5. Némésis
Coucou tout le monde, ça va ? La rentrée s'est bien passée pour ceux ayant déjà repris ? Personnellement j'ai encore un peu de temps devant moi alors j'en profite pour rattraper mon retard dans la publication de cette histoire :)
Des bisous à vous,
taki'
Mon corps se figea complètement et je fus incapable de respirer pendant au moins dix secondes. Mon cœur parti dans une course folle. J'étais sûre que n'importe qui pouvait l'entendre, dans la maison où même à des kilomètres à la ronde. Ma bouche se fit atrocement sèche et quelque chose sembla fondre dans mon bas ventre alors que les lèvres de Zoran étaient contre ma peau.
C'était une sensation tellement... étrange. Tellement nouvelle.
Tellement puissante aussi. Jamais rien n'avait réussi à mettre mon corps à l'amende à ce point. Je n'avais jamais éprouvé ça.
Je ne savais pas si c'était dérangeant ou au contraire, plaisant. Mais soudain, il n'y avait plus que les lèvres de Zoran sur ma peau. Je ne pouvais penser à rien d'autre. Ma tête était vide.
Mes mains étaient dans ses cheveux et si je les lâchais, je sombrai. Je le sentais.
C'était à la fois effrayant et terriblement excitant. Il y avait une pulsation entre mes jambes et un feu liquide dans mon bas ventre.
Si j'ouvrais la bouche, un souffle erratique en sortirait et tout le monde verrait, tout le monde comprendrait ce que moi, je n'arrivais pas à cerner.
Déjà tout à l'heure, quand Zoran m'avait touché, les réactions de mon corps m'avaient semblé étrangères. Mais je n'avais pas voulu qu'il arrête.
J'aurais même aimé qu'il... me touche plus ?
Non. C'était insensé. Stupide aussi. Mais s'il y avait bien une chose qui n'était pas stupide, c'était la soudaine tranquillité de ma louve. Toute la journée, à l'instant où Zoran m'avait touchée ou simplement effleurée, elle avait été étrangement sereine et calme. Pas qu'elle soit une boule de nerfs en général, mais j'avais senti la différence. Et plus d'une fois elle avait voulu se presser contre Zoran.
Je ne pouvais nier que je comprenais pourquoi.
J'avais peut-être passée ma vie dans une bibliothèque, mais je savais quel effet avait la pleine lune sur notre peuple.
Ce n'était un secret pour personne qu'à cette période, les louves recherchaient un contact, le contact du sexe opposé et quand un loup répondait à ce besoin... c'était bien pire. Mais jusqu'à présent, ma louve n'avait jamais bronché et je sentais que tout cela la mettait mal à l'aise elle aussi. Mais elle ne pouvait pas juste reculer.
Pas quand Zoran me touchais.
Moi, ça me paralysait.
Je sentais des tremblements monter alors que la bouche de Zoran glissait sur ma peau. Je gardai les lèvres pincées. Je devais être si rouge bon sang ! Et Shana et Jalil qui étaient juste là. Personne n'entendait donc le bruit désordonné de mon cœur ?
Il fallait que je lui dise d'arrêter.
Il fallait que je lui dise d'arrêter de me faire un tel effet.
Trop de sensations d'un coup.
Il fallait qu'il arrête de me toucher. Maintenant. Qu'il retire sa bouche de là avant que je... que je...
Je déglutis et ça fit bizarrement mal. J'ouvris la bouche :
— A... ar... arrêtes, dis-je dans un chuchotis.
Ses mains serrèrent mes chevilles et il appuya son nez contre ma peau.
Une décharge électrique.
J'avais chaud. Et quelque chose pulsait, prenant de l'ampleur, montant, montant, montant !
Ses mains remontèrent, laissant une trainée brûlante. Mon souffle se bloqua dans ma gorge et je rejetai la tête en arrière, agrippée à ses cheveux.
Personne ne pouvait ressentir de telles choses avec une intensité aussi forte, aussi effrayante. Ce n'était juste pas possible bon sang !
C'était comme si Zoran contrôlait tout soudain. J'avais la sensation d'être une poupée de chiffon entre ses mains.
De n'être rien d'autre qu'une boule de... désir ? Est-ce que c'était ça le mot ? Était-ce donc cela que j'éprouvai d'un seul coup ?
Du... désir ?
Mes mains tremblèrent et un long et lent frisson monta.
— Z... Zoran !
Il soupira et s'immergea dans l'eau, m'entraînant avec lui. Ses mains quittèrent mes jambes et je m'écartai de lui, essayant de mettre le plus de distance entre nous.
Je paniquai.
Encore une fois.
C'était comme dans la salle de bain. Je ne voulais pas qu'il voit à quel point j'étais... perturbée par tout ça.
Je plongeai dans l'eau et y restais quelques secondes, pour me reprendre. Pour ne pas me laisser aller. Est-ce que j'allais ressentir la même chose dès qu'un loup me toucherait ?
J'avais l'impression d'être une toute jeune louve qui n'avait aucune expérience en la matière et en fait, c'était exactement ça.
Mais je ne laissais pas tout le monde me toucher comme Zoran le faisait, même si ce n'était jamais que des effleurements. J'ignorai comment j'en étais venue à lui donner ma confiance aussi vite, mais le fait est que c'était comme ça.
Il fallait juste que je fasse attention. Et que je maîtrise cela. Après tout, ça ne devait pas être si compliqué que cela, n'est-ce pas ?
Je nageai jusqu'aux bords de la piscine et fendis la surface, repoussant mes cheveux d'un geste agacé. Je m'étais faite à l'idée de les garder comme ça un peu plus longtemps que prévu ; je ne voulais pas que mon père ou les garçons soient déstabilisés par quoi que ce soit. C'était presque comme s'ils s'étaient tous habitués à moi comme ça.
Une main apparut dans mon champ de vision et Zoran s'agenouilla légèrement. Pour un loup, il était terriblement prévenant. Pour une Main, c'était encore plus choquant. Je fuyais son regard, mais attrapais sa main. Il me hissa et une fois debout, me donna une serviette dans laquelle je m'enroulai, toujours en fuyant le moindre contact visuel.
Je ne savais pas du tout comment me comporter avec lui soudain. Je me sentais gauche et affreusement mal à l'aise.
Il avait peut-être l'habitude de toucher des louves de cette façon et ces dernières trouvaient ça normal, mais ce n'était pas mon cas. J'avais lu beaucoup de choses sur les règles de vie au sein d'une meute, mais je n'avais jamais réellement expérimentée. Et en fait, quand j'y pensais, très peu d'histoire racontait comment se passait une pleine lune et quelle était la... démarche à suivre. Et ce n'était pas le genre de chose que j'avais demandé à Benjamin, Timothy où aux autres. Aucun loup n'avait besoin de poser ce genre de question. C'était naturel. Pour tout le monde.
Sauf pour moi. Et je me sentais d'autant plus idiote. Parce que pour Zoran, c'était peut-être tout à fait... normal et logique de se comporter comme ça. Je n'avais pas fais attention, mais en même temps, très peu de personnes étaient venues. Et la louve de Shana ne semblait demander des caresses à personne, hormis à Jahyan sûrement. Ce qui était logique vu qu'ils étaient deux compagnons.
— Un thé ? Proposa Shana, apparaissant à côté de moi.
Je hochai la tête et nous remontâmes tous en haut. Je disparu un instant dans ma chambre pour mettre mon pyjama qui se composait d'un pantalon en flanelle et d'un débardeur équipé d'une brassière incorporée. C'était très pratique et agréable surtout.
Je brossai mes cheveux et les nattai.
Quand je redescendis avec mon calepin et des vieux papiers de Timothy, Shana était toute seule dans la cuisine et les autres fumaient dehors.
Arthur était avachit dans le canapé et me fit un signe de la main, un grand sourire aux lèvres.
Lui et Oren étaient incroyables et d'une gentillesse sans limite, comme Eneko. Ils étaient prévenants avec moi et ne posaient jamais trop de questions. Arthur m'appelait souvent grande-sœur et même si ça me faisait plaisir, ça me laissait un goût étrange dans la bouche. Tout cela ressemblait presque à un rêve, nous ressemblions presque à une vraie famille, mais ce n'était pas le cas. Et nous ne le serions jamais vraiment. Mais je pouvais y croire un peu. Et eux aussi. C'était étrange d'avoir deux petits frères du jour au lendemain. Étrange d'être avec un inconnu qui était votre père. Et qui voulait tout savoir de vous.
Je posai mes affaires sur la table et m'installai sur un des tabourets alors que Shana sortait deux tasses. Je vis une brûlure sur son bras qui s'étendait au niveau de son coude. Les loups pouvaient guérir de beaucoup de chose, mais s'il y avait bien une chose que nous craignions, c'était le feu. Je savais qu'un feu avait été déclaré dans le ranch Ortega il y avait un peu plus d'un an, quand Jahyan Pearson se trouvait là-bas pour aider Shana à redresser l'état de sa meute. Ce n'était pas le genre de détail que les gens retenaient ou savaient seulement, mais moi, si. Tout comme le Gardien. Même s'il comptait de plus en plus sur moi pour savoir ce genre de chose sans qu'il n'ait besoin d'en faire de même.
Cyriane arriva à ce moment là, accompagnée d'Oren qui avait une main dans le bas de son dos. La jeune fille me sourit avec gentillesse avant de porter son attention sur Shana qui sorti une troisième tasse sans un mot.
Cyriane et Oren étaient ensembles et très prochainement liés à n'en pas douter. Ce n'était qu'une question de temps et... du bon moment surtout.
— Oren Hubbard, l'ombre de Cyriane, rit Shana.
Le jeune homme leva les yeux au ciel, mais sourit. Il me fit un clin d'œil et après avoir déposé un baiser sur la joue de Cyriane, disparut sur la terrasse. La jeune fille s'installa à côté de moi :
— Comment va ? Demanda-t-elle.
Cyriane Moreno était peut-être la seule louve des États-Unis à avoir comme qui dirait échappé à... l'œil de Timothy.
Son histoire n'était pas belle.
Elle avait été l'Ainée d'une famille. Son père avait été le premier Dominant de Pearson et sa mère, la petite sœur de ce dernier. Inelle Pearson avait vécue la moitié de sa vie avec Elena Campbell.
De cette famille ne restait que Cyriane et Edan, Second et compagnon d'Isis Baker, une toute nouvelle Alpha en herbe. Mais pendant plus de dix ans, tout le monde avait cru Cyriane morte alors que cette dernière était bien en vie, mais aux mains des Chasseurs. Et c'était Edan qui l'avait retrouvé et sorti de là avec Isis et de jeunes recrues de Chasseurs de l'Éthérée.
Cyriane ne savait pas que je connaissais son histoire, ce qui était normal puisque personne – ou presque -, savait que je travaillais avec Timothy.
Je connaissais beaucoup de secrets. Mais personne ne le savait. Et personne ne devait le savoir. Parce que des Alphas n'auraient pas appréciés savoir que quelqu'un d'autre que le Gardien connaissait tout d'eux.
Jahyan Pearson encore moins. Alors je gardai le silence. Et quand on me disait quelque chose que je savais déjà, je faisais juste mine de l'apprendre. Timothy avait été suffisamment clair là-dessus. Et il n'était pas encore temps pour lui de me dévoiler aux yeux de notre peuple. Ce qui m'arrangeait. Je n'étais pas sûre d'être prête pour cela un jour de toute façon.
— J'ai fait du cheval aujourd'hui, dis-je. C'était assez drôle.
Elle hocha la tête.
Shana servit l'eau bouillante et nous choisîmes le thé qu'on voulait.
— Shana et Jalil trouvent presque inhumain que quelqu'un ne sache pas faire du cheval.
La Dominante de la meute leva les yeux au ciel, mais ne démentit pas et j'en avais eu la preuve cette après-midi de toute façon.
— Tu es sûre de ne pas être née sur un cheval, Shana ? Se moqua Cyriane.
— Peut-être bien, répliqua cette dernière en soufflant sur le filet de fumée au-dessus de sa tasse.
Je regardai les deux femmes converser avec plaisir. Voilà ce qu'était une meute saine, où tout le monde s'entendait avec tout le monde.
En attendant que mon thé refroidisse, j'attrapai mes affaires. Tout de suite, Cyriane se pencha sur moi pour regarder il s'agissait de quoi. Chez les loups la curiosité n'était pas vraiment un vilain défaut. La vie privée était un concept tellement inexistant. Elle attrapa le petit carnet tout corné de Maël et l'ouvrit. Elle le feuilleta un instant, s'arrêtant parfois sur certaines pages :
— Il y a toutes les meutes ? S'enquit-elle alors.
Sa curiosité me faisait... plaisir.
— Oui. Mais c'est surtout un recensement des vieilles meutes. C'était à l'époque où Maël était encore le Gardien. Timothy à son propre carnet, avec les nouvelles meutes.
La plupart des meutes se trouvant sur ses pages n'existaient plus depuis longtemps où avait connu des changements significatifs.
Cyriane tourna les pages, son intérêt piqué à vif.
— La meute de Nathaniel Hunt, lut-elle.
— Alpha de Columbus dans l'Ohio, il en est d'ailleurs l'Alpha d'État, dis-je. Ses hauts-gradés sont les même depuis des siècles. Mais ce qui n'est pas écrit ici c'est qu'il est lié à une humaine.
Cyriane lu le nom des hauts-gradés avant de passer à une autre page.
— Est-ce qu'il y a beaucoup de vieil Alpha ? D'état je veux dire, Demanda-t-elle en me regardant.
Des rires me parvinrent alors que les garçons rentraient. La voix d'Eneko couvrit celle des autres alors qu'il charriait son ainé.
Mon regard croisa celui de Zoran avant que je ne le détourne sur Cyriane qui attendait ma réponse.
— Il y en a plus de ce côté-ci du pays que de l'autre, répondis-je.
Elle sembla réfléchir alors qu'Oren venait se placer dans son dos, une main dans sa nuque. La jeune fille s'appuya contre lui, recherchant clairement plus de contact.
— On a Jahyan, dit-elle. Elena Campbell aussi.
— Hassan Ybarra, sourit Oren, se prenant au jeu.
Je hochai la tête. Hassan Ybarra était l'Alpha Du Dakota du Nord et était lié depuis bien longtemps. Sa lignée était assurée depuis des siècles maintenant.
— Dany Kalagan, du Dakota du Sud, enchaîna Arthur, depuis le canapé, ce qui me fit sourire.
Dany était le père de Benjamin, mais les deux hommes avaient très peu en commun. Gina était la deuxième de la fratrie, puis venait Morgan et Caroline. Tous étaient adultes depuis bien longtemps.
— Keenan Baker, lâcha Shana, avec un léger dégout.
Je souris légèrement. Keenan était un Alpha légèrement... à part. Timothy le soupçonnait de faire quelques marchés avec les Chasseurs pour être tranquille, mais même Iris n'avait rien voulu dire. Keenan avait une mauvaise réputation, mais il était vieux et personne n'osait vraiment se dresser contre lui, à part sa compagne, Sophie. Cette femme était une perle rare. On ne pouvait que la respecter pour ce qu'elle faisait. Et elle devait réellement aimé Keenan pour rester avec lui malgré la folie qui semblait le ronger.
Mais il y avait bien plus fou que lui. Bien plus extrême et laxiste aussi. Keenan n'était pas le plus terrible, loin de là.
— William Barnes, reprit Shana.
Un Alpha exemplaire qui n'avait jamais fait quoi que ce soit de mal et qui était toujours resté fidèle à lui-même, même quand sa compagne était morte, le laissant seul avec leur fille, Aria. Cette dernière était aujourd'hui Alpha elle-même ; une des rares louve à ce poste d'ailleurs.
— Hermès Chavez !
Eneko et Zoran échangèrent un regard qui semblait lourd de sens avant d'éclater de rire. Hermès Chavez... je n'avais jamais vu un tel homme. Il était excentrique et très à cheval sur les vieux principes. Et il n'y avait pas plus gay que lui. Aux dernières nouvelles, il fricotait avec un des sorciers de l'Éthérée, mais Timothy n'avait pas voulu y fourrer trop son nez.
Hermès et Jahyan étaient sûrement les deux plus vieux Alphas de ce côté-ci à rendre fou Timothy. Surtout quand ils étaient tous les deux ensembles. À ce qu'il paraissait, c'était épique.
— Elzear Montgomery. On dit qu'il est plus riche que crésus lui-même, dit Cyriane.
— Il sait y faire, c'est sûr, dit Eneko en s'approchant.
Elzear était lié depuis des siècles à Nini, une louve qui était aussi folle que son compagnon, si ce n'était pas plus. Elzear se mêlait rarement aux autres Alphas et quittait rarement Las Vegas.
— C'est tout pour chez nous, non ?
Cyriane continuait de tourner les pages quand Eneko lui chipa le carnet des mains :
— Hé !
Mais elle n'essaya pas de le reprendre.
— Élias Hansen, dit Eneko.
Je hochai la tête. L'Alpha disparut et réapparut comme par magie avec toute sa meute. Une histoire qui avait ébranlée notre monde. Avant cette histoire, il avait été l'Alpha de Cheyenne dans le Wyoming, maintenant il gérait la péninsule du Michigan, au-dessus de l'immense territoire de l'Éthérée.
— Auxann Brock, souffla Zoran. Alpha de Louisiane.
Auxann était très vieux. Mais le temps ne semblait avoir eu aucune prise sur lui. Il avait la conversation facile et quelque chose chez lui attirait les regards.
Il envoûtait, il fascinait.
— Ilkan Lloyd, continua Eneko. Alpha d'Orlando.
— Darell Bailey.
S'il y avait bien un Alpha plus fou que Keenan Baker, c'était lui. Très peu approchait sa meute, très peu osait seulement en parler. Il y avait quelque chose de... briser chez cet homme, chez son loup. Et la frénésie couvait, attendant le bon moment pour surgir complètement. J'y étais allé une fois et je n'étais pas restée longtemps, même si Darell ne m'aurait pas fait le moindre mal : il était fasciné par les jeunes louves. Une fascination effrayante.
— Nohlan peut-il être considéré comme un vieil Alpha ? S'enquit Shana après avoir bu une gorgée de son thé.
— Il n'a jamais été fait pour être Alpha à la base, répliqua Jalil avec un haussement d'épaules.
— Tout comme Elena Campbell, dis-je. Elle n'est que la deuxième de la fratrie.
Mais cela ne voulait pas dire qu'elle n'en avait jamais eu le potentiel. Et le résultat était sous les yeux de tous maintenant.
— C'est vrai, concéda Jalil, pensif.
— Nathaniel est aussi un vieil Alpha, dit Eneko.
— Tout comme Ghali Gray, ajoutai-je. Il est l'Alpha du Connecticut depuis toujours.
Cyriane se pencha et appuya son menton contre sa main tout en me fixant :
— Tu les as déjà tous rencontrés dis-moi ?
Je sentis tous les regards converger vers moi et ça me mit mal à l'aise. Il y avait trop de monde autour de moi. Cyriane et Eneko étaient juste devant moi, envahissant le peu d'espace personnel que j'avais en ce moment même.
Ma louve grimpa très légèrement, sachant qu'il ne fallait pas reculer maintenant, que c'était inutile. J'inspirai discrètement et agrippai mon bas de pyjama.
— Tous sauf Keenan Baker et Elzear Montgomery.
J'aurais aimé pouvoir approcher Keenan, rien qu'une fois.
Dans sa jeunesse, il avait été tueur de sorciers avec son jeune frère, Killian, aujourd'hui Second de la meute de Bear Creek Village. Killian m'avait racontée ce que je voulais savoir, mais j'aurais aimé avoir le point de vue du grand-frère. En ce qui concernait Elzear, il était plus intéressé par l'argent que par quoi que ce soit d'autre. Je ne trouvais aucun intérêt à le rencontrer, même si j'étais sûre que lui aussi aurait pu m'apprendre certaines choses.
— Qui es-tu au final ? Souffla Cyriane, comme pour elle-même. Est-ce que tu as un Alpha ?
Je croisai le regard d'Eneko. Et les paroles de Timothy me revinrent.
— C'est à toi de voir ce que tu as envie de dire ou non. À toi de voir ce que tu veux que les autres sachent de toi.
— Ne dois-je pas... rester dans ton ombre ? Demandai-je doucement.
Il haussa les épaules avec un léger sourire :
— Il est question de ta famille, non ? Partir sur des mensonges n'est peut-être pas la meilleure des solutions, répondit-il.
Je le regardai et il finit par baisser les yeux sur moi :
— Je sais comment tu es Némésis. Je connais la portée de ta loyauté mieux que quiconque, n'est-ce pas ? Alors je sais que tu ne diras que ce qui est absolument nécessaire.
Et Timothy avait raison. Même s'il s'agissait de ma... famille, tout n'était pas forcément obligé d'être dit.
— Je n'ai pas d'Alpha, dis-je avec un léger sourire. Je ne fais partie d'aucune meute.
— Tu es ce qu'on appelle un loup solitaire alors ? S'enquit Oren.
Le seul à qui j'avais parlé plus ou moins de tout ça était Eneko. Je lui avais dit que j'étais liée au Gardien et qu'il en serait sûrement ainsi pour tout le reste de ma vie. Timothy était ma meute. Du moins c'est comme ça que je le voyais. Ma louve et moi n'avions pas besoin d'autre chose.
— C'est ça.
Oren fronça les sourcils alors que Shana s'accoudait au plan de travail :
— Mais nos loups ont besoin d'un lien pour survivre. Sinon ils s'étiolent doucement.
C'était une vérité que personne ne pouvait nier. Une vérité qui avait été prouvée des centaines de fois. Mais il arrivait que des loups soient différents des autres. Que des loups ne supportent pas de vivre en communauté.
Le loup de Timothy était différent des autres et cette différence avait fait de lui le Gardien, tout comme son père avant lui.
Ma louve aussi n'était pas comme les autres.
— C'est vrai. Les loups sont faits pour vivre sur une toile. Ils s'alimentent de l'énergie d'une meute et quand ils sont blessés, la collectivité les soigne.
— Comment fais-tu alors ? S'enquit Arthur qui était venu nous rejoindre.
Zoran était derrière Shana, en train d'attraper une bière dans le frigo. Pourquoi est-ce que je restais attentive aux moindres de ses gestes ?
Était-ce moi ou ma louve ?
— Passer sa vie dans des bibliothèques évite les blessures, ris-je.
Je ne connaissais pas les maux des douleurs physiques. Timothy n'avait jamais eu besoin de me donner de son énergie pour me soigner. Mon corps était en quelque sorte vierge de toutes blessures.
— Et si ça devait quand même arriver, j'ai... quelques réserves.
Eneko sourit en hochant la tête alors que Zoran se trouvait dans mon dos maintenant. Il posa sa bière sur le plan de travail, son bras m'effleurant, faisant soudainement grimper la chaleur de mon corps.
— C'est qui le loup le plus vieux que tu es rencontrée, dis ? Demanda Arthur, plein de curiosité.
— Heaven bien sûr, répondit Cyriane à ma place avec un haussement d'épaules.
Je ris doucement :
— Heaven n'est pas la plus vieille louve des États-Unis. Amarok était peut-être l'ainé de Sharan, mais il n'est pas le premier à avoir eu des enfants.
— Qui alors ?
— Yahto, premier fils d'Isha est le plus vieux.
La surprise dans le regard d'Eneko et Jalil :
— Pourquoi ce nom me dit quelque chose ? Souffla le mexicain, pensif.
— Parce qu'il est celui qui a créé les Mains. Celui qui a créé le système des Maisons et des Régents, répondit Zoran qui étant une Main, devait connaitre le nom de Yahto.
-- Mais n'est-il pas mort ? Ajouta Arthur, me regardant.
— Il est tout ce qu'il y a de plus vivant, répondis-je.
Très peu savait qu'il était toujours là, quelque part. On avait tendance à croire que tous les très vieux loups étaient morts. Et il fallait avouer qu'il ne s'était pas montré depuis bien des siècles.
— S'il ressemble à son frère, il doit être horriblement effrayant, lâcha Shana et frissonnant au souvenir d'Anoki à n'en pas douter.
Je haussai les épaules, ne sachant pas vraiment ce qu'elle entendait par là. Anoki était à part. Hors du temps presque.
— Tu as vraiment rencontré Yahto ? Souffla Oren, presque admiratif.
— En chair et en os.
— Putain...
Eneko frappa son ainé sur le sommet du crâne et ce dernier sourit avant de me faire un clin d'œil. Je ne connaissais peut-être pas grand-chose du monde qui nous entourait, mais j'avais rencontré des loups plus vieux qu'une meute entière réunit. Et il n'y avait rien de plus magique, de plus beau à mes yeux.
Cyriane sauta au bas du tabouret et s'étira :
— Tu me raconteras la suite de tes supers rencontres un autre soir, je m'effondre de fatigue.
Et ce fut comme si le signal pour aller dormir était lancé. Les plus jeunes embrassèrent mes joues et Arthur me serra un instant contre lui alors que la main de Zoran était dans mon dos. Je me fis force pour ne pas me tourner vers lui et voir son visage, son expression. Shana monta aussi ; elle semblait fatiguée et il y avait comme une ombre dans son regard. Est-ce que Jahyan lui manquait ?
— Je ne serais pas là demain quand vous partirez, dit Eneko, ennuyé.
Il passa une main dans ses cheveux. C'était un tic. Dès qu'il était nerveux, il faisait ça. Je souris :
— Ce n'est que pour un jour, c'est ça ?
Je reprenais ces mots, ce qu'il m'avait dit lui-même. Il voulait calmer le jeu avec Jahyan, mais je craignais de me retrouver devant l'Alpha qui avait eu des paroles si dures à mon encontre, tout cela pour que je ne revienne jamais. Mais quelque chose me disait que nous allions tout de même laissé passer le week-end. C'était peut-être mieux ainsi.
Eneko s'avança et se pencha pour m'embrasser sur le front. C'était déjà presque une habitude. Ma louve qui était là frémit légèrement sous ce toucher.
— Prends soin de ma fille, dit-il à Zoran, qui se tenait à côté de moi, son corps frôlant le mien.
— Et toi fais attention à Shana, surtout quand Jahyan sera là.
Eneko sourit :
— Ne t'inquiète pas.
Et il monta se coucher, me laissant toute seule dans la cuisine avec Zoran. Jalil était sur le canapé, devant un match de catch. Il ne semblait y avoir que ça à la télé lorsqu'il était tard.
J'inspirai doucement par le nez et tournai mon visage vers l'homme à mes côtés. Il me regardait bien trop fixement à mon goût. Le rouge me monta aux joues, mais je ne détournai pas les yeux.
— Nous partons à quelle heure demain ? Demandai-je d'une petite voix.
— Avant midi.
— Tu... n'es pas obligé de faire ça, tu sais ? Tu p... peux juste m'y laisser et... rentrer.
Je ne voulais pas le retenir un week-end de pleine lune. Il devait avoir ses petites habitudes. Et je n'étais pas sûre de vouloir me retrouver toute seule avec lui. J'en étais même sûre, en y pensant.
— Et tu ferais quoi toute seule ?
Je ne pris même pas la peine de réfléchir et secouai mes feuilles sous son nez :
— Ce que je fais de mieux. Et je pourrais toujours regarder des films. Je sais comment ça marche maintenant, ajoutai-je en chuchotant.
Il sourit et se retint de rire, de se moquer de moi. Je fis la moue et ses yeux brillèrent très légèrement :
— Tu n'es pas très gentil avec moi.
— Au contraire, je te ménage bien, tu ne trouves pas ?
Je levai les yeux au ciel et me détournai de lui.
J'ouvris mon calepin et attrapai mon crayon. Je le senti se pencher par-dessus mon épaule, curieux de voir ce que je faisais. Zoran ne semblait pas être du genre à poser des questions, mais quelque chose me disait qu'il était aussi intéressé que les autres, même s'il le montrait moins.
— Tu passes vraiment ton temps à faire ça ?
— Et toi tu passes vraiment ton temps à chasser ? Répliquai-je.
— Je fais du baby-sitting aussi, souffla-t-il, trop près de mon visage.
Mon cœur eut un loupé magistral et ma bouche s'assécha soudainement. Je n'arrivai pas à comprendre comment il pouvait avoir un tel effet sur mon corps. Sur moi.
C'était déstabilisant en fait.
— Je ne suis pas une enfant, répliquai-je, piquée à vif.
Il tira sur le bout de ma natte et de nouveau, je tournai mon visage vers lui. Il y avait une lueur dans ses yeux, une expression sur son visage... Mon souffle se coupa.
— Assurément, non.
Et il y avait tellement de non-dits, de sous-entendu là-dedans. Cette fois, j'eu l'impression de me consumer de l'intérieur.
J'avais envie de lui dire de regarder ailleurs. De s'écarter de moi. Parce qu'il était trop près. Et que ça me faisait paniquée. Mais j'étais incapable de dire quoi que ce soit soudain. Pourquoi faisait-il ça ? Je pouvais encore sentir sa bouche sur ma cuisse. C'était là, dans ma tête, et ça ne partirait pas.
Il fallait que je m'éloigne de lui. De ce mâle. Ça devenait trop dangereux.
Pour ma santé mentale.
— Je...
Je rassemblai mes affaires et m'écartai de lui, ma natte glissant d'entre ses doigts :
— B... bonne nuit, dis-je avant de m'enfuir comme une voleuse.
Je montais à l'étage en quatrième vitesse et m'enfermai dans ma chambre, m'appuyant contre le battant de la porte.
Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, rappel de ce qui venait de se passer. Ce n'était rien. Et pour Zoran ça ne devait rien représenter non plus. Il était vieux et j'étais sur qu'il plaisait aux femmes, malgré son air fermé et dangereux. Tout ça, c'était peut-être une sorte de jeu pour lui. Je n'en savais trop rien.
Je repris mes esprits et après avoir rangée mes affaires, je filai sous la couette et fermai les yeux.
Ce week-end de pleine lune me faisait peur.
Le lendemain, je passai la matinée dans ma chambre pour rattraper le retard des derniers jours et c'est Arthur qui vint me sortir des notes de Timothy. Il frappa doucement à ma porte et entra. Quand je les voyais, Oren et lui, si naturels, j'avais envie de rencontrer leur mère et la petite dernière aussi. Mais même si Eneko n'avait rien dit, je savais que sa compagne était partie à cause de moi. À cause de mon existence même et je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir après tout. Ce devait être dur pour les garçons. Ce n'était pas une situation facile, ni pour eux, ni pour leur mère et encore moins pour moi. Mais je ne voulais pas jouer les malheureuses. Pas maintenant.
— Je ne te dérange pas ? Demanda-t-il avec un sourire.
Je secouai la tête et il vint me rejoindre sur le lit. Son épaule effleura la mienne et je me crispai légèrement. Je n'avais pas l'habitude d'autant de contact et Oren et Arthur en recherchaient beaucoup avec moi. Je ne pouvais pas les repousser, alors je prenais simplement sur moi.
Arthur ne dit rien pendant un moment, se contentant de fixer ses mains. Il semblait légèrement... stressé ? Mal à l'aise peut-être ?
Ma louve grimpa légèrement. Elle garda le silence, attendant que le jeune homme parle.
Arthur finit par relever les yeux, son loup juste là, à la surface.
— Tu ne pars pas pour toujours, hein ? Souffla-t-il.
Je fronçai les sourcils, pas très sûre de comprendre.
— Je veux dire... c'est juste pour le week-end ? Tu... vas revenir avec Zoran après ?
Oh. Je souri, éprouvant un étrange sentiment face à sa question. Il avait envie de me voir revenir. Envie de m'avoir avec lui. C'était touchant.
— Ce n'est que pour le week-end, oui, répondis-je.
Je n'avais pas la force de lui dire que je ne resterais pas toujours ici. Je n'avais pas la force de lui dire que Jahyan ne voudrait certainement pas de moi. Et que même sans ça, ma place n'était pas ici. Je ne voulais pas lui faire de peine. Je m'étais attachée à Arthur. Et je n'avais pas envie que quelque chose de mal ne lui arrive.
Il sourit et me pris au dépourvu en me serrant contre lui.
— Je suis super soulagé alors.
Il déposa un baiser bruyant sur ma joue et disparut, un grand sourire aux lèvres. Eh bien...
Un peu avant midi je fis mon sac pour le week-end et descendis en bas. La maison semblait vide, même si j'entendis les soupirs de Shana, qui se trouvait sur la terrasse.
— Ce n'est qu'un con. Il m'épuise et me tape sur le système, ronchonna-t-elle.
Un rire. Zoran.
Je posai mon sac aux pieds des escaliers et allai les rejoindre. Ils me tournaient le dos tous les deux, assit côte à côte, la tête de Shana reposant sur l'épaule de Zoran qui semblait fumer.
— Tu es tombée amoureuse de lui je te rappelle.
— M'en parle pas. J'ai dû recevoir un coup sur la tête.
— C'était une poutre, non ?
Shana le frappa avant de lui voler son cigare.
— Moque-toi dont, Main stupide.
Elle m'avisa alors et me fit un signe de la main.
— Je vais gérer mon idiot de compagnon et de mari et tu pourras revenir ici sans souci, d'accord ?
Qui mieux que la compagne de Jahyan Pearson pouvait promettre cela ?
Zoran se leva et arracha le cigare de la bouche de Shana. Elle lui grogna dessus :
— Ne m'énerve pas, Zozo.
Zoran leva les yeux au ciel et me fit signe de le suivre. Il était temps de partir ? Shana me souffla un baiser alors que je suivais Zoran à l'intérieur.
Oren et Cyriane apparurent, gloussants alors que le garçon tenait la jeune femme par les hanches, la collant contre lui. Il y avait une espèce de... tension dans l'air.
Quelque chose de chaud et de débridé presque.
Cyriane embrassa Zoran sur la joue et me fit un signe de la main avant de disparaître, Oren la suivant comme son ombre. C'était... donc ça l'effet de la pleine lune ? J'écoutai leurs rires dans la cuisine, entendis le murmure bas et rauque d'Oren. N'était-ce pas les mâles qui se pliaient à la volonté des femelles pendant cette période ? Ils étaient attirés et ne pouvaient rien refusés à celle sur qui ils avaient jetés leur dévolu. Et Oren et Cyriane étaient presque des compagnons, alors...
Des doigts repoussèrent les cheveux sur ma nuque et j'y senti un léger picotement. Je ne bougeai plus, sentant le corps de Zoran dans mon dos. Est-ce... que ma louve envoyait de quelconques signaux pour qu'il vienne ainsi me toucher ? Sentait-il un... besoin émanant d'elle ?
— Nous avons tous besoin de quelque chose pendant la pleine lune, souffla sa voix.
Mon cœur eut un loupé. Il se pencha au niveau de mon oreille et voyant que je ne faisais rien, que je ne bougeais pas, il mordilla très, très légèrement le lobe de mon oreille.
Ce fut comme une caresse. Presque comme un songe. Mais ce que ça déclencha en moi fut bien trop réel. Bien trop... puissant.
— De... quelqu'un, ajouta-t-il, avant de s'écarter, comme si de rien n'était.
Je clignai des yeux. J'avais les jambes en coton soudain. Comment je pouvais me tourner vers lui après... ça ? Comment pouvais-je rester tout un week-end avec lui dans une maison ?
Ce n'était juste... pas possible. J'inspirai. Il ne fallait pas que je le laisse avoir... le dessus sur tout ça. J'attrapai mon sac et lui fis enfin face.
Son expression était neutre, mais un feu couvait dans son regard.
— Allons-y, dis-je.
Mon dieu... pourquoi est-ce que j'avais l'impression que j'allais me faire dévorer ?
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