17. Zoran

Une bouche courrait le long de mon dos. Les draps étaient froissés sur le haut de mes cuisses. J'avais eu bien trop chaud cette nuit pour seulement penser à me couvrir. Je frémis quand des dents se refermèrent sur ma hanche, légèrement.

Une trace humide.

Je grognai la tête dans l'oreiller. Des mains sur mes côtes, un corps chaud contre le mien qui glissait, remontait. Mon sexe se durcit. Je gémis quand les dents d'Isis se refermèrent sur mon épaule, doucement puis durement. Tout mon corps sursauta.

Un léger rire.

Je voulus bouger, mais Isis glissa ses mains le long de mes bras, se refermant sur mes poignets. Je pouvais toujours la renverser, mais je voulais voir ce qu'elle faisait. Elle glissa ses lèvres contre mon oreille, mordillant mon lobe.

_ Bon sang, gémis-je quand mon sexe tressaillit.

Un souffle. Contre mon cou.

_ Si tu continues comme ça..., grognai-je.

Encore son rire. Que j'aimais tellement. Que je savais être le seul à entendre.

_ Oui ? Souffla-t-elle.

Elle roula doucement des hanches, pressant son sexe contre mes fesses. Je me crispai un peu plus.

_ Tu vas devoir finir ce que tu as commencé, grondai-je.

_ C'est un ordre ? murmura-t-elle d'une voix rauque contre mon oreille.

Elle couina quand soudain, je basculai. J'allais me presser contre elle quand je vis qu'elle était habillée. Je fronçai les sourcils et elle s'assit avec moi, frôlant mon torse de ses doigts. Elle baissa son regard sur mon sexe dressé et se mordit la lèvre. Sa main se tendit, mais je l'arrêtai.

_ Tu étais déjà debout ? soufflai-je.

Mon loup remua. Nous n'avions rien entendu. Je me figeai, conscient que c'était quelque chose qui ne m'était jamais arrivé de toute ma vie.

De toute ma longue vie.

Je n'avais jamais dormit profondément.

La tension sexuelle entre nous s'évanouit alors que mon corps se crispait de nouveau, mais pas de la bonne façon. Isis fronça ses sourcils. Elle s'agenouilla, posant une main sur ma joue.

_ Zoran, tout va bien ? murmura-t-elle.

J'avais cessé de respirer.

Je crois.

Comment cela avait-il pu arriver ?

_ Tu as mal quelque part ? s'inquiéta Isis soudainement, frôlant mon corps de ses mains.

J'attrapai ses poignets, tendrement. Elle se figea à son tour.

_ Je..., soufflai-je.

Pourquoi lui avouerais-je ça ? Je ne pouvais pas. C'est comme lui avouer que j'étais faible face à elle. Que je ne la protégeais pas bien. Si quelqu'un était arrivé ? Si quelqu'un avait voulu nous blesser ? Mon loup me fit remarquer que nous étions en territoire ami, mais cela me laissa froid.

Je n'avais pas été prudent. Encore une fois.

Je retins une grimace et préférai prendre Isis dans mes bras pour qu'elle ne voie pas trop mon trouble. Elle caressa doucement mon dos. Je repris ma respiration, tentant de repousser les pensées malheureuses qui montaient.

La quitter ? Bon sang... ça me paraissait impossible à présent.

_ Timothy est là, souffla Isis. Il aimerait te remercier.

Je la reculai légèrement, haussant un sourcil.

_ Ah oui ? souriais-je pour éliminer toute trace de doute dans ses yeux.

Elle hocha la tête, les lèvres légèrement pincées.

_ Je vais aller le saluer, dis-je en descendant du lit.

Isis retint mon poignet. Son regard croisa le mien.

Un ange passa.

Un ange qui aurait pu murmurer des mots à notre place.

Des mots que je savais qu'ils étaient à présent trop vrais pour être prononcer à la légère.

Je souris, lui volai un baiser et allai attraper un jean. Elle m'attendit, assise sur le lit, observant mes gestes. J'avais conscience d'une façon toute particulière de son regard. Alors que je cherchai un t-shirt, elle vint se presser contre mon dos, ses deux mains sur mon ventre, sa joue pressée contre mon dos.

Je déglutis difficilement. Ne plus l'avoir auprès de moi ?

Ne plus la sentir ?

Ne plus savoir qu'elle n'était qu'à moi ?

Je retins un frisson et pivotai dans sa prise. Je frôlai sa joue de mes doigts.

_ Triste de partir ? soufflai-je, détournant volontairement l'attention.

Elle fit la moue et hocha la tête. Je lui donnai un long baiser qui la fit gémir alors que je me redressai, le souffle court. Elle me relâcha, me laissant m'habiller.

On descendit en bas tous les deux et j'allais saluer le Gardien. Celui-ci m'offrit sa nuque avant que je ne lui offre la mienne et je le remerciai de sa confiance en déposant un léger baiser dessus. Alors qu'on s'installait à la table en compagnie seulement d'Aby et de Tamara. Les autres devaient encore récupérés de hier soir. Je récupérais seulement de la nuit de sexe débridé qu'on avait eu avec Isis. Alors qu'Aby discutait de Nana, son aînée.

D'ailleurs en bougeant légèrement, je sentis une douleur diffuse dans l'épaule. J'y passai ma main et me figeai, sentant la marque des dents d'Isis. J'échangeai un regard avec elle et elle vit ma main sur mon épaule. Elle rougit et se mordit la lèvre.

Moi, ce fut plus un sourire lascif et heureux qui traversa mon visage.

Je me concentrai de nouveau sur la conversation, mon loup heureux de porter ce genre de marque venant d'Isis. Il n'avait laissé aucune femme le marqué de cette façon et il aimait assez ça.

Et c'est ce qui me commençait à me faire peur. S'il passait ça, que passerait-il d'autres ?

La journée fut lente et longue. On marchait tous au ralentit. Timothy repartit car il avait du travail. Son regard sur moi se fit songeur quand il nous salua. Je ne relevai pas, ne comprenant pas forcément pourquoi j'avais droit à ce regard. Isis le raccompagna jusqu'à sa voiture et il repartit.

Ce fut une dernière journée bien calme et certaines personnes passèrent nous faire leur au revoir. Isis parut triste de partir, mais elle était aussi déterminée et nous allions devoir l'être pour les prochaines meutes... Ce n'était pas les plus faciles que nous allions avoir.

La prochaine étant celle de Sirius Buchanan. Sirius était une sorte de cousin pour Titus Roy. Alors que Sirius était l'Alpha d'État du Mississippi, Titus était celui de l'État l'Alabama. Si Sirius avait le sens de la courtoisie, son cousin ne l'avait pas du tout et pour cause, il devait avoir la meute la moins des États-Unis. Il faisait payer à ses loups un impôt pour sa protection, dans le cas contraire : les loups se faisaient attaquer par d'autres meutes des alentours, toute aussi vicieuse les unes que les autres. L'Alabama n'était pas l'état donc je raffolais le plus, mais celui de Darell serait bien pire donc... au final, à choisir entre la peste et le choléra.

Nous prîmes la route tôt le matin et arrivâmes chez Sirius sur les coups de 12h. Nous ne rencontrâmes aucun comité d'accueil et ce fut seulement arrivé à la maison de Sirius que nous trouvâmes un loup à qui parler. Et ce ne fut même pas l'Alpha. Sirius ne nous reçut que dans la soirée, ce qui exaspéra Isis. Nous avions déjà du retard et plus on nous recevait tard... plus la demande était repoussée. C'était du temps perdu et elle n'aimait pas ça. Elle voulait être active après cette semaine de pause et je le sentais. Elle ne se plaignit pas de sa jambe, mais je sentis qu'elle forçait un peu sur la fin de la journée, après notre entretien chez Sirius. Et la réaction de Sirius n'avait pas été une surprise. Même si elle avait troublé Isis, elle restait normale à mes yeux. Titus manipulait Sirius comme il le voulait et il avait sûrement dû prévenir Sirius de ne rien prendre venant d'Isis. Il avait lu la lettre, bien sûr. Elle venait quand même du gardien, mais l'avait sagement repliée et rendue à Isis, sans une seule trace d'expression sur le visage. Et il avait refusé.

Sirius faisait aussi partie des Alphas d'Etat qui avaient quelques problèmes financiers. Il n'en avait pas parlé, mais c'était évident. Passer de la villa d'Auxann, à la petite maison de quartier de Sirius était plutôt radicale. Nous allâmes dans un hôtel haut de gamme, qui mit mal à l'aise Isis. Elle voyait les galères de la meute de Jacksonville et forcément, se sentait le devoir de compatir un minimum. Ce que je pouvais comprendre... ou pas. Sirius aurait pu s'affranchir de la maîtrise de Titus. Mais il choisissait de rester avec lui et ainsi de rester dans le fond, avec son cousin. Car Titus avait lui aussi des soucis financiers, et forçaient ses loups à en avoir par la même occasion.

La nuit fut longue et je ne dormais pas. Isis me laissa lui masser la cuisse le lendemain, grimaçant un peu. Elle voulut faire le tour de la meute, mais Sirius lui fit comprendre poliment de ne pas se mêler de tous ses problèmes. Elle ronchonna sur le chemin du retour à l'hôtel, mais accepta d'être mise sur la touche. Elle se pencha un peu sur les listes qu'elle avait déjà eues dans la soirée et le lendemain, en fin d'après-midi, Sirius nous envoya son lieutenant pour nous déposer la liste et nous dire gentiment de reprendre la route dès que possible. Arrivé dans la nuit sur le territoire de Titus ? Hors de question. J'avais été imprudent une fois, pas deux. Si bien que je roulais jusqu'à la frontière : Columbus, État du Mississippi. Nous nous reposâmes à l'hôtel de la petite bourgade. Je repris la route avec une Isis tendue le lendemain matin. On en eut pour 2h de route par l'US-82. Il n'y eut pas beaucoup de circulation et ce fut reposant.

Aucune trace de la meute de Titus arrivés à Birmingham. Je ne trouvais pas ça étrange. Les loups de Titus travaillaient tous pour la plupart. Et ces Veilleurs et Patrouilleurs compris. Sinon, ils vivaient dans la rue ou dans des immeubles insalubres. Titus ne nous reçut que quelques minutes, nous faisant comprendre que nous n'étions pas les bienvenues. Nous eûmes droit à une petite démonstration de force par les loups de Titus en rentrant à l'hôtel, mais mon loup fut prompt à régler le problème.

Et plutôt deux fois qu'une.

Cette nuit-là encore, je ne dormis pas. Isis dormit peu aussi. Je l'avais senti en me pressant contre elle dans la nuit. Le lendemain, nous eûmes encore droit à un défilé des loups de Titus, nous menaçant et nous insultant. Je ne fus pas très surpris et grognai plus que je n'étais énervé. Ce n'était que des petits cons. Et pourtant, Isis ne put s'empêcher de me faire remarquer leurs joues creuses, ainsi que leurs habits abîmés pour certains. Surtout les deux jeunes du dernier groupe. Isis tenait ma main souvent et je ne savais pas si c'était pour se rassurer ou pour montrer qu'elle était avec moi, ou simplement pour montrer que nous faisions front ensemble. Je ne la repoussai pas évidemment. Elle était à moi pour encore un ou deux mois tout au plus. Je repoussai ce genre de pensées quand elles venaient, conscient que ça n'aiderait en rien...

Titus ne nous salua pas quand nous repartîmes, et nous ne montra en aucun cas sa meute. Nous vîmes à peine sa femme qui ressemblait plus à un fantôme. J'étais sûr qu'il la battait...

On reprit notre souffle en descendant en Floride. Le territoire d'Ilkan était géré un peu de la même manière qu'Auxann, mais ce n'était pas encore assez bien défini. Tous les Alphas de l'État ne donnaient pas la même légitimité à Ilkan.

Ilkan Lloyd était ce qu'on appelait un vieil Alpha. Au même titre que Nathaniel, au même titre qu'Auxann. Il était installé à Orlando depuis énormément d'années et même si la concurrence des jeunes c'était fait forte, il avait gardé sa place de leader d'État. En soit, il la méritait amplement. Mais ce n'était pas pour autant que je lui faisais vraiment confiance. Ses hauts-gradés n'étaient que des hommes. Tous liés. Tous ayant des progénitures. Tout comme Ilkan lui-même d'ailleurs. De plus, sa Main n'était pas liée et de ce que j'avais pu étendre sur les rumeurs, Ilkan avait fait en sorte qu'il soit stérile. Ce n'était pas une pratique que Yahto approuvait, mais Ilkan l'avait quand même fait pour s'assurer l'allégeance de sa Main. Ilkan était très possessif dans le mauvais sens du terme. Tout ce qui était à lui, lui appartenait.

Complètement.

Éternellement.

On arriva dans la nuit à Orlando et nous allâmes directement à l'hôtel, ne voulant pas déranger Ilkan. Nous eûmes un peu plus d'une heure d'avion de Birmingham à Orlando. La vie dans les hôtels ne semblait pas déranger Isis, et moi non plus d'ailleurs. Nous étions habitués.

Nous le serions peut être toute notre vie. Je n'avais jamais pensé à m'installer d'une quelconque façon dans un endroit.

Isis lisait les listes sur le lit, mordillant le bout de son crayon.

Il y avait beaucoup de chose auquel je n'avais jamais pensé jusqu'à elle.

Il y avait beaucoup de chose que je n'avais jamais faite jusqu'à elle.

Elle releva son regard en sentant le mien et me sourit. Un sourire qui me réchauffa de l'intérieur. Elle se replongea dans sa liste et je continuai de plier notre linge. Nous avions réussi à laver nos fringues dans la laverie de l'hôtel. On réussit à commander un repas potable au bar, juste avant que ça ne ferme. Je remontai avec nos victuailles et appelai Isis pour manger. Elle ne se fit pas prier et sauta sur mes cuisses pour attraper un bout de salade.

Ici, nous pouvions être plus détendus. Même si je doutais qu'Ilkan soit du genre à nous accueillir les bras ouverts. Il était un peu comme Jahyan, en largement plus possessif. Le lendemain matin, nous allâmes donc nous présenter. Ilkan nous reçut avec une grande politesse, mais un problème personnel le força à refuser la proposition d'Isis.

Ce n'était pas visé contre elle, même si je soupçonnai le fait qu'elle soit une femme le dérange, mais il préférait s'entretenir avec Timothy qui connaissait déjà le problème. Isis accepta, mais comme à son habitude et pour les Alphas qui le méritaient, elle lui proposa de nouveau son aide pour toute autre affaires concernant la meute ou les loups. Ou même les rôles d'Alpha d'État de chacun. Il refusa, mais accepta d'accéder à la demande de Yahto.

Nous repartîmes avec Isis. Nous passâmes la journée à visiter Orlando, cherchant quelques souvenirs à ramener. Je pris des babioles pour Shana, mais rien d'autres ne m'intéressa de près ou de loin. Isis prit des souvenirs pour Louka, le fils de Timothy, ainsi que pour Benjamin, qu'elle voulait aller voir quand nous serions sur le territoire de Nathaniel Hunt. Ilkan nous appela dans la matinée du lendemain pour nous donner la liste des Mains de l'état de Floride.

Alors qu'on refaisait nos bagages, je fis remarquer à Isis que cela faisait déjà bientôt une semaine que nous étions partie de chez Auxann. Elle parut tout aussi surprise que moi quand j'en avais fait le calcul. Alors que je rangeai nos affaires, je me figeai en entendant Isis soupirer.

_ Quoi ? m'enquis-je.

_ Tu as vu la prochaine meute dans laquelle on va ? remarqua-t-elle, la mine sombre.

Je pinçai les lèvres. Oui je savais, et ce n'était pas joli-joli. Dragan Pittman, Alpha d'Etat de Géorgie, n'était autre qu'un des Alphas les plus violents de ce côté-ci des États-Unis. Il n'était pas si loin que ça derrière Darell. Mais Dragan avait ce côté violent que Darell avait pour psychopathe. Darell était aussi violent, que Darell était un psychopathe autrement dit.

Dragan Pittman avait une Main aussi violente que lui. D'ailleurs, Taho McCarty, Main de la meute d'Atlanta était aussi connue que Rohan Walker. Ils étaient aussi connus pour être amis de torture et excellaient dans l'art de traquer juste pour tuer.

Peu importe la cible.

Toutes les Mains l'étaient. Mais, en général, on tuait parce qu'on le devait. Eux, ils tuaient pour le plaisir. Tout Bjorn, la main de Darell. Mais c'était encore une autre forme de violence. Je crois que Bjorn, enfin que son loup avait toujours eu besoin de ça. Son arrivée dans ce monde n'avait pas été douce de toute façon et il était né d'une manière on ne peut plus violente... Il était dit que Bjorn avait littéralement éviscérée sa mère pour sortir de son ventre. Que son loup avait pris possession de lui à ce moment-là et qu'il n'était jamais reparti. Bjorn et son loup étaient trop semblables pour différencier les deux. L'homme était depuis longtemps devenu l'animal. Yahto m'avait soufflé que la naissance de Bjorn n'avait pas été si douloureuse, mais il était vrai que la mère du loup était morte. Tué par son propre père à lui qui était aussi une Main. Qui avait juste voulu un héritier.

Les Mains violentes étaient celles qui en général avaient un père Main qui les avaient initiés à la violence dès leur plus jeunes âges. Les autres, comme moi, comme Naël, nous étions envoyés par nos parents pour que la violence de nos loups soit maîtrisé. Mais nous n'étions pas pour autant des psychopathes en puissance.

Nous reprîmes l'avion pour remonter vers les terres. Encore une fois, nous eûmes une petite heure de trajet et l'aéroport d'Atlanta s'ouvrit à nous. Alors qu'Isis cherchait un taxi pour nous emmener au magasin de location de voiture, je tirai mon portable de ma poche. Shana !

_ Hey bel étranger, dit-elle.

_ Salut toi, souriais-je.

Isis se tourna vers moi et avisa le téléphone. Un léger sourire traversa ses lèvres quand elle dut entendre la voix de Shana. Celle-ci me raconta un peu les nouvelles du front. Personne n'osait vraiment demander de mes nouvelles à Jahyan, mais ça... Il ne voulait pas entendre parler de moi pour l'instant et ça m'allait. Shana me confia que je manquais à pas mal de personnes. Étant donné que j'étais beaucoup resté sur le territoire l'année passée, je dus reconnaître que certains me manquaient.

Mais... Je regardai Isis trouver enfin un taxi. Mais j'avais quelqu'un qui me comblait pour l'instant et le manque n'était pas permis. Il y en aurait bien trop après. Je raccrochai avec Shana, passant le bonjour à tout le monde. J'entendis Eneko dire une bêtise, mais ne relevai pas. Je fourrai ma machine infernale dans ma poche et amenai les bagages au taxi.

Alors que je conduisais vers le Nord de la ville, Isis tapait du pied à mes côtés. Sa main était légèrement crispée sur ma cuisse. Je pris une grande route pour rejoindre la propriété de Dragan. Il habitait dans un quartier reculé. Pas pour avoir de l'intimité, mais parce qu'il n'avait pas forcément les moyens de payer un immeuble dans le centre-ville d'Atlanta, Géorgie. Dragan n'avouerait jamais qu'il avait des problèmes d'argents, même si ces loups étaient dans la merde jusqu'au cou. Il ne demanderait pas non plus. Jamais... au grand jamais d'aide !

J'allais tourner dans une autre rue, étant déjà venu ici, quand je freinai. Un groupe d'hommes se trouvaient au milieu de la route. La meute de Dragan ressemblait plus à un gang qu'à une meute. Isis se figea, sa main se resserrant sur ma cuisse.

_ Zoran, souffla-t-elle.

Je coupai le moteur, ayant reconnu Taho parmi les loups en face de nous. Il y avait aussi le lieutenant de Dragan, ainsi que son second Dominant. Je ne me rappelais pas forcément des prénoms, mais les têtes ne s'oubliaient pas comme ça. La meute était plutôt jeune comparé à celle d'Auxann ou d'Ilkan. Mais plus vieille que celle de Khalil. Je frôlai le poignet d'Isis.

_ N'y va pas, souffla-t-elle.

_ Laisse-moi faire. Et ne sors sous aucun prétexte. Compris ?

Elle pinça ses lèvres, mais déjà j'ouvrais ma portière. Je la refermai lentement. Taho pivota vers moi, au milieu de tout ce petit groupe. Il devait y avoir aussi des loups sans rangs, mais la violence était de mise dans cette meute. Peu importait le rang. Dragan aurait très bien pu frapper son Second jusqu'aux portes de la mort, seulement pour lui montrer qui avait le pouvoir entre les mains. Mais Dragan avait trop besoin de Petyr pour lui faire du mal. Par ailleurs, Petyr avait une femme et des enfants et si je me souvenais bien, Elodie, sa femme, n'était pas bien commode non plus.

_ Zoran Swanson ! s'écria Morgan O'Brien, le lieutenant. La rumeur dit vrai alors...

Taho m'observa en silence, un léger sourire aux lèvres. Il faisait partie des Mains qui recouvraient complètement leur corps de tatouages. Jusqu'au cou, voir même sur la joue. Sa tempe portait aussi un ancien symbole du peuple des Changeurs. Avait-il connu un Changeur ? Ou simplement assassiné un et écopant d'une marque pour sa vie entière ? Les Changeurs avaient été un peuple particulièrement violent à une époque. Pour se défendre. Pour survivre.

Morgan se pencha légèrement et observa Isis dans la voiture.

_ Tu es bien accompagné, sourit-il. Ou bien est-ce toi qui l'accompagne ?

_ Morgan, dis-je en penchant légèrement la tête.

_ Tu connais les règles, souffla Taho.

_ Je ne suis pas en chasse, murmurai-je.

_ Tu ne portes pas d'arme sur toi ? remarqua une femme.

_ Myriam, grogna Morgan.

La jeune femme pinça ses lèvres, mais recula, baissant la tête. Elle n'aurait pas dû intervenir dans cet échange et pourtant, elle l'avait fait. Morgan s'était-il lié ? Dragan lui-même avait-il trouvé chaussure à son pied ? Cette petite louve ? Non. Pas possible.

Bien trop fragile. La meute l'aurait dévorée.

Surtout celle de Dragan. Il devrait trouver une louve puissante et aussi sanguinaire que lui s'il ne voulait pas se voir amputer d'un membre, celui que la louve devenait en se liant à l'Alpha. Un membre vital pour le Chef, comme pour la meute.

Or si la compagne Dominante était un maillon faible, les loups ne supportaient pas les faiblesses dans les hauts-gradés. Ça se savait.

Myriam devait donc être soit une nouvelle, soit une sœur en apprentissage. Sinon, Taho l'aurait déjà frappé. Les autres hommes se tenaient légèrement groupé derrière Taho et Morgan. Je les observai tous, conscient que j'allais devoir me battre pour installer le respect. Si Isis ne l'avait pas encore compris, eh bien elle allait très vite savoir qu'ici, c'était bats-toi ou crève.

Taho fit un pas en avant, ce qui l'amena au même niveau que Morgan. Mon loup remua doucement, continuant d'observer. Il ne frapperait pas le premier, pour ça c'était sûr. Pas de bêtise sous les yeux d'Isis.

_ Penche toi sur la voiture, murmura Taho d'une voix rauque.

Je souris et pointai mon dos sur la jeune femme.

_ Elle me fouille, remarquai-je. Pas toi. Encore moins toi, dis-je en pointant Morgan.

Taho le retint alors que Morgan faisait un pas en avant. Myriam m'observa, mécontente. A qui était-elle ? Je voulais absolument le savoir.

_ Pas elle, souffla Taho. Choisis.

_ Je veux que ce soit elle Taho, fis-je d'un ton sans appel. Sinon, tu feras sans me fouiller.

Il jeta un coup d'œil nerveux à Morgan qui grognait sur place. Donc Myriam était à lui. Sœur ? Compagne ? Je pivotai vers la voiture et croisai le regard d'Isis. Elle me regardait avec des yeux écarquillés, les lèvres presque blanches. Je lui fis un clin d'œil et posai mes paumes sur le capot de la voiture.

_ Écarte les jambes, fit la voix de Myriam.

Je souris à Isis qui fronça les sourcils. Elle se redressa légèrement en voyant Myriam dans mon dos. Mon loup tenta de capter son odeur et souris. De son sourire carnassier.

Myriam portait l'odeur de Taho.

Elle devait être de la famille de Morgan, mais était la copine de Taho à n'en pas douter. C'était pour cela qu'il n'avait pas voulu. Me le mettre à dos maintenant n'était peut-être pas une bonne idée mais au moins, j'avais une cible si on se faisait attaquer.

Les mains de Myriam se posèrent sur mes chevilles. Elle apprenait encore, ça se voyait. Taho avait cette fille pour petite amie ? Bon, Isis n'était pas aussi combattante que je l'étais. D'ailleurs, il faudrait que je voie ce qu'elle savait faire. C'était forcément un moment à passer. Je ne pouvais la laisser sans base, même si je me doutais que l'entraînement de Maxence avait porté ses fruits.

Isis prit une expression revendicatrice qui me fit sourire un peu plus. Les mains de Myriam se firent moins sures sur mes cuisses, puis elle tâta mes hanches, évitant soigneusement mon bas ventre. Ce n'était pas une bonne idée, j'aurais pu cacher une arme dans mon froc. Ses mains palpèrent mon torse, mes bras, mes aisselles et mes épaules. Elle se recula et dut hocher la tête car Taho grogna.

Je pivotai vers lui. Il retira sa main du bras de Myriam pour la ramener derrière, mais c'était trop tard. J'avais vu. Le petit Taho faible. Je retins mon loup. Nous étions aussi faibles. La femme dans la voiture était à nous et Taho devait le comprendre.

Tout comme j'avais compris que Myriam était hors-jeu pour l'instant.

Si on devait se battre, ce serait entre nous.

Nous étions des Mains, pas des lâches. Taho me faisait souvent penser à une Main de première génération, mais il était de la troisième. Taho était une Main respectable, même si c'était un monstre assoiffée de sang. Et c'est pour ça que ni Yahto, ni Timohty ne pouvait dire quelque chose pour changer son comportement.

_ Suivez-nous, murmura Taho.

Je hochai la tête. Je remontai dans la voiture. Isis me lança un coup d'œil énervé.

_ Tu savais, souffla-t-elle.

_ Taho est un gangster, murmurai-je. Il a besoin de savoir certaines choses. Tout comme moi. La fille qui m'a fouillé n'est autre que sa copine, si ce n'est déjà sa compagne. Si c'est le cas, c'est un lien encore jeune. Très jeune. Taho est donc faible. S'il se sent trop acculé, il choisira le seul moyen qu'il connaît pour se défendre : le sang.

_ Évitons ça en nous faisant tripoter par n'importe qui, siffla Isis.

J'embrassai sa tempe alors qu'elle ronchonnait et démarrait. La maison n'était pas loin et Taho me fit signe de me garer devant.

L'entretien avec Dragan fut comme je le pensais. A la limite du passable. Il faillit une fois se jeter sur Isis, mais Petyr le retint d'une main, en lui murmurant quelque chose. Isis n'avait pas bronché. J'étais à ses côtés, aussi prêt à intervenir que Petyr. Isis avait une cicatrice de trop par ma faute. Elle n'en aurait pas d'autres. Surtout pas venant de cet enculé de Dragan.

On prit une chambre d'hôtel dans le centre-ville d'Atlanta. L'hôtel était non-fumeur, je dus descendre en bas pour fumer une cigarette. Je restai sur mes gardes, écoutant attentivement tous les bruits autour de nous. Je savais que Taho viendrait. Nous avions un compte à régler maintenant que j'avais mis en danger sa compagne. J'aurais fait la même chose s'il avait menacé aussi ouvertement Isis.

Il traversa la rue, vêtu d'un jean noir et d'une veste noire.

_ On dirait que tu cherches à te fondre dans l'ombre, Taho, soufflai-je.

_ Tu n'aurais jamais dû te croire intouchable, Zoran, murmura-t-il.

Je tirai une longue taffe sur ma cigarette et laissa la fumée s'élever dans l'air. Le personnel de l'hôtel était réduit étant donné l'heure. Il devait être un ou deux. Personne ne se trouvait à la réception pour l'instant. Il n'y avait personne dans la rue.

Je souris. Je ne m'étais jamais cru intouchable. Seulement assez chanceux pour échapper à des situations merdiques.

_ Dragan t'en a donné l'ordre ou tu t'es sentis investi d'une mission personnelle ?

_ Je sais que tu as deviné Zoran, souffla Taho en s'accroupissant légèrement. Mais dis-toi, que je ne suis pas le seul à avoir quelqu'un à protéger.

Nos regards se croisèrent et nos corps bougèrent. J'étais plus rapide que lui, mais il avait des armes et moi pas. Sa dague frôla mon torse mais j'esquivai comme je pus. Les coups plurent et je mis du temps à me rendre compte que des loups attendaient dans l'ombre.

Connard.

Je visualisai la lame qu'on lança et la rattrapa d'un geste précis de la main. Je la relançai et entendis un cri. Taho grogna et lança un coup de pied circulaire.

_ Toujours vérifier tes appuis, grognai-je.

Mon pied à moi déboîtait déjà son genou. Son pied glissa et il tomba à terre, la jambe presque cassé en deux. Trois loups coururent sur moi, défendant leur Main. Je réceptionnai les trois, éliminant un à un mes adversaires. Ils tombèrent au sol. Alors que je mettais le dernier à terre, un éclat brillant fit sursauter mon loup. Je n'eus pas le temps de retenir la barre de fer qui s'abattit sur ma nuque. Je basculai en avant, voyant à peine Myriam tenir la barre.

Ma joue s'écrasa au sol. Taho voulut se lancer sur moi, mais il se figea.

_ Recule, cracha la voix d'Isis.

Non. Sa louve.

_ J'ai dit : recule ! rugit-t-elle.

Taho leva ses deux mains, le teint légèrement cendreux. Je grognai tentant de me relever. Elle tenait Myriam par les cheveux, une main serrée sur la gorge de la jeune femme.

_ Je jure que je lui ferais du mal si tu ne t'écartes pas, Taho ! grogna la louve d'Isis, brillante à travers ses yeux.

_ Tu es comme le Gardien, souffla Taho. Tu ne lui ferais pas de mal.

_ Tu veux parier ? rétorqua la voix vibrante de la louve d'Isis.

Sa puissance dégoulinait littéralement autour de nous, s'en était étouffant. Je réussi à basculer sur le dos et des étoiles dansèrent une seconde devant mes yeux. Je clignai plusieurs fois et réussi enfin à y voir clair. Je m'assis sur mes fesses. Je frottai ma nuque en grognant. La barre était au sol, devant les pieds de Myriam.

_ Emmène tes frères et ta compagne, loup, aboya la louve d'Isis. Avant que je ne vous fasse moi-même la leçon !

Elle balança Myriam dans les bras de Taho. Ce dernier réceptionna sa compagne et la fit passer dans son dos. Ses yeux me fusillaient du regard. Isis fit un pas en avant et Taho recula. Les loups au sol grognèrent et eurent du mal à avancer droit. Je leur avais quand même mis une raclée.

Mais je m'étais aussi fait mettre la pâté par une bonne femme avec une maudite barre.

La louve d'Isis attendit que tous soit partis avant de s'approcher de moi. L'inquiétude prit le dessus et elle frôla ma joue, puis ma nuque. Isis reprit le dessus et m'aida à me lever.

_ Tu savais qu'il viendrait n'est-ce pas ? murmura-t-elle en allant dans mon dos.

Elle inspecta mon cou, mais n'y trouva rien de particulier. Je regardai autour de nous, vérifiant les parages.

_ Rentrons, souffla-t-elle en regardant avec méfiance à son tour.

Je la laissai me tirer, ne voyant personne dans la rue. Ils étaient partis.

Isis leur avait filé une trouille bleue ! J'adorais ça !

Alors qu'elle refermait la porte, elle se dirigea vers le petit frigo et attrapa un paquet de glaçon. Elle brisa le sachet et répandit les glaçons sur une serviette. Elle la referma comme un petit sachet et me fit signe de m'asseoir. J'obéis. Elle se positionna entre mes jambes et posa le sachet de glaçon sur ma nuque. Je soupirai doucement. Ca faisait du bien. J'embrassai son ventre.

Elle fit la moue.

_ Ta louve n'était pas contente, dis-je.

_ Tu aurais pu me le dire, gronda-t-elle.

Je posai mes mains sur ses hanches et enfonçai mon nez dans son ventre. Elle secoua la tête et soupira.

_ Cela ne te concernait pas, femelle, grogna mon loup, passant ses mains sous le t-shirt d'Isis.

Elle tapa sur mes mains et je les retirai, fronçant le nez.

_ Tu es un idiot ! Et tu m'as forcé à utiliser la force !

_ En parlant de ça, remarquai-je, innocent, j'aimerais voir ce dont tu es capable. Je n'ai eu qu'un petit aperçu. Quand me montreras-tu la combattante qui sommeille en toi ?

_ Jamais, rétorqua-t-elle mauvaise. Après ça, je suis sure que Dragan me détestera ! Tu ne peux pas être plus prudent ? Est-ce à moi de te protéger ?

J'eus un grand sourire et soulevai son t-shirt, embrassant son nombril. Sa peau était chaude et douce.

J'aimais cette peau.

_ Tu es très impressionnante quand tu en as envie tu sais ça ? dis-je en souriant lascivement.

Elle fronça les sourcils et soupira.

_ Tu... es incorrigible, grogna-t-elle.

Je la tirai sur mes cuisses et enlaçai ses hanches. Elle se laissa faire, se mordit la lèvre et frôla ma joue.

_ Plus de frayeurs s'il te plaît, murmura-t-elle. Dragan peut encore nous faire du mal tant que nous sommes sur son territoire. Je ne veux plus que quelqu'un te fasse du mal.

Son aveu me bouleversa d'une manière particulière.

Une manière qui me ramenait toujours à Isis.

Une sensation là au creux de moi. Là où se trouvait ce qui me servait de cœur.

Ça serrait doucement. Comme un regret. Comme quelque chose d'inachevé dans ma vie.

_ J'ai une louve pour me protéger alors, ricanai-je en frottant mon nez au sien.

Elle déposa un léger baiser sur mes lèvres.

_ Fais attention d'accord ? souffla-t-elle.

_ Je ne promets rien, rétorquai-je avec un clin d'œil.

Elle se pressa contre moi et j'éprouvais un petit pincement au cœur. Elle avait eu vraiment peur.

J'aurais vraiment du faire plus attention, je le savais.

Mais je n'aurais jamais pensé que Myriam, cette petite chose toute fragile, aurait pu me frapper.

En même temps, j'avais brisé la jambe de son compagnon. Ça pouvait donner des ailes... n'est-ce pas ?

Mon loup embrassa la tempe d'Isis et elle se laissa aller contre moi.

Oui, ça donnait des ailes.

Pas d'autres incidents avant de quitter Atlanta. On ne revit que Petyr pour la liste et Isis le salua avec respect. Nous prîmes la route direction Charleston, dans l'État de Caroline du Sud. Loam Bowers était un Alpha que j'appréciais et que j'avais déjà rencontré à quelques reprises. Il avait déjà participé à un Grand Rassemblement, et c'était souvent moi qui accompagnais Jahyan dans ces occasions. Il nous accueillit avec chaleur et accepta la lettre d'Isis avec un sourire complice. Il lui fit part de certaines demandes quant à son rôle d'Alpha d'État et Isis se fit un plaisir de l'aider sur toutes les questions qu'il avait. Je la retrouvai, pleine de vie et d'ambition pour aider les Alphas de toutes les meutes. Elle en connaissait tellement. Nous pûmes savourer notre séjour chez Loam où nous fumes chouchoutés.

Les meutes défilèrent et pourtant, aucune ne se ressemblait.

Isis prenait toujours plaisir à m'expliquer le fonctionnement de chaque meute que nous visitions.

Chaque problème que les Alphas pouvaient lui faire part.

Les jeunes comme les plus vieux.

Et je prenais plaisir à l'écouter et à lui poser des questions à mon tour.

Parler avec elle était toujours source de plaisir.

D'ailleurs, il n'y avait pas que parler qui me donnait du plaisir avec Isis, et sur ce plan-là... Nous satisfaisions tous les désirs de l'autre.

Vraiment tous les désirs, même ceux qui n'étaient pas sexuels.

De plus en plus ceux qui n'étaient pas de ce plan.

C'en était presque normal parfois.

C'est peut-être ce qui aurait dû m'inquiéter.

C'est peut-être ce qui aurait dû me freiner.

Mais Isis me poussait à être meilleur.

Isis me poussait à être tellement de choses. Que je n'arrivais plus à refuser.

Mais parfois, le destin avait une curieuse façon de vous rappeler que vous n'étiez pas le maître du destin des autres.


Et surtout pas le vôtre.

En particulier quand vous étiez une Main.


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