrai dedans et ne vis personne. À cinq heures du matin, c'était rare qu'il y ait foule.

_ Alek, sourit la dame derrière le bar.

_ Salut Catherine, soufflai-je en allant m'installer sur une banquette.

La décoration était des années cinquante et j'adorais la vieille musique qu'il passait. J'avais souvent amené Mitsuha ici pendant les nuits d'insomnies. Elle en avait beaucoup avant de rentrer au Japon. Catherine s'approcha avec une cafetière remplie de café frais.

_ Dure nuit ? dit-elle tendrement.

Je hochai la tête.

_ Qu'est-ce que tu veux manger ?

_ Comme d'habitude ? soufflai-je.

Elle eut un grand sourire et me prépara la nourriture habituelle. Mitsuha craquait souvent pour une grosse part de pancakes, de fruits et de bacon. Elle n'avait pas ce genre de petit déjeuner chez elle, alors elle en profitait toujours.

Catherine revint très vite avec de quoi manger. Je discutai un peu avec elle, de ses enfants, de son affaire et des petits tracas de la vie quotidienne. Cela me fit du bien et éloigna les pensées douloureuses qui revenaient avec les différents souvenirs de Mitsuha.

Alors que je reprenais des pancakes pour la deuxième fois, je vis atterrir dans le restau un ami de longue date. Il était encore dans l'équipe des Maple Leafs et avait suivi pas mal de mes entraînements. Il me vit et eut un grand sourire. Il me rejoignit et s'installa en face de moi.

_ Faisait longtemps Lynch, sourit-il.

_ Un bail, Bozak, grognai-je. Tu prends la même chose ?

Il hocha la tête, se frottant déjà les mains.

_ Oli aura ta peau, marmonnai-je en voyant la dose de graisse qu'il allait prendre.

_ On a entraînement cette aprem, j'ai besoin de protéines, ricana le joueur.

Connord Bozak était un des attaquants de l'équipe des Maple Leafs depuis quelques années maintenant. C'était aussi un loup de notre meute. Il n'avait pas de rang particulier, mais c'était un très bon ami. Connord, comme Blake, faisait partie de ceux qui m'avaient tenu à bout de bras pendant longtemps. Il m'avait d'ailleurs récupéré après mon divorce avec Mitsuha.

J'appelai Catherine et lui demandai la même chose. Ici à Toronto, les joueurs de hockey étaient comme des stars. C'était toujours bon de trouver un endroit à l'abri de la pression. Connord le savait mieux que personne. C'était aussi pour ça que je lui avais montré ce restaurant.

_ Alors, paraît que tu entraines les mioches, remarqua Connord.

_ Ouais, j'ai pris le groupe des jeunes que Blake a en charge. Ils sont bons.

_ Y a du bon grain, admit Connord.

_ Du talent, insistai-je.

_ Des noms ?

Connord remercia Catherine et se jeta sur sa part. Je ricanai en lui rappelant son régime.

_ Oli nous a fait des plannings de bouffes, remarqua Connord. Je la déteste...

Même Mitsuha leur laissait une marge le matin. Je le savais puisque j'avais suivi le régime qu'elle nous avait imposé juste avant les matchs de League. Je me frottai la tempe, repoussant les souvenirs de Mitsuha. C'était problématique que ça prenne autant de places dans mon crâne. Je devais me concentrer sur autre chose.

_ Même Yamada n'était pas aussi chiante, remarqua Connord.

Je fis la moue.

_ Quoi ? C'est vrai !

Il parlait la bouche pleine. Je savais que Connord faisait exprès de me rappeler que Mitsuha ne portait plus mon nom. Il était la petite voix dans ma tête. Celui qui me rappelait que c'était ma faute et seulement ma faute si je n'avais pas réussi à garder ma femme avec moi.

Ex-femme, soupirai-je intérieurement.

_ Blake m'a dit, remarqua Connord.

Je haussai un sourcil.

_ Que tu l'as revue. Tu sais, ton ex-femme.

Je levai les yeux au ciel.

_ Laisse-moi, grommelai-je.

_ Qu'est-ce que ça t'a fait ?

Je détournai le regard sur mon assiette. Je n'avais plus faim. J'écartai les pancakes et soupirai.

_ Rien de particulier, marmonnai-je.

_ C'est pour ça que tu ne manges plus ? Autant être franc avec toi-même, Alek. Tu sais très bien que c'est le mieux.

_ Ferme la Connord. Tout ce qui concerne ma femme ne te concerne pas.

_ Ex-femme, me corrigea-t-il.

Je crachai un juron avant de me lever brusquement. Connord haussa un sourcil, un léger sourire sur les lèvres. Je pris une longue inspiration et me rassis. Je posai mes mains à plat.

_ J'ai envie... de la revoir, admis-je. Pour m'excuser. C'est la prochaine étape que je dois suivre dans... mon programme.

Connord hocha la tête.

_ Blake ne te laissera pas faire. Pas tant que Yamada ne donnera pas son accord. Et crois-moi, elle ne le donnera pas tout de suite. Du moins, je l'espère. Ça te fera les pieds.

Je reniflai, un peu désabusé par cette situation. Si je voulais aller la voir pour m'excuser, Blake ne me laisserait pas faire. Pire encore, Mitsuha elle-même ne voulait pas me voir. Du moins, c'est ce que je pensais.

_ Viens à l'entraînement cette après-midi, reprit Connord. Ça fera du bien aux gars de te voir frais et dispo.

_ J'ai les gosses et après, je dois bouger.

Il fallait vraiment que j'aille voir Honor. Je voulais lui parler de Mitsuha... Je ne l'avais pas encore fait. Peut-être qu'elle pourrait m'aider à passer au-dessus de ce que j'avais fait. Elle ne savait pas que j'avais utilisé mon...

Je sortis mon portable de ma poche quand il vibra. C'était un SMS de Priam, qui m'invitait à passer à l'orphelinat. Honor voulait me voir apparemment. Je secouai doucement la tête et répondis tout de suite. Ce n'était pas étonnant que Priam soit levé à cette heure-là. Ce n'était pas un gros dormeur.

Connord me parla de l'équipe, tentant d'écarter le sujet dangereux qu'il adorait aborder. Du peu qu'il m'en dit, il avait même une copine en ce moment. Qui ne le connaissait pas en tant que joueur, ce qui était un rafraichissement pour lui. Je le laissais dériver, jusqu'à ce qu'il soit neuf heures.

On décolla ensemble. Lui, il alla directement à la patinoire pour s'entraîner et moi je pris la direction de ma maison. Je récupérais mes affaires et pris le temps de ranger mon bazar. Je pris la direction de la patinoire vers onze heures. L'entrainement était dans deux bonnes heures, mais cela me permettrait de m'échauffer. Ces gosses auraient bientôt ma peau.

La plupart d'entre eux suivaient un cursus qui comprenait des cours et du sport. Ils étaient tous reconnus comme des athlètes de haut niveau. Ils avaient pratiquement tous participé à de grands championnats pour jeunes. Ils seraient repérés bientôt par des recruteurs. Je ferais en sorte qu'ils soient bien dirigés et qu'ils aient droit aux opportunités qu'ils voulaient et surtout qu'ils méritaient.

En arrivant à la patinoire, j'aperçus Ani, assis sur le bord du muret. Il était au téléphone avec quelqu'un, sûrement quelqu'un de sa famille vue qu'il parlait dans sa langue maternelle, l'espagnol. Il me vit et raccrocha rapidement.

C'était toujours le premier aux entraînements.

_ Bonjour Coach, me salua-t-il.

_ Salut Ani, dis-je en tapant dans sa main tendue. Comment va la jambe ?

Anibal grimaça. Il avait eu quelques mauvaises blessures et était suivi par Mitsuha. Je savais donc qu'il ferait attention à chacun de ses gestes au prochain match, qui allait arriver ce week-end. Je crois bien qu'il était stressé, mais j'étais confiant. Et si Mitsuha avait accepté qu'il participe au match, alors c'est qu'il pouvait le faire.

_ Bien, ronchonna-t-il.

Il n'aimait pas que toute l'équipe sache sa faiblesse, mais il en allait de sa santé. Donc, j'avais mis tout le monde au parfum. Je rentrai avec lui à l'intérieur. J'allais dans les mêmes vestiaires que lui pour me changer. On parla rapidement du dernier match des Maple Leafs.

Alors qu'il nouait ses patins, il se redressa et m'observa pendant quelques secondes. Je me dressai sur mes propres patins, voulant aller le tester un peu sur la glace.

_ Vous connaissez ma préparatrice ? remarqua Ani.

Je me figeai un instant. J'appréciai Ani, plus que n'importe quel gosse, vu que les autres je les avais déjà tous connus plus jeunes. Ani avait eu droit à un transfert et j'étais heureux qu'il puisse avoir une seconde chance ici. C'était un très bon élément, mais je ne voulais pas qu'il s'intéresse à ma vie privée.

_ Mitsuha Yamada est une préparatrice physique très connue et très compétente, dis-je Elle a suivi l'équipe des Maple Leafs pendant des années. Elle pourrait même être recrutée pour l'équipe du Canada, si elle acceptait les propositions.

Ani se gratta la nuque et détourna son regard.

_ C'est aussi votre ex-femme, non ?

_ Je ne pense pas que ce soit quelque chose qui te concerne, Anibal, repris-je en sortant des vestiaires.

J'entendis un grognement, un juron et un soupir. Je tentai de ne pas paraître intéressé. Qu'avait bien pu lui dire Mitsuha pour qu'il me pose cette question ? Je soupirai et me lançai sur la glace.

Le souvenir grimpa malgré moi, la douleur avec.

Je tentai de voir clair à travers mes larmes. Je pleurai comme un idiot, comme un putain d'idiot. Je frappai le mur à côté de moi, la douleur ne soulageant pas mon esprit. Je ne pouvais pas continuer comme ça... Je ne pouvais pas...

Le bruit de la porte d'entrée. Je me redressai, regardant mes poings en sang. Je m'étais blessé à la jambe il y a deux semaines et je ne pouvais toujours pas bouger normalement. Ma jambe était immobilisée et je détestais ça.

Je détestai être dépendant de n'importe qui, encore plus d'elle.

Je ne voulais pas qu'elle s'occupe de moi.

Je ne voulais pas qu'elle me regarde avec cette pitié au fond des yeux.

Elle dut voir les débris en bas, car soudain, j'entendis ses pas. Avait-elle peur de me retrouver mort dans un coin ? Peut-être qu'un jour ça arriverait... peut-être qu'elle me retrouverait mort, ici. Au moins, elle serait débarrassée.

_ Alek ?

Sa voix tremblait. Elle m'appela de nouveau, mais je ne répondis pas. À quoi bon ? Comment pouvait-elle être encore ici à rester avec moi ? Comment ?

_ Alek, où es-tu ?

Bientôt, elle apparut devant la chambre. Elle se figea et ses yeux s'écarquillèrent quand elle vit le sang sur mes mains. Elle entra lentement, son corps tendu et tremblant. Elle s'agenouilla devant moi, sa main se posant sur ma cheville. Le reste de ma jambe disparaissait sous la grosse attelle qui empêchait mon muscle de trop bouger. Mitsuha ne pouvait rien faire de plus. J'étais un loup, je guérissais trop vite.

_ Alek. Où... Où as-tu mal ? Dis-moi ce que je peux faire.

_ Rien, crachai-je.

Elle cligna des yeux, mais je pouvais voir les larmes qu'elle retenait. Je secouai la tête et posai un doigt sur sa joue, étalant du sang sur sa peau blanche.

_ Comment peux-tu aimer ce que je suis ? soufflai-je. Comment peux-tu rester là à me regarder ?

Elle frémit quand j'étalai un peu plus mon sang sur sa joue.

_ Tu devrais aller voir un autre homme. Qu'il puisse s'occuper de toi. Qu'il puisse être digne de la femme que tu es...

Mitsuha grimaça avant que les larmes ne coulent sur ses joues.

_ Ne dis pas ça, souffla-t-elle.

_ Je ne suis bon à rien, hormis à te faire souffrir. Pourquoi restes-tu ? POURQUOI ?

Mon cri la fit sursauter et son visage pâlit.

Je trébuchai alors que le cri résonnait dans mon crâne. J'atterris les deux mains en avant et mon patin râpa contre la glace. Le choc me fit grogner de douleur. La glace s'infiltra sous mes vêtements et je frissonnai.

_ Et merde, crachai-je.

_ Coach ! s'écria Ani.

Il fut à mes côtés la seconde suivante. Ses mains me redressèrent sur mes patins. Je grimaçai quand ma jambe me lança, vieille blessure jamais complètement guérie.

_ Tout va bien ? souffla Ani.

Je secouai la tête et haussai mes épaules pour chasser le souvenir. J'avais hurlé sur Mitsuha une bonne partie de la nuit. Elle voulait simplement me soigner. Elle avait fini par le faire, mais quand j'avais cessé de hurler et de frapper les murs. Mitsuha avait hurlé parfois aussi... Surtout lors des dernières disputes, quand je me blessais pour la blesser elle. Je pouvais encore entendre ses cris quand elle me suppliait d'arrêter. D'arrêter de me blesser. D'arrêter de frapper les murs. D'arrêter de vivre à travers la douleur.

_ Fais quelques tours, lui ordonnai-je tout en m'époussetant.

_ Vous êtes sûr ? souffla Ani, toujours inquiet.

Je hochai la tête et le poussai à aller patiner. Je pris une longue inspiration avant de patiner jusqu'au bord. Je posai ma main sur la planche de bois qui me séparait du sol stable alors que les cris de Mitsuha résonnaient dans mon crâne.

Une longue série de cris qui retournaient encore et encore dans mon crâne.

_ Arrête ! Arrête Alek !

Mes poings cognaient le mur, créant un trou gigantesque dans le plâtre. Comme à l'intérieur de mon corps. Comme à l'intérieur de mes membres, de mes muscles. C'était quelque chose qui me bouffait de l'intérieur.

Des mains se posèrent sur mes épaules et Mitsuha me tira en arrière. Assez pour que nos pieds s'emmêlent et que nous glissâmes au sol. Je roulai sur le côté et Mitsuha poussa un petit cri de douleur.

Je pivotai pour voir si elle s'était fait mal. Son regard était écarquillé et son souffle court.

_ Suha...

Mon murmure la fit frémir. Elle secoua la tête et frotta sa hanche sur laquelle elle venait de tomber.

_ Je... je ne...

Je regardai ma main tendue vers elle, tout comme elle le faisait en ce moment même. Elle attrapa ma main en sang et tenta de l'essuyer avec son t-shirt qui fut imbibé en quelques secondes. Je déglutis, le cœur dans la gorge. Elle me faisait mal, mais je n'en avais rien à foutre. C'est moi qui voulais souffrir. Pas elle. Elle s'acharna quelques secondes, puis me regarda. Son souffle était court et elle semblait sur le point de pleurer.

Je me mis à genoux et l'attirai à moi, mon nez dans ses cheveux. Son corps tremblait légèrement. Je la reculai et posai mes mains abîmées sur ses joues. Je tentai d'effacer les larmes, mais elle continuait de couler.

_ Mitsuha...

Elle déglutit. Sa bouche chercha la mienne et je me penchai doucement pour l'embrasser. Elle gémit doucement, mais déjà mes mains glissaient sur son corps.

_ Ne pars pas, haletai-je. Ne pars pas.

Elle se dressa sur ses genoux à son tour et m'embrassa plus profondément, enroulant sa langue autour de la mienne. Ses doigts agrippèrent mes cheveux.

_ Jamais, balbutia-t-elle.

La seconde suivante, je lui retirai ses vêtements.

Je repoussai la sensation de ses lèvres sur les miennes. Mitsuha me manquait. Ma femme me manquait... J'avais besoin de me racheter auprès d'elle, mais je n'avais aucune idée de comment le faire. En avais-je seulement le droit ?

Je me redressai en entendant les autres jeunes arrivés. Je surpris le regard inquiet d'Ani sur moi. Je secouai la tête et repris le dessus.

Il était important que je me concentre sur les gosses.

Mitsuha n'avait pas à me supporter plus... Pas pour l'instant.

* * *

Je pris une longue inspiration et me redressai. Je fis une grimace atroce et les gamins éclatèrent de rire. Eamon, le petit qui était l'un de mes préférés, se pressa contre moi en m'en réclamant une autre.

_ Laissez Aleksey respirer les enfants, rit Honor un peu plus loin.

Elle préparait le goûter dans la cuisine. Je posai mon regard sur elle. Elle n'avait pas encore la place de mère dans ma vie et je n'étais pas sûr de réussir à lui donner ce rôle, mais je voulais qu'elle soit là pour moi. Surtout en ce moment.

Je réussis à me dépêtrer des enfants et la rejoignis dans la cuisine. Les gosses furent pris en charge par les autres grands de la maison.

Honor me sourit doucement et tendrement. L'expression sur son visage avait changé me concernant. Si au début, elle avait éprouvé de la peur et de la culpabilité, à présent c'était la tendresse que je voyais dans son regard.

_ Tout va bien ? souffla-t-elle. Tu as l'air préoccupé.

Elle aussi avait eu quelques problèmes d'adaptations me concernant. C'était toujours compliqué de communiquer avec une personne qu'on aurait aimé connaître par cœur, mais dont la vie n'était pas un grand livre ouvert.

_ J'avais une femme, admis-je d'une petite voix.

Honor se figea un instant avant de se redresser et de poser son regard sur moi. L'interrogation était présente. Je ne savais pas si je voulais lui dire ou non, mais je voulais qu'elle sache mon problème.

_ Elle est toujours vivante, continuai-je. Mais je l'ai blessée...

Honor posa lentement une main sur mon épaule et la pressa.

_ Tu n'as pas à en dire plus, souffla-t-elle.

_ Si, j'en ai besoin, murmurai-je.

Elle prit ma main et me tira derrière elle. Je fus trop surpris par ce contact pour retirer ma main. Je la laissai me conduire dans son bureau. Elle referma la porte et me poussa à m'asseoir sur le bord de son lit.

_ Comment s'appelle-t-elle ?

_ Mitsuha, soufflai-je avec tendresse.

Le sourire de ma mère m'apprit qu'elle entendait très bien mes sentiments quant à cette personne.

_ De quelle origine est-elle ?

_ Japonaise, répondis-je par automatisme. Elle a connu... elle a connu tous mes côtés. Y compris celui que j'ai toujours caché.

Honor fronça ses sourcils avant de poser sa main sur la mienne. Elle pressa mes doigts.

_ Tu ne devrais pas te sentir coupable pour une émotion qui t'a empêché d'y voir clair pendant toutes ces années, Aleksey, souffla-t-elle.

Elle utilisait toujours mon prénom en entier.

_ Je... mon loup n'a pas supporté qu'elle demande le divorce, murmurai-je. Blake avait déjà fait le nécessaire pour qu'elle ne soit plus liée à nous et ce jour-là... Quand nous l'avons vu alors qu'elle n'était plus notre femme, il n'a pas supporté la douleur.

_ Il a utilisé notre pouvoir, devina Honor.

Je détournai le regard alors que sa main se posait sur ma nuque. Une légère pression.

_ Il avait peur, souffla Honor. Il avait peur de la perdre à tout jamais... Il ne savait pas comment faire. Je peux entendre dans ta voix que tu tiens encore désespérément à elle, Aleksey. Tu ne lui voulais aucun mal, encore moins la soumettre.

Je frémis face au souvenir qui grimpait. La pression des doigts d'Honor sur ma nuque me garda dans le présent et je soupirai.

_ Lui as-tu expliqué ? As-tu pu lui dire que tu ne contrôlais pas ce pouvoir ? m'interrogea ma mère.

Je la regardai avec une peine profonde qui me transperçait de part en part à chaque fois que je pensais à Mitsuha.

_ Je l'ai vu il y a quelques jours. Cela faisait deux ans que je n'avais pas vu ma femme...

Je grognai et me raclai la gorge.

_ Ex-femme, me corrigeai-je.

Honor eut une petite grimace.

_ Tu dois lui expliquer, reprit Honor. Priam peut t'y aider. Il sait ce qu'est notre pouvoir.

Je la regardai avec de grands yeux.

_ Tu l'as utilisé contre lui ? murmurai-je.

Elle grimaça un peu plus et frémit.

_ Il me l'a demandé, admit-elle.

Ces deux-là...







Le match avait commencé depuis vingt minutes et c'était déjà du grand n'importe quoi sur la glace. J'avais envie de leur arracher des membres tellement ils faisaient tous de la merde. Je hurlai contre le plexiglas qui me séparait d'eux. Blake grommelait dans mon dos, tapant du pied. L'arbitre replaça tout le monde au centre pour relancer le match.

_ Ils font de la merde, crachai-je.

_ C'est toi le coach, remarqua Blake. À toi de gueuler.

Je frappai le plexiglas du plat de la paume en rageant. Je réussis à tenir jusqu'à la mi-temps avant de pouvoir gueuler sur les caboches que j'avais pour joueurs. Ils se placèrent tous sur le banc, les yeux vissés sur moi. Je me mis à leur hurler des ordres et des recommandations pendant tout le temps de pause. Ani et Jake n'étaient pas coordonnés et pour des attaquants c'était vraiment la merde. Je ne parlais même pas des défenseurs qui faisaient du grand n'importe quoi à donner des ouvertures à l'autre équipe.

Je terminai mon speech par une motivation quelconque. Les joueurs se levèrent et me tapèrent dans la main avant de retourner sur la glace. Je me postai à l'entrée de la patinoire, enlevant le plexiglas entre mes joueurs et moi. Je me mis à faire les cent pas quand les joueurs se remirent en mouvement.

Alors qu'Ani tentait une percée, je me figeai. Le défenseur adverse était plus imposant qu'Ani et ne cessait de l'attaquer sur son côté faible. Celui de sa jambe encore en guérison. Soudain, alors qu'Ani était lancée à pleine vitesse, le défenseur accéléra l'allure et se pencha en avant.

Mon loup grogna au moment où le défenseur se jeta sur Ani. Ils basculèrent brusquement contre le plexiglas. La jambe et la hanche d'Ani reçurent le bord de la paroi de pleine force. J'entendis son cri avant que le défenseur ne s'écarte et envoie le palet à ses attaquants.

_ Faute ! hurlai-je. FAUTE !

Blake me retint par le bras alors que je tentais d'aller sur la glace.

_ Ani ! criai-je. IL Y A FAUTE !

Ani se tint à la paroi et se redressa en grimaçant. Carey s'approcha d'Ani pour l'aider à se remettre sur ses patins.

_ Arbitre ! criai-je de nouveau.

L'arbitre alla à la rencontre d'Ani et lui demanda si tout allait bien. Je grognai alors que Blake me retenait. Ani sembla dire que tout allait bien et se remit à patiner, s'appuyant sur sa jambe valide avant de tester sa jambe blessée.

Soudain, j'aperçus une femme de l'autre côté de la patinoire, penchée sur le plexiglas. Ani se retourna vers elle et secoua la tête, lui articulant quelque chose.

Je me figeai en reconnaissant Mitsuha.

Putain, qu'est-ce qu'elle foutait ici ?

Puis, une autre action eut lieu. Ani était en train de parler à Mitsuha alors que Jake reprenait le dessus. Ani s'écarta du plexiglas. Je sentis mon cœur se serrer quand elle tapa contre la vitre pour rappeler Ani.

Jake et Ani se mirent en branle, mais les deux défenseurs adverses revinrent sur Ani. Nom de...

Soudain, Ani fut télescopé sur la glace, percuté par le même défenseur. Jake réussit à se rattraper in extremis, mais pas Ani.

Le choc le plaqua au sol.

Je fus sur la glace la seconde suivante alors que l'arbitre sifflait une faute.

_ Ani ! hurlai-je.

Mes chaussures glissèrent et je finis à genoux à côté d'Ani. Je le roulai sur le dos alors que l'équipe de soins arrivait.

_ Bordel gamin ! m'écriai-je.

Il ricanait sous son casque. J'agrippai sa grille et me préparai à l'engueuler.

_ Ani ! cria une nouvelle voix.

Je me redressai brutalement, mon regard rivé sur Mitsuha. Elle était bloquée à l'entrée la patinoire, incapable d'avancer. Elle détestait la glace.

Mon cœur se fissura encore une fois. 


🏒  ⛸️  🏒



Sacré chapitre, hein ? 🙈 Petite discussion entre Alek et Honor et on sent que tous les deux cherchent leur marque par rapport à l'autre... avec le temps, ça ira j'imagine ! 😇 Et puis cette fin qui laisse présager une interaction Alek/Suha : BON SANG ! 😱🔥🤫

Vous en pensez quoi, vous ? 😁

On se dit à très vite 🔥😝

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