10 | Mitsuha
— Je te le dis, moi, baba perd complètement la boule, râla Yotsuha à l'autre bout du fil. Elle soliloque toute la maudite journée et...
J'éclatai de rire et Aodh releva la tête de son livre pour me jeter un coup d'œil.
— Tu viens vraiment d'utiliser ce verbe ?
Yotsuha était le genre de personne qui adorait apprendre une nouvelle chose chaque jour. C'était bien plus un besoin qu'une envie et elle avait toujours agit de la sorte, dès lors qu'elle avait su lire et qu'elle avait été capable de décrypter tout ce qui lui passait sous la main. Quitte à poser des questions à toute heure du jour et de la nuit.
— Je peux palabrer toute la journée, si tu veux, Onēsan, franchement, c'est toi qui vois !
Je levais les yeux au ciel : oui vraiment il n'y avait qu'elle pour utiliser des mots pareils. J'adorais avoir Yotsuha au téléphone : même si elle passait une bonne partie de son temps à ronchonner après tout et tout le monde, elle me mettait du baume au cœur et comme chaque fois, le manque de ne plus pouvoir la serrer contre moi refit surface. Ce n'était pas facile d'être séparé des siens. Surtout pas de la famille. J'avais la meute, mais depuis quelques années, ce n'était plus la même chose. Le membre que je voyais le plus était l'homme le plus taciturne que je connaissais. Ce n'était pas toujours facile. Mais au moins, c'était toujours mieux que ce que Yotsuha connaissait chez nous.
Les meutes n'étaient pas les mêmes. Ce n'était pas forcément une mauvaise chose, mais tout de même.
— Si ça te fait plaisir ; j'ai tout mon temps, dis-je en remuant mon thé.
Dehors, il pleuvait. J'avais ouvert les fenêtres pour laisser entrer le vent. Ce genre de petite lubie ne dérangeait pas Aodh.
— Tu devrais sortir un peu, lâcha ma sœur. Tu es une femme célibataire qui travaille ; tu as le droit de sortir t'amuser.
Je haussai un sourcil :
— Parce qu'une femme mariée n'a pas le droit à ça ? Je ne te savais pas aussi conservatrice.
Au Japon, certaines coutumes restaient ancrées. Elles avaient le don de régir la vie de bien des personnes et ce n'était pas toujours facile. Dans les familles les plus conservatrices, une femme ne pouvait prétendre qu'à deux choses : soit elle se mariait et devenait mère au foyer, soit elle restait célibataire et elle travaillait. Pas d'entre deux. Je n'avais pas eu le temps d'expérimenter tout ça ; bien qu'avant de partir pour le Canada, j'avais bien failli finir mariée, mais ça. Nous ne venions pas forcément d'une famille aux mœurs prononcées, mais Baba avait certains principes auxquels nous avions toujours eu du mal à échapper. Yotsuha était encore un peu trop jeune pour que je m'inquiète vraiment de ce qui pouvait lui arriver. Et même si ça me brisait le cœur ; un jour, je comptais la faire venir vivre ici. Baba comprendrait.
— Je m'inquiète pour toi, c'est tout, répondit-elle. Tu n'es plus mariée et tu ne peux pas aimer le même homme toute ta vie ; c'est techniquement impossible.
— Vraiment ?
J'attrapai ma tasse et soufflai dessus pour en boire une gorgée. L'infusion était parfaite.
— Bien sûr ! Nous sommes programmés pour être inconstants. Regarde un chien, il va s'amuser à renifler plein de culs, juste pour...
J'éclatai de rire. Cette gamine allait avoir ma mort avec ces bêtises. Yotsuha, au sein de la meute dans laquelle elle se trouvait, n'était pas très bien vue. Ça tenait surtout au fait qu'elle n'avait pas sa langue dans sa poche et qu'elle adorait jurer comme un charretier. Un vrai garçon manqué. Et puis les femmes en général ne pouvait pas prétendre à énormément. C'était en partie pour ça que j'avais choisi de partir et surtout, pourquoi je ne regrettais pas d'avoir quitté mon pays de naissance. Tout n'était pas mauvais là-bas, au contraire. Bien des coutumes me manquaient, ainsi que la façon d'y vivre, qui n'avait rien à voir avec ce que j'expérimentais ici.
— Pourquoi tu ne sortirais pas avec Aodh ? Regarde ; vous vivez ensemble et je suis sûre que vous passez le plus clair de votre temps ensemble, mais...
Je croisai le regard d'Aodh qui avait haussé un sourcil, amusé. Il ne se privait pas d'écouter les babillages de Yotsuha. Comment faire autrement avec une pipelette pareille ?
— Je ne suis pas forcément fan des hommes tatoués aux airs de très, très mauvais garçon, mais...
Il secoua la tête et marmonna dans sa barbe.
— Tu es gay, Aodh ? cria Yotsuha, consciente qu'il écoutait.
Je dus éloigner le combiné de mon oreille avant de perdre un tympan.
— Je te demande si tu es lesbienne, moi ?
Au tour de Yotsuha de rire à gorge déployée.
— Tu pourrais ; mais je serai en droit de ne pas te répondre, mon chou.
Elle continua à parler presque une demi-heure. Il n'y avait jamais de silence entre Yotsuha et moi. Pas même lorsqu'elle était venue me voir pendant le divorce. Elle avait été un roc à mes côtés, ne jugeant à aucun moment. Peut-être aussi parce qu'elle avait toujours beaucoup aimé Aleksey. Plus que de raison même. Comment lui en vouloir ?
— Je t'ai viré de l'argent pour le billet d'avion, dis-je.
Yotsuha venait trois fois dans l'année. Parfois moins, parfois plus. Baba ne la laissait pas toujours bouger.
— Mes affaires sont déjà prêtes. Je viens avec Masao, c'est d'accord ?
Comme si je pouvais refuser qu'il vienne, le connaissant depuis qu'il était un bébé. J'adorais ce gosse. C'était un Eros et chez nous, ce n'était pas aussi... utile qu'aux États-Unis.
Nous finîmes par raccrocher et je me laissai aller dans le canapé, complètement lessivée par cette conversation.
— Je refuse d'être là à son arrivée, lâcha Aodh.
— Menteur. Tu adores cette petite.
Comme tout le monde dans la meute. Blake m'avait déjà proposé mille fois de la prendre sous son autorité, mais ce n'était pas à moi de prendre cette décision. Et j'étais persuadée que Blake n'était pas l'Alpha de Yotsuha. C'était dur à expliquer, mais je le savais. Et puis elle n'était pas encore prête à tout quitter pour venir ici. De ça, j'en étais bien plus sûre. Yotsuha pouvait ronchonner autant qu'elle le voulait, elle était attachée à sa vie là-bas.
Chez nous.
— Arrrête, Suha, souffla-t-il. Tu es chez toi ici. Tu le sais bien.
Je plongeais mon nez dans ma tasse, repensant à ma présence chez Aleksey. Ce qui avait été notre chez nous.
À Priam ; qui était un homme d'une gentillesse incroyable. Je n'avais pas tout compris concernant son histoire avec Aleksey, mais il semblait être un père de substitution, bien plus encore que l'homme ayant élevé Alek. J'aurais aimé en savoir davantage, mais ignorais encore si j'étais prête à... faire un pas.
Tout était confus dans mon esprit.
Toucher Alek, c'était comme être entière de nouveau. Redevenir moi-même. Mais c'était aussi un rappel à tout ce qui avait pu arriver.
À ce qu'il avait fait à ma louve. Et ça, ça, je ne pouvais pas l'oublier. Pourquoi tout ne pouvait pas être simple ?
Je jetai un coup d'œil à Aodh. Il était occupé à tenter de démêler un casse-tête. J'ignorais comment il arrivait à trouver ça intéressant, surtout lorsque ça lui prenait des heures.
— Tu veux me demander quelque chose, Mitsuha ? demanda alors, sentant mon regard sur lui.
Très bonne question.
— Est-ce que tu es gay ? le titillai-je.
— Très drôle.
Je fis la moue.
— Tu sais que Dagdha est amoureuse de toi et... c'est plutôt une très, très belle femme, notre Eranthe, alors pourquoi tu... ne tentes rien ? Ce n'est pas ton type ?
Dagdha venait d'Irlande et je savais, pour l'avoir entendu de sa bouche, qu'elle connaissait pas mal de métamorphes ours. Rien de très étonnant à ça, surtout là-bas où ils étaient très nombreux. Je n'avais jamais eu la chance d'en rencontrer un seul. Un métamorphe aigle, oui, et ça avait été très drôle.
— Je ne ressens rien pour Dagdha, dit Aodh sans intonation particulière. Je sais que si je sortais avec elle, à long terme, elle voudrait autre chose.
— Tu ne veux pas d'une relation ?
Mon thé réchauffait l'extrémité de mes doigts.
— Si. Mais avec une femme que j'aimerais et avec qui j'aurais envie de passer le reste de ma vie.
En fait, Aodh avait une âme de romantique. Pas le premier truc qu'on aurait pu penser de lui.
— Tu n'es jamais tombé amoureux ?
Aodh ne parlait jamais de tout ça. Peut-être à d'autres, mais pas à moi. J'avais quand même du mal à l'imaginer discuté de ça avec Blake par exemple. Même si ça n'aurait pas dérangé notre Alpha à mon avis.
— Trois fois, avoua-t-il. La première ne compte pas vraiment ; j'étais jeune et sot.
Je souris en l'entendant dire ça.
— Et les deux autres fois ?
— Yahona est morte il y a des siècles. Quant à Poppy... Elle doit être quelque part sur Terre.
Poppy ? J'avais toujours aimé ce prénom. Court, joli et unique.
— Elle t'aimait aussi ?
Aodh haussa les épaules.
— C'était un électron libre. Trop indépendante et folle pour se dire amoureuse.
— C'est une louve ?
Il secoua la tête.
— Une Wicca.
— Tu ne l'a pas revu depuis combien de temps ?
N'était-ce pas un peu triste tout ça ? D'avoir la personne qu'on avait aimée quelque part sans avoir aucun moyen de la revoir. Aodh avait-il essayé ? Et elle ?
— Je ne sais pas trop, répondit-il en haussant les épaules. Des siècles ?
Il y avait cette lueur dans ses yeux. Oh, il mentait : il savait très bien ça faisait combien de temps, jour pour jour même.
— Tu... l'aimes encore ?
Pourquoi est-ce que je demandais ? Pour remuer le couteau dans la plaie ? Pour voir si Aodh était capable de comprendre ce genre de sentiments ? Je n'en savais trop rien.
Aodh releva enfin ses yeux vers moi, l'expression indéchiffrable.
— Et toi, Mitsuha, tu l'aimes encore ?
* * *
Il ne faisait pas froid, pas autant qu'en plein hiver, mais ça ne m'empêchait pas d'avoir le nez rouge et le bout des doigts glacial. J'avais une grosse écharpe autour du cou, mais pas de gants, ce qui n'était pas très malin de ma part.
— Oh, excusez-moi.
L'homme me sourit et me contourna. Il y avait du monde au centre-ville. Les vitrines des magasins étaient toutes très jolies et donnaient envie d'entrer à l'intérieur. Je n'étais pas venue ici depuis... longtemps. Évitant un maximum la foule et les contacts. Mais aujourd'hui, j'avais eu envie. De sortir marcher. Mes pieds m'avaient amenée ici. Et maintenant, je me sentais bien. C'était apaisant d'avoir la sensation de faire de nouveau partie du monde. Un peu idiot comme pensée, mais c'était pourtant ça.
Je slalomai entre les gens, ne me pressant pas, observant les devantures, regardant les gens se tenir la main, rire, se dépêcher.
C'était vivant.
À quand remontait la dernière fois que j'étais venue ici ?
Je m'arrêtai devant une boutique de vêtements pour bébé. Il y avait des jouets artisanaux aussi. Très bien fait. Avec une finesse incroyable.
Je me penchai légèrement pour regarder un ensemble aux couleurs de l'automne.
Je fermai les yeux. Pour les rouvrir. Pour les refermer.
Je n'y croyais pas. Absolument pas, même. Et pourtant, c'était là, sous mes yeux. Juste là, entre mes mains.
Le test était positif.
Enceinte. J'étais enceinte. Assise sur la cuvette des WC, tenant un test de grossesse entre mes mains, une peur sans nom s'insinuant en moi en même temps qu'une euphorie sans limites.
Je portais l'enfant d'Aleksey.
Ma main se posa sur mon ventre.
C'était presque trop irréel pour moi.
J'étais enceinte.
Du bébé d'Aleksey.
Un sourire étira mes lèvres en même temps que les larmes coulaient.
J'entendis la porte de l'appartement.
J'entendis les pas d'Aleksey sur le parquet.
— Suha ?
Comment allait-il réagir ?
Est-ce qu'il allait être heureux ? Euphorique ?
Je relevai la tête au moment où il apparut au niveau de l'encadrement de la porte.
— Tu...
Ses yeux glissèrent sur le test de grossesse. Remontèrent sur mon visage.
Le temps se suspendit pour moi. Pour lui. Pour nous deux.
Je clignai des yeux. Il y avait longtemps que je n'avais pas repensé à ça. Que j'avais repoussé tous les souvenirs liés à ma grossesse extra-utérine qui avait fini par tuer mon bébé et qui avait failli me coûter la vie.
Même si je n'avais pas pu tenir mon enfant dans mes bras, ça ne minimisait pas ma perte. Le vide que ça avait creusé avait été douloureux. Intolérable pendant des mois.
Je me détournais de la vitrine et pris la direction du café au coin de la rue. La clochette tinta derrière moi et j'allais m'installer sur un tabouret. J'adorais les odeurs ici et la décoration qui avait été pensé avec soin. Leur tarte à la citrouille était délicieuse ; peut-être mon seul vice quand je venais ici.
Le serveur vint prendre ma commande et j'optai pour un cappuccino et une fameuse part de tarte. J'attrapai mon livre dans mon sac et retirai mon écharpe. Je soufflai sur mes doigts pour les réchauffer un peu et les bougeai pour qu'ils ne soient plus trop ankylosés.
Une musique résonnait dans le café et je battis le rythme de légers mouvements de tête. Il n'y avait pas trop de monde ; un couple sur une banquette qui riait et se chuchotait des mots doux peut-être. Un père avec ses enfants ; la petite fille avait de la chantilly jusque sur le bout du nez, ce qui semblait beaucoup l'amuser.
Ma commande me fut apportée et je me plongeai dans mon chapitre, une main autour de ma tasse.
— C'est quoi comme langue ça, m'dame ?
Je sursautais à peine lorsque l'adolescent s'arrêta devant moi, curieux.
— Du Japonais, dis-je.
— Ouah, classe !
Je souris.
— C'est pas censé se lire sur du papyrus ?
Je retins de justesse mon rire :
— C'est pour l'Égyptien, répondis-je. Et c'était surtout à l'époque, maintenant ce n'est plus vraiment le cas.
Il rougit.
— Ah, ouais... je... je le savais, hein !
Quelqu'un l'appela et il détourna à peine la tête, toujours aussi gêné :
— Je... j'ai une copine et je voulais lui écrire je t'aime dans plein de langues différentes, mais sur internet, on trouve pas forcément les bonnes infos et...
Je posai mon livre et dans mon sac, attrapai mon carnet pour en arracher une feuille.
Avec mon stylo, j'écrivis je t'aime dans toutes les langues que je connaissais. L'adolescent sembla surpris lorsque je lui tendis le morceau.
— J'ai noté la langue à côté à chaque fois.
— Vous êtes profs ou un truc du genre, m'dame ?
Je ris et secouai la tête :
— J'aime apprendre.
Il fut apostrophé une fois encore.
— J'dois y aller. M... merci, m'dame, c'tai vraiment cool !
Et il s'éloigna, fourrant le papier dans sa poche. Je le regardai passer devant le café avant de disparaître. Je coupai un morceau de ma tarte et me régalait d'une simple bouchée. C'était vraiment la meilleure douceur que je ne connaissais, loin s'en faut. Je soufflai sur mon cappuccino et but une gorgée sans me brûler le bout de la langue. Un bon point pour moi.
La clochette tinta quelques minutes plus tard et une bourrasque me fit frémir.
— J'ai tellement froid, bon sang !
Je relevai la tête en reconnaissant la voix d'Olivia. Elle était en compagnie de Theo, ainsi que d'un ancien joueur de l'équipe que je reconnus sans trop de mal. Il avait quitté les Maples il y avait bien des années maintenant, choisissant de faire totalement autre chose.
J'allais lever ma main et appeler Olivia, mais je vis Aleksey entrer à son tour, frottant ses mains ; sûrement à cause de la température dehors. Je refermais la bouche et ni une ni deux, me cachais derrière mon livre.
Qu'est-ce... qu'est-ce qu'il faisait là ? Pas qu'il n'ait pas le droit de se promener en ville, mais le jour où moi-même je sortais ?
J'étais maudite.
Je redressai un peu la tête, histoire d'observer le petit groupe. Theo était en train de passer commande.
Olivia chercha à attirer l'attention d'Aleksey en posant une main sur son bras. Ma louve remua légèrement en moi, mais ne fit rien de plus. Olivia souriait beaucoup. Alek baissa la tête pour l'écouter.
Je savais qu'Olivia était amoureuse d'Aleksey. Je n'avais jamais eu besoin de l'entendre de quelqu'un ; j'avais vu comme elle le regardait. Ça ne trompait pas.
J'avais eu la même façon de le regarder. De le dévorer des yeux. De n'avoir de cesse de le chercher des yeux, de chercher son attention. Qu'il me sourit, qu'il me...
Olivia éclata de rire et pressa le bras d'Alek qui ne fit rien pour l'en empêcher.
Je me rappelais cet étrange déjeuner chez lui, avec Priam et les enfants. Ce moment avait été au-delà de tout, en dehors de la réalité même. Je m'étais sentie bien.
Vraiment bien, même. Ce qui ne m'était pas arrivé depuis...
Ma main tapa dans ma tasse qui se déversa sur la table et mes cuisses. Je sautai sur mes pieds et le tabouret heurta le sol dans un bruit sourd.
Oh bon...
Je n'osai relever la tête. N'osai voir si Aleksey et les autres m'avait vue. Je...
— Mitsuha ?
Theo. J'étais en train d'essuyer la table avec des serviettes ; essayant de limiter les dégâts. Mon livre avait été éclaboussé.
Je relevais mon visage :
— Hey, dis-je. Désolée pour cet accueil un peu... taché.
Il rit et me serra un instant dans ses bras. Logan ; l'ancien joueur, sembla particulièrement heureux de me revoir. Aleksey était en retrait, me fixant et il ne détourna pas une seule fois les yeux.
J'avais la gorge sèche.
— J'adorerais prendre un café avec toi, Yamada !
— Quand tu veux. Passe à la maison, ça me fera plaisir.
Theo demanda des nouvelles d'Anibal que je lui donnais, même si Alek était sûrement mieux placé que moi pour ça.
Olivia finit par crier que les commandes étaient arrivées et qu'il faudrait penser à partir. Elle me fit un petit signe de la main en retournant vers le comptoir avec les autres et j'en aurais presque soupiré de soulagement si la voix d'Aleksey n'avait pas résonné à ce moment-là :
— Je vous rejoins.
Je m'échinais à essuyer ma table avec mes serviettes trempées, ce qui ne donnait pas un résultat très probant. Mais c'était mieux qu'affronter les yeux d'Alek et de...
— Attends.
Il avait attrapé des serviettes sèches et passa un coup sur la table une fois que j'eue enlevé la tasse renversée et l'assiette de tarte à peine touché. Il attrapa le tout et partit vers le comptoir avant de revenir.
J'inspirai lentement.
— Tu ne t'es pas brûlée ? demanda-t-il en avisant mon pantalon trempé.
— Oh ! Non, non ! m'exclamai-je, rouge comme une pivoine. Ça va.
Je pinçai mes lèvres. Triturai mes doigts.
— Priam et les enfants sont repartis ?
Alek hocha la tête :
— La prochaine fois il viendra avec ma mère alors je ne sais pas trop si j'ai hâte ou...
— Si tu appréhendes, finis-je à sa place.
Il fit la grimace, ce qui me détendit un peu.
— Ça devrait bien se passer. Surtout si Priam est là ; c'est le genre de personne à mettre très à l'aise.
J'avais aimé passer ce moment en sa compagnie. Cela avait été reposant. Apaisant.
Aleksey fourra ses mains dans ses poches. Il se balança un instant d'un pied sur l'autre.
— On dirait que tu ne sais pas trop sur quel pied danser, crus-je bon de plaisanter.
Alek sourit naturellement à ma pauvre tentative.
— J'ai l'impression que... c'est tout nouveau. Que je dois réapprendre à tout... faire avec toi.
— Oh.
Mon cœur semblait prêt à exploser dans ma poitrine. J'avais du mal à inspirer.
— Suha, je...
Ses doigts effleurèrent les miens. Et je la vis. Son alliance. Il... ne l'avait pas enlevé ? C'était...
— Je dois y aller, dis-je précipitamment, sortant un billet de mon portefeuille et le claquant contre la table avant de prendre la fuite.
Comme je savais si bien le faire après tout.
La porte claqua derrière moi et je me retrouvais dehors, l'air glacial mordant soudainement ma peau, me faisant l'effet d'un électrochoc.
Je regardai à gauche, puis à droite, complètement paumée. J'ignorais pourquoi la panique venait d'éclater en moi. Si rapide, si insidieuse.
Mauvaise. Je devais juste... rentrer. Je voulais juste...
— Mitsuha.
Je ne bougeai pas. Il était juste là, derrière moi. Je pouvais presque ressentir sa chaleur. Il déposa mon manteau sur mes épaules et me tendit mon écharpe. Voyant que je ne faisais aucun geste, il fit un pas et l'enroula autour de mon cou.
J'inspirai.
Son odeur.
Sa présence.
Juste lui.
Ses mains glissèrent sur mon visage, l'attrapant. J'écarquillai les yeux. Ses paumes étaient bouillantes.
Il me fit le regarder. Me fit plonger entièrement dans ses yeux. Qui avaient toujours été le reflet de son âme. Dans les bons, comme dans les pires moments.
— Je ne...
— Je ne te ferais plus jamais de mal, Mitsuha.
— Tu n'en sais rien. Tu... tu le répétais sans cesse, Alek et...
Ma voix tremblait.
— Tu ne peux pas savoir, murmurai-je.
— Suha...
Sa voix était rauque. Profonde. Je fermais les yeux. J'aurais dû reculer. J'aurais dû le repousser. Mais je n'avais pas ça en moi. Je n'avais jamais eu ça. Blake l'avait fait pour moi ; Aodh continuait de le faire à ma place.
J'étais incapable de repousser Aleksey. J'étais incapable de ne rien éprouver lorsqu'il me touchait.
— Suha...
Son souffle le long de l'arête de mon nez. Ses lèvres.
Mon Dieu. Mon Dieu. Mon Dieu.
Aucun homme ne m'avait jamais touchée avec autant de tendresse et d'amour qu'Alek. Mais aucun homme ne nous avait jamais brisés de la sorte non plus.
C'était trop. Je ne pouvais pas...
Je reculai et les mains d'Alek restèrent suspendues. Je secouai la tête.
— Je suis... désolée. Je... ne peux pas, Alek. Je... ne peux pas.
Cette fois, il ne me retint pas.
Je m'en allais.
🥡 🥡 🥡
Un chapitre doux et triste, surtout cette fin. On sent que Suha reste attachée à Alek et qu'il est difficile pour elle de le repousser, mais elle sait aussi tout le mal qu'il lui a fait et elle a donc du mal à lui faire confiance. Raison ou tort ? Ça reste à voir...
Bientôt, on aura le lutin Yotsuha en live xD Elle va débarquer et en général, quand elle repart, tout le monde est en PLS tellement elle épuise les gens ! C'est un personnage qu'on verra très rapidement dans cette histoire et qu'on retrouvera dans un autre tome, avec une autre meute et des loulous que vous connaissez déjà et que vous attendez avec impatience... j'en dis pas plus !
Des bisous *w*
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