11 | Aleksey
Je nouai mes lacets de chaussures et me redressai pour attraper mon blouson. Je l'enfilai et retournai dans le salon pour aller embrasser Suha. Elle tenait un livre sur la grossesse dans ses mains, un thé devant elle sur la table basse. Je le lui retirai et elle grogna. Elle sourit quand je me penchai pour l'embrasser avec plaisir.
_ J'y vais, soufflai-je.
_ Reviens vite, murmura-t-elle en retour.
_ Je ne serais pas long. Attends-moi pour manger. Blake ne voulait pas prendre trop de temps pour faire ça.
Elle acquiesça et je lui rendis son livre. Je trouvai les clés de la voiture dans la poche d'un manteau de Mitsuha avant de sortir de la maison. Je tirai la télécommande du portail de ma boite à gant et l'ouvris d'une simple pression. Je descendis la voiture sur la route avant de me rendre compte que je n'avais pas le sac dont Mitsuha m'avait parlé. Mince. J'arrêtai la voiture et éteignis le moteur de la voiture. Je ronchonnai sur ma mémoire de poisson rouge en ouvrant la porte de la maison.
_ Désolé Suha, j'avais oublié le sac. Mais regarde, je...
Je me penchai vers le salon et n'y trouvais pas Mitsuha.
_ Suha ? l'appelai-je.
Je ne trouvai pas le sac. Peut-être dans la chambre ? Je passai dans le couloir qui me menait aux escaliers. Était-elle partie dormir ? J'en doutais. Elle faisait rarement des siestes, même si elle était enceinte de quatre mois et que son corps était un peu chamboulé par les hormones.
Mon loup se figea au milieu des escaliers en sentant une odeur caractéristique de sang. En quelques secondes, il se retrouva dans notre chambre. Mon cri déchira la chambre quand je vis le corps de Mitsuha sur le sol, plongé dans une mare de sang.
Je me jetai sur elle et la basculai sur le dos. Elle était pâle et son cœur battait à peine dans sa poitrine. Tout ce sang venait maculer son pantalon, juste entre ses cuisses. Je tirai mon portable de ma poche et composai le numéro d'urgence.
Je sursautai et me redressai dans le lit. Je jetai un coup d'œil au sol à côté de moi. La moquette blanche avait remplacé le parquet de l'époque. Les minutes qui avaient suivi cet épisode étaient floues pour moi. Je savais que j'avais pris Mitsuha dans mes bras et que je l'avais mise à l'arrière de ma voiture. Je savais que j'avais conduit dans un état second jusqu'à l'hôpital le plus proche. Je savais aussi que lorsqu'on me l'avait enlevé, j'avais attendu dans un couloir blanc et froid, couvert du sang de ma femme.
J'avais attendu quelques minutes de plus avant que Blake et Yseria n'arrivent.
J'avais attendu quelques heures de plus avant qu'on ne m'annonce que mon bébé à naître était mort. Que ma femme avait un pronostic de vie engagé. Qu'elle avait perdu un ovaire entier. Qu'elle n'aurait peut-être plus la possibilité d'avoir d'enfant, car l'opération avait été prise en urgence et que les séquelles pouvaient être plus nombreuses que celles mentionner par le chirurgien.
En peu de temps, j'avais appris la mort de notre enfant.
La possible infertilité de Mitsuha.
Et la possibilité qu'elle puisse mourir.
Je repoussai la couette et me ruai sous la douche. Je poussai la température au maximum. Ma peau chauffa en quelques secondes et j'eus dû mal à retenir mes cris. Mes larmes, elles, coulèrent le long de mes joues. Je ne pus retenir le chagrin de cette partie de notre vie.
Nous avions été si heureux d'apprendre la grossesse de Mitsuha. Nous aurions été de bons parents, même si mes crises n'étaient pas faciles. Je serais allé directement voir un psy, qu'il règle mon problème.
J'aurais été directement aux réunions des narcos. J'aurais changé tellement de choses.
J'aurais...
Quand le téléphone sonna, je clignai des yeux, cessant de jouer avec les petits chaussons. Je les regardai un instant avant de décrocher.
_ Alek, comment vas-tu ? s'enquit Priam au bout du fil.
Je fermai un instant les yeux et déglutis lentement pour ne pas me remettre à pleurer comme un idiot.
Mon silence dut l'alerter, car il se racla la gorge et sembla s'éloigner du son ambiant que j'entendais derrière lui.
_ Tu veux que je vienne ? souffla-t-il.
_ Non, non, m'écriai-je. Non bon sang, je... Des souvenirs difficiles à faire passer. Ça ira jusqu'à demain. C'est bien demain que vous arrivez, n'est-ce pas ?
_ Oui, je voulais savoir quelle heure t'allait le mieux. Je sais que tu as des entraînements réguliers avec les jeunes, je ne voudrais pas qu'on arrive pendant l'un d'entre eux.
_ J'ai un entraînement en début d'après-midi. Normalement, on le termine aux environs de seize heures. Ça vous irait ? Tu sais où se trouvent les clés si je ne suis pas rentré avant vous. D'accord ?
_ Parfait.
Un léger silence puis le soupir de Priam.
_ Bonhomme, tu me dirais si ça ne va pas, n'est-ce pas ?
_ Je comptais aller à une réunion ce soir.
_ Tu as de la compagnie pour y aller ?
Je me frottai le visage avant de soupirer à mon tour.
_ Je vais voir si Blake est là, mais sinon cela ne me dérange pas d'y aller seul. Il faut bien que je reprenne le dessus de mon côté aussi sans devoir compter sur les autres.
_ Les autres sont là pour t'aider, bonhomme, alors ne rejette pas notre aide, me rappela Priam gentiment.
Je sentis son léger sourire et ne pus retenir le mien.
_ Je te dis à demain, termina-t-il.
Je raccrochai et posai mon front contre la table. Ouais, il était temps que j'y aille.
Blake arriva à moitié essoufflé à ma réunion. Cela se déroulait dans une vieille pièce d'un rez-de-chaussée entretenue par des associations. Nous avions nos tours. Blake remit en place sa veste de costume et remonta sa cravate. Il replaça quelques mèches de cheveux et pressa mon épaule. Son Alpha était présent, m'enroulant dans sa puissance, me protégeant de la tristesse qui devait se dégager de ma personne.
_ On a croisé Mitsuha au salon de thé où Olivia voulait acheter ses parts de tarte super bonne, remarquai-je avant d'entrer.
Blake fronça un instant les sourcils avant de grimacer.
_ C'était il y a quatre jours, remarqua-t-il.
Je hochai la tête.
_ Et tu me le dis maintenant parce que...
_ Parce que ça fait trois nuits que je rêve de la fois où j'ai retrouvé Mitsuha en sang chez nous, quand elle a fait sa grossesse extra-utérine.
Blake me regarda avec cet air triste que je haïssais par-dessus tout. Mon Alpha avait toujours été ma priorité, jusqu'à Suha. Et puis, cette femme que j'aimais de toute mon âme était arrivée dans ma vie. Avec sa timidité. Avec sa réserve. Avec ses rires, ses larmes et toute sa personnalité que j'aimais profondément. Blake était mon Alpha, il était celui vers qui je me tournerais toujours. Mais Mitsuha était ma moitié. Elle était l'autre bout de mon âme.
Et je l'avais piétinée.
Pendant les réunions, tout le monde choisissait de parler ou non. La plupart du temps quand nous n'étions pas nombreux, nous étions en cercle et nous tentions d'écouter tous les démons de chaque narcotique qui se trouvait là. Ce n'était pas facile, mais au fur et à mesure, extérioriser ses démons aidaient. Le psy, il fouillait un peu plus, mais les réunions on pouvait choisir.
Choisir quel souvenir partagé.
De celui qui nous faisait le plus de bien à celui qui nous faisait le plus peur.
Blake était assis à ma droite, légèrement en retrait, pour laisser les personnes en guérison faire partir du cercle intérieur qui discutait. Aujourd'hui, nous n'étions pas beaucoup et vu l'heure un peu tardive, seuls les plus borderline étaient venus.
_ Aleksey, voudrais-tu partager quelque chose avec nous ce soir ? souffla Gloria, la jeune femme qui s'occupait de gérer nos réunions.
Elle n'avait pas la tête d'une ancienne droguée, mais la dernière fois qu'elle avait elle-même pris la parole, l'idée de jugement à la tête m'avait paru drôlement dépassée. Gloria avait eu plus de problèmes que moi pour ces quatre dernières vies. Elle n'avait pas touché à de la drogue depuis bientôt quatre ans et en était très fière. Elle nous portait parfois à bout de bras et parfois, nous l'aidions à notre tour.
Je cessai de jouer avec les petits chaussons et les montrai au cercle. J'entendis Blake retenir son souffle.
_ Ce sont des chaussons de bébé, dis-je d'une voix rauque. Ils étaient pour notre bébé, à ma femme et moi. Notre tout petit bébé, mais...
Je sentais les regards sur moi. Je sentais leur attention et leur compassion. Il n'y avait pas de pitié ici. Tout le monde avait vécu des merdes atroces. Tout le monde comprenait. Il fallait juste pouvoir avancer. Ce n'était pas tant l'idée de vider son sac, mais de le faire devant des personnes qui comprenaient et ne vous jugeaient pas de ça.
_ J'ai retrouvé le corps de ma femme dans un bain de sang. Le sien. Elle avait perdu notre bébé et elle a failli perdre la vie. Si je n'étais pas remonté à ce moment-là, elle...
La main de Blake se referma sur mon épaule et je baissai la tête, retenant encore une fois mes émotions.
_ Est-ce que ta femme va bien ? souffla Edony, une autre femme.
Un peu plus vieille que moi, son visage était marqué par les doses de cocaïnes que son corps avait ingérées. Elle était clean depuis deux ans maintenant et elle s'en sortait plutôt bien. Elle avait été l'esclave sexuelle d'un homme qui l'avait tenu sous son joug avec de la drogue. Edony était à la base une avocate reconnue qui avait tout perdu quand l'homme qui l'avait kidnappé lui avait fait du chantage.
Je reniflai, ravalant mes larmes.
_ Elle a été prise en charge à temps oui. Mais, mes merdes l'ont fait partir. Et je la comprends totalement. Je ne sais pas comment elle a fait pour rester avec moi aussi longtemps.
_ Alek, souffla Blake.
Je le rassurai en tapotant sa main.
_ Je suis clean depuis deux mois et vingt-six jours, repris-je en frottant mon nez de mon bras. Et aujourd'hui, je pense à notre petit Kôta qui n'a jamais eu l'occasion de découvrir sa magnifique mère et son idiot de père.
_ Qu'il soit en paix, murmura Gloria d'une voix douce.
Je laissai ma tête tomber dans mes mains en grognant.
Je ne réussis pas à retenir mes pleurs.
C'est ainsi qu'à cinq heures du matin, je me retrouvais au même endroit que d'habitude quand je n'arrivais pas à dormir. Catherine m'accueillit de nouveau avec le même sourire et m'apporta rapidement ma commande habituelle.
Et encore une fois, comme s'il l'avait senti, Bozak apparut à son tour. Il me raconta sa rupture avec sa copine et je ne compris pas comment cela était arrivé. Il parla de mauvaise communication et ronchonna beaucoup, preuve qu'il devait être à moitié coupable. Je ne relevai pas.
J'échouai avec lui directement à l'entraînement d'Olivia. Celle-ci m'invita même à aller boire un café après. J'acceptai, sachant que cela pourrait m'aider à me changer les idées. Je la retrouvai donc après avoir fait une bonne douche et elle proposa un petit salon de thé que je connaissais bien, car c'était l'un des préférés de Mitsuha.
Olivia prit notre commande et je la laissai faire. Ce n'était pas comme si je voulais manger quelque chose. J'avais l'estomac un peu noué d'être ici en présence d'une autre femme que la mienne, ce qui était assez déstabilisant. Dans ma poche, je jouai avec les chaussons du bébé. C'était idiot, mais ça m'aidait un peu.
_ Tu te sens bien, Alek ? Tu as l'air ailleurs, souffla Olivia.
Elle posa sa main sur ma cuisse et pendant un instant, je me demandais pourquoi elle m'avait amené là, seul avec elle. Certains gars avaient proposé un bar, mais Olivia avait refusé en disant qu'on allait tous les deux de notre côté. Sur le coup, je n'avais pas compris les regards amusés des gars. Maintenant, je commençai à comprendre la connerie que j'avais faite. Est-ce que ce que disait Connord était vrai ? Olivia avait vraiment un faible pour moi ?
_ Période un peu compliquée, admis-je, mais ça devrait aller. Théo revient quand exactement ?
Je bougeai légèrement pour qu'elle écarte sa main, mais elle ne le fit pas, buvant son thé de l'autre main. Je retins une moue. Je n'étais pas un puceau qui ne savait pas se débarrasser d'une meuf insistante. Seulement, je ne voulais pas froisser Olivia. C'était une amie. Enfin, je l'avais toujours pensé. Ensuite, on ne sortait pas avec les préparatrices physiques. J'avais dérogé une fois à la règle, mais c'était ma seule exception. Mitsuha était mon exception.
Olivia se lança dans un monologue concernant son collègue. Théo et elle s'entendaient bien, mais je crois qu'il y avait parfois une petite compétition entre les deux. Ce qui n'était pas totalement innocent dans le monde du sport. Ils restaient des athlètes d'après ce que disait Olivia.
Je regardai un instant à travers la vitre à côté de laquelle nous étions assis. Les gens marchaient tranquillement, n'ayant pas de direction particulièrement distincte. J'aurais aimé aller me balader avec Mitsuha. Elle m'avait souvent traîné dans de petits quartiers à la recherche de la petite boutique, de la petite librairie. Ce n'était pas rare que nos samedis après-midi se transforment en campagne de recherche. Mitsuha était une grande lectrice.
Je tentai de rester concentré sur ce que disait Olivia, mais c'était compliqué. Soudain, mon regard croisa un regard connu dans la foule qui s'agitait dans la rue. Qu'est-ce qu'Aodh foutait là un jour pareil ?
Je n'eus pas le temps de comprendre ce qui m'arrivait quand la bouche d'Olivia se colla à la mienne. La seconde suivante, mes mains l'avaient écartée de mon visage.
_ Qu'est-ce que tu fais ? soufflai-je.
Le visage rouge, elle balbutia une excuse que je ne compris pas. Je jetai un coup d'œil à l'endroit où j'avais vu Aodh. Avait-il vu tout ça ? Bordel ! Qu'est-ce que c'était que cette merde ?
_ Mais je pensais que tu savais, continuait Olivia.
Je secouai la tête et passai mes doigts sur mes lèvres pour enlever le goût de son thé qui s'y attardait.
_ Merde, Olivia, je... Je ne peux pas faire ça. Je suis marié, ok ?
_ Tu es divorcé, Alek, gronda la jeune femme. Ça fait deux ans maintenant, elle ne veut clairement plus de toi. Elle est passée à autre chose. On dit même qu'elle vit avec un homme et...
Je me levai brusquement. Olivia n'était pas au courant des affaires de la meute. Elle ne savait pas qu'Aodh, justement, vivait avec Mitsuha pour que ma femme ne soit pas seule. Un instant, je fis rouler mon alliance sur mon doigt puis je fermai les yeux pour reprendre mon calme.
_ Sympa, grognai-je. Vraiment classe.
_ Aleksey ! s'écria Olivia.
J'agrippai mon manteau et l'enfilai. Je sortis aussi vite que possible du restaurant et tentai de trouver la gueule d'Aodh. Qu'est-ce qu'il allait dire à Mitsuha putain ?
Aodh et moi, ça n'avait jamais accroché. Il avait le rang de Main chez nous, mais il n'avait pas été entraîné comme tel. Il ne venait pas d'ici et il ne m'aimait pas. Je savais que s'il pouvait me la mettre à l'envers, il le ferait. Et merde ! Merde !
Je regardai l'heure et vis que c'était le moment de l'entraînement. Je dus courir jusqu'à la patinoire pour ne pas être en retard. J'avais le corps en ébullition arrivé là-bas, tout comme mon esprit partait dans tous les sens. Je devais parler à Mitsuha avant qu'Aodh ne le fasse n'est-ce pas ? Il n'allait pas lui dire simplement comme ça ? Et Mitsuha ne pouvait pas le croire ...
Le stress grimpa et pendant un instant, j'eus envie d'un calmant. Mon loup était sur les nerfs et à deux doigts de prendre notre forme animale pour partir rejoindre Suha. Ce n'était pas la solution et je ne pouvais laisser arriver ça.
Merde. Merde.
Je saluai les jeunes qui entraient au fur et à mesure sur la glace pour s'échauffer. Quand une touffe brune passa devant moi, j'agrippai le haut d'Anibal pour le mettre sur le côté.
_ Mais coach j'ai le droit ! M'dame Yamada l'a dit !
Je me figeai un instant. Normalement, il avait bien encore une semaine de repos cette andouille. Pourquoi me disait-il ça ? Pouvais-je seulement appeler Mitsuha pour être sûr ?
_ J'vous le jure putain ! Je veux jouer !
Une claque sur sa tête le fit grimacer.
_ Langage, Anibal, grondai-je. File, mais je te jure que si j'apprends que c'était....
_ Pas de souci Coach ! s'écria-t-il en sautant sur la glace comme un kangourou.
Je soupirai. Ce n'était pas ma journée, mais j'allais devoir continuer sur cette mesure, n'est-ce pas ?
L'échauffement se passa rapidement et je ne vis pas la première heure passée. Je devais absolument revoir certaines bases avec eux avant qu'ils ne refassent de la merde lors du prochain match. Je révisais avec eux les placements d'attaque et de défense et les poussai à réfléchir à leurs actions du dernier match pour corriger leurs fautes.
Alors qu'on entama la dernière heure de l'entraînement par un match, Anibal tenta une percée dans la défense de l'équipe adverse. Kailer et Nick, les défenseurs, se mirent en position et bloquèrent Ani dans sa lancée.
Le dernier blocage avant le but fut assez vif pour mettre Ani à terre. Quand ce dernier ne se releva pas tout de suite, je sifflai une pause. Ayant mes patins comme à chaque entraînement, je m'avançai sur la glace et m'arrêtai lentement au-dessus d'Anibal.
_ Ani ? grognai-je. Tu fous quoi là ? Tu crois que c'est la plage ? Relève-toi.
_ Je crois que je peux pas, Coach, souffla Ani inquiet. Ça fait un mal de chien.
Il avait sa main sur sa hanche et semblait en souffrance assis sur la glace. Je fronçai les sourcils.
_ Mitsuha t'avait vraiment autorisé ? crachai-je. Dis-le-moi !
Il détourna son regard et ses joues rouges. Je l'agrippai par son haut et le tirai jusqu'au bord de la patinoire. Le cul trempé, je l'aidai à s'allonger sur un des bancs des gradins. Il voulut se redresser pour tenter d'argumenter, mais de mon doigt, je le repoussai sur le banc en grondant.
Quelques minutes plus tard, Mitsuha arriva avec sa grosse trousse de pommades et tout son équipement. Elle avait une tête mauvaise, comme les périodes où elle avait ses règles. J'avais appris à repérer ces moments tout simplement pour ma propre survie. Mais là, vu le regard qu'elle me lança, c'était bien pire qu'une simple envie de meurtre. Là, on visait le génocide. Paul, le gars de l'accueil l'avait appelé pour qu'elle vienne en urgence pour Ani. Je n'avais plus son numéro de portable depuis longtemps et je n'avais pas le droit de l'avoir dans mon appareil sous peine de me faire castrer par Blake.
_ Anibal ! Je t'avais dit quoi ! s'écria Mitsuha sans me prêter la moindre attention.
Le gamin baissa immédiatement les yeux, sans broncher un seul instant pendant que Mitsuha le défringuait pour voir l'était de sa hanche.
_ Tu peux marcher ? gronda-t-elle.
Il me regarda un instant et je levai les yeux au ciel. En silence, j'aidais Ani à se placer dans un des box pour qu'il soit plus au calme avec sa préparatrice.
Une fois que j'eus déposé Ani sur la table de massage, je sortis pour tenir un ou deux mots à Mitsuha, mais elle me bouscula de son épaule pour rentrer.
_ Suha ! la rappelai-je.
Elle tint la porte une seconde en me disant :
_ N'en rajoute pas une couche et retourne avec ta Olivia !
Elle claqua la porte brutalement et j'entendis le loquet retentir. Bordel de merde. Aodh avait donc craché le morceau ! Mes couilles !
J'écourtai l'entraînement rapidement sans prendre en compte les protestations des jeunes. Je retirai mes patins et enlevai mon pull avant de me mettre à faire les cent pas devant le box d'Ani. Mitsuha en sortit vingt minutes plus tard, les joues rouges et le regard mauvais.
_ Suha ! l'appelai-je en la rattrapant.
Elle me fusilla du regard ce qui me poussa à m'arrêter à quelques mètres d'elle !
_ Es-tu complètement inconscient pour le laisser remonter sur la glace alors qu'il n'est pas guéri ?
_ Il m'a dit que tu l'avais...
_ Non Alek ! Je ne l'ai pas fait ! Pas une semaine après une blessure ! Tu me prends pour une idiote ou quoi ?
_ Ne dis pas ça. Ça n'a rien à voir avec...
Mitsuha pivota, mais je la suivis dans le couloir. Je me mis à son niveau et levai mes deux mains devant moi.
_ S'il te plaît, écoute-moi !
_ Comment peux-tu faire ça avec elle ? cracha Mitsuha entre ses dents. Elle te reluque depuis qu'elle est arrivée ici. Même avant toute cette merde, elle te regardait avec ses yeux de biche. Et toi, tu l'embrasses ! Dans un café où on allait ? Tu es...
_ Stop ! m'écriai-je. Stop, mais bon sang, tu crois vraiment tout ce que te dit Aodh ?
_ C'est mieux de le croire lui que de croire un gosse qui te dit qu'il a le droit alors qu'il n'a clairement pas le droit ! Tu crois que j'ai plus confiance en qui, Alek ? Aodh ou Olivia ? Parce que là...
Je compris avec un temps de retard que l'émotion qu'elle tentait de cacher était de la jalousie. Quand elle vit ce que j'avais compris, elle rougit et secoua la tête.
_ Tu sais quoi ? Tu fais ce que tu veux, avec qui tu veux.
Elle me contourna de nouveau. Je clignai des yeux et grognai. Je la rattrapai au moment où on arriva sur les gradins. Je réussis à tirer sur sa main pour qu'elle soit en face de moi. Je vis les larmes dans ses yeux et sentis mon cœur se serrer.
Cela la rendait triste. Cela rendait ma femme triste. Qu'une autre femme m'embrasse.
_ Aodh m'a dit dans quel café vous étiez, Alek. Pourquoi celui-là ? Tu crois que c'est facile pour moi ? Tu crois que j'aime te repousser ? Tu crois que je veux savoir qu'Olivia et toi vous...
Je posai un doigt sur sa bouche en secouant la tête. Elle le repoussa et cela me fit mal.
_ Je ne veux pas savoir ce qu'Aodh t'a dit parce qu'il n'a rien vu de ce qu'il s'est passé après, ok ? marmonnai-je. Qu'est-ce qu'il t'a dit que je l'avais embrassé ? C'est ça ?
Elle me regarda méfiante, ses bras enroulés autour de son ventre.
_ S'il était resté, il aurait vu que je l'ai repoussée. J'ai été assez bête pour la suivre pour boire un café. Je pensais simplement qu'elle s'inquiétait de ma...
Je fermai ma bouche et baissai la tête. Mitsuha ne bougea pas, mais éventuellement finit par frôler mon bras. Je déglutis et tirai sur mes cheveux.
_ Alek, souffla Mitsuha.
Je tirai de ma poche les chaussons de bébé. Elle se figea et les regarda avec une tristesse bien plus accrue.
_ Je pense à lui, Suha, murmurai-je, ma voix rauque. Je pense à toi. Je pense à nous. Je n'arrive pas à m'arrêter de penser à tout ça.
Les yeux de Mitsuha s'embuèrent de larmes et bientôt, elles coulèrent.
_ Je ne veux pas embrasser Olivia, chuchotai-je. Je ne veux pas d'elle, Suha. Et tu le sais. Tu dois me croire. Tu dois me croire, d'accord ?
Lentement, je m'approchai de Suha. Elle prit les chaussons entre ses doigts et les pressa contre sa poitrine. Je posai mes mains sur ses joues humides et les essuyai avec tendresse.
_ C'est toi que je veux, Suha. Depuis le début. Depuis que tu as posé les pieds dans cette patinoire. Je te veux. J'ai été assez bête pour te faire du mal, je le sais, mais je sais aussi que Kôta était notre rêve. Il était notre idéal et je crève de savoir qu'il t'a été pris.
Un sanglot l'agita, mais elle pressa enfin son front contre le mien.
_ Je voulais t'offrir le monde, Suha. Je voulais tout te donner. Je voulais que tu sois heureuse, mais j'étais perdu. Je ne savais pas d'où je venais. Je ne savais pas pourquoi moi-même j'étais ici, dans ce monde. Je ne savais pas si je pouvais être digne de toi. Je ne l'ai jamais été. Peut-être que je ne le serais jamais, mais je veux une seconde chance. Je t'en prie, donne-moi une seconde chance. Suha. Je...
Mes mains glissèrent sur ses bras.
Son odeur était partout. Sa peau était chaude.
Elle m'appelait. De tout son être.
Pendant un instant, le temps sembla se suspendre.
Mon pouce frôla les lèvres de Mitsuha. Elle ferma ses paupières et son visage sembla se détendre.
Je me penchai doucement et frôlai ses lèvres des miennes.
Un gémissement nous échappa. Je sentis une de ses mains s'accrocher à t-shirt. Elle me tira contre elle.
Je pressai ma bouche contre la sienne. Parfaite. Ses lèvres, son haleine chaude et mentholée, l'humidité de sa langue. Tout était là, de nouveau à ma portée.
Mon monde changea d'axe et reprit le cours de son chemin.
Là, contre elle, contre sa bouche, je me sentis enfin entier.
Comme la toute première fois.
Brusquement, un courant d'air me poussa à me redresser, mais déjà le poing d'Aodh me faisait décoller du sol pour atterrir quelques mètres plus loin. La douleur explosa comme le cri de Mitsuha.
_ N'ose même pas poser tes mains sur elle ! hurla Aodh.
J'esquivai son autre poing et mon pied le repoussa assez pour que je puisse tenter de me lever. Malheureusement, son pied à lui me heurta de plein fouet et je retombai au sol.
_ AODH ! hurla Mitsuha.
_ Mais qu'est-ce que tu fous bon sang ! s'écria une autre voix.
Yotsuha ? Yotsuha était ici ?
Je crus la voir, mais déjà le poing d'Aodh me fracassait la pommette. Je réussis à le foutre par terre dans un simple balayage et lui rendis ses coups en un temps record. Il cracha du sang à côté avant de m'envoyer un coup de genou dans le bide.
Ce fut à ce moment qu'Ani apparut derrière Aodh. J'écarquillai mes yeux, mais déjà, mon jeune tenta de pousser Aodh. Ce dernier vacilla, mais d'une main, repoussa Anibal.
_ Non ! m'écriai-je.
Soudain, Aodh disparut de mon champ de vision et ce fut Priam qui le balança sur les gradins.
_ Si tu t'approches encore de lui, je serais dans l'obligation de te faire bien plus mal, Main, cracha la voix du Régent.
_ Alek ! cria Mitsuha. Ani !
Priam lui fit signe de partir d'un geste sec de la main. Yotsuha l'embarqua alors qu'elle était en larmes. Ani me regarda avec de grands yeux pleins de fureurs. Il n'avait pas aimé Aodh visiblement. Ni que ce dernier ne me fracasse la gueule.
Je restai le cul au sol, toujours Priam devant moi.
_ Il n'a pas le droit de la toucher. Cela lui a été interdit. Mon Alpha m'a ordonné de protéger cette femme.
_ Mais il ne t'a pas ordonné de tuer ton Second ! hurla Priam. Tu devrais aller voir ailleurs avant que je ne me charge moi-même de ton cas !
Aodh se redressa et cracha à côté de lui. Il me pointa du doigt et son regard m'apprit qu'il me détestait toujours autant.
_ On se reverra, argua-t-il. Ne t'avise pas de l'approcher !
_ Va te faire foutre ! Elle n'est pas à toi ! hurlai-je.
Il poussa un cri de rage avant de disparaître par l'autre porte de la patinoire, loin de Mitsuha.
Je me laissai glisser au sol et criai de rage à mon tour.
_ Quel connard, cracha Ani.
_ Je croyais qu'on avait dit mollo, soupira Priam.
Je frappai le sol du plat de la main.
Quel connard !
Quel connard de merde !
🐺 🎏 🐺
AHEUM je crois Aodh et Alek se sont pas des potos xD Mais ça va, y avait papa Priam à la rescousse mdrrr
A votre avis, notre Aodh, il serait pas un peu amoureux de notre Suha ? Hummmmmmm...
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