4. Zoran
Ce fut Oren qui conduit car Eneko bouillonnait. J'avais rarement vu notre Second en colère, mais en ce moment, je crois qu'il avait atteint l'étape au-dessus. La haine. Je crois qu'il était presque tombé dans la haine de Jahyan. L'Alpha ne lui avait rien dit. Il ne lui avait rien demandé. Pas laisser le choix. Comme toujours, Jahyan contrôlait tout.
Oren ne disait rien, mais je voyais bien qu'il était nerveux aux côtés de son père. Eneko arracha presque la portière quand il sortit alors qu'Oren se garait.
_ Papa ! S'écria ce dernier.
La porte claqua et fit vibrer l'habitacle. Il ouvrit la mienne et me sortit.
_ Tu lui as fait du mal ? Murmura Eneko.
_ Pour qui me prends-tu ? Grondai-je.
_ Jahyan savait n'est-ce pas ? Cracha-t-il. Il savait ?
Je regardai la douleur qui vibrait dans les yeux d'Eneko. Jahyan avait merdé et il allait s'en mordre les doigts. Je finis par hocher la tête. Eneko me repoussa contre la voiture et je grimaçai. Oren me regarda avec de grands yeux, ne sachant pas où se mettre. Je sifflai de douleur quand mon épaule me rappela à l'ordre.
Je suivis mon Second aussi vite que je pus alors qu'il entrait dans la maison telle une tempête.
_ Eneko ! Tentai-je de le rappeler.
_ Où est-il ? Grogna Eneko. Où est Jahyan, Shana ?
_ Calme-toi, ordonna Shana.
Alors que je rentrai, je titubai, la perte de sang me revenant en pleine figure. Shana courut jusqu'à moi et me redressa contre le mur. Le souffle court, je regardai Eneko bouillonner sur place.
_ Où es-tu blessé ? Souffla-t-elle.
Je secouai la tête et grognai de douleur avant de la repousser sur le côté.
_ Reprends-toi, Eneko, murmurai-je. Tu ne peux pas simplement...
Jahyan descendit les escaliers à ce moment-là.
_ C'est quoi ce bordel ? Cracha-t-il.
Je voulus retenir Eneko, mais déjà il plaquait Jahyan contre le mur, ses deux mains sur les revers de sa chemise.
_ Qu'as-tu fait ? Hurla-t-il au visage de Jahyan.
Je retins Shana qui tenta de s'interposer. Ce n'était pas le moment.
_ J'ai fait ce qui devait être fait, grogna Jahyan.
_ Pourquoi ? Cria Eneko. Pourquoi tu ne m'as pas dit que ma fille était ici ?
Oren émit un petit bruit d'étonnement. Shana tenta de le rattraper mais il s'enfuit. Je ne pouvais pas le rattraper. Trop mauvais état. Shana allait peut-être regretter d'avoir envoyé Eneko et Oren me chercher.
_ Ce n'est pas ta fille, Eneko, rétorqua Jahyan. Ce n'est qu'une bâtarde qui...
Eneko frappa Jahyan si fort que notre Alpha tituba sur le côté. Jahyan se figea et toucha sa bouche où il y avait du sang.
_ Redis ça encore une fois, souffla Eneko. Et je te jure que je briserais mes poings sur ton visage.
Un long silence s'étendit entre les deux loups qui se fusillaient du regard.
La tension était si brutale que je peinai à respirer. Leurs puissances étaient étouffantes.
_ Je l'ai laissée en vie parce que tu le voulais, souffla Jahyan. Mais en aucun cas, elle ne peut faire partie de ta vie.
_ Ferme la ! Cracha Eneko. Tu me l'as enlevée à sa naissance et maintenant tu veux encore me la prendre. Qu'est-ce que tu as dans le crâne ? N'as-tu pas assez contrôlé nos vies ?
_ Plains toi de ta vie maintenant ! Hurla Jahyan. Tu as une femme et des enfants. Tu as un travail parfait ! De quoi te plains-tu ?
_ J'aurais pu avoir ça avec Milie ! Cria Eneko.
Jahyan se figea complètement et devint froid.
_ Tu n'aurais pas eu ça avec Milie, souffla-t-il. Et tu le sais aussi bien que moi... C'est pour ça que tu as accepté à l'époque. C'est pour ça que tu as été d'accord sur le fait que tu devais abandonner cette enfant. Que tu devais la laisser partir pour qu'elle ait une meilleure vie.
_ A quoi as-tu pensé, Jahyan ? Cracha Eneko. Que ton héritier ne devait pas être une femme ? Tu pensais à l'époque ne jamais prendre de compagne alors tu t'es dit qu'une fille en héritière n'était pas le bon plan?
_ J'aurais dû la tuer, murmura-t-il. Tu n'aurais aucun doute maintenant.
_ Eneko ! Cria Shana en s'interposant.
Je tombai à genoux ne pouvant la retenir plus. Eneko s'arrêta juste avant de toucher Shana et baissa les yeux sur elle.
_ N'interviens pas, Shana, grogna Jahyan.
Il voulut la repousser, mais Eneko l'écarta de sa prise.
_ C'est moi qui aie envoyé Eneko là-bas, fit Shana en relevant son menton vers Jahyan.
Un nouveau silence. Je tentai de me relever pour écarter Shana de là, mais Jahyan soufflait déjà comme un buffle. Je serrai les mâchoires et me levai, grimaçant. Je titubai jusqu'à mon Alpha.
_ Assez, soufflai-je.
Il baissa les yeux sur moi.
_ Si je t'ordonne de l'exécuter, tu le feras, grogna-t-il.
Je frémis, mais mon loup ne put que hocher la tête.
_ Non ! Cria Eneko.
_ Il ne fera pas ça, souffla Shana. Je l'en empêcherais.
Jahyan la foudroya du regard.
_ Il doit m'obéir autant qu'à toi, dit-elle en se tirant une balle dans le pied.
Merde. Merde.
Jahyan fit un pas, mais je le retins tant bien que mal.
_ Il n'est pas question de Shana, murmurai-je.
_ Elle est bannie de mon territoire, cracha Jahyan. Si je l'y trouve, je la ferais exécuter. Ne me tente pas de demander sa tête à Timothy.
_ Touche la et je te jure que..., commença Eneko.
Mais Shana secoua la tête.
_ Tu brasses de l'air, Jahyan, souffla-t-elle. Cesse dont de te comporter comme un connard de première et permet à cette fille d'avancer dans sa vie. Elle ne te prendra pas ton Second comme tu crois si bien savoir. Tu vas le perdre tout seul !
Jahyan regarda Shana avec de grands yeux. Elle avait le souffle court et semblait vraiment sur le point de vomir. Bon sang... Eneko était dans le même état, et je crois bien que j'allais finir par m'évanouir.
_ Elle a juste besoin de voir son père et de savoir, murmura-t-elle.
_ Que comptes-tu lui dire ? Ricana Jahyan, mauvais à présent envers Eneko. Que tu l'as laissée parce que j'ai ordonné ? Que tu l'as abandonné parce que sa mère n'était pas assez puissante ? Qu'elle te ralentirait dans ta vie ? Dis-lui donc ça !
La claque partit si vite que même Jahyan paru surpris. Shana s'était légèrement déplacée et même avec moi à côté, elle avait réussi à frapper Jahyan. Ce dernier fulminait encore plus.
_ Tu as déjà gâché la vie de cette gamine, murmura-t-elle. Ne continue pas. Je m'occuperais de cette affaire. J'en ai le droit étant donné que je suis ta femme. Maintenant, arrête de brasser de l'air et rend toi utile.
La voix de la louve de Shana était puissante et sans équivoque : elle était aussi puissante que Jahyan. Aussi efficace et aussi mortelle que lui. Il l'avait formée et elle était allée au-delà de ses espérances surtout en devenant sa compagne.
Il y eut du défi dans leurs regards. Eneko tremblait de rage.
Jahyan se redressa et sa puissance courut sur nous.
_ Aller vous faire foutre, cracha-t-il. J'ai posé mes règles. J'ai donné des ordres. Si vous ne suivez pas, vous ne faites pas partie de la meute. Si vous ne faites pas partie de la meute, vous pouvez vous barrer ! Grand bien vous fasse ! Cette fille ne posera pas un seul de ses pieds dans cette putain de maison ! Suis-je assez clair ?
Shana et Eneko ne bougèrent pas. Moi non plus. Il fallait faire entendre raison à Jahyan.
En nous voyant immobiles, il cracha quelque chose et sortit en claquant la porte. Shana s'affaissa contre le mur et Eneko tomba sur les marches, sa tête entre les mains.
_ Qu'avons-nous fait ? Souffla-t-il.
_ Rien de bien méchant, soupirai-je. Tu le connais.
_ Je n'ai jamais osé lui parler comme ça, murmura-t-il. Je n'ai...
_ Calme-toi Eneko, murmura Shana en frôlant le haut de sa tête.
La colère de Jahyan filtrait sur la meute. Soudain, il étouffa sa connexion avec tout le monde. Shana grimaça et posa une main sur son cœur. Elle souffla bruyamment et réussit à reprendre le contrôle de la toile. Eneko avait blêmit. J'aidais Shana à alimenter la meute le temps que le presque vide que Jahyan avait créé se rétablisse.
_ Quel connard, cracha-t-elle.
_ Il n'a jamais fait ça, murmura Eneko.
_ Il est en colère, souffla Shana. Il fera tout pour ne pas qu'on le suive ou qu'on le cherche. Il nous le fait comprendre. Il y a des erreurs qu'on doit arranger après. Il faut qu'il le comprenne. Son loup l'y aidera.
Elle se redressa, le visage un peu tiré. Si Jahyan avait fait ça alors que Shana n'était pas sur la toile, nous aurions tous souffert du manque d'énergie que nous infligeait Jahyan en ce moment. Mais heureusement, Shana était là. Elle avait tenu une toile seule auparavant, elle était plus que compétente pour nous tenir à flot.
Soudain, je glissai contre le mur, mes fesses heurtant le sol.
_ Si vous voulez bien, soufflai-je, je vais dormir un peu...
_ Zoran ! S'écria Shana.
Je la vis Eneko et elle se jeter sur moi alors que je tombai au sol.
Je m'évanouis.
Deux jours plus tard,
J'avais fini de ranger la maison à Garden Valley. J'y étais retourné dès le lendemain malgré les grognements de Shana sur mes blessures. J'étais déjà presque guéri même si ma blessure à l'épaule était en piteux état. Le Chasseur avait dû mettre du poison sur son arbalète et ça restait sur mon épaule. Connard de chasseur. J'avais déplacé mes affaires dans une autre de mes cachettes, y compris toute ma collection de DVD. J'étais d'ailleurs en train de tout sortir de la voiture. Mon autre cachette se trouvait un peu plus à l'ouest, à Emmett. J'avais un champ à moi juste à côté. J'étais en périphérie de la petite ville. J'avais réussis à tout déménager et j'avais brûlé ma maison à Garden Valley avec les corps des chasseurs dedans. J'avais ramené les affaires de Némésis à la maison dans ma chambre.
Jahyan n'était toujours pas revenu et n'avait pas donné de nouvelles, hormis à Shana qui le sentait à travers leur lien de compagnons, mais pas à travers celui de la meute. Au moins, il donnait des nouvelles à sa femme. C'était un bon signe. D'après Shana, il ne faudrait pas l'attendre de sitôt. Eneko l'avait mis en congé maladie pour le travail. Jahyan Pearson n'avait jamais eu de congé maladie... C'était pour vous dire comment c'était bancal.
J'étais en train de réparer le barbecue de la maison quand Shana apparut sur la terrasse.
_ Zoran ! Cria-t-elle.
Je relevai mon visage vers ma femelle Dominante. Je bondis sur mes pieds.
_ Où ça ? Grognai-je en grimpant les marches de la terrasse.
_ Au Nord je crois, souffla-t-elle. Jehan n'est pas sûr.
J'enfilai mes chaussures et sautai sur ma moto. Shana me lança mon casque. Un peu inutile pour nous mais bon... Je le mis et la démarrai. Je filai vers le Nord de notre territoire.
Némésis avait été plus intelligente cette fois-ci. Elle avait attendu qu'on vienne nous-même.
Eneko n'a rien senti Souffla Shana à travers notre lien. On fait comme on a dit. Tu restes à Emmett le temps qu'on arrange la situation ici. Qu'elle ne tombe pas dans un bassin de piranhas.
Jehan me rappela la route sur laquelle il l'avait senti et fila dans sa prochaine patrouille. Je pris la route qui menait à Garden Valley. La nationale 55 et roulai pendant quelques minutes. Shana avait choisi de garder Némésis légèrement à l'écart. Qu'Eneko ait le temps de se retourner. Il n'en avait pas encore parlé à Louna, même si Oren savait à présent. Il était venu dormir avec son fils à la maison et ils avaient parlé toute la nuit de ça. Oren était en rage contre Jahyan, même si ce n'était pas ce que cherchais Eneko. J'avais donc reçu l'ordre que si Némésis revenait (Shana avait vu juste : elle l'avait fait), je devrais l'emmener pendant une ou deux nuits à Emmett, le temps qu'Eneko ait le temps de se retourner et d'annoncer la nouvelle à Louna. Ce qui était un peu la déclaration de guerre du mois...
Je ralentis ma moto en apercevant sur le bord de la route celle que je cherchais. Elle se leva en m'apercevant et un léger sourire étira ses lèvres. Je la dépassai et fis demi-tour pour m'arrêter à côté d'elle.
_ Tu es plus maligne dis-moi, dis-je en retirant mon casque.
Je tirai ma béquille et reposai ma moto dessus. Je descendis et enfilai le casque à Némésis qui fronça les sourcils.
_ Je... je ne peux pas entrer sur ton territoire, remarqua-t-elle alors que je clippais le casque.
_ Shana a dit que si pourtant, souriais-je doucement. Et puis on ne va pas directement à Boise. On va aller dormir à Emmett pour ce soir.
Je pivotai pour remonter sur ma moto. Elle me retint, posant doucement sa main sur mon poignet. Elle avait froid, ou était stressée. Je ne savais pas trop. Je me retournai vers elle.
_ Jahyan ne va pas...
_ Ne t'occupe pas de lui pour l'instant, soupirai-je. Il... est parti en vacances.
Némésis fronça un peu ses sourcils et secoua la tête. Je grimpai sur ma moto et lui tendis ma main. Elle fit la moue. Je n'avouerais jamais que ce visage m'avait manqué, encore plus cette moue. Elle posa sa main dans la mienne, l'autre sur mon épaule.
_ Pose ton pied sur ça la, oui, dis-je quand elle posa son pied au bon endroit.
Elle bondit et atterrit dans mon dos.
_ Tu n'as pas de casque toi ? Dit-elle, nouant ses bras sur mon ventre.
_ Pas besoin, Némésis, soupirai-je.
_ Isis, reprit-elle. Appelle-moi Isis s'il te plaît.
Je tournai mon visage vers elle.
_ D'accord, Némésis, souriais-je.
Elle leva les yeux au ciel et je fis démarrer la moto. Je fis vibrer le moteur et lâchai l'embrayage. La moto se mit à rouler doucement puis prit de la vitesse. Némésis pressa sa joue contre mon dos et ses bras serrèrent presque à m'étouffer, mais je ne dis rien. Ça devait être la première fois qu'elle faisait de la moto.
Nous eûmes un peu plus d'une heure de route. Mais il n'y avait pas beaucoup de circulation et le chemin fut agréable. Je ralenti sur la route de campagne que j'empruntais et m'arrêtai finalement devant une petite maison toute rénovée, le champ à côté était en Jachère. C'est à dire que le sol reprenait ces droits avant la prochaine semence. J'allais devoir le retourner plusieurs fois pour que la terre soit fertile et propre. Shana aimait venir m'aider et avait été ravi quand j'avais l'acquisition de ce terrain. J'avais remis la maison à neuf lors de l'année qui venait de passer. C'était la seule occupation que j'avais eu et que j'avais pu donner à Shana. Je plaçai la moto sous un petit préau rajouté sur le côté droit de la maison. Némésis descendit de la moto et s'étira.
_ Une nouvelle maison ? Remarqua-t-elle.
_ L'autre a brûlé, dis-je en faisant la grimace.
_ Oh, s'exclama-t-elle. Je vois...
_ Ca ne t'embête pas de dormir ici ce soir ? Shana doit régler quelques trucs avant qu'on ne débarque à la maison.
Elle hocha la tête et sourit doucement.
_ Je... j'aimerais simplement le voir et lui parler tu sais, souffla-t-elle alors que je mettais ma moto sur béquille.
_ Je sais, acquiesçai-je.
Elle posa sa main sur mon poignet. Je pivotai vers elle. C'était comme une façon de m'appeler pour elle. Elle recherchait mon attention et en me touchant, elle l'avait complètement. Peut-être le faisait-elle inconsciemment.
_ Jahyan... Jahyan a dit qu'il ne voulait pas me voir. Je... je ne veux pas le forcer mais...
_ Tu as reconnu ton père il y a deux jours, n'est-ce pas ? Soufflai-je.
Elle me regarda avec de grands yeux et hocha la tête.
_ Il t'a reconnu aussi, murmurai-je. Il sait que tu es venue. Il... aimerait te voir.
Sa main se resserra sur mon poignet et je posai une main sur son épaule, de peur qu'elle ne tombe.
_ Mais c'est compliqué, soufflai-je. Donc, il va falloir être patiente. D'accord ?
_ Il... Il veut me voir ?
Sa voix n'était qu'un souffle.
_ Oui, acquiesçai-je.
_ Jahyan a menti, répliqua-t-elle.
_ Oui, admis-je. Mais il faut voir plus large que ça, Némésis. Il n'y a pas qu'une seule décision qui régit tout ça tu sais ?
Elle pencha doucement la tête, m'observant un instant.
_ Tu ne me mens pas toi, souffla-t-elle.
Je grondai doucement. Elle haussa ses épaules et laissa son sac tomber sur son bras.
_ Je ne fais que me renseigner, remarqua-t-elle avec un léger sourire.
Je la poussai vers l'entrée dans la maison en ronchonnant. Elle fit le tour du propriétaire par elle-même et me lança des retours positifs sur la décoration et l'aménagement. Encore une fois, la pièce du bas était grande ouverte. Un bar séparait la cuisine de la salle. Et la salle donnait sur le salon. La maison faisait comme un grand L. Dans le salon, il y avait un grand canapé en coin qui terminait de séparer la salle du salon et surtout, il y avait ma collection de DVD. Némésis lâcha son sac sur la table et alla se laisser tomber devant le meuble de la télé.
J'ouvris le frigo et fus soulagé d'y voir de la nourriture. On avait pas mal bossé ici et on avait donc laissé des provisions. Et puis vu que j'étais passé ici ces deux derniers jours, j'avais donc fait en sorte d'approvisionner. Je pris deux canettes de coca dans le frigo et allai m'asseoir sur le canapé. J'ouvris les canettes et les posai sur la table basse en bois.
_ Alors, repris-je, Timothy n'a pas été trop sévère ?
Elle se gratta la nuque et pivota vers moi. Je lui poussai sa canette vers elle et elle me remercia. Elle la tourna un instant entre ses doigts et soupira.
_ Il n'a pas été sévère, souffla-t-elle.
_ Timothy est un homme sage, dis-je. Il sait reconnaître les mauvaises erreurs des bonnes. Mais il doit particulièrement t'apprécier pour ne pas t'avoir remis les pendules à l'heure.
_ J'aurais dû faire ce que j'ai fait aujourd'hui dès le début, admit-elle.
Je hochai la tête.
_ Mais je voulais faire un peu de repérage, soupira-t-elle.
_ Je comprends, souriais-je. Tu n'y es pas pris de la bonne façon, c'est sûr. Il faudra revoir les bases.
Elle sourit doucement et secoua la tête.
_ Merci de ne pas m'avoir tuée, ajouta-t-elle en buvant une gorgée de son coca.
Je fronçai les sourcils et hochai lentement la tête.
_ C'est un plaisir, grondai-je.
Elle sourit et tira un DVD.
_ Je crois que je suis accro, admit-elle en faisant sa petite moue.
_ C'est une drogue saine, remarquai-je. Alors, je t'en prie, après toi.
Elle émit un petit rire et se tourna vers le lecteur DVD. C'était le même que dans l'ancienne maison et cela me fit sourire qu'elle sache comment l'utiliser.
_ Tu as faim ? M'enquis-je.
Elle hocha la tête. Elle n'avait pas dû manger grand-chose ces deux derniers jours si elle s'était amusée à réfléchir sur le fait de venir ou non. Sur le fait de voir Eneko, son père. Et j'espérais sincèrement que ça se ferait. Shana allait gérer ça d'une main de maître. Cependant, il fallait faire ça avant la pleine lune. Qui arrivait fin de semaine. D'après Shana, Jahyan reviendrait à ce moment-là.
Je préparai rapidement quelque chose et amenai un plateau dans le salon. Alors qu'elle terminait de manger, j'allais me changer pour faire le champ. Je n'allais pas me tourner les pouces et Némésis n'allait pas s'enfuir. Alors que je redescendis, je l'entendis faire la vaisselle. J'allais dehors et sortit de la tracteur de la vieille grange au fond du champ. C'était le papi qui me l'avait laissé avant de partir d'ici. Je voulus le mettre en marche, mais rien à y faire. Bordel ! Le salaud ! Je passai plus d'une heure à réparer le moteur. C'est couvert de graisse et transpiration que je me mis enfin à retourner le champ.
Némésis me rejoint à un moment. Elle monta sur le tracteur avec moi et je la laissai tester. Quand ce fut finit, elle était dans mon dos, les jambes dans le vide derrière le tracteur, appuyée contre moi. Elle prenait le soleil.
_ Tu pues, dit-elle alors que je ramenai le tracteur vers le garage.
_ Ça s'appelle la transpiration, tu connais ? Grondai-je.
Elle se redressa et ricana. Je la fis descendre du tracteur et rentrai la bête. Je ramassai mes affaires et Némésis m'aida à tout ramener dans le garage.
_ Tu vas faire ça longtemps ? Remarqua-t-elle en me tendant ma boite à outils.
_ Encore quelques mois, dis-je en essuyant mes mains sur un vieux torchon.
Elle hocha la tête et me posa encore quelques questions sur la maison. Shana prit des nouvelles à travers le lien et nous fit savoir qu'Eneko l'avait dit à Louna. Louna avait voulu prendre Arthur et Sahlia pour aller dans la famille de sa sœur. Mais Arthur avait refusé en sachant ce qu'il se passait. Évidemment, les enfants avaient été mis au courant aussi. Seule Sahlia, plus jeune, avait dû suivre sa mère sans poser de questions. Eneko et les deux garçons étaient à la maison, attendant sagement que nous venions. Louna n'allait pas être facile à convaincre. Et qu'elle parte sans l'autorisation de Jahyan était encore un manquement aux règles qui allaient forcément ressortir à un moment. Si Shana avait accepté, c'est qu'elle avait réussi à contacter l'Alpha de la sœur de Louna.
Némésis ne me posa pas de questions sur son père, mais je voyais qu'elle réfléchissait beaucoup. La soirée passa vite et fut agréable. Némésis traîna devant la télé et je finis par m'endormir sur le canapé en voulant rester avec elle.
Une main légère sur mon bras.
_ Zoran, souffla-t-elle.
Je grognai et me redressai, me retrouvant nez à nez avec Némésis.
Elle rougit et bredouilla :
_ Tu... tu devrais aller dans ton lit, dit-elle en se levant.
_ Ah ouais, grognai-je encore à moitié endormit.
Je me levai et elle me poussa gentiment dans les escaliers.
Sans trop réfléchir, je me laissai tomber dans le lit.
Il devait être cinq heures du matin quand Némésis entra dans la salle de bain. J'étais assis par terre, le souffle court et de la fièvre me filant des frissons.
_ Zoran ? Murmura-t-elle.
Ma blessure me lançait atrocement. C'était souvent comme ça la nuit en ce moment. Le poison ne voulait pas partir et s'acharnait sur moi dès que je me reposais. Ne me laissant aucun instant de répits.
_ Tu vas bien ? Bon sang... tu trembles, fit-elle en posant sa main sur mon front.
_ T'inquiètes, je gère, dis-je en souriant.
J'étais torse nu et le bandage sur mon épaule était visible. Elle s'agenouilla à mes côtés et tira dessus. Je frémis de douleur et elle siffla doucement en voyant la plaie infectée.
_ Merde, lâcha-t-elle.
_ C'est plus moche que ça ne fait mal va, dis-je en repoussant doucement sa main. Ca va passer...
_ C'est de la myrtadonne, Zoran, souffla-t-elle. Ca ne partira pas.
Elle bondit sur ses pieds et ouvrit les armoires de ma salle de bain. Je fronçai les sourcils, soudain pris de frissons. Elle balança de l'alcool par terre et des gazes. Elle poussa l'eau chaude à fond et fis couler l'eau dans la douche.
_ Qu'est-ce que tu fabriques ? Grognai-je.
_ Tu as eu ça lors de l'attaque des chasseurs ? Dit-elle en jetant mon bandage sans toucher les marques de sang.
Je hochai la tête, mes dents claquant légèrement de froid.
_ Tu devrais déjà être mort, murmura-t-elle. La myrtadonne est un poison mortel, Zoran. Je ne sais pas comment tu tiens depuis deux jours mais...
Je tirai légèrement sur mon bras gauche en grimaçant. J'avais mal à la poitrine.
_ Zoran ?
_ Je... j'ai mal putain, grognai-je en tentant de reprendre mon souffle.
_ Merde merde merde...
Elle me tira sous la douche et l'eau brûlante me fit sursauter. Elle plaqua le jet contre ma blessure et avec les doigts, retira le pus qui ressortait sur le haut. Je serrai les dents, la douleur devenant insoutenable.
Mon loup gronda alors que je n'arrivais plus à le retenir. Némésis s'arrêta un instant, le regardant.
_ Si je ne te soigne pas, tu vas mourir d'un arrêt cardiaque dans quelques heures. Si ce n'est pas quelques minutes. Alors range les crocs !
Sa voix était ferme et calma mon loup. Elle était puissante. S'en rendait-elle compte ?
Alors que je l'entendais maudire les chasseurs et leur poison, elle s'affairait dans ma plaie, enlevant ce qu'elle devait de là. Elle réussit à me traîner jusqu'à mon lit et m'y laissa tomber. Mon loup était à la limite de se transformer pour tenter de nous soigner, mais Isis nous l'avait interdit. J'avais étouffé mon lien avec la meute si bien que personne ne savait que j'étais à la limite de l'arrête cardiaque.
Bordel de merde. Il y avait intérêt à ce que ça reste entre elle et moi sinon...
Elle enroula mon épaule dans une gaze bourrée d'alcool et d'huile d'olive ? Sûrement des propriétés particulières.
_ Zoran... dit-elle en s'asseyant à mes côtés. Il faudrait... Je dois cautériser ta plaie maintenant qu'elle est propre.
Je clignai des yeux, la douleur vibrant dans mon crâne et dans ma poitrine.
_ Fais ce que tu dois faire, grognai-je.
Elle hocha la tête et disparut pendant plusieurs minutes. Elle revint avec une broche en fer chauffée à blanc.
_ Bordel, crachai-je.
_ Il faut le faire Zoran, murmura-t-elle.
_ Tu as lu ça dans un bouquin ou quoi ? Haletai-je.
Elle hocha la tête.
_ Tu l'as déjà fait ? Suffoquai-je.
Elle secoua la tête.
Oh génial.
_ Fais ça vite et bien, grondai-je en passant le drap dans ma bouche.
Elle regarda ma plaie un instant et prit une longue inspiration.
Le fer mordit ma peau et l'odeur de chair brûlée grimpa.
Je hurlai pendant de longues secondes alors que Némésis continua de nettoyer ma plaie.
Je rendu les armes quand elle retira le fer.
Je ne sentais plus vraiment mon épaule, mais heureusement j'avais vécu pire dans ma vie.
Je fermai les yeux et me laissai bercer par le sommeil.
Quand je me réveillai, un souffle régulier me parvenait. Comme un bruit de fond auquel je m'étais habitué. Je grognai de douleur en sentant mon épaule endolorie et clignai des yeux. Je vis Némésis assise sur un fauteuil qu'elle avait dû ramener ici. Elle dormait profondément. M'avait-elle veillé ? Sûrement.
Je me redressai lentement, mon bras drapé dans un bandage qui maintenant mon épaule en place. Le pansement était épais et bien mis. Elle avait géré comme une chef.
Merde alors.
J'aurais pu y rester si elle n'avait pas été dans le coin. Nous n'avions pas de sorcier dans la meute pour nous soigner. Alors je serais simplement mort d'une crise cardiaque à cause de ses putains de chasseurs avec leur poison de merde. Ils devenaient de plus en plus créatifs ceux-là.
Alors que je m'appuyai sur mon bras valide, Némésis sursauta.
_ Zoran ? Souffla-t-elle. Tu vas bien ? Tu... comment tu te sens ? Shana a appelé sur ton portable... je...
_ Qu'est-ce que tu lui as dit ?
_ Que tu dormais, admit-elle.
_ Bien, soufflai-je. Bonne réponse, Isis.
Elle sourit et s'assit sur le bord du lit.
_ Tu ferais une bonne Soigneuse, soufflai-je.
_ Tu connais les Soigneurs ? Sourit-elle.
_ Des loups qui s'y connaissaient en plante médicinale, dis-je en me rappelant mes ancêtres. Avec une disposition particulière à soigner les blessés.
_ Ils n'existent plus depuis longtemps, remarqua Némésis en soulevant doucement mon pansement. Ta brûlure est déjà guérit je crois. Mais tu auras une marque. J'ai laissé respirer toute la nuit, mais j'ai peur que le poison ne ressorte encore. Il t'en reste peut être dans le sang.
_ Merci, murmurai-je. Je crois bien que je te dois la vie.
Elle eut un léger sourire et rougit. Elle se racla la gorge et reprit en défaisant mon bandage, sûrement pour nettoyer la plaie.
_ Je ne suis pas Soigneuse cependant, remarqua-t-elle. Je... lis juste beaucoup. Par ailleurs, les Soigneurs étaient souvent des loups soumis. Doux et gentils. Calmes et apaisants.
_ Et tu n'es pas soumise c'est ça ? Me moquai-je.
Elle releva son regard et nos nez se touchèrent presque. Elle se figea un instant et se concentra sur ce qu'elle faisait tout en parlant de ce qu'elle avait pu lire sur les Soigneurs. De vieilles traditions perdues depuis longtemps. C'était drôle de parler de ça avec une louve relativement jeune.
Elle termina de nettoyer la plaie.
_ Ton père est puissant, soufflai-je. C'est pour ça que tu n'es pas soumise, Isis.
Elle se figea, assise sur le bord du lit.
_ Es-tu prête à le rencontrer ? Murmurai-je.
_ Il te faudra un ou deux jours de repos, souffla-t-elle.
Je posai une main sur son épaule.
_ Pas question, grognai-je.
_ Zoran tu...
Je la fis se lever et la suivis. J'eus un peu la tête qui tournait, mais en mangeant, ça devrait aller.
_ Quelle heure est-il ? Remarquai-je en voyant le soleil déjà dans sa descente.
_ Il doit être 15h, fit Isis.
Je jurai.
_ Il faut se dépêcher. Shana doit être impatiente que tu arrives.
Je marchai vers la sortie, mais elle ne bougea pas, sa trousse dans les mains.
_ Némésis, soufflai-je.
Elle fit la moue et je souris.
_ Il est temps, ajoutai-je.
Elle soupira et finit par s'approcher de moi.
_ Quelqu'un devra nettoyer ta plaie pour les prochains jours.
_ Tu le feras, souriais-je.
Elle ouvrit la bouche, mais je la tirai déjà derrière moi pour la faire filer à la douche.
Elle secoua la tête mais obéit.
En route vers Boise ! Avec une épaule dans les choux ! Génial...
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