Épilogue PDV 02 Zoran

Passer le portail était un jeu d'enfant à présent. On atterrit directement dans le village de Yahto. On l'appelait l'Antre. C'était là que Yahto cachait tous ses petits trésors. Il ne fallait pas croire que les vieux loups vivaient tout seul. Au contraire, les vieux loups vivaient en groupe. Un groupe bien précis. Des personnes qu'il gardait depuis des siècles sous la main. Des personnes qu'il avait précautionneusement choisit. Yahto n'était pas n'importe qui, il n'avait donc pas n'importe qui à ses côtés.

Si la plupart des loups qui vivaient dans l'Antre étaient des Mains qui n'avaient pas trouvé de meutes, il y avait aussi des loups, des sorciers. À ma connaissance, il n'y avait pas de vampires, ni d'humains. Yahto n'aimait pas particulièrement les humains. Et les vampires ne pourraient pas vivre loin d'une source – autrement loin d'une source de sang pour se nourrir. Et Yahto n'était pas du genre à tendre le cou d'un de ses loups à un vampire pour qu'il se nourrisse.

Lorsqu'on arrivait dans l'Antre on était toujours surpris de trouver ce petit village au milieu de nulle part. Un petit village coupé du monde et des avancées technologiques. Certains loups marchaient au milieu de l'allée centrale du village. Ils nous virent et vinrent nous saluer tour à tour.

Je reconnus la plupart des gens, même si ça faisait longtemps que je n'étais pas venue. Nous retrouvâmes Yahto entouré d'un groupe assez conséquent de loups. C'était ses loups. Ses Mains. J'observai un peu les gens présents et vis certains visages familiers se détacher du tas. Neal s'approcha de moi et me félicita pour mon union fraîche et neuve. Je l'en remerciais. Je saluai Elias Hansen avec une légère appréhension. Cet homme était une légende au même titre que Yahto et cela ne m'étonna pas de le trouver ici. On retrouva Raji, la Main d'Elias Hansen. Qui était lui aussi une légende, mais plus notre peuple à nous. Celui des Mains.

_ Vous êtes tous réunis ici pour une décision relativement importante pour le Gardien, fit Yahto imposant immédiatement le silence dans les rangs. Je vais demander aux Mains que j'ai convoquées de se mettre en ligne sur la gauche. Curtis et Neal, choisissez bien votre élève.

Curtis et Neal suivirent la ligne qui se formait et observèrent chacun à leur tour les jeunes hommes qui se tenaient en rang. J'avais déjà remarqué la présence d'une Main que j'avais connue il y a longtemps. Quand j'étais venu ici. Quand j'avais vécu quelques années ici. Certaines personnes restèrent sur le côté et je compris que c'était simplement l'entourage de Yahto qui évoluait tout autour de nous. Il y avait plus d'une dizaine de Mains alignées devant Curtis et Neal.

Curtis s'approcha d'un jeune qui se nommait Thiago. Il était grand, blond et avait des yeux bleus assez incroyables. C'était un bon soldat. Il n'était pas très vieux, mais il serait très efficace. Curtis lui tendit sa main en souriant. Thiago s'inclina légèrement et vint se placer non loin de Yahto alors que Curtis l'embêtait déjà.

Neal tendit sa main à Nathaël. Nathaël était du même type que moi, petit et un peu trapu. Il n'en était pas moins rapide. Il était de la même génération que Thiago. Il était un peu plus sombre que Thiago, plus renfermé aussi, ça en faisait un adversaire redoutable sur certaines missions. Je l'avais déjà croisé en dehors de l'Antre et mieux valait filer droit.

_ Raji et Bajram, fit Yahto. Choisissez vos élèves.

Bajram ne regarda même pas son père. Leur relation n'avait jamais été au beau fixe et ne le serait sûrement jamais. Je plaignais Bajram parfois d'avoir un père comme Yahto. Ce n'était pas du tout un cadeau. Cependant, il vivait avec depuis tellement longtemps qu'il s'en fichait... je crois. N'est-ce pas ? Je l'espérais pour lui.

Bajram jeta son dévolu sur Manolo. Un petit caïd qui était très fort pour torturer les gens afin de les faire parler. Cela ne m'étonna même pas qu'il porte son choix sur lui. Après tout, il faudrait des fous dans cette bande de bras cassés. Joaquim trépignait à côté de moi. Raji, la Main d'Elias, porta son attention sur Ronan. Il était un peu plus vieux que les premiers choisis. Un peu plus vieux que Curtis même je dirais. J'avais passé un peu de temps avec lui, mais ça... C'était il y a longtemps aussi.

Mon regard était posé sur un seul loup depuis tout à l'heure. Ce loup... que je devais choisir allait protéger Isis. Il allait la protéger quand je ne pourrais pas le faire. Dire que je confiais ma vie à ce loup était véridique et approuvé.

Étais-je seulement capable de faire ça ? Yahto s'en rendait-il compte ? Je devais choisir un homme qui ne se laisserait pas distraire par n'importe qui ou n'importe quoi. Qui porterait toute son attention sur Isis. Je n'aurais jamais vraiment confiance au final, mais je devais au moins croire un peu en les talents de celui que j'allais choisir. Sinon ce serait un peu hypocrite.

_ Joaquim, Nael, Zoran. C'est votre tour, souffla Yahto.

Je m'approchai sur le côté droit de Yahto, la tête légèrement baissée.

_ Zoran ? fit Yahto.

_ Celui que je vais choisir aura la protection de la Seconde du Gardien, soufflai-je.

_ Je le sais, murmura Yahto.

Je ne cherchais pas plus loin. Il savait. Il avait choisi ses loups parmi les meilleurs. Mais il avait choisi une personne qui était particulièrement forte et puissante.

Nael se dirigea vers un vieux de la vieille. Maneck était presque aussi vieux que nous. Il avait été de la deuxième génération. Il sourit à Nael qui lui tendit sa main. Joaquim s'arrêta lui aussi devant une Main de la deuxième génération qui s'appelait Tayron. Plutôt sombre et vicieux, mais c'était le but aussi.

Je restai immobile devant les derniers participants de cette vente aux enchères. Celui que je voulais choisir ne me regardait pas. Et pourtant, je savais qu'il se souvenait de moi. Je savais qu'il n'avait pas oublié ma venue dans ce monde.

Je m'approchai du loup. Il était plutôt grand, une peau hâlée presque métissée. Il était fin et musclé et portait de trop nombreuses cicatrices. Les cicatrices n'étaient en soi que des marques, mais elle prouvait que Yahto l'avait envoyé dans des situations dangereuses. Assez dangereuse pour qu'il ne revienne pas sans marques. Ses yeux étaient d'un marron foncé.

_ Malik, soufflai-je en m'inclinant légèrement.

_ Zoran, répondit-il en s'inclinant largement plus que je ne l'avais fait.

Il resta pratiquement courbé en deux, m'offrant sa nuque.

_ Te sens-tu prêt à protéger de ta vie la Seconde du Gardien ? murmurai-je.

Il se redressa et son regard croisa le mien. Sombre. Froid. Calculateur. Et pourtant, cette même étincelle que je portais en moi. Cette notion de bien et de mal.

_ Plus que jamais, Zoran, acquiesça-t-il.

_ Tu es prêt à subir les conséquences si jamais elle se faisait blesser ? dis-je en arrachant les mots à mon cerveau.

Je ne concevais plus maintenant qu'Isis soit blessée. Personne ne pouvait le faire. C'était une belle personne. Elle ne devait pas être blessée, elle ne devait pas être malmenée. Elle devait être protégée. Contre tout et n'importe quoi. Elle était à moi maintenant.

Elle était toute ma vie. Alors, personne ne lui ferait jamais de mal.

Pas sans en répondre de ma colère et de ma frénésie.

_ Elle ne se fera pas blesser, rétorqua froidement Malik. Pas sous ma protection.

Je retins un sourire.

_ J'espère pour toi, mon ami, grondai-je en lui tendant ma main.

Il la prit et me suivit alors que je retournai vers les autres.

_ Vos choix sont faits, reprit Yahto. Il vous appartient de faire en sorte que vos élèves soient le reflet de vos actes et que vos actes soient parfaits. Vos Régents vous ont formé, ils vous ont fabriqué à leur image. Vous devenez un Régent pour la Main que vous venez de choisir. S'il échoue, vous échouez.

On hocha tous la tête au fur et à mesure.

Bientôt, on quitta l'Antre, accompagnés des futures Mains qui géreraient les crises des loups. En silence. Dans l'ombre. De façon nette et précise. Leur allégeance allait aller à la protection des loups, allait aller à la vengeance de ce qui nous pouvait bouger.

On revint au portail qui se trouvait non loin de chez Heaven. Isis nous attendait accompagnée de Shay, d'Auxann et de Dean.

_ Voilà la nouvelle équipe, fit Dean.

_ On va faire des folies, ricana Curtis.

Nael et Joaquim entrechoquèrent leurs poings, alors que je tentais de rejoindre Isis. Cette dernière ne me vit pas et s'approcha du groupe des Mains qui venaient de l'Antre. Je fronçai les sourcils et fis la moue.

Je la suivis du regard et restai figé en la voyant poser une main sur l'épaule de Malik. Qu'est-ce que... je fis un pas en avant, mais déjà Malik lui tendait sa joue avec un léger sourire. Isis déposa un baiser sur sa joue et lui demanda s'il allait bien.

Il allait lui répondre quand je me matérialisai dans son dos à elle. Malik baissa son regard sur moi. Ouais, j'avais une petite taille de moins que lui. Il n'allait pas commerce à me courir sur le haricot alors que je lui avais donné une putain de mission. La mission de sa vie ouais !

_ Vous vous connaissez ? m'enquis-je.

Isis me jeta un coup d'œil et hocha la tête.

_ Évidemment, crut-elle bon d'ajouter. Alors, raconte-moi Malik. Qui t'a choisi ? C'est formidable que tu puisses...

Elle s'arrêta dans sa phrase et se figea. Je décochai un sourire à Malik et il s'inclina face à Isis. Elle pivota vers moi, la bouche grande ouverte.

_ Pas besoin de faire les présentations. Formidable, dis-je en prenant Isis par les épaules. Malik, Isis est ma compagne. Tu faillis à ta tâche et je te tue de mes propres mains. C'est clair ?

_ Zoran ! s'écria Isis en frappant mon torse.

_ Mais tu ne vivras pas assez longtemps pour que je te fasse vraiment mal, ajoutai-je. Je t'apprécie, alors ne me force pas à briser ton joli cou !

_ Oh bon sang, souffla Isis en se cachant contre mon épaule.

_ C'est ma compagne, ajoutai-je. Autrement dit : le Graal sur cette terre. Tu l'as suis comme son ombre quand je ne suis pas là. Tu deviens son ombre. Une ombre méthodique et impitoyable. Le premier qu'il la touche meurt. Compris ?

_ Ça suffit maintenant ! bougonna Isis.

Malik continuait de me regarder et j'étais à présent sur qu'il enregistrait la moindre de mes paroles.

_ J'aime à savoir que tu me comprends quand je te dis que la mort sera ta meilleure amie s'il lui arrive quoi que ce soit. Et que je reviendrais ton pire cauchemar.

Isis plaqua sa main sur ma bouche et bredouilla des excuses à Malik. Ce dernier ne bougea pas, se contentant de me regarder et de me faire comprendre une chose : qu'il ne faillirait pas à sa tâche.

Je hochai la tête. C'était donc entendu.

Malik deviendrait le Protecteur de la Seconde du Gardien quand je ne serais pas là.

Était-ce une bonne idée ? Je n'en savais rien.

Serais-je capable de laisser la protection d'Isis à quelqu'un d'autre ? Je n'en savais rien.

Étais-je seulement prêt à la laisser repartir dans les meutes des États-Unis ? Bon sang non.

Étais-je prêt à la laisser entre les mains de Malik ?

Je l'observai, lui et ses cicatrices. Lui et son regard froid.

Lui et son passé. Il savait l'enjeu de ce qu'il faisait. Il le savait.

Isis me tira à l'écart pour qu'on puisse discuter de tout ça, mais déjà je la prenais dans mes bras. Je fourrai mon nez dans son cou et elle se détendit immédiatement.

_ Je suis l'une des Mains les plus mortelles des États-Unis, soufflai-je contre son oreille. L'une des plus vicieuses. L'une des plus recherchées par mes ennemis...

Les mains d'Isis glissèrent dans ma nuque. Elle caressa doucement ma peau. Je pris une longue inspiration.

_ Mais je ne suis rien entre tes mains, Isis, murmurai-je et elle me serra un peu plus fort. Je veux que tu écoutes Malik. Dans n'importe quelle situation, si je ne suis pas là, tu lui obéis au doigt et à l'œil. Ce n'est pas n'importe qui. Il saurait quoi faire si quelque chose tourne mal.

Je frémis et elle tira doucement sur mes cheveux.

_ Tout ira bien, Zoran, souffla-t-elle.

Je pris son visage dans mes deux mains.

_ S'il t'arrivait du mal..., murmurai-je en frissonnant.

_ Rien ne m'arrivera, d'accord ? Malik sera là. Tu seras là. Et je sais me défendre.

_ Je sais que tu es pacifiste et que c'est la parlote avant l'attaque, remarquai-je, ce qui me valut une tape. Mais je dois te demander quelque chose, Isis. Je dois te faire promettre.

Elle me regarda avec de grands yeux, j'effleurais ses lèvres des miennes.

_ Si un jour je ne suis pas là. Si un jour, Malik faillit à sa tâche. Si un jour, tu te retrouves seule dans une situation dangereuse : je t'en prie, frappe d'abord, retrouve moi et on fera autant de parlotes que tu veux après. D'accord ?

Elle se mordit la lèvre.

_ Tu dois me promettre Isis. Tu dois me promettre de frapper, de me retrouver et de gérer après d'accord ? Si on est séparé, on doit retrouver l'autre avant de faire quoi que ce soit d'autre. Car tant qu'on ne sera pas ensemble, on sera faible.

_ Zoran, je...

_ Je veux que tu me promettes ça Isis. Malik n'est pas moi. Et je ne suis pas infaillible. Juste têtu. Si on se retrouve séparés un jour, tu frappes, tu me retrouves et on tape la parlote. Promets.

J'embrassai doucement ses lèvres alors qu'elle plongeait son regard dans le mien.

_ Promets.

_ Tu me forces à être violente ? souffla-t-elle.

_ J'ose croire que tu le seras si nous sommes séparés oui, admis-je.

_ C'est du chantage affectif, conclut-elle.

Je hochai vivement la tête.

_ Complètement, avouai-je.

_ Tu es affreux.

_ Isis, grognai-je en pressant mon front contre le sien.

_ Tu es affreux, mais je t'aime et je sais que si nous sommes séparés un jour, tu viendras me chercher avant que je ne puisse seulement revenir vers toi, Zoran.

_ C'est un « promis » ? soufflai-je.

Elle ferma les yeux un instant, se mordit la lèvre et finit par hocher la tête.

_ Écouter Malik, devenir violente, revenir vers toi. Compris.

_ Promis ?

_ Tu tiens vraiment au promis ? grogna-t-elle.

_ Oui, admis-je.

Elle soupira et m'embrassa.

_ Promis.

Je la serrai contre moi jusqu'à ce qu'elle proteste de manquer d'air.


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