2. Némésis

Voilà une heure qu'il lisait le traité que j'avais mis dans mon sac avant de partir.

Voilà une heure que je l'observai depuis le canapé, sans bouger.

De toute façon, vu comment il m'avait attaché, bouger n'était même pas envisageable. Il avait peur que je m'enfuis et je le comprenais, parce que si une seule opportunité se présentait à moi, je n'hésiterais pas. Cet homme ne pouvait pas espérer que je reste bien sagement ici pendant que son Alpha déciderait quoi faire de moi. Et pourtant... ce n'est pas comme si j'avais le choix.

Alors j'étais là, l'observant alors qu'il semblait concentré, le front légèrement plissé. Comprenait-il ce qu'il lisait ? Comprenait-il seulement de quoi ce vieux traité parlait ? Il n'avait rien à voir avec les lycanthropes des États-Unis, mais ceux venant d'autres pays. Il était rare que les gens nous appellent ainsi. Pour eux, nous étions des loups, mais ce n'était vrai. Et s'il avait fallu nous donner un autre nom, cela aurait été loup-garou. Mais très peu le faisait ou le savait. Moi, je l'avais appris en étant enfant, quand j'avais ouvert mon premier vieux livre trouvé dans la bibliothèque de l'Alpha. Il n'y en avait pas eu beaucoup d'autres et j'avais donc du relire les mêmes, encore et encore, jusqu'à ce que je les connaisse par cœur, les récitants les yeux fermés.

Encore aujourd'hui je m'en souvenais sans le moindre mal.

Chaque livre que j'avais ouvert était dans ma tête. Chaque parchemin que Benjamin m'avait montré était dans mon esprit, tout comme les vieux rapports du Gardien.

Je n'oubliai rien et ce qui était important, ma louve les gardait bien cachés. Elle aussi aimait savoir, aimait la connaissance.

Elle adorait savoir les us et coutumes de peuples éteints depuis longtemps et dont le monde avait oublié leurs existences. Il n'y avait aucune limite au fait de vouloir en apprendre plus, encore et encore.

Je savais que jamais nous ne serions rassasiées. Et qu'il y aurait toujours de nouvelles découvertes à faire.

Le monde était vaste.

Tellement grand.

Et il attendait de pouvoir tout dévoiler. Je voulais être celle qui verrait des choses, qui en découvrirait.

Je ne voulais pas forcément que mon nom marque l'histoire, mais je voulais que l'histoire me marque. Et ça, très peu de gens pouvait le comprendre. Parce que pour eux, à quoi pouvait bien servir de faire des découvertes si personne ne vous connaissait après coup ? Je trouvai idiot ceux qui donnaient leur nom à des montagnes après les avoir découverts.

L'envie d'être reconnue de cette façon n'avait jamais été un but à atteindre pour moi. La renommée ne m'intéressais pas et ne m'attirais pas.

Benjamin était sûrement la seule personne à comprendre. Ou à vouloir comprendre cela. À bien des égards, je lui ressemblais.

Nous avions soif de connaissances.

Nous avions soif d'en savoir plus, toujours plus.

L'homme tourna une page et se pencha un peu plus, assit sur le bord de la fenêtre, le traité posé sur sa jambe ramenée près de lui.

Après avoir quitté Benjamin, je m'étais fait un devoir d'en apprendre le plus possible sur les meutes qui peuplaient les États-Unis.

Il y en avait tellement. Certaine était toute petite et d'autre était immense. J'avais commencé par les plus grandes, par celles dirigées par l'Alpha d'État. Et même s'il y avait eu beaucoup de changement au fil de certaines décennies, la meute de Jahyan Pearson n'avait pas changée depuis bien des siècles, hormis si on prenait en compte l'arrivée de sa compagne ; Shana Ortega, ancienne Alpha de la meute de Riverton, dans le Wyoming.

Cela avait d'ailleurs fait grand bruit.

Pas seulement à cause du fait que c'était sûrement la première fois dans toute l'histoire de notre peuple qu'une Alpha décidait de quitter sa meute pour rejoindre celle de son compagnon – il y avait certes toute une histoire derrière -, mais aussi parce que tout le monde savait que Jahyan Pearson avait été seul toute sa vie et son caractère n'était... un secret pour personne, tout comme sa vision de la femme. Et pourtant, aujourd'hui, il avait une compagne avec qui il était marié depuis quelques mois et tout semblait aller pour le mieux. En apparence bien sûr, parce que comme Timothy le disait souvent, les vieux Alphas savaient très bien cacher ou garder secret ce qu'ils voulaient. Tout ça pour dire que les noms de ses hauts-gradés ne m'étaient pas inconnus.

Ainsi, je savais comment s'appelait l'homme devant moi, Main de Jahyan Pearson.

Tout comme je savais d'où il venait et surtout, qu'il faisait partie des Mains les plus puissantes de tous les États-Unis. Tout cela parce que j'avais regardé le registre de Timothy, ou du moins le registre de Maël, le premier Gardien, que son fils avait repris par la suite.

J'observai l'homme, ne voyant que très peu de tatouages dépassés de son t-shirt.

Zoran Swanson.

C'était un vieux loup. Une vieille Main qui était avec Jahyan Pearson depuis bien longtemps et qui avait passé bien des décennies dans une Maison, comme toutes les Mains.

Je ne savais pas grand-chose de lui, seulement ce que j'avais pu lire et ce n'est pas comme si je m'étais intéressée à la meute de Jahyan Pearson avant tout ça.

Peut-être aurais-je du.

Mes parents se trouvaient peut-être dans cette meute, ou l'avaient été.

Luka m'avait offert quelque chose d'inestimable, mais vu dans quelle situation je me trouvais, je savais qu'il allait avoir des problèmes lui aussi.

Parce que Timothy allait bien finir par découvrir que son fils avait fouillé dans ses affaires. Et il allait découvrir que j'étais ici. Si Pearson ne l'avait pas déjà appelé.

Bon sang... je n'avais jamais eu peur du Gardien, mais sa colère pouvait être terrible et je savais que je pouvais perdre le peu que j'avais ; le peu que Timothy avait bien voulut me donner. C'est lui qui avait permis que j'en sois là où j'en étais aujourd'hui. C'est lui qui avait décidé de me montrer les secrets de notre peuple et lui qui avait bien voulu me faire entrer dans son monde.

Le Gardien travaillait seul d'habitude, mais Timothy avait décidé de faire autrement, avec le consentement de son père et d'Heaven.

Et il m'avait pris avec lui, plus ou moins sous son aile.

Je savais ce qu'il attendait de moi. Mais il m'avait demandé de faire un choix.

Je ne pouvais pas me résoudre à perdre les deux.

Mon passé et mon futur.

Je voulais lutter pour les deux. N'était-ce pas là mon droit ? On avait décidé de trop de choses pour moi. Maintenant je voulais être l'unique maître de mon destin et tant pis si ça ne plaisait pas à Timothy. Il devait comprendre. Comprendre que je ne pouvais plus me satisfaire de cette vie que j'avais.

— Dans notre siècle, on ne séquestre pas les gens, finis-je par dire.

J'en avais assez de ce silence. J'en avais assez d'être sur ce canapé, dans cette maison.

Et j'avais mal. Mal aux poignets, aux cuisses et aux chevilles. Surtout aux cuisses. Il avait serré tellement fort cet idiot ! Bouger me faisait vraiment souffrir, mais me plaindre était hors de question. Je détestai ça.

Je détestai paraître faible aux yeux d'étrangers.

Il ne leva même pas les yeux vers moi et fit comme s'il ne m'avait pas entendu. À lui de garder le silence maintenant ?

J'inspirai doucement et le fusillai du regard, même si je savais qu'il n'en avait rien à faire. Les Mains étaient des êtres bizarres, des loups à part. Leur lien avec leur Alpha était lui aussi à part et une Main était le seul loup capable de rompre son lien avec la meute quand une situation très grave l'exigeait. Mais cela n'était arrivé que quatre fois au court des cinq derniers siècles. Tout avait été minutieusement rapporté dans les registres du Gardien, registre que je me devais de tenir à jour à sa place.

Personne ne connaissait mon existence. Et cela resterait tel quel pour un petit moment encore, même si je savais que Timothy avait d'autre projet pour moi.

Mais avec ce que je venais de faire, pas sûr qu'il veuille encore entendre parler de moi.

— J'ai besoin d'une douche.

Je ne supportais plus mes vêtements. Et j'avais besoin de me tenir debout, de bouger, de faire quelque chose.

Enfin, il leva la tête vers moi et ses yeux happèrent les miens. Il avait un regard tellement profond, tellement sombre. C'était assez incroyable et étrangement, son regard ne brillait jamais. Pas une seule fois. Alors j'étais incapable de dire quand son loup montait ou pas. Mais ça n'avait pas d'importance. L'homme était bien assez effrayant comme ça pour que je veuille voir la bête.

Je n'étais pas suicidaire.

Il ne dit rien et finit par baisser de nouveau les yeux.

Mais... il le faisait exprès ?

— Il faut que je supplie peut-être ? Grinçai-je, sentant une vieille panique au fond de mon cœur.

— Ce serait une idée, dit-il sans aucune intonation particulière.

Je me mordis l'intérieur de la joue, préférant me taire que lui parler. Il était trop froid, trop distant, tout en étant... je n'arrivais pas à mettre un mot là-dessus. Je n'arrivais pas à percevoir comment il était vraiment.

Qui il était vraiment.

Pas que je veuille savoir, mais c'était plus fort que moi. Je n'avais rien d'autre que lui sous les yeux, alors...

Il ne bougea pas, continuant de lire. Bon sang...

— J'ai vraiment besoin d'une douche, couinai-je, me tortillant sur place.

L'homme lâcha un gros soupir et referma le livre en faisant attention. Il savait qu'il avait de la valeur, donc il n'était pas totalement idiot.

Grande nouvelle.

Il se leva et posa le livre sur la table avant de s'avancer vers moi. Tout de suite, mon cœur parti dans une course folle.

Il n'avait pas totalement eu tort en disant que j'étais anthropophobique. J'avais du mal avec les gens, du mal à les laisser m'approcher, surtout quand je ne les connaissais pas. Voilà pourquoi la compagnie des livres et de l'histoire m'avait toujours suffit. Voilà pourquoi une meute n'était pas faite pour moi.

Et ma louve était différente. Elle l'avait toujours été et Benjamin avait été le premier à s'en rendre vraiment compte.

Certain parlait de tare, d'autre disait que si elle était ainsi, c'était pour une bonne raison.

Elle n'avait pas besoin de lien pour vivre, pour s'alimenter. Nous étions comme le Gardien, même si pour lui, c'était encore différent puisque d'une certaine façon, il était relié à tous les loups.

Oui, ma louve n'avait pas besoin d'un Alpha. Mais nous étions tout de même reliées à Timothy. Il faisait office de source d'énergie. Nous formions une mini toile. Mais là encore, très peu le savait. Très peu pouvait me relier au Gardien.

L'homme s'arrêta devant moi et se pencha, mais je secouai la tête. Une lueur d'interrogation sans son regard :

— Je veux marcher. Je... j'ai besoin de marcher.

Pouvait-il comprendre cela ? Il me souleva et me jeta sur son épaule. Non, il ne pouvait pas.

Il ouvrit la porte de la salle de bain et me remis sur mes pieds, juste devant la douche. Je tanguai dangereusement, incapable de tenir droite ainsi attachée et mes mains se retrouvèrent sur ses épaules pour que je garde l'équilibre.

Il ne broncha pas et sa chaleur me traversa. Son visage était trop près du mien et cela bloqua ma respiration. Il y avait tellement longtemps que je ne m'étais pas retrouvée aussi proche d'un étranger. Je détestai ça. Je détestai être aussi faible. Il m'avait fallu tellement longtemps pour laisser Luka m'approcher. Il était le seul à pouvoir le faire autant, le seul que j'acceptai qu'il me touche. Mais je le connaissais depuis qu'il était enfant, alors ce n'était pas pareil.

J'avais confiance en lui.

Je le connaissais.

Et cela faisait toute la différence après tout.

L'homme - il fallait que j'arrête de l'appeler ainsi, je savais son prénom pourtant. Mais il était étrange de le nommer ainsi dans ma tête... -, se mit à genoux devant moi et je dû me pencher pour ne pas tomber. Il sorti un couteau de sa poche et défis le lien à mes chevilles avant de faire la même chose aux cuisses.

Je soupirai de soulagement, fermant les yeux alors que la douleur pulsait, mais ne me tiraillait plus. Il se releva :

— Attention, dit-il simplement, avant de trancher le lien à mes poignets.

Tout de suite je les frottais, ne pensant même pas à lui sauter dessus. Il m'aurait maîtrisé en deux temps trois mouvements de toute façon.

Ça brûlait et c'était presque à vif. Je senti son regard se poser sur mes poignets avant qu'il ne recule légèrement, croisant ses bras sur son torse, attendant.

Je fronçai les sourcils, essayant de repousser ce que je pensais qu'il attendait de moi. Il était hors de question que je me mette toute nue devant lui.

C'était... impensable même. Pourquoi tout le monde pensait que les loups n'étaient pas pudiques ? Je l'étais et encore plus quand il s'agissait d'un parfait inconnu.

Il haussa un sourcil, voyant que je ne bougeais pas.

— Je ne mettrais pas to... tou... toute... nue devant t... t... toi, dis-je, maudissant mon bégaiement.

— Tu es une louve, répliqua-t-il, comme si cela voulait tout dire.

Peut-être que dans sa meute s'était comme ça. Peut-être même que les femmes ne se faisaient pas prier pour se mettre nue devant lui, mais je n'étais pas comme ça.

J'avais mon amour propre.

Et tant qu'il resterait face à moi, je ne bougerais pas.

— C'est toi qui veux prendre une douche, pas moi, ajouta-t-il.

Allait-il vraiment me regarder faire ? N'avait-il donc aucune éducation ? C'était un loup, mais quand même.

Non. Je refusai de me déshabiller devant lui. Pourquoi ne voulait-il pas comprendre ça ?

Je sentie le rouge me monter aux joues et mon souffle se faire plus rapide.

Comme il devait me trouver risible ! Comme il devait me voir comme une pauvre gamine capricieuse. Mais je ne l'étais pas.

Je demandais juste un peu d'intimité.

Je voulais juste qu'il se retourne. Je n'allais pas lui sauter sur le dos, je n'étais pas idiote.

— S'il te plaît, suppliai-je presque à mi-voix.

Je frottai mes poignets, ne quittant pas ses yeux du regard. Il n'avait pas l'air d'être méchant au point de ne pas m'accorder cela.

Il grogna quelque chose et finit par me tourner le dos. Je ne pus retenir mon soulagement et je fermai les yeux quelques secondes, le temps que mon cœur ne se calme.

Je défie le bouton de mon jean et le laissai glisser au sol avant de retirer mon haut. C'est en sous-vêtements que j'entrai dans la douche et je ne les retirais qu'à ce moment-là. La vitre rendait mon corps flou et même s'il regardait, il ne verrait rien. Je les jetai par-dessus et tournai le bouton. De l'eau froide coula sur mon corps et me fit sursauter. Je retins un cri de surprise et du attendre que l'eau chauffe.

Ma peau au niveau des poignets et des chevilles me brûla et je vis des bleus s'épanouirent au niveau de mes cuisses. Il avait serré tellement fort, me voyant comme une louve, une surnaturelle plutôt que comme une simple femme.

Et les marques ne disparaitraient pas tout de suite, loin de là.

J'orientai mon visage mon visage sous le jet et fermai les yeux alors que je sentais la présence de Zoran Swanson dans la salle de bain. Il ne bougerait pas et n'irait nulle part. Il prenait son rôle de kidnappeur très à cœur.

J'attrapai le shampoing qui se trouvait là et lavai mes cheveux, les faisant bien mousser. Je les rinçai et lavai mon corps avec mes mains. Quand je passai sur les marques laissées par les liens, je grimaçai. Ça faisait vraiment mal.

Je ne traînai pas beaucoup, je n'aimais pas ça, même si ça me permettait d'être loin de cet homme. Je coupai l'eau et ouvris doucement la porte de douche.

Il me tendait une serviette, ne m'offrant que son profil. Je le remerciai presque imperceptiblement et m'enroulai dedans, toujours dans la cabine.

Quand je sorti pour de bon, il était devant la porte, me tournant toujours le dos, les bras croisés sur son torse.

Je trouvai une autre serviette et frottai mes cheveux avec. Mon regard se posa sur mon sac qu'il avait ramené ici.

J'attrapai ma brosse à cheveux et défis les quelques nœuds avant de me faire un chignon. J'attrapai des sous-vêtements propres et fixai son dos en les enfilant, pour voir s'il se retournait ou pas. J'enfilai un jean et un pull en cachemire.

Il se retourna à ce moment-là et ses yeux ne quittèrent pas mon visage. Il ne dit rien et attrapa des liens dans sa poche.

Mes yeux s'écarquillèrent légèrement et je reculai. Je ne voulais plus de lien. Ça faisait mal. Et je n'avais aucune meute derrière moi pour me soigner.

Ma louve aurait pu, mais c'était de l'énergie inutilement gaspillée.

— Je ne ferais rien. Je... je ne vais pas m'enfuir.

Je ne voulais plus être attachée. Je le suppliai du regard, mais il m'attrapa et me ramena contre lui pour être sûre que je ne fasse rien de stupide.

Je n'étais pas idiote.

C'était une Main et moi, je n'étais rien. Je n'avais même pas la moitié d'une chance. Alors quoi bon lutter ? Ma louve avait beau être puissante, encore une fois, ce serait se battre pour rien.

— Pas les cuisses, s'il te plaît.

Ça faisait trop mal.

Il ne dit rien et commença par mes poignets. Il remit un clip en argent, pour être sûr que je n'essaye pas de les défaire. Il était intelligent. Je ne devais pas être la première personne qu'il séquestrait de cette façon.

Il se baissa et effleura mes cuisses. Mais aucun lien.

Ce n'était pas un monstre. Il était quand même un peu humain. Tant mieux pour moi, non ?

Une fois le lien remis à mes chevilles, la douleur revint, ainsi que la brûlure. Je ne dis rien quand il me souleva encore une fois et qu'il me ramena sur le canapé. Il m'y déposa sans me balancer et sa joue effleura légèrement la mienne.

Mon souffle se bloqua et je pu reprendre une inspiration quand il s'écarta, se redressant.

— Tu veux manger quelque chose ? Demanda-t-il de sa voix sourde.

Je secouai la tête. Je n'avais pas du tout faim. Et même si ça avait été le cas, j'aurais été incapable d'avaler quoi que ce soit.

Il disparut de mon champ de vision sans un mot de plus et je l'entendis s'affairer dans le coin cuisine. Bientôt, une bonne odeur monta.

J'observai avec envie le traité toujours posé sur la table. Même si je l'avais lu au moins une bonne cinquantaine de fois et que je le connaissais par cœur, j'aimais le relire, j'aimais toucher ces vieilles pages marquées par le temps.

Je crois que je finis par m'endormir, car quand j'ouvris les yeux, il commençait à faire nuit.

Deux jours passèrent ainsi.

Il parlait peu et me répondait encore moins. Il lisait beaucoup et à aucun moment son téléphone ne sonna. Le rituel de la douche fut le même. Il me tournait le dos et attendait que j'eu finis avant de me remettre mes liens.

Je ne bougeai pas beaucoup, espérant qu'ainsi, ma peau ne serait pas plus entaillée. Ça brûlait continuellement et c'était douloureux, mais je préférais encore souffrir que de lui dire.

Je lui demandais si je pouvais lire un peu et il se contenta de me donner un de mes livres, sans même me regarder.

Qu'attendait-il ? Des nouvelles de son Alpha ? L'ordre de me tuer ?

Ça faisait presque une semaine que j'étais partie et que Timothy m'avait vu. S'inquiétait-il ? Jahyan Pearson l'avait-il appelé ?

J'aurais pu essayer de lui parler à travers le lien qui m'unissait à lui, mais ne préférait pas. Parce qu'il ne serait pas content.

Le Gardien avait été assez clair avec moi. Alors il n'y aurait aucune surprise de ce côté-là.

Zoran me força à manger et ses regards eurent raison de moi. J'aurais pu lutter, mais il avait compris que je capitulai plus vite quand il entrait dans mon espace personnel. Il n'était pas idiot et était même très observateur. Un peu trop peut-être même.

Ce n'était pas agaçant, juste étonnant. Mais quelque chose me disait que ce trait de sa personnalité devait lui servir en tant que Main.

Alors que nous étions en plein milieu de l'après-midi et que le temps s'était couvert, j'entendis le bruit d'un moteur.

Je levai la tête alors qu'une légère pluie tombait sur les fenêtres.

Zoran referma son livre en silence et sorti dehors sans un mot.

Je me redressai dans le canapé, l'entendant échanger quelques mots avec quelqu'un.

Une voix sourde, grave. Une voix d'homme.

Mon cœur se mit à battre plus vite soudain et Jahyan Pearson lui-même fit son entrée dans la maison.

Il me semblait immense et était tout en muscles. Il portait les cheveux longs, à l'inverse de l'homme qui se tenait légèrement derrière lui.

Le protocole était parfaitement respecté ici.

C'était la première fois que je le rencontrais, la première fois que je le voyais. Et il était à l'image de sa réputation.

Son regard me cloua sur place et je senti la peur me saisir, vicieuse et mauvaise. Il n'était pas venu ici pour faire la conversation, ou du moins, ce ne serait rien d'aussi gentil ou doux.

Il attrapa une chaise et la traîna jusqu'au canapé.

Je ne savais pas où me mettre. Son regard était terrible.

Jahyan Pearson était terrible. Et il m'effrayait. Il me terrorisait même.

Il s'installa à califourchon sur la chaise, sa Main debout dans son dos.

Je ne le connaissais peut-être pas, mais je savais qu'il était en colère.

C'était tellement palpable bon sang !

Je pouvais presque toucher sa colère du bout de la langue.

Et elle m'étouffait.

Ce n'était pas un homme gentil.

Ce n'était pas un homme compréhensif.

Et j'avais le cœur aux bords des lèvres.

N'aurais-je pas du dire quelque chose ? N'importe quoi ? J'en étais bien incapable.

Ma louve remua à l'intérieur de moi, doucement, presque comme si elle s'étirait.

— Je vais être clair avec toi, petite fille. Tu es entrée sur mon territoire sans aucune autorisation et je n'aime pas ça.

Je me doutais qu'il n'aimait pas ça.

Soudain, j'étais incapable de me souvenir pourquoi j'avais fait une telle bêtise.

Qu'est-ce qui m'avait pris ?

Mais qu'est-ce que j'avais fait bon sang ?

— Tu n'as aucun droit d'être ici, quoi que tu penses trouver. Je ne vais pas te demander quel genre d'informations tu as trouvée parce que crois-moi, je n'en ai rien à foutre.

Sa voix était tranchante.

Je n'arrivai pas à me soustraire à son regard.

J'étais paralysée.

Paralysée par la peur.

J'avais trop peur, trop peur pour ne serait-ce que respirer.

Jamais je n'avais eu aussi peur de quelqu'un.

Jamais.

— Mais je vais t'apprendre une chose qui te sera très utile, je n'en doute pas ; ton père ne veux pas de toi. Il n'a pas voulu de toi à ta naissance et il ne veut pas de toi aujourd'hui.

Un sourire terrible étira ses lèvres alors que j'avais envie de vomir, mon cerveau assimilant doucement ce que ce monstre était en train de me dire.

Mes oreilles sifflaient et les larmes étaient aux bords de mes yeux.

Ça faisait mal.

— Il ne veut pas de toi et ne te reconnaitra jamais. Tu es une bâtarde. Rien de plus.

Ses mots furent comme des lames qui s'enfoncèrent dans mon cœur.

Ça faisait tellement mal à l'intérieur de moi.

Ma louve jaillit alors et coula dans mes membres, mais avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit, Jahyan Pearson m'attrapait par la gorge et serrait fort, jusqu'à ce que je sois incapable de respirer. Il amena mon visage tout près du sien.

Trop près.

Les larmes roulèrent sur mes joues :

— Tu vas quitter mon territoire et si tu y remets un seul pied, l'homme que tu vois derrière moi te prendra en chasse. Et à la fin, il ne restera de toi que tes boyaux. Je suis assez clair, dis-moi ?

Son souffle balaya mon visage et il me jeta au sol.

Je ramenai mes jambes contre moi, mes cheveux cachant mon visage alors que la chaise grinçait et que les pas s'éloignaient.

Je me retrouvai toute seule, les larmes dévalant mes joues alors que j'étais incapable de respirer.

Les paroles de Pearson étaient comme du poison dans ma tête.

Sa voix était partout.

Autour de moi.

En moi.

Et ça faisait mal. Tellement mal.

Jamais je n'avais souffert autant. Je voulais mourir.

Pourquoi étais-je venu ?

Pourquoi ?

— Il ne veut pas de toi et ne te reconnaitra jamais. Tu es une bâtarde. Rien de plus.

C'était ça ? J'étais une bâtarde ? Voilà pourquoi j'avais été abandonnée ? Voilà pourquoi on n'avait pas voulu de moi ?

Parce que j'étais une bâtarde ?

Pourquoi... pourquoi est-ce que ça faisait si mal ? Comme si on m'avait arraché le cœur.

Des sanglots déchirèrent ma gorge.

Et je ne les retins pas.

C'était trop douloureux.

Cette vérité était trop douloureuse. Et je n'étais pas sûre de la supporter.

— Il n'a pas voulu de toi à ta naissance et il ne veut pas de toi aujourd'hui.

Était-ce pour cela que Timothy n'avait pas voulu que je cherche et que je découvre la vérité ?

Pour me préserver ?

Pour me préserver de ce que je trouverais ?

J'agrippai mes cheveux, les sanglots secouant mon corps.

Pourquoi étais-je venue ici ?


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