19. Némésis

La meute de Darell Bailey était l'une des plus vieilles des États-Unis.

Lui-même était un très, très vieux loup et certains disaient qu'il avait depuis longtemps passé le cap du premier millénaire. Que ce soit vrai ou faux ne changeait rien ; Darell Bailey était craint et il terrorisait beaucoup de monde.

Sa réputation le précédait. Il n'était pas question de respect quand on parlait de lui.

On ne parlait jamais de lui.

Il était au-dessus de la folie de Keenan Baker. Il était au-dessus de tout ce qui l'entourait.

Les membres de sa meute étaient tous enveloppés d'une aura de mystère, surtout ses hauts gradés. Si vous n'étiez pas le Gardien, alors vous ne saviez pas qui était ses loups.

Moi-même qui étais pourtant venue plus d'une fois n'avait pas rencontré la moitié de ses hauts gradés. Et quelque part, c'était bien mieux ainsi.

On racontait des choses terribles ici et aucun loup sain d'esprit n'aurait voulu venir sur ce territoire. Aucun ne venait s'égarer.

Aucun ne cherchait même à s'approcher.

Darell Bailey était dangereux. Et ses loups l'étaient bien plus encore. Ce n'était pas une chose qu'on racontait pour faire peur, c'était la réalité.

À côté, même la meute de Denver semblait être saine.

Même Keenan semblait être un enfant de choeur comparé à Darell.

Ce n'était pas le genre de loup que Timothy pouvait contrôler.

Le Gardien n'avait aucune emprise sur cette meute. Et quelque chose me disait qu'il n'en aurait jamais.

Darell Bailey était l'exact opposé d'Auxann Brock. Et il fallait être fou pour venir ici de son plein gré. Plus d'une fois, Auxann avait tenté de m'en dissuader. Mais il avait fini par comprendre que même si je mettais ma vie en jeu en venant ici, ça ne me faisait pas reculer pour autant.

Naël était toujours celui qui m'accompagnait.

Il était celui qui savait garder les loups de Darell loin de moi.

Il était celui qui n'avait pas peur de fracasser quelques mâchoires pour faire passer le message. Mais il n'était pas celui qui aurait pu me rassurer. Il n'était pas celui vers qui j'avais envie de me tourner pour qu'il me prenne dans ses bras.

L'homme que je voulais avait son jumeau dans cette meute.

Et cela m'avait totalement retournée.

Wayne Salazar.

Pas son vrai nom, n'est-ce pas ? Naël avait l'un de ses frères ici, alors pourquoi pas Zoran ? Mais même Levi ne ressemblait pas à ce point à Naël. Wayne lui... il aurait réellement pu être le jumeau de Zoran si tant est qu'il soit né des siècles plus tôt.

La puissance, du peu que j'avais pu sentir, était loin d'être la même, mais s'il était le premier Dominant de Darell, ce n'était pas pour rien.

Timothy avait toujours refusé de me dire qui composait la meute de Wilmington et il avait dû demander à Darell que certains de ses hauts gradés ne m'approchent pas puisque ceux-ci n'étaient jamais apparus devant moi. Alors jusqu'à présent, je n'avais eu affaire qu'à Bjorn, la Main psychopathe et animale de Darell, à Levi bien sûr et à Skyler, le sous-lieutenant, mais aussi le petit frère de Darell.

Le reste ; le Second et les trois Dominants, je ne les avais jamais vus, ni de près, ni de loin.

Levi m'avait toujours semblé être le moins fou, même s'il n'était pas franchement tout net non plus. Mais il savait comment se conduire quand j'étais là, quand son grand frère était là.

Naël n'avait pas la notion de la famille. Pour lui, Levi aurait très bien pu être un simple loup que ça n'aurait rien changé. La première fois qu'il m'avait accompagnée ici et que Levi avait joué au con, Naël n'avait pas hésité une seule seconde à le remettre à sa place. Et ça avait marché. Même si c'était dangereux de venir et de rester ici, Levi était le seul avec qui je me sentais le moins en danger.

Pas en sécurité.

On ne se sentait jamais en sécurité quand on venait ici. C'était le cas de le dire.

Même les enfants dans cette meute n'étaient en rien normaux. Ils étaient aussi fous que leurs parents, aussi dangereux et incontrôlables. Ou alors, c'était l'image qu'ils renvoyaient. Je ne jugeai pas. Ne le pouvais pas.

La plupart étaient bien plus vieux que moi. Certains avaient quitté la meute depuis pas mal de siècles, d'autres semblaient trouvés intéressants de rester ici.

Malaki Swayne était l'héritier légitime de Darell puisque ce dernier n'avait jamais, jamais reconnu un seul des bâtards qu'il avait eu.

D'après Maël, Darell avait tué de ses propres mains toutes les filles qu'il avait eues et quant aux garçons... personne ne parlait de où ils étaient ou de ce qu'ils étaient devenus.

Ça semblait convenir à tout le monde.

Même au Gardien. Et c'était bien une des rares choses que je me gardais bien de vouloir savoir. Ainsi, Malaki avait été élevé comme un futur Alpha devait l'être. Je n'avais jamais rencontré le Second de Darell, mais sa compagne, si.

Si aujourd'hui elle portait le nom de son compagnon, avant de devenir Circé Swayne, elle avait été Circé Campbell, une nièce du grand Mareck. J'aurais pu dire qu'elle était bien plus vieille que Dean, mais cela n'aurait servi à rien ; tous les loups de cette meute avaient plus de siècles au compteur que n'importe qui d'autre. Et si elle était considérée comme une des plus puissantes des États-Unis, ce n'était pas pour rien.

Mais c'était aussi la plus dangereuse et il ne fallait pas forcément se retrouver en son sein pour comprendre pourquoi.

La demeure de l'Alpha était un immense manoir qui ressemblait presque à un château. Il était éloigné de la ville et entouré par une vaste forêt. Il n'y avait aucun gadget de surveillance, rien d'autre que des loups qui veillaient et qui tuaient tout ce qui approchait sans autorisation.

Parce qu'ici, c'était comme ça que ça se passait.

Et être un loup de Darell Bailey ne vous protégeait pas de la faucheuse.

Ne vous protégeait pas de Bjorn.

Ici, la faute commise n'entraînait pas de punition. Elle entraînait la mort. C'était aussi simple que cela. Et même Timothy ne pouvait rien faire contre ça.

Personne ne pouvait rien faire contre Darell Bailey. En fait, personne ne voulait s'y essayer. Parce que personne ne voulait avoir Bjorn contre soi. Cet homme... il y avait bien longtemps qu'il n'était plus humain.

Maxence avait dit une fois que l'homme et la bête ne faisaient plus qu'une seule et même entité. Et que cette Main n'avait plus besoin de se transformer pour laisser libre court à sa folie.

En fait, dans cette meute, les humains avaient le comportement de la bête en eux.

L'horreur et la souffrance ; ils ne vivaient que pour ça.

Le sang finissait toujours par couler. Que ce soit pour une raison ou pour une autre.

Le manoir me semblait toujours bien vide quand je venais ici. Je sentais parfois des présences à l'intérieur des murs, mais je ne voyais jamais personne. Aujourd'hui, il semblait être désert. Il régnait ici un silence toujours inquiétant qui rendait même Naël mal à l'aise. C'était comme si le temps lui-même n'avait aucune prise ici. Comme si vous étiez hors de tout.

Et il ne restait que le silence.

Ce silence oppressant et terrifiant.

J'avais l'impression qu'à part Darell, aucun des hauts gradés ne vivait ici. Qu'il ne régnait aucune vie.

Y avait-il seulement des rires d'enfants ?

Y avait-il seulement un peu de bonheur dans cette meute ?

Les compagnes étaient aussi avides de chair et de sang que leurs compagnons. Parfois, je me demandais comment ils faisaient pour ne pas tous se sauter à la gorge. Comment Darell faisait-il pour que sa meute n'implose pas de l'intérieur ?

Comment faisait-il pour contenir la folie des siens ?

Il les laissait faire ce qu'ils voulaient.

Exactement comme Keenan.

Et s'en suivaient de terribles bains de sang.

La meute de Wilmington était un conte d'horreur à elle toute seule... Ce n'était pas le genre d'histoire qu'on racontait aux enfants pour qu'ils s'endorment.

— Tu connais tous les membres qui composent cette meute, toi ? demandai-je à Naël alors que nous nous trouvions dans l'immense salon.

De l'extérieur, on avait l'impression de régresser de quelques siècles, mais à l'intérieur, tout n'était que technologie et plus d'une fois, j'avais essayé d'imaginer Darell assit devant son écran plat, regardant un film.

L'image n'était jamais venue à mon esprit...

Naël était assis et à première vue, il semblait détendu et même un peu ailleurs, mais c'était loin d'être le cas.

Aucun bruit ne lui échappait, il était en mode prédateur tout en conservant une expression très humaine si je pouvais dire ça comme ça.

Il veillait.

Il surveillait.

Et il me faisait penser à Zoran.

— Envie d'avoir encore plus peur, Némésis ? souffla-t-il avec un sourire carnassier.

Je m'avançai vers la baie vitrée qui offrait une vue magnifique sur cette immense forêt qui ne semblait avoir ni début, ni fin.

Les loups de la meute pouvaient courir autant qu'ils le voulaient ici. Je savais que Darell n'avait eu aucun problème quand notre existence avait été révélée.

Il avait géré ça à sa manière.

Et laissé bien trop de cadavres derrière lui. Même les humains craignaient Darell.

Même les Chasseurs n'osaient s'attaquer à cette meute.

Qui sain d'esprit l'aurait voulu de toute façon ?

La folie était un mode de vie ici.

— Je suis sûre qu'Auxann sait. Et s'il le sait, alors toi aussi.

— Parce que c'est moi qui enquête pour lui, c'est ça ?

Parler avec Naël me faisait du bien. Dans un environnement pareil, mieux valait trouver une occupation pour ne pas finir aliéné.

— Dis-toi simplement qu'ici, il n'y a que des fils, des frères ou des sœurs de personnes puissantes et respectées.

Ça, je voulais bien le croire. J'avais toujours cru que la meute d'Élias était celle qui comptait en son sein le plus de loups venant de grandes, très grandes lignées, mais c'était loin d'être le cas au final.

— Enfin quand je dis respecter j'y vais peut-être un peu fort...

J'entendis des pas et me tournai vers la porte qui donnait sur un grand couloir. Trois louves passèrent en courant, nues et gloussantes.

Naël arqua un sourcil alors que Skyler apparaissait, vêtu d'un simple pantalon en lin qui tombait sur ses hanches. De là où j'étais, je pouvais sentir l'odeur de sexe lui coller à la peau et les marques sur son corps n'auraient en aucun cas pu me mettre sur une autre voie.

Skyler ne ressemblait pas vraiment à Darell et d'après ce que je savais, les deux n'avaient pas la même mère, ce qui donnait cette différence physique. Que Darell prenne son petit frère dans sa meute avait soulevé beaucoup de questions, mais il était très vite apparu que les deux avaient la même... folie meurtrière en eux. Chez Skyler cela pouvait parfois être plus subtil que chez l'Alpha de Wilmington. Mais ce n'était pas pour autant que j'aimais me retrouver en compagnie de Skyler.

Ce dernier m'avisa et sourit de plus belle et fit un pas dans la pièce avant de voir Naël. Ses yeux étincelèrent doucement :

— Le chien d'Auxann Brock, encore et toujours. Une Main n'a pas autre chose à faire que du baby-sitting ?

Un lent sourire étira les lèvres de Naël et je sentis sa puissance s'élever peu à peu. C'était impressionnant de voir comment il arrivait à tout doser, à la faire monter, lentement, mais sûrement.

— J'adore venir ici, Sky, tu le sais bien.

— Ah oui ? lâcha Skyler, relâchant sa puissance pour montrer à Naël que s'il voulait jouer à ça, lui aussi.

Mes poils se dressèrent sur mon bras et mon cœur eut un loupé.

Naël ne faisait pas ça d'habitude. Je le sentais sous tension aujourd'hui sans réussir à savoir pourquoi.

Cette petite démonstration ne sembla faire ni chaud ni froid à Naël. Il était comme Zoran.

Tous les deux, ils étaient des prédateurs. Ils avaient été entrainés pour tuer, pour devenir la Faucheuse.

Skyler reporta son attention sur moi :

— Némésis, toujours un réel plaisir de t'avoir dans cette maison.

Il marcha jusqu'à moi et Naël ne bougea pas d'un centimètre. Il observait. Attendant le premier faux pas de l'homme s'approchant de moi.

Skyler était un de ceux qui j'avais pu rencontrer ici qui savait plus ou moins se tenir avec moi. L'intérêt de l'Alpha de cet État à mon égard n'avait échappé à aucun membre de la meute. J'aurais aimé ne pas faire les frais de tout ça, mais je savais que je ne pouvais pas faire grand-chose contre.

— Encore ici pour mon frère ?

Il se pencha, son visage à quelques centimètres du mien. J'entendis clairement Naël soupirer, mais ne détournai pas mon regard de celui de Skyler.

Trop dangereux.

Je ne pouvais pas cacher ma peur quand j'étais ici, mais je pouvais, je devais y faire face. Leur montrer que je n'étais pas une petite chose fragile. Mais si dans les faits, comparée à eux, je l'étais.

Skyler bougea légèrement et sa main se retrouva à hauteur de mon visage.

— Darell adore les petites louves soumises. Tu as déjà écarté les cuisses pour mon frère, Némésis ? Juste pour qu'il te goute avec la bouche, je sais que tu n'es pas à ce point dépravée.

Mon souffle se bloqua dans ma gorge quand je vis sa main se rapprocher. Mais Naël avait déjà bougé. J'entendis son portable vibré, encore, alors qu'il agrippait le poignet de Skyler et qu'il le forçait à reculer.

— Laisse-moi être clair avec toi, mon petit Sky. Je crois que je ne l'ai pas assez été. Premièrement, on ne parle pas comme ça aux dames et encore moins à Némésis. Et on ne la touche pas, jamais. Tu te crois en sécurité ici, mais laisse-moi te dire que plus d'un Alpha débarquerait ici si quoi que ce soit arrivait à cette jeune louve, mais aussi une Main que tu n'as pas du tout, du tout envie de rencontrer.

Mon cœur se serra. Il parlait de... Zoran n'est-ce pas ?

Il était parti. Alors, Naël disait simplement ça pour faire un peu plus peur à Skyler. C'était ça. Bien sûr que c'était ça.

— Deuxièmement, ne joue pas au con parce que tu me donnerais alors une putain de bonne raison de laisser mon mauvais côté ressortir. Tu vois cette connerie de côté obscur ? Et bien tu n'as pas envie de voir le mien. Et je n'ai pas envie d'effrayer Némésis au point qu'elle demande à mon Alpha de ne plus m'envoyer. Alors maintenant, retourne donc baiser et ne me casse pas les couilles, je suis assez clair pour toi, petit ?

Je ne savais pas c'était quoi le pire. Le fait que Naël avait dit tout ça sur le ton de la conversation ou l'expression totalement impassible qu'il arborait.

Il ne me faisait pas peur en cet instant, mais je savais qu'il ne dépendait que de Skyler pour que cela change.

Sur le visage de ce dernier, il était aussi impossible de lire quoi que ce soit. Ses yeux brillaient prouvant que son loup n'était pas très loin de la surface, mais je savais qu'il n'essaierait pas de jouer au plus malin avec Naël.

Il était peut-être la seule Main qui partait rarement en chasse, mais sa réputation restait l'une des plus sanglantes.

Et étrangement, comme Zoran, Naël avait toute ma confiance. J'étais entourée de tueurs et... ça ne me dérangeait pas au final. Alors quelque part est-ce que je n'étais pas un tout petit peu... folle ?

Naël relâcha Skyler et recula d'un pas, rapprochant son dos de mon corps. Si Skyler faisait un seul pas dans notre direction alors Naël bougerait.

Et il y aurait du sang.

Après des minutes qui me semblèrent presque être des heures, Skyler leva ses deux mains en l'air en reculant légèrement. Il ne pouvait pas faire autrement que de se soumettre face à Naël.

— Il est donc intelligent notre petit Skyler, résonna la voix de Bjorn.

Les épaules de Naël se crispèrent quand je crus que mon cœur allait cesser de battre en voyant entrer Bjorn, mais plus encore, Wayne.

Pourquoi fallait-il que le petit frère soit le portrait craché du grand frère ? Le regard de Wayne croisa le mien et il sourit, penchant légèrement la tête.

Il y avait quelque chose dans son regard... c'était présent chez tous les membres de cette meute.

La folie.

La frénésie qui couvait.

Ici, il n'était pas question de dissocier l'homme et la bête.

Skyler ne répondit rien à Bjorn, se contentant de s'écarter pour le laisser passer et s'arrêter devant Naël.

Bjorn était le cauchemar de n'importe qui. C'était un monstre qui ne vivait que pour une seule chose ; tuer. Il disait souvent qu'il était sur terre parce que Lucifer en personne l'avait envoyé. Mais si on partait du principe que Lucifer était Darell, alors tout s'expliquait.

— Tu es toute pâle, Némésis, souffla Bjorn. Est-ce parce que tu manques de compagnie ?

Sa voix était une lame.

Sa voix était l'Enfer.

Un monstre.

— Je proposerais bien de passer du temps en ta compagnie, petite louve, mais la seule chose que je veux de toi, c'est ton sang. Et ta vie.

J'étais incapable de bouger ou même de respirer. Un lent sourire étira les lèvres de Wayne. Naël inspira et soupira :

— Tu as une trop grande gueule, Bjorn. Tu sais que c'est un putain de fantasme de détraqué et que ça n'arrivera pas.

— Un jour je la baiserais tout en la vidant de son sang. Rien que d'y penser, j'ai la queue dure.

L'air dans la pièce se fit soudain plus compact.

C'était presque comme si on pouvait le toucher. Quelque chose grimpa le long de mes jambes et me cloua au sol, me rendant incapable de bouger. Je regardais l'Alpha de Wilmington entrer dans la pièce, sa puissance dégoulinant de lui prenant possession de tout ce qui l'entourait.

— N'effraie pas nos hôtes, Bjorn. Je serais mécontent que Némésis ne veuille plus venir me voir à cause de toi.

Darell Bailey était le genre d'homme qui ne passait pas inaperçu. Il était immense, un vrai colosse et s'il était bel homme, le froid dans ses yeux dissuadait tout le monde de le regarder.

Il n'imposait pas le respect.

Il imposait une terreur sourde et viscérale.

Une fois, Maël avait dit que Bjorn était la bête de Darell, le Léviathan et que Darell était le contraire de la lumière.

Il évoluait dans une obscurité perpétuelle ou la folie régnait. Son loup était frénétique. Son humain était frénétique. Il ne fallait pas chercher plus loin.

— Darell à lui tout seul équilibre la balance du Bien et du Mal, Némésis. Il est le Mal. Celui que tu n'as pas envie de côtoyer de peur de sombrer avec.

Bjorn sourit de toutes ses dents alors que Darell passait à côté de Wayne et Skyler sans leur prêter aucune attention.

Dans cette meute, il n'était pas réellement question de respect. J'avais fini par le comprendre.

— Bien sûr, Alpha.

Bjorn se décala légèrement et Naël fit de même, se mettant tout de même à ma hauteur alors que Darell venait.

Sa puissance était toujours sur ma peau et ça me brûlait. Ce n'était pas comme quand c'était l'énergie de Zoran. Ça n'avait même rien à voir.

Je sentais le regard des trois autres loups. Fixé sur moi ou sur Darell, ça n'avait pas vraiment d'importance.

Au fond de moi, ma louve ne bougeait pas. D'habitude, elle était sur une corde raide quand nous étions ici et elle surveillait tout. Surtout Darell. J'avais peut-être Naël à côté de moi, mais je me sentais terriblement seule.

Et vulnérable. Et être ainsi devant Darell Bailey n'était pas bon. Pas bon du tout. Mais je n'arrivais pas à reprendre pieds. J'étais dans un brouillard si épais que j'étais en train de me perdre.

Il n'y aurait aucune main pour m'amener loin de tout ça.

Il n'y avait plus Zoran.

Alors que Darell s'arrêtait devant moi, je lui offris ma nuque en signe de respect et de reconnaissance. Naël n'en fit rien. De toute façon, Darell lui prêtait rarement attention.

— J'aurais été surpris de trouver Zoran Swanson à tes côtés aujourd'hui, dit Darell, sa bouche s'éloignant de ma nuque.

Ma louve ne bougeait pas alors qu'il était trop près. Beaucoup, beaucoup trop près même. Mon corps se tendit alors que je me redressai doucement.

Sa puissance était là ; rampant, courant sur moi. Voulant me posséder. La puissance d'un très, très vieux loup.

D'un Alpha.

— Les vieux loups consument et s'en vont. C'est ainsi que ça a toujours marché.

— Et quand il y a des rejetons, on voit ce qu'on en fait, ajouta Skyler avec un rire mauvais.

C'est ce qu'ils pensaient ici ? Que Zoran m'avait pris ma virginité, avec tiré son coup et était parti ? Je n'arrivais même pas à savoir si cette idée me choquait, m'affligeait ou... me laissait de marbre.

Mieux valait ne pas relever. Je n'étais pas ici pour ça.

— Certains auraient mieux fait d'être tués à la naissance, lâcha Bjorn en jetant un coup d'œil à Skyler qui se contenta de hausser les épaules.

— Le monde a besoin de fous. Et je crois qu'on trouve les meilleurs ici.

— Ou les pires, grommela Naël.

Bjorn lui jeta un coup d'œil :

— Tu te serais amusé ici, Naël et tu le sais aussi bien que moi. La vie n'est qu'une grande chasse après tout. Auxann t'a coupé les couilles en même temps qu'il t'a privé de tout ça dit-moi ?

Darell sourit en penchant légèrement la tête. Je sursautai quand je sentis sa main sur ma nuque et écarquillai légèrement les yeux.

— Ne laisse personne d'autre toucher ta nuque...

Je relevai mon regard sur Darell et vis une étrange lueur dans son regard. Il sourit un peu plus, mais cette fois, c'était légèrement différent.

Mon ventre se noua d'une douloureuse façon.

Je ne l'avais jamais laissé me toucher de cette façon et même si ce n'était pas grand-chose, c'était déjà bien trop. J'avais l'impression... j'avais l'impression d'avoir laissé la porte ouverte pour que le monstre entre.

— Cesse donc de m'asticoter, Bjorn chéri sinon je serais forcé de m'énerver et tu n'as pas envie de me voir en colère, je me trompe.

Le regard de Darell était trop intense.

Je ne comprenais pas forcément pourquoi les vieux loups étaient attirés par les plus jeunes. Que trouvaient-ils en nous ? Que... voulaient-ils ?

— Bjorn, dit Darell.

Sa Main se redressa légèrement et pencha imperceptiblement la tête, preuve que Darell devait communiquer à travers la toile. Un immense sourire fendit le visage du psychopathe et il nous tourna le dos sans attendre :

— On dégage, grogna-t-il à l'intention de Wayne et Skyler.

Une nouvelle fois, mon regard rencontra celui de Wayne. Il me souffla un baiser avant de disparaitre avec les deux autres.

Darell s'écarta de moi et marcha jusqu'au canapé où il s'installa.

Naël ne bougea pas, son portable vibrant une nouvelle fois dans sa poche. Quelqu'un avait vraiment envie qu'il réponde, ce qu'il ne semblait pas vouloir faire du reste.

— Tu as des demandes je crois, Némésis.

J'inspirai une grande gorgée d'air, essayant de reprendre le dessus sur... cette espèce de léthargie qui me gagnait.

Plus les jours passaient, plus Zoran s'éloignait et plus j'avais l'impression de sombrer.

Une chute en Enfer.

Une chute dans l'obscurité.

— Oui, réussis-je à dire sans que ma voix ne tremble.

Darell sourit et me fit signe de venir m'assoir en face de lui. Je frôlai Naël et allai m'assoir alors que la Main se positionnait derrière moi. Darell leva les yeux vers lui :

— Naël Cain, Main d'Auxann Brock... Ton Alpha aurait-il de quelconques prétentions envers Némésis pour qu'il t'envoie la veiller de la sorte ?

Je crois que c'était la deuxième fois que Darell s'adressait à Naël.

— Ou peut-être est-ce toi qui aimerais consommer cette jeune louve.

Des prétentions.

Consommer.

Tout ça pour parler de sexe.

— J'ai beaucoup de meutes à visiter encore, Darell alors j'aimerais vraiment que tout cela aille vite, dis-je avant que Naël ne réponde.

L'Alpha reporta son attention sur moi et croisa ses jambes.

— Bien sûr, Némésis. Bien sûr.

Comme à tous les autres, je lui parlais de la demande de Yahto. Darell écouta, je ne sais pas s'il fut vraiment attentif, mais à aucun moment il ne parla. M'apprêtant à ouvrir mon sac, j'hésitai.

Lui donner une lettre me ferait forcément revenir ici.

En avais-je vraiment envie ? Je n'en étais pas sûre. Mais quelque chose me disait qu'avec ou sans cette lettre, Darell trouverait forcément un moyen de me faire venir ici si c'était ce qu'il voulait.

Autant jouer cartes sur table avec le Diable, non ?

Je lui tendis la lettre, mais il ne l'ouvrit pas. Il savait très bien ce que c'était.

Fou ne voulait pas dire idiot, bien au contraire.

— Je suis sûr de te voir revenir ici, Némésis.

Darell se leva et une fois encore, je sentis son pouvoir courir sur ma peau.

— Zoran a ouvert une porte qu'il serait idiot d'ignorer, tu ne crois pas, Némésis ?

Son regard me cloua sur place. J'avais la bouche sèche et j'étais... terrorisée. Bon sang... Ma louve avait toujours été là pour m'influer un peu de courage et de volonté, mais là... j'étais exposée.

Terriblement exposée.

Zoran... où était Zoran ?

— J'ai quelque chose à régler, dit Darell avant de quitter la pièce.

J'attendis de ne plus entendre ses pas pour me laisser aller contre le dossier. La main de Naël se retrouva sur mon épaule et ses doigts y exercèrent une légère pression qui se voulait rassurante.

— Je ne comprendrais jamais ce qui te pousse à venir ici, Isis, souffla-t-il.

— Je dois être folle, moi aussi.

Naël rit avant de venir s'assoir à côté de moi. Il m'attira contre lui et voyant que je ne le repoussais pas, donna un léger coup sur le bout de mon nez :

— Tu vis quasiment toute l'année avec Heaven et Maxence, il y a de quoi être fou, non ?

Clairement. Il n'avait pas tort. Mais Darell et sa meute étaient un peu au-dessus de tout ça. Une catégorie à part presque.

J'essayai de me laisser aller dans les bras de Naël, mais ce n'était pas de lui dont j'avais besoin.

Nous restâmes ainsi un certain moment avant que Darell ne revienne.

— Némésis, dit-il simplement et je compris qu'il attendait que je le suive.

Naël se leva, mais le regard que Darell posa sur lui était assez clair :

— Reste ici, Main.

Je posai une main sur le bras de Naël et hochai la tête ; ce n'était pas la première fois que Darell demandait à me voir seule après tout.

Le téléphone de Naël vibra à ce moment-là et il grommela quelque chose comme « espèce d'handicapé de la vie », mais je n'en étais pas franchement sûre. Je suivis Darell en dehors du salon et il ouvrit une porte non loin qui donnait sur une grande pièce qui ressemblait à un bureau sans en être vraiment un. L'Alpha referma la porte derrière lui et les poils de ma nuque s'hérissèrent en sentant son regard sur moi.

Je me retournai et vis qu'il s'était approché suffisamment pour empiéter dans mon espace personnel.

Je perçus le bruit d'une voiture dehors qui partait. Naël ?

— Il se passe quelque chose ? demandai-je, mal à l'aise.

J'avais envie de secouer ma louve, mais elle m'en voulait. Suffisamment pour me laisser entre les griffes de Darell.

— Il se passe toujours quelque chose, Némésis. Bien plus encore quand tu es ici.

Sa puissance.

Son contrôle sur moi.

Il était là, juste devant moi. Il bougeait vite. Trop vite.

Son pouce effleura mon menton et remonta jusque ma lèvre qu'il caressa doucement. Il me faisait quelque chose.

Quelque chose qui me prenait ma raison et ma volonté. S'il m'en restait n'en serait-ce qu'un peu...

C'était forcément ça. Zoran, en partant, n'avait pas pu me prendre autant de choses. Il n'avait pas compté à ce point... n'est-ce pas ?

Je réussis à me reculer suffisamment pour rompre tout contact avec l'homme devant moi. Il se passait quelque chose. Je le sentais. Je le ressentais.

— Qu'est-ce qui se passe, Darell ?

Il sourit. Un sourire mauvais, méchant. Un sourire qui me glaça complètement à l'intérieur.

— Tu vas rester un petit moment ici, Némésis.

Pas une demande.

Pas une constatation.

Un ordre.

Un fait établi.

Rester... ici ?

— Le temps pour vous de répertorier les Mains, oui, répondis-je, le cœur aux bords des lèvres.

— Allons Némésis, tu n'es pas si idiote que ça.

Non, je ne l'étais pas. Mais je ne pouvais juste pas croire que Darell voulait que je reste ici.

— Ce n'est pas possible, soufflai-je.

Darell me tourna le dos et je le regardai retourner vers la porte. Il l'ouvrit et se tourna pour me faire de nouveau face :

— Je suis l'Alpha de cet État, tout est possible pour moi.

Je secouai la tête, la panique montant petit à petit.

— Vous ne pouvez pas faire ça. Naël est là. Je... je suis une envoyée du Gardien, ce n'est...

— Personne n'osera se lever contre moi. Pas même le Gardien. Tu es peut-être précieuse aux yeux de beaucoup, Némésis, mais ces mêmes personnes me craignent. Je te veux. Je t'ai. C'est aussi simple que cela, tu ne crois pas ?

Et il referma la porte. J'entendis le verrou et ses pas s'éloigner en même temps que des voitures se garer devant.

J'étais dans la cage aux lions.

Je tournai sur moi-même, mon regard se posant sur la fenêtre.

Il était hors de question que je reste ici.

Il y avait le temps pour la diplomatie et le temps pour l'action.

Darell avait perdu la tête. Je devais tout faire pour que cela ne tombe pas aux oreilles d'autres Alphas. De Timothy.

Je devais retourner vers Naël. Il était le seul capable de nous faire quitter le territoire en sécurité.

Je m'avançai vers la fenêtre et l'ouvris. Quelqu'un allait-il me retenir de partir ? Allais-je seulement tomber sur quelqu'un ? Et... le voulais-je ?

Darell, c'était une chose, mais... sa meute ?

Il fallait que je parte maintenant. J'allais enjamber la fenêtre quand la porte s'ouvrit une nouvelle fois, me faisant sursauter.

Wayne m'avisa et sourit de toutes ses dents :

— Ce n'est pas très intelligent ça, Némésis, dit-il de sa voix trainante.

Il ressemblait à Zoran. Mais il n'était pas comme lui, pas du tout. Il traversa la pièce et se retrouva vers moi, ses doigts agrippant mes poignets.

Ma louve remua au creux de mon ventre.

Il n'était pas Zoran.

— Et si on allait faire un tour toi et moi ? proposa-t-il.

Je secouai la tête :

— Je... préfère attendre Naël ici.

Si tant est qu'il puisse revenir.

— Aller chérie, les autres ont très envie de te voir. Étant donné que tu vas passer pas mal de temps ici, autant te familiariser avec tout le monde.

— Je ne veux pas, crachai-je en me dégageant.

Wayne pencha légèrement la tête et soupira :

— Mon frère aime donc les louves qui disent non ?

— Tu ne sais rien de Zoran, alors ne parle pas, répliquai-je, mauvaise.

— La louve solitaire est amoureuse, hein ?

Wayne éclata de rire avant de fondre sur moi. Mon dos heurta violemment le mur et sa bouche écrasa la mienne. Mon coup de genou le fit grogner, mais son corps continua de peser contre le mien.

Je crus que j'allais vomir. Ma louve coula alors dans mes membres et réussit à le repousser sans mal après que je l'eu mordu.

Les yeux du mâle devant moi étincelèrent alors qu'il essuyait le sang de sa lèvre avec le revers de sa main.

— Va te faire foutre, grognai-je, tremblante de colère.

Un rire féminin éclata dans la pièce et mon regard se porta au niveau de la porte. Il y avait trois personnes dont la femme qui semblait se pisser dessus de rire.

Elle était belle. Mais d'une beauté dangereuse. Et son visage me rappela presque instantanément quelqu'un.

Quinn, l'Eros de Nathaniel. Indéniablement cette femme était de la même famille.

— Notre petit Wayne s'est fait repousser. Tu t'y prends mal, mon beau, se moqua-t-elle.

— Ferme ta gueule Raynia, rétorqua Wayne.

Raynia. Comme dans Raynia Dixon, l'aînée de la fratrie ?

Skyler siffla alors que l'autre homme semblait se foutre complètement de ce qui se passait ici. Une aura meurtrière et puissante se dégageait de lui. C'était presque palpable.

— C'est le jouet de Darell, dit Skyler, tu devrais faire attention.

Je devais partir d'ici. Maintenant. C'était trop... mon dieu... ils étaient tous fous. Skyler me fit un clin d'œil :

— Laisse-moi donc faire les présentations, Némésis. Voici Raynia Chavez, la deuxième Dominante de la meute. Ne me demande pas pourquoi elle a gardé le nom de son compagnon mort, mais elle doit trouver une espèce de réconfort là-dedans.

Une lame brilla et passa à quelques centimètres du visage de Skyler qui ne broncha pas.

— Fais attention aux mots qui sortent de ta bouche, Sky, ronronna Raynia.

— Tu l'aimes ma bouche, chérie, on le sait tous les deux.

Skyler éclata de rire quand Raynia alla chercher la lame qui s'était fichée dans le mur.

— Et là, c'est Zeeshan Harendra. Un des rejetons d'Asil Harendra.

Le regard de Zeeshan se porta sur moi.

Froid, mort. C'était comme si je regardais des yeux vidés de toute vie, de toute âme. Pourtant, Asil, de bien des façons m'avait toujours semblé être l'un des plus normaux de la lignée. Il fallait croire que ses enfants n'étaient pas vraiment comme lui...

— C'est donc ça que notre Alpha veut baiser ? Il va la casser en deux, rit Raynia.

— Elle s'est tapé Zoran Swanson et elle a survécu, non ? rétorqua Skyler.

Wayne grogna quelque chose alors que Raynia allait s'assoir sur le bureau qui se trouvait non loin d'elle.

— C'est un bon coup ? Il est bien monté dis-moi ? me demanda-t-elle en me regardant.

J'étais incapable de parler. Il se dégageait d'eux une telle aura de mort et d'horreur. C'était... étouffant.

Je peinais à respirer. Je peinais à tenir debout.

Raynia secoua alors la tête et une vive brûlure s'étendit le long de ma joue alors que la lame que la louve venait de lancer entaillait ma joue.

Je sentis un mince filet de sang couler.

— Je t'ai posé une question, la petite putain de Main.

Le souffle de Wayne sur ma joue. Sa langue léchant le sang. J'ouvris la bouche, mon cœur prêt à sortir de ma cage thoracique.

Zeeshan quitta la pièce sans même un regard et emporta sa puissance malsaine avec lui.

— Bjorn ne va pas être content, Wayne. Il voulait être le premier à goûter le sang de Némésis, dit Skyler avec un long soupir lourd de sens.

Timothy.

L'appel m'échappa presque. Il fallait que je parte d'ici. Il fallait... il fallait que je...

Wayne frotta son nez le long de ma gorge. J'étais incapable de bouger. Incapable de quoi que ce soit.

Je... je devais...

— Elle est terrorisée, regardez là.

Avant de comprendre ce qui m'arrivait, je perdis connaissance et le sol se précipita à ma rencontre...

Quand je repris pieds dans la réalité, j'étais allongée sur un canapé, un coussin sous ma tête. J'entendis des voix et l'ombre au-dessus de moi disparut. Je papillonnai des cils un moment.

— Elle se réveille, dit une voix calme et posée.

Je tournai la tête pour voir Darell et un autre homme. Ce dernier tourna la tête vers moi et ses yeux me rappelèrent ceux d'Anoki.

Il quitta la pièce alors que je me redressai, me demandant si tout ce qui était arrivé n'était qu'un rêve.

Darell s'avança et poussa le plateau rempli de nourriture sur la table vers moi.

— Mange, dit-il.

Mon ventre grogna à cette vue, mais je savais d'avance que je serais incapable d'avaler quoi que ce soit.

Naël n'était pas là. Et si Naël n'était pas là, cela ne voulait dire qu'une seule chose ; que tout cela n'avait pas été un rêve, mais bien la réalité.

Je me levai et contournai le canapé pour mettre le plus de distance entre Darell et moi. Nous n'étions pas dans le salon ; nous étions dans une chambre. Il faisait encore jour, preuve que j'avais perdu connaissance que quelques minutes. La baie vitrée était ouverte et donnait sur un grand balcon.

— Je suis restée longtemps assoupie ? demandai-je.

— Presque une heure.

J'inspirai. Naël aurait dû être là. Avec moi.

— Qu'est-ce que vous avez fait ? demandai-je dans un souffle.

— J'ai fait fermer les frontières. Naël et son ami ne peuvent plus passer. S'ils essaient, Bjorn à pour ordre de les tuer, répondit simplement Darell.

Naël et... son ami ? De... de qui parlait Darell ?

Je ne devais pas penser à cela. Ce n'était pas le moment. Il avait fait fermer les frontières ? Un Alpha ne faisait jamais ça sans une bonne raison. Quelle était celle de Darell ?

— Je ne peux pas rester ici, Darell. Vous ne pouvez pas me retenir ici.

— Ah non ?

Il sourit et plus rapide que je ne le serais jamais, se retrouva à côté de moi. Sa puissance rampa le long de mon corps et me coupa le souffle.

Toutes pensées me quittèrent et c'est comme si mon esprit était vide.

T... Timothy...

Ma louve remua, mais le pouvoir de Darell la tint sous son contrôle. Il attrapa mes hanches et me colla à lui, me forçant à relever la tête pour le voir.

Je n'arrivai plus à penser.

Je n'arrivai plus à réfléchir.

Darell pencha son visage et m'embrassa.

J'aurais dû le repousser. J'aurais dû l'en empêcher, mais... je... je n'y arrivais pas. Je ne... pouvais rien faire. J'étais... sous son contrôle.

Ce... ça ne devait pas... non... Zo...

Ses mains passèrent sous mon débardeur et l'une d'elles recouvrit mon sein par-dessus mon soutien-gorge. Les larmes me montèrent aux yeux. Il... il n'allait pas...

Zoran... pourquoi Zoran n'était pas là ? Pourquoi est-ce qu'il était parti ? Pourquoi est-ce que je n'avais pas pu me contenter de ce que nous avions ?

Zoran.

La langue de Darell dans ma bouche.

Non. Non. Non !

La douleur piqua mon épine dorsale alors que ma louve donnait de terribles coups de griffes. Personne ne l'étoufferait plus jamais.

Personne. Et encore moins un Alpha taré et psychopathe.

Elle poussa si fort que je crus qu'elle allait écarteler mon esprit, mais elle réussit à repousser Darell, à le repousser et à le faire reculer.

Elle garda le contrôle, comprenant que si elle ne le faisait pas, je m'effondrerais.

Darell sourit :

— Débats-toi autant que tu le veux, louve, je finirais quand même par me perdre en toi.

Il fondit sur elle et la plaqua au sol, lui arrachant son haut. Elle hurla et les griffes jaillirent. Du sang gicla, mais Darell était trop fort. Trop puissant pour nous.

— J'aime quand les femmes se débattent, alors continue.

La volonté de ma louve vacilla en même temps qu'une ombre cachait l'éclat du soleil. Elle tourna la tête et notre cœur cessa de battre.

— Lâche là, gronda une voix qui n'avait rien d'humain.

Il... il était... Zoran, il était...

— Passe ton chemin, Main, gronda Darell en regardant Zoran.

Il était couvert de sang et son apparence était étrange. Entre l'homme et la bête. La puissance qui se dégageait de lui était tout simplement horrible.

Avant que je comprenne, Zoran bougea et tout se perdit.

Tout se confondit.

Il y eut du sang. Des grognements. Et de la douleur. Bientôt, Darell roula au sol et il ne se releva pas. Zoran marcha lentement sur lui et je sus. Je sus que si je ne faisais rien, il allait le tuer.

Cela suffit à nous faire nous relever, ma louve et moi et je traversai la pièce avant que Zoran, ou son loup, je n'en savais rien, n'aie atteint l'Alpha. Mes bras s'enroulèrent autour de son ventre et il se figea. Je pouvais sentir l'odeur de mort qui lui collait à la peau. Et celle du sang.

Je tremblai. J'avais peur, mais je savais qu'il avait besoin de moi pour revenir. Pour quitter la frénésie qui l'habitait.

Il avait besoin de moi.

— Tout va bien, dis-je, ne sachant pas vraiment où je trouvais la force pour parler. Tout va bien, Zoran.

J'ignorai si je lui parlais à lui où à la bête en lui. J'appuyai mon front contre sa peau. J'avais besoin de le sentir. De le toucher.

— Il n'en vaut pas la peine, d'accord ? Il...

— T'a touché.

Sa voix n'était ni humaine, ni animale. Il était au bord du précipice. Si je le lâchais, il deviendrait le monstre.

Les larmes coulèrent le long de mes joues.

— J'ai besoin de toi, Zoran. Je... je t'aime. Je t'aime.

Je ne voulais pas qu'il sombre. Je ne voulais pas qu'il m'échappe. Jamais.

— S'il te plait. S'il te plait... Zoran...

La porte claqua et deux des trois Dominants entrèrent avec Levi et Skyler. Ils avisèrent la scène et je les vis prêts à attaquer, mais une voix les arrêta.

C'était l'homme de tout à l'heure. Celui avec les yeux d'Anoki. Et si le Lieutenant de la meute et les autres ne bougèrent pas, c'est qu'il ne pouvait être qu'une seule chose ; le Second.

Le corps de Zoran se crispa. Il voulut faire un pas, mais je le serrai plus fort.

— S'il te plait... Zoran... Zoran...

Un souffle balaya la pièce et je n'eus pas besoin de me retourner pour savoir que Timothy était arrivé. Et pas seul.

Alice était là, mais aussi Curtis Alhem, la Main de Dean Campbell. Rien ne fut dit pendant presque dix secondes.

Et puis Timothy parla, mais mon attention entière était tournée sur Zoran.

Je m'agrippai à lui. Ne pouvait pas le lâcher. Ne le voulais pas.

Il avait besoin de moi.

Et j'avais terriblement besoin de lui.

Alors, il était hors de question que je le laisse sombrer.

Jamais.

Parce qu'il était à moi.

Parce que je l'aimais.

Parce que je l'aimais.

— S'il te plaît. S'il te plaît...

Et je retins mon souffle. Parce que maintenant, tout dépendait de lui. Tout reposait sur lui.

Tout.

Comme au ralenti, comme si le temps avait suspendu sa course pour nous, je sentis ses mains recouvrirent les miennes.

Il était là. 

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