17. Némésis

Je ne sais pas si je dois vous prévenir... toutes réclamations sera lues, mais rappelez-vous, je suis machiavélique, surtout quand ça concerne mes persos et ma comparse n'est pas mieux... ne l'oubliez pas :P La suite va faire mal MOUAHAHA x)



Ziad Batache n'était pas un très vieil Alpha et il était comme je le qualifiais ; pas très commode. Il n'était pas aussi lunatique qu'Angus Sherman, mais il avait ses humeurs, c'était clair.

Zoran avait ri en voyant la liste des Alphas que Timothy m'avait donnés et où j'avais rajouté quelques petites annotations, histoire de ne pas oublier comment ils étaient et donc, comment il fallait que je me comporte.

Les dernières meutes que nous avions passées avaient été de loin les plus terribles, même s'il en restait encore qui ne m'enchantait guère. Mais c'était le prix à payer pour remplir ma mission.

Yahto comptait sur moi, ainsi que Timothy et il était hors de question que j'en déçoive un seul. Remplir mes obligations était vraiment important pour moi et même si dernièrement les choses n'avaient pas été particulièrement faciles, je devais faire avec.

Et quoi qu'il se passe, je savais que je pouvais compter sur Zoran. Il avait toujours été plus qu'un allié précieux. Sans lui, bien plus de choses me seraient arrivées, ça, je n'en doutais même pas. Je m'étais peut-être mise à dos Jahyan, mais étrangement, je m'en fichais bien. Il ne m'appréciait pas de base déjà, alors ça de plus ou de moins... Quoi que je fasse, j'avais l'impression qu'il ne m'accepterait jamais totalement.

Plus nous avancions dans cette aventure avec Zoran et plus je remettais en question mes sentiments. Comment faire autrement ?

Tout ce que j'éprouvai depuis le début avec lui était totalement nouveau. C'était comme s'il m'avait tout appris, comme s'il m'avait initiée à l'amour. Même si je savais que ça ne pouvait pas être ainsi.

Je ne pouvais pas qualifier ça d'amour. Surtout pas devant lui.

Zoran était une Main.

Il était la Main de Jahyan Pearson et cela voulait vraiment, vraiment tout dire.

Et j'étais une louve solitaire.

Je n'avais pas besoin de me lier. Ma louve ne le supportait pas. Pourtant... quand il était question de Zoran, j'avais l'impression que tout pouvait arriver.

Que ce soit en bien ou en mal.

Et plus nous étions ensemble, plus les jours et les semaines passaient et plus je repensais à ma conversation avec Auxann. C'était plus fort que moi.

Mes sentiments étaient bien plus forts que ma raison. Bien plus puissants que tout.

J'ignorai si Zoran y pensait lui.

J'ignorai ce qu'il ressentait.

Je n'osais pas lui demander. Je n'osais pas lui en parler, parce que je savais que dès l'instant où je le ferais, tout ça... toute cette routine prendrait fin.

Et il ne resterait rien.

Et bon sang, cette simple idée me paralysait de la tête aux pieds.

Combien de temps pourrais-je encore tenir comme ça ? Combien de temps pourrais-je encore cacher mes sentiments à l'égard de cet homme ?

Je l'ignorai, mais quelque chose me disait que ce ne serait pas très longtemps.

Ziad nous reçut dans sa maison.

Sa meute n'était pas très vieille, mais relativement puissante. Son territoire n'avait pas de problème particulier, à part quelques loups renégats qui venaient parfois faire les fous et agacer les loups de Raleigh.

Il n'était pas encore question pour Ziad de prendre en charge les frontières de l'État. Il n'était pas encore assez entouré et manquait de loups. Pour l'instant, cela ne posait pas vraiment de problème et Timothy laissait donc faire, mais bien entendu, dans quelques années, cela devrait changer.

La puissance de Ziad était reconnue, voilà pourquoi les plus vieux Alphas présents sur le territoire n'essayaient pas de le renverser.

Je ne donnais pas de lettre à Ziad.

Ce n'était pas que je ne voulais pas traiter avec lui par la suite, mais je préférais que Timothy s'en charge, au moins le temps que la meute et que l'Alpha prennent leurs repères. C'était important et j'avais la sensation que pour ça, je ne leur serais d'aucune aide. Ziad n'était pas le genre à mépriser les femmes, mais quand il était question du Gardien et de ses tâches, certains devenaient plus que frileux, surtout sur ma personne.

Je ne pouvais pas prendre cela personnellement.

Tout le monde avait sa façon de penser, tout le monde avait ses a priori, alors je ne pouvais pas franchement faire grand-chose. Et puis avec tous les Alphas qui m'avaient déjà acceptée, j'aurais largement de quoi faire pour les prochaines décennies à venir, c'était clair !

Ziad accepta de remplir son devoir à mon égard et nous invita à rester. J'acceptai pour la simple et bonne raison qu'Aydan Brock vivait dans la maison de l'Alpha.

Comme son nom l'indiquait, Aydan était de la même famille qu'Auxann. Il était le petit dernier de la fratrie et le seul autre frère à avoir quitté Skowhegan, dans le Maine.

Il était le Lieutenant de Ziad depuis pas mal d'années maintenant et s'était réellement épanoui à ce poste.

J'aimais beaucoup Aydan. Il avait le côté renfermé d'Alexandre quand Jules avait le côté un peu foufou d'Auxann. Quant à Jael, c'était un peu des deux, même si je n'avais jamais eu l'opportunité de le rencontrer. Si Auxann voyait souvent ces deux derniers petits frères, c'était loin d'être le cas avec Jael et Alexandre. La dernière fois remontait à bien avant qu'il ne devienne Alpha.

La famille Brock était brisée depuis longtemps. Mais au moins, Jules et Aydan avaient encore beaucoup d'amour et de respect pour l'aîné et ça, c'était important.

J'avais rencontré Aydan avant Jules, lors de mon premier séjour prolongé chez Auxann. C'était le genre de personne que j'appréciais beaucoup. Il n'éprouvait pas toujours le besoin de parler pour un oui et pour un non. Il m'avait souvent tenu compagnie dans la bibliothèque d'Auxann et il m'avait accompagnée quelques fois dans d'autres meutes qu'il connaissait bien.

Zoran et lui parlèrent un peu et semblèrent bien s'entendre, même si avec Zoran, c'était toujours compliqué à savoir.

Il était doué pour garder un visage impassible. Très doué même.

Le Second de Ziad fut rapide et dès le lendemain, j'eus ce que j'avais demandé. Nous ne attardâmes pas plus et Aydan nous accompagna jusqu'à la frontière entre la Caroline du Nord et la Virginie. Il me prit dans ses bras et serra la main de Zoran avant de nous laisser nous en aller.

Le trajet fut court et je passais un certain temps au téléphone avec Katya, la compagne de Timothy et la mère de Luka. Elle était enceinte de son deuxième et semblait vraiment fatiguée.

La nouvelle n'avait pas encore filtré quant au fait que le Gardien allait être père une deuxième fois. Nora avait su cacher sa Main et ainsi, étouffer tout soupçon.

À un moment, beaucoup de monde avait essayé d'atteindre Katya pour faire plier Timothy, mais tous avaient oublié à qui ils avaient affaire.

Il y avait très peu de femmes Mains dans les États-Unis et de par leur sexe, elles étaient vite jugées. Mais elles étaient celles qui avaient le plus à prouver alors elles y mettaient les formes. Surtout Katya qui avait su se faire un nom très vite et je savais que même Zoran la respectait, même si elle était largement plus jeune que lui.

Comme moi.

Mais ce n'était pas vraiment pareil, n'est-ce pas ?

La prochaine meute était celle de Byron Myers, Alpha de Virginie basé à Richmond. Il n'était pas réputé pour sa compréhension et surtout, c'était un gros macho. Il ne s'en cachait pas. Il méprisait vraiment les femmes et ses hauts gradés ne comptaient aucune louve. Dans ces cas-là, j'avais toujours tendance à penser que la compagne d'un homme pareil était bien traitée et qu'il l'aimait, mais même avec Janie, Byron était dur. Est-ce qu'il était violent ? Je ne pensais pas, mais je n'étais pas là pour le voir, alors tout était possible, n'est-ce pas ? Janie n'était pas à proprement parler une battante, mais si elle était la compagne de Byron, ce n'était tout de même pas pour rien, non ?

Je savais que Zoran avait déjà eu affaire à cet Alpha une ou deux fois, ce qui devait faire qu'il était au courant, mais je n'osais pas vraiment demander. Il y avait des choses qu'il valait mieux ne pas savoir après tout. Et pourtant, vu ma position, c'était un peu difficile.

Je savais beaucoup de choses.

Trop parfois même et un jour, cela reviendrait aux oreilles de certaine personne et ça ne leur plairait pas du tout. Parce que certains pensaient leurs secrets biens enfouis alors que c'était très loin d'être le cas.

Jahyan l'avait peut-être accepté bien malgré lui, mais ce ne serait pas le cas pour tous. Si ça m'effrayait ? Je préférais ne pas encore trop y penser. Au moins comme ça, ça ne risquait pas trop de me ronger l'esprit. Et quand cela arriverait, Zoran ne serait déjà plus avec moi.

Il aurait repris sa place aux côtés de Jahyan.

Il redeviendrait la Main qu'il était.

Je le savais.

Nous le savions tous les deux. Mais aucun de nous n'en parlait. Pensait-il que nous pourrions rester ainsi jusqu'à la fin ? Moi, j'en doutais sérieusement. Mais Zoran n'était pas moi. Et si j'avais du mal à dire les choses, c'était bien pire pour lui.

Comme je m'y étais attendue, Byron m'adressa à peine un regard et quand il devait me parler, il regardait le mur derrière moi. Il parla avec Zoran, mais ce dernier ne lui rendit pas franchement la politesse. Si Byron était con, Zoran pouvait l'être mille fois plus.

Je détestai les loups qui se prenaient pour des dieux.

Ces mâles qui mettaient les femelles plus basses que terre sous le simple prétexte que nous étions des femmes. Cela ne faisait certainement pas de nous des êtres plus faibles et ça m'énervais que pour eux, si.

Byron ne méritait pas que je m'occupe de lui, mais sa meute si. Voilà pourquoi, même si je ne lui donnais pas la lettre, je précisai que s'il avait besoin de quoi que ce soit, j'étais là. Ce qui fut accueilli par un rire méprisant. Au moins, le message était clair.

Nous ne dormîmes aucunement chez lui ; aucune invitation n'avait été lancée de toute façon et clairement, c'était bien mieux ainsi.

Zoran nous trouve un petit hôtel très kitch et j'appréciai dès l'instant où je mis le pied dans la chambre.

Byron fut prompt à se débarrasser de nous et le lendemain soir, nous quittions la Virginie par la voie des airs.

En avion, du Richmond à Nashville dans le Tennessee, il fallait un peu plus de trois heures de vol contre plus de neuf heures en voiture. Le choix avait vite été fait, surtout que nous avions pris pas mal de retard en restant chez Auxann.

Mais les circonstances nous y avaient obligées. Ma jambe me faisait mal surtout en fin de journée, quand je forçai trop dessus. Zoran s'en rendait toujours compte et à chaque fois, il me massait de ses mains expertes. Je simulai un peu parfois, mais même s'il semblait l'apercevoir, ça l'amusait et il le faisait quand même.

Je voulais profiter un maximum de lui.

Je voulais graver chaque instant dans ma mémoire. Parce que forcément, tout ça prendrait fin. Quand, je ne voulais pas le savoir. Mais ça arriverait. Plus vite que ce que je pouvais penser. Et cela me faisait terriblement peur.

Parce qu'au-delà du fait de m'être totalement habituée à lui et à sa présence, j'étais devenue accro, tout simplement.

Je ne pouvais pas me voiler la face plus longtemps.

J'étais amoureuse de Zoran.

Et c'était le genre de chose dont on ne pouvait aller contre.

Jamais.

— Je sais que tu ne dors pas, soufflai-je en pressant le bout de mon doigt contre sa joue.

Nous étions dans l'avion et nous allions atterrir dans un peu moins d'une heure. Je savais que quelqu'un nous attendrait à l'aéroport.

Zoran avait les yeux fermés à côté de moi et n'avait pas bougé depuis un bon moment. Je laissai mon doigt frotter contre sa légère barbe et en savourai la sensation.

— Que vous êtes perspicace, Mademoiselle Lane, répondit-il avec un sourire.

Je fis la moue et serrai sa cuisse :

— Ne te moque pas de moi, méchant.

Il rit et ouvrit les yeux pour tourner son visage vers moi. Nos regards restèrent accrochés quelques secondes et aucun mot ne fut dit.

Étrangement, ça nous suffisait.

Plus besoin de mots.

Plus besoin de paroles.

Juste un regard. Juste un souffle.

Et le tour était joué.

Je rompis le contact visuel la première en rougissant légèrement. Je déglutis et essayai de ne rien laisser passer.

Zoran du prendre cela pour de la fatigue, car je sentis ses lèvres contre mes cheveux et son souffle :

— Tu peux dormir si tu veux, je te réveillerais.

Je laissai ma tête reposer contre son épaule et du finir par m'endormir, même si j'avais cru ne pas être fatiguée.

Ce furent Cameron, le Lieutenant d'Adriel et Leah, la première Dominante qui nous accueillirent. Cameron me serra dans ses bras quand Leah se contenta de m'offrir sa nuque, tout comme elle le fit avec Zoran.

Le Lieutenant était un des deux seuls hauts gradés liés. Le Deuxième Dominant de la meute, Devin, l'était aussi. Et il était papa depuis quelques années maintenant ; la petite Kaylee n'avait pas encore connu sa première transformation et cela n'arriverait pas encore tout à fait maintenant.

— Si Auxann ne nous avait pas prévenus que vous auriez du retard, nous vous aurions attendu bien des jours plus tôt, dit Cameron alors que nous avancions vers la sortie.

Auxann s'occupait d'Adriel depuis qu'il avait pris ses fonctions en tant qu'Alpha d'État et le soutien de ce dernier était plus que précieux, surtout quand on savait que les fondations de la meute de Nashville étaient encore très précaires.

Pour cause, Adriel n'avait ni Second, ni Eros ou Eranthe, ni Main et il n'avait pas encore trouvé son troisième Dominant.

Alors quand Timothy l'avait choisi pour le mettre à la tête de l'État, ça avait fait beaucoup de remue-ménage, un peu comme pour Khalil et beaucoup d'autres.

Le Tennessee comptait pas mal de vieux Alphas et c'est vrai que je m'étais demandé pourquoi Timothy avait choisi Adriel. Parfois, les pensées de notre Gardien étaient impénétrables et le comprendre n'était pas toujours aisé.

Mais c'était en rencontrant Adriel que j'avais compris.

C'était une faiblesse que ne pas avoir de Second et bien plus encore quand on avait ni Main, ni Eros ou Eranthe et ni son dernier Dominant.

C'était risqué aussi, car la meute ne reposait aucunement sur des bases solides, mais plutôt sur une fondation totalement précaire. Sans Second, Adriel était obligé de tout gérer tout seul, même s'il pouvait se reposer sur son Lieutenant. Mais ce dernier ne pouvait aucunement remplacer un Second et une Main.

Cameron et Leah nous amenèrent jusqu'à leur voiture et nous quittâmes les alentours de l'aéroport.

Nashville était la capitale de l'État et elle était surnommée « Music City » pour la simple et bonne raison qu'elle était le second centre de production musicale des États-Unis après New-York. Partout dans les rues ont pouvaient voir cet amour pour la musique, cette dévotion presque.

Adriel ne vivait pas dans le centre-ville de Nashville, mais aux abords du Percy Priest Lake. Le cadre y était magnifique et la tranquillité de mise surtout.

Tout comme pour Khalil, c'était Auxann et Jasper qui s'étaient amusés à monter de toutes pièces la maison d'Adriel ce qui faisait que la demeure était unique en son genre. Il y avait d'ailleurs pas mal d'associés d'Auxann se trouvant dans cette ville et dans beaucoup d'autres ailleurs.

Le trajet nous prit donc un certain temps, mais Cameron avait la conversation facile et il m'annonça ainsi qu'Adriel avait une surprise pour moi et sans trop de difficulté, j'en déduisis qu'il avait trouvé un nouveau haut gradé à sa meute ?

Son dernier Dominant peut-être ?

J'avais vraiment hâte de voir ça et Zoran sourit en voyant mon impatience.

Lui, je savais qu'il était très sceptique envers les Alphas qui n'avaient pas de Main et c'était bien pire pour ceux sans Second.

Adriel n'était pas le seul dans ce dernier cas de figure. Gabriel Kalagan ; en passe de devenir l'un des plus grands Alphas de cette génération n'avaient pas de Second. Enfin, aux dernières nouvelles. Je savais que Timothy semblait être au courant de quelque chose, mais il ne m'avait encore rien dit à ce sujet. Peut-être attendait-il simplement que je le découvre par moi-même.

C'est en pleine nuit que nous arrivâmes chez Adriel. Je vis que les lumières étaient allumées et que donc, nous étions attendus par l'Alpha.

La maison n'était pas aussi imposante que la villa d'Auxann, mais elle n'en restait pas moins incroyable.

Jasper avait dessiné les plans de A à Z et c'est là qu'on voyait qu'il avait plus que du talent. Il était vraiment fait pour ça, à n'en pas douter. Mais même si de ce côté c'était magnifique, il fallait voir le reste.

Cameron gara la voiture et passa devant pour nous conduire à l'intérieur.

Les trois hauts gradés vivaient ici avec Adriel ainsi que quelques Veilleurs et Patrouilleurs. La meute n'était pas bien grande encore et tant que tous les hauts gradés ne seraient pas réunis, Adriel ne pouvait prendre plus de loups. Encore une fois, tout cela était vraiment dangereux, mais Adriel avait le soutien d'Auxann et cela dissuadait tout le monde de s'en prendre à lui.

C'était peut-être tricher, mais personne n'avait envie de se mettre à dos l'Alpha de Louisiane. Et puis Adriel n'était pas non plus sans réserve, loin de là.

Auxann était peut-être un allié de choix, mais l'Alpha du Tennessee était capable de gérer beaucoup de choses de par ses propres moyens.

La porte s'ouvrit sur Willow, la compagne de Cameron depuis un peu moins d'une décennie. Je n'avais pas eu l'occasion de vraiment la connaître jusqu'à présent, mais d'après les dires d'Adriel, c'était le genre de femme avec du caractère et qui savait ce qu'elle voulait. Elle ne se laissait pas marcher dessus et elle donnait du fil à retordre à Cameron. Ce dernier l'embrassa sur la joue et nous laissa venir la saluer.

Elle m'offrit sa nuque puis se tourna vers Zoran pour faire de même. Nous entrâmes et Leah disparut à l'étage sans demander son reste. Cameron nous fit traverser la maison pour nous amener dans l'immense cuisine qui était clairement plus que fonctionnelle. Tout étincelait et ça sentait bon... la lavande ? Ou quelque chose comme ça. D'ici, on pouvait déjà voir le lac, immense, imposant, incroyable.

— Némésis Lane, résonna la voix très douce d'Adriel.

Mes yeux se posèrent sur lui et je lui souris tout naturellement. Adriel était le genre d'homme doux, gentil et loin, mais alors très loin d'avoir ne serait-ce qu'une seule once de machisme en lui. Depuis que je le connaissais, je crois qu'il n'avait jamais haussé le ton et il n'en avait pas besoin.

Il pouvait être gentil, mais quand il donnait un ordre, tout le monde s'exécutait. Il dégageait un magnétisme puissant qui incitait tout le monde à se plier à ses quatre volontés. Et ce que je trouvais plus incroyable encore, c'est qu'il ne jouait pas de cela.

Adriel avait un charisme tout naturel ainsi qu'une force de caractère étonnante et surtout, cachée derrière toute sa gentillesse.

C'était un philanthrope. L'empathie était son deuxième prénom.

Quand on le voyait, on le pensait faible, mais c'était bien loin d'être le cas.

Adriel s'avança d'une démarche souple et presque... féline. Il s'arrêta devant moi et toujours souriant, m'offrit sa nuque.

Comme il le faisait avec Timothy. Adriel avait une notion du respect toute particulière. Et même si ça me gênait atrocement, je ne pouvais refuser cela.

Alors, je déposai mes lèvres et je sentis sa puissance m'envelopper un court instant. Ma louve monta et quand il se redressa, elle chercha à saluer son loup. Ce dernier ne tarda pas à briller dans les yeux d'Adriel et nos deux loups échangèrent un long regard avant qu'Adriel ne se tourne vers Zoran.

Toujours très respectueux, ce dernier offrit sa nuque à l'Alpha devant lui et Adriel y déposa un léger baiser.

Jetant un coup d'œil autour de moi, je me rapprochai d'Adriel :

— Cameron m'a dit que tu avais une surprise. Tu as trouvé un de tes hauts gradés ?

Adriel sourit en secouant doucement la tête, amusé par mon impatience.

— Et moi qui pensais qu'Auxann ou Naël allaient vendre la mèche...

Ce n'était pas son dernier Dominant.

— Tu as trouvé ta Main !

Comme j'avais hâte de rencontrer ce loup ! Une nouvelle Main était toujours un événement incroyable dans une meute.

Adriel sourit de toutes ses dents. En cet instant, il ressemblait presque à un enfant le lendemain de Noël.

L'Alpha avait trouvé sa Main. Et tout le monde savait que le lien entre les deux était le plus particulier, le plus spécial dans une meute.

— Il y a une petite anecdote qui va avec, mais je vous raconterais ça demain. Il est tard et je pense que tout le monde a hâte d'aller se coucher.

Je fis la moue.

Je n'étais pas du tout fatiguée, moi... Mais je crois que je n'avais pas vraiment le choix. Adriel nous montra notre chambre qui donnait sur le lac et nous souhaita bonne nuit. Dès que la porte se fut refermée, je sautai dans les bras de Zoran qui me souleva du sol et j'entourai ses hanches de mes jambes.

— Une nouvelle Main ! Tu te rends compte ? J'ai vraiment hâte d'être à demain !

Zoran frotta son nez contre le mien :

— Une Main que tu ne connais pas. Tu n'es pas pressé toi ? Soufflai-je.

— Il y a beaucoup de Mains que je ne connais pas, tu sais ?

Il nous amena jusqu'au lit et m'y laissa tomber avant de se pencher sur moi, se faisant une place entre mes jambes.

— Tu n'es pas drôle, dis-je avec une moue.

Il rit un peu plus, amusé pour mon état de fébrilité extrême ! J'avais envie de rire. J'avais envie de parler.

J'avais envie de lui.

— Et toi tu es trop impatiente. Regarde-toi !

— Détends-moi alors, loup, ronronnai-je, le forçant à plaquer ses hanches contre les miennes.

Immédiatement, ses yeux s'assombrirent, affolant mon pauvre cœur.

— Comme il vous plaira, Mademoiselle Lane.

Et il ne tarda pas à se perdre en moi.

Le lendemain matin, Adriel nous invita à prendre le petit-déjeuner sur la terrasse, là où un immense soleil miroitait sur l'eau du lac.

Zoran observa notre environnement, assez admiratif. C'était un havre de paix ici, un petit coin de paradis même.

Cameron, Willow, Leah, Devin et Ysabel se joignirent à nous, avec la petite Kaylee qui courrait partout et n'arrêtait pas de poser tout plein de questions.

Elle sembla particulièrement s'intéresser à Zoran et finit par se retrouver sur ses genoux. C'était vraiment mignon à voir, il n'y avait pas à dire.

Adriel conversa un long moment avec moi, me parlant des progrès qu'il avait faits avec certains Alphas et dans le feu de l'action, j'en profitai pour lui expliquer la raison de ma venue.

Il jeta un coup d'œil à Cameron qui se leva et disparut à l'intérieur :

— Auxann m'a prévenu et comme il a précisé que tu avais pas mal de retard, j'en ai profité pour te devancer comme qui dirait.

Dans ma vision périphérique, je vis Cameron revenir avec un dossier dans les mains. Il me le tendit et Adriel se pencha en croisant les mains devant lui :

— Il y a toutes les Mains du Tennessee, comme demandé. Plus la mienne.

Il me fit un clin d'œil et je me fis force pour ne pas ouvrir le dossier maintenant et voir quel loup il avait choisit. Avec Adriel, je pouvais m'attendre à tout !

Sagement, je reposai donc la pochette cartonnée :

— Allez, je veux voir le loup que tu as choisi ! Dis-je, n'en pouvant plus.

Les rires autour de la table me firent froncer les sourcils. Quoi ? Qu'est-ce qui était drôle ?

Adriel se leva :

— Ma Main est un peu... sauvage, il ne faut pas trop lui en vouloir.

Je vis Zoran pencher légèrement la tête.

Il posa la fillette par terre et se leva en même temps que moi. Les autres restèrent à table quand Adriel nous amena aux abords du lac, là où quelques arbres jetaient de l'ombre. La main de Zoran se retrouva dans le creux de mes reins et je lui jetai un coup d'œil en souriant. Lui aussi semblait curieux maintenant ! Il était une Main, c'est normal qu'il veuille connaître celle choisie par un Alpha. Même si Adriel ne devait pas représenter grand-chose pour lui. Voire même rien.

C'était tellement incroyable quand un Alpha trouvait un de ses hauts gradés. J'avais assisté à cela une fois.

L'Alpha reconnaissait le loup et voulait le revendiquer comme sien. Un loup qui ne disait pas oui tout de suite n'était pas laissé tranquille, loin de là. Benjamin m'avait raconté comment il avait collé Nayah au basque pour qu'elle accepte enfin de devenir sa Main. J'aurais aimé savoir ce que Zoran pensait de Nayah, ou encore d'Amalia, la Main de Nohlan.

La première ne portait plus de louve en elle, mais avait suivi l'entraînement dans une Maison avant que cela n'arrive. Pour beaucoup, elle faisait plus... Chasseuse que Main. Peut-être parce que son mentor n'était autre que Liam ; un nom à lui tout seul. Amalia quant à elle était louve, mais se considérait bien plus comme une Chasseuse.

Tant de loups.

Tant d'histoire différente.

Il n'y avait pas de limite à la connaissance, au savoir. Il n'y en aurait jamais.

Mon regard se posa sur le dos d'Adriel au moment où il butait dans un obstacle – peut-être un caillou ? – et faillit s'étaler de tout son long... j'avais oublié à quel point il était d'une maladresse qui ne pouvait pas être humaine.

Avant que je n'aie le temps de réaliser, une ombre atterrit juste à côté de lui et le saisit par le bras pour le retenir.

Tout de suite mon regard se posa sur la jeune femme aux côtés d'Adriel.

Ce qui me frappa en premier, c'est la brûlure qu'elle avait au niveau de l'épaule et qui remontait le long de son cou.

Le feu était ce que nous craignions le plus, nous autres lycanthropes.

Elle était plutôt grande, toute en jambe et n'avait pas particulièrement de formes. Des traits fins, un visage agréable à regarder, mais un regard terriblement froid, vide même.

Le tatouage sur son avant-bras attira mon regard et attisa ma curiosité. Qu'est-ce qu'il signifiait pour elle ?

Adriel sourit doucement et la jeune femme le lâcha.

— Je vous présente Mackenzie Malone. Ma Main.

Je souris. Une femme comme Main ! C'était tout juste... incroyable, comme toujours.

Aux États-Unis, il n'y avait que cinq louves comme Main.

Katerina Vasleur.

Nayah Adhams.

Amalia Harendra.

Kalie Tempel.

Et Spencer Flores.

Avec Mackenzie, cela en faisait six. Ce n'était rien et pour beaucoup, c'était comme un grain de sable dans le désert, mais ça prouvait que des louves pouvaient très bien faire l'affaire.

Adriel avait choisi Mackenzie. Cela représentait quelque chose.

Pour moi du moins.

La jeune fille croisa mon regard et pendant plusieurs secondes, elle m'observa. Peut-être était-ce parce que j'avais été brisée pendant des années que je reconnus cela dans ses yeux.

Il y avait de la souffrance.

Il y avait de la colère.

Il y avait le vide.

C'était assez effrayant de plonger son regard dans celui de cette fille. Elle fit un pas vers moi.

— Mackenzie, voici Némésis Lane, elle travaille avec le Gardien.

Je n'avais pas encore donné la lettre à Adriel, mais il n'était pas idiot. Mackenzie m'offrit sa nuque, mais je vis la tension dans ses épaules. Elle ne semblait pas apprécier de ne pas garder le contact visuel. Je n'étais pas sûre de comprendre pourquoi...

— Et l'homme avec elle est...

— Zoran Swanson, souffla Mackenzie en redressant sa tête après que je l'eu saluée.

Je vis le respect dans ses yeux.

Pas de crainte. Pas de peur.

Juste cet immense respect.

Qu'elle connaisse le nom de Zoran n'était en rien surprenant. La première génération de Main était gravée dans la mémoire de tous. Surtout dans les Maisons.

Dans quelle Maison Adriel était-il allé la chercher ?

Qui avait-elle eu pour Régent ?

Il faudrait que je demande à Adriel.

Elle offrit sa nuque à Zoran et cette fois, aucune tension chez elle. Zoran ne fit que l'effleurer du bout des doigts.

Il semblait observateur. Curieux même. Une femme Main était tellement rare. Six. Ce n'était rien. Rien du tout dans notre monde.

Mackenzie me semblait jeune, mais quelque chose me disait qu'elle était un peu plus vieille que moi. Les loups restaient des siècles dans la Maison où ils étaient envoyés.

Des siècles à apprendre.

Des siècles à recevoir des coups.

Des siècles à essayer de ne pas se faire tuer. Par les autres. Par le Régent lui-même.

Ne restait plus que la volonté de réussir.

Et de trouver son Alpha.

Ce qui devenait de plus en plus rare. Les Maisons n'étaient plus aussi remplies qu'avant. Et les Alphas n'arrivaient plus à tomber sur le bon loup.

C'était triste, mais c'était ainsi. Voilà pourquoi bon nombre de meutes ne comptaient pas de Mains.

Voilà pourquoi j'effectuais cette mission. Pour que Yahto et Timothy sachent où nous en étions clairement. Et pour qu'ils trouvent une solution.

Ce n'était pas que les Régents tuaient trop de loups où qu'ils fussent trop durs ; il fallait l'être pour faire de bonnes Mains. Mais l'existence de ces dernières n'était pas facile.

Une vie de solitude pour la plupart.

Une vie de dévotion.

— Et cette petite anecdote alors ? M'enquis-je, me tournant vers Adriel.

Il m'offrit son bras et il me raconta avec un sourire. Zoran et Mackenzie restèrent derrière nous et je crois bien qu'ils parlèrent un peu, mais n'en fus pas très sûre.

Je donnai la lettre à Adriel en fin de matinée et nous partîmes pour le Kentucky où l'Alpha d'État était Rayhan Estrada. Ce dernier avait basé sa meute à Louisville et même si je ne lui donnais aucune lettre, je lui dis que je restais à sa disposition pour la moindre demande. Il était un peu macho sur les bords, à cause de l'éducation qu'il avait eu, mais n'en fut pas du tout désagréable avec moi, bien au contraire. Sa meute était jeune elle aussi et il entretenait des liens très forts avec Keyrian Reed, Alpha d'État de la Virginie Occidentale. Pour cause, tous les deux étaient des cousins et avaient presque été élevés ensemble. Timothy m'avait dit une fois que l'un suivait souvent l'autre en ce qui concernait des décisions, quelles qu'elles soient. Ainsi, si vous en mettiez un dans votre poche, l'autre suivait. Normalement. Cela fit rire Zoran qui ajouta même qu'au final Timothy était un peu manipulateur. Pas en mal, loin de là. Il devait bien l'être un peu pour pouvoir gérer tous ces loups, tous ces Alphas.

Nous ne restâmes qu'une journée chez Rayhan. Adriel semblait avoir fait passer le message et donc quand nous débarquâmes à l'aéroport d'Indianapolis, des loups de Gabriel Kalagan nous attendaient.

Il y avait le Lieutenant de la meute ainsi que la Main.

Logan était le petit frère de Timothy et on ne pouvait pas vraiment se tromper tant la ressemblance était frappante. Ils avaient un caractère bien différent, mais dans le fond, ils avaient la même force de caractère. Logan pouvait paraître fragile et docile presque, mais il n'en était rien.

Raphaël quant à lui n'était pas vraiment l'archétype de la Main. Il était souriant, avenant et se liait facilement d'amitié. Je l'appréciai beaucoup. C'était un tatoueur et bon nombre de Mains venaient le voir lui plutôt qu'un autre.

Comme chez Adriel, ils nous offrirent leur nuque sans aucune hésitation et Raphaël m'ébouriffa les cheveux dans un geste fraternel :

— Comment va, petite Némésis ?

Je senti la main de Zoran dans ma nuque et Raphaël vit le geste, mais ne releva pas. Mon cœur eut un loupé et ma louve aurait pu ronronner.

Ne rien laisser passer.

Je savais que Zoran ne pouvait pas accepter mes sentiments.

Peut-être n'éprouvait-il rien de tel pour moi et qu'ainsi, c'était beaucoup plus facile de son côté, mais moi, c'était doucement en train de me ronger.

— Recule avant de tomber.

Maintenant, je comprenais pleinement la phrase du Gardien.

Une mise en garde.

Un conseil.

Que j'avais été incapable d'appliquer. Et voilà où j'en étais maintenant.

Amoureuse de la Main de Jahyan Pearson.

Je n'arrivais pas à me dire que c'était une mauvaise situation. C'était une fatalité. C'était le destin. Et je ne pouvais pas aller contre ça, même si je l'avais voulu très, très fort.

J'étais peut-être un peu folle, mais étrangement, pour moi, il ne pouvait en être autrement. J'avais laissé Zoran prendre beaucoup de mes premières fois, alors ça me paraissait presque normal que j'en sois là aujourd'hui.

Les deux loups de Gabriel nous amenèrent dans la demeure de l'Alpha et je fus contente de revenir ici. J'avais passé beaucoup de temps avec Benjamin avant Alexia, mais aussi après et j'avais donc passé pas mal d'années avec Gabriel et Abigail. L'un était loup, l'autre vampire. Une famille étonnante, n'est-ce pas ?

Gabriel était un homme que j'appréciais particulièrement. Il avait l'esprit de son père et surtout, il avait sa puissance. Il était né pour être Alpha après tout.

Il l'était depuis à peine quelques années, mais il n'était pas difficile de voir qu'il allait devenir un des grands. Un des plus puissants.

Il ne lui manquait qu'une seule chose pour que sa meute soit au summum de sa puissance ; un Second.

L'élément indispensable. Le Second était après l'Alpha, le pilier le plus important de la meute. Il était un peu comme un mur porteur – je crois que c'était Jasper qui avait fait cette comparaison une fois, mais je n'en étais plus très sûre – et un Alpha avait besoin de son Second.

Gabriel nous accueillit et me serra très fort contre lui alors qu'Éden me souriait tendrement. Elle était la fille de Jeremiah, un Alpha qui je respectais particulièrement. Ils n'étaient pas liés depuis très longtemps, mais il y avait une réelle alchimie entre eux. Les hauts gradés de cette meute étaient presque tous liés, hormis Logan et deux derniers Dominants ; Milo Wade et Gregory McKinney. Aucun n'était parent ; la meute était trop jeune pour cela et les membres avaient encore beaucoup de temps devant eux avant de ne serait-ce que pensé à ça.

— Ça faisait longtemps, me souffla Gabriel, me tenant contre lui après avoir salué Zoran.

Sa chaleur était aussi réconfortante que celle de son père. J'avais vu Benjamin changer. Passer de cet être froid où seuls la mort et le sang comptaient à ce père attentif, ce mari aimant et cet Alpha incroyable. Gabriel tenait de son père. Et si j'aimais de tout mon cœur Benjamin, il en allait de même avec son fils.

— Papa se plaint de ne plus te voir. Il ronchonne en disant que tu passes plus de temps chez Auxann que chez lui.

Du Benjamin tout craché. Ça ne m'étonnait même pas. J'avais vraiment hâte de faire un crochet par Toledo. Hâte de revoir celui qui m'avait appris des choses que personne d'autre n'aurait pu faire.

— Un vrai enfant quand il s'y met, répondis-je retenant un rire.

Gabriel m'embrassa sur la joue et se recula, me libérant enfin. Je laissais vraiment très peu de personnes agir ainsi avec moi et d'habitude, le seul qui pouvait me tenir longtemps dans ses bras était Luka.

C'était avant Zoran.

Bien sûr, certains Alphas que j'aimais énormément le pouvaient aussi, mais il y avait toujours une certaine limite.

— Si maman t'entendait, elle ne pourrait qu'être d'accord avec toi !

Je vis que la table était dressée et n'attendait que nous. Gabriel me fit assoir à côté de lui et il me parla de tout ce qu'il avait fait dernièrement et de comment florissaient les affaires. Il était promoteur et réussissait plutôt pas mal, surtout en sachant qu'il se lançait.

Zoran discuta avec les autres et surtout avec Raphaël, quand il s'agissait d'une autre Main, il avait la conversation facile... pas autant qu'avec Joaquim ou Naël, mais quand même !

Je parlai beaucoup avec Éden ainsi qu'avec Chelsea, qui était une humaine parmi les loups. Elle était la femme de Raphaël et travaillait pour la Police. C'était un couple un peu étonnant, mais Chelsea avait su se faire une bonne place dans la meute et même si elle n'était en rien une louve, elle avait notre notion du respect.

Mina, la fille adoptive de Nohlan et de Peyton était l'Eranthe de cette meute. Sûrement la plus puissance des dernières décennies. On racontait tellement de chose à son sujet qu'il était dur de savoir si c'était vrai ou pas. Elle était liée avec le premier Dominant de la meute, Carlos. Milo Wade, le deuxième Dominant n'était autre que le fils de Kane, le Lieutenant de Dean Campbell.

Chaque membre de cette meute avait un patrimoine génétique assez impressionnant et tous étaient puissants.

Bientôt, ce serait une meute incroyable. Et je voulais être là pour voir quand ça arriverait. Je voulais suivre cette évolution de très près. Et ne pas en louper une seule miette.

Alors que nous avions fini le repas depuis un petit moment, Gabriel se pencha sur moi :

— J'aimerais beaucoup te faire rencontrer quelqu'un.

Tout de suite, ma curiosité fut piquée à vif. Il ne fallait pas me dire ça à moi, bon sang !

Il se leva et je fis de même. Je jetai un coup d'œil à Zoran qui hocha simplement la tête, me signifiant que je pouvais y aller seule. Il avait donc confiance dans les membres de cette meute. En même temps, comment faire autrement ? Gabriel m'amena dans son bureau, me disant que ladite personne n'allait pas tarder.

Quelque chose me disait que c'était une personne extérieure à la meute. Je pouvais m'imaginer tellement de chose que je préférais profiter de l'attente pour faire mon petit speech à Gabriel et lui donner la lettre sans la moindre hésitation. Il l'a lu et bien sûr, je ne vi aucune surprise dans son regard. Il la replia soigneusement et la rangea dans l'un de ses tiroirs.

— Ce serait bien sûr un honneur de traiter avec toi. Je sais que le Gardien est occupé, même si quand on l'appelle, il répond toujours présent. C'est bien qu'il t'ait.

Je rougis légèrement et baissai la tête.

— Je suis sûre que tu es aussi compétente que lui. Timothy a beaucoup de chance de t'avoir. Où devrais-je plutôt dire ça pour Zoran ?

Cette fois, je du rougir jusque la pointe de mes cheveux.

Gabriel rit. Je ne savais pas si cela l'intéressait vraiment ou s'il voulait seulement me charrier. Il était vraiment comme son père, il n'y avait pas à dire !

Quelqu'un frappa alors à la porte et je tournai mon visage au moment où Gabriel lançait un « entrez ».

C'est un homme qui apparut.

Un lycanthrope à n'en pas douter.

Quelque chose d'étrange me percuta alors que j'observai son visage et ma louve monta doucement. Il y avait un truc... qui clochait ? Non. Une simple impression. Penser à ce que je ressentais pour Zoran semblait me griller tous mes neurones.

Il était grand. C'était un bel homme, tout en muscles, avec un charme indéniable. Son regard était profond, c'était comme si en se plongeant dedans, on pouvait juste s'y noyer.

Gabriel se leva et je l'imitai alors que l'homme refermait derrière lui.

— Némésis, je te présente Rey Christen.

Il y avait beaucoup de respect dans la voix de Gabriel, mais autre chose aussi. Quelque chose dont je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Pas totalement du moins...

Ledit Rey s'avança et s'arrêta devant moi.

— Rey, je te présente Némésis Lane qu'on peut considérer comme notre Gardienne, au même titre que Timothy.

— Enfin, je ne suis que son envoyée, bafouillai-je alors que l'homme souriait en face de moi.

Il était puissant.

Incroyablement puissant même. Et vieux. Je pouvais le lire dans son regard. Je pouvais le sentir jusque dans mes os.

Qui était-il ?

Pourquoi ce sentiment de malaise alors que je me trouvais devant lui ?

Il m'offrit sa nuque et je restai paralysée pendant plusieurs secondes. Ma louve avait envie de monter. Avait envie de... de quoi au juste ?

— Enchanté de faire votre connaissance, Némésis Lane.

L'homme se redressa et la lueur dans son regard me sembla la seule chose... authentique chez lui. Qu'est-ce qui m'arrivait au juste ?

— Je... moi... aussi.

Gabriel rit doucement et le regard qu'il échangea avec Rey me prouva une chose.

Que l'Alpha l'avait choisit.

Et il ne restait qu'un seul poste vacant dans cette meute.

Celui de Second.

Mon regard sur l'homme changea du tout au tout.

— Rey m'aide depuis quelque temps. C'est un allié précieux pour moi et...

— Il est en tête de liste pour devenir ton Second, je me trompe ?

C'était ma louve et moi. Nous deux réunit dans ma voix. Rey ne cacha pas sa surprise quand Gabriel parut légèrement gêné.

— Tu es trop intelligente pour nous, Némésis.

Je secouai la tête avec un sourire. C'est ce que disait souvent Maël.

— Je suis observatrice et je sais reconnaitre un Alpha qui a choisi son loup. Timothy à dit qu'en venant ici je ne serais pas déçue et il avait raison. Seulement...

Je penchai la tête, fixant intensément l'homme devant moi. Il n'était pas qui il disait être. Je pouvais le sentir. Et de vieilles paroles de Benjamin me revinrent :

— Chez les loups, les apparences sont trompeuses, mais les sorciers sont encore plus doués que nous pour dissimuler quelque chose qui se trouve juste sous ton nez. C'est à toi de voir la vérité derrière le mensonge.

— Je ne crois pas avoir été présentée à la bonne personne, finis-je.

Quelque chose dans le regard de l'homme.

Gabriel se frotta la nuque et pendant un instant, je crus avoir Ben en face de moi. Il regarda longuement l'homme. Attendait-il quelque chose de sa part ? Son accord ?

— Si Timothy ne t'a rien dit ; et je sais qu'il partage tout avec toi -, c'est parce que cela ne peut être révélé à la légère sans mettre certaines personnes en danger.

— Je comprends, répondis-je, consciente que Timothy se devait de garder certains secrets pour lui seul.

— J'ai toute confiance en toi, Némésis, mais il faut que tu promettes de garder tout cela secret jusqu'à que nous décidions de rendre tout cela... public, si je peux dire cela ainsi.

Ma louve prit les devants et regarda Gabriel :

— Je suis avec le Gardien depuis quelques siècles, Alpha. Ce qu'on m'apprend, ce qu'on m'enseigne, je l'emporterais dans la tombe. Si tu veux me dévoiler quelque chose, n'ait crainte, je saurais tenir parole.

L'Alpha brilla dans les yeux de Gabriel qui hocha la tête. Mes yeux se posèrent de nouveau sur l'homme qui souriait de nouveau.

Il y eut comme une ondulation au niveau de son visage et je vis la magie. Une puissante magie qui l'entourait, qui le camouflait, qui le faisait devenir quelqu'un d'autre.

Mais l'espace de quelques secondes, il redevint qui il était vraiment.

L'homme qu'il était.

Aucune parole ne fut dite. Il n'y en avait pas besoin. Parce que la ressemblance était frappante. Et qu'aucun doute n'était possible.

Ce fut un véritable choc. Une véritable révélation.

Presque aussi puissante et improbable que lorsque Elias Hansen et toute sa meute étaient réapparus du jour au lendemain, alors que tout le monde les pensait morts depuis des siècles et des siècles.

Parfois la réalité était tout autre.

Parfois, ce qu'on pensait être vrai ne l'était pas.

Je m'inclinai devant l'homme devant moi et cette fois, c'est moi qui lui offris ma nuque. Il ne refusa pas cette marque et y déposa ses lèvres.

Quand je me redressai, il était de nouveau Rey Christen. Et cela me fit sourire.

Tout cela allait être incroyable.

Je voulais être là. Plus que tout, je voulais prendre part à tout ça, même si ce n'était qu'en offrant mon aide. Ça me semblait important.

Pour eux.

Pour moi.

Nous rejoignîmes les autres et tout de suite, je croisai le regard de Zoran. Je lui souris avec tendresse et il fit de même.

Forcément, il éprouvait quelque chose pour moi, sinon pourquoi aurait-il été ainsi ?

J'allais m'assoir sur ses genoux, faisant fi des gens autour de nous et de tout le reste. Je voulais profiter. Profiter avant de briser tout ça.

Gabriel nous garda chez lui un peu plus d'un jour, même s'il avait déjà tout réuni. Auxann avait fait passer le message à tout le monde. Celui-là...

L'Alpha ainsi que Raphaël nous raccompagnèrent et s'arrêtèrent bien avant la frontière, et après m'avoir soulevée dans ses bras et fait tournoyer, Gabriel me reposa et se tourna vers Zoran en lui tendant la main.

— Fais attention à cette femme, Main. S'il lui arrivait quelque chose avant que tu n'arrives chez mon père, il aurait ta peau. Comme beaucoup d'autres Alphas, je pense, ajouta Gabriel.

Gabriel n'avait donc pas eu vent de l'attaque ? Ce n'était peut-être pas plus mal comme ça...

Zoran resta sombre et se contenta de serrer la main à Gabriel avant de faire de même à Raphaël. Après un dernier petit geste de la main, je suivis Zoran et remontai dans la voiture, direction l'Illinois.

Il fallait environ trois heures et quinze minutes pour rallier Springfield depuis Indianapolis. Pharell était comme beaucoup d'autres, un jeune Alpha en poste depuis un peu moins d'un siècle. Lui, il avait tous ses hauts gradés, mais seul l'Eros ; Flinn Ramos était lié. Tous les autres cherchaient encore ou tout du moins, s'amusaient. Parmi ses piliers, Pharell ne comptait qu'une seule femme, sa première Dominante. Et d'après ce qui me semblait me souvenir, elle était de la même famille de Joaquim. Il y avait quelques Weaver disséminés dans certaines meutes. De là à savoir s'ils étaient des frères, des sœurs ou des cousins, ce n'était pas le genre de chose qui semblait toujours le plus important.

Les Veilleurs nous arrêtèrent à la frontière de la ville et firent passer le message. La Main de Pharell était là, une ombre parmi les ombres.

Ryder Wells n'était pas une vieille Main ni même un très vieux loup, mais il restait très bon. Il était le petit frère de Cyrus Wells, le Lieutenant de Keenan Baker, mais il n'avait pas cette même... folie en lui. Ou alors il le cachait mieux et Pharell savait le canaliser.

Après de brèves salutations et sans un mot, ce fut lui qui nous amena chez Pharell.

Cet Alpha était... je n'aurais pas dit unique en son genre, mais on avait souvent l'impression qu'il prenait tout à la rigolade et il était alors très dur de savoir quand il était sérieux ou pas. Ses loups étaient à son image. Très peu prenait Pharell au sérieux, mais beaucoup s'en était déjà mordu les doigts.

Pharell Sandoval n'était pas n'importe qui et ça, mieux valait ne pas l'oublier. Trop d'Alpha d'État choisi par Timothy étaient méprisés à cause de leur jeunesse, mais le Gardien ne faisait jamais un choix sur un coup de tête, loin de là. Et tous étaient là où ils devaient être.

La jeunesse n'était-ce pas l'avenir ?

Que ce soit Gabriel Kalagan, Pharell Sandoval, Adriel Gibbs et tous les autres, notre futur, c'était eux, tout simplement. Et trop avait tendance à l'oublier malheureusement.

Pharell nous accueillit avec son Second, Wayan Silva. Chez les deux hommes, ont voyaient clairement leur racine hispanique. C'était un peu comme le nez au milieu de la figure. Pharell avait tout de même la peau bien plus foncée que celle de Wayan, mais les deux mis côte à côte donnait un spectacle assez sympathique.

— Je crois que je suis choqué de te voir aussi bronzée, Isis, rit Pharell. Toi qui passes ton temps enfermée, tu étais toujours toute blanche.

Ce n'était pas vrai, même si je prenais rarement le soleil, ma peau restait mate. Grace à Eneko maintenant que j'y pensais.

J'offris ma nuque à Pharell qui me salua avant de se tourner vers Zoran avec un léger sourire.

— Alors, c'est une Main qui a réussi à nous ravir notre petite Némésis ? Tu as dû briser bien des cœurs, Zoran Swanson quand cela sait sut.

Wayan ricana et je secouai la tête en jetant un coup d'œil à Zoran. Il ne répondit rien, mais je sentis son loup, à la surface.

Je le sentis plus que je ne le vis. Cela n'était-il pas étrange ? Sûrement. Je ne voulais pas commencer à tout analyser. Je connaissais mes sentiments. Savais qu'ils ne seraient pas acceptés, alors je devais juste m'en tenir à ça.

Même si ça allait faire mal. Très mal.

— Khalil s'en est-il remis ?

Je rougis et l'expression de Zoran se fit plus dure. Même si tout c'était bien passé là-bas, ce n'était pas une super idée d'en parler.

— Je crois qu'il courtisait notre chère Isis juste pour le plaisir. Tout le monde sait l'attrait qu'exerce sur nous autres mâles une louve solitaire. Pas vrai Ryder ? Ajouta Wayan

La porte derrière eux s'ouvrit pour laisser passer Flinn qui comme tout bon Eros, n'était que douceur. Il était jeune et d'une puissance moyenne, mais pour cette meute, c'était largement suffisant.

— Bande de mal élevés, dit-il en passant entre son Alpha et son Second pour me prendre la main. J'avais connu Flinn alors qu'il n'était qu'un jeune louveteau et qu'il était encore dans la meute de ses parents. Ces derniers étaient morts, emportés par des Chasseurs. Tout comme sa petite sœur. Mais cela n'était pas quelque chose d'unique ou qui n'arrivait que très rarement. Au contraire.

Je croisai le regard de Ryder par-dessus l'épaule de Flinn.

— Rien de mieux pour une Main qui ne veut pas se lier je dirais même ! Renchérit Pharell.

— Ne les écoute pas, me souffla Flinn. Ils ne savent pas parler aux femmes ces deux-là, voilà pourquoi ils sont tous seuls.

— Hé ! S'insurgea Wayan avec un sourire. Tu as de la chance avec ton Anna, toi.

Je souris et Flinn jeta un coup d'œil à Zoran. Que sentait-il ?

— Mais si j'ai bien compris, Zoran ne fait qu'accompagner Némésis dans son tour des Alphas d'États, dans quelques semaines, il n'aura plus aucune prétention sur elle, je me trompe ?

Je vis Zoran faire un pas, mais main se retrouva sur son bras. Je la laissai glisser sur son poignet et caressai sa peau.

Pour l'apaiser.

Pour ne pas que les paroles de Pharell l'atteignent. Pour le coup, c'était à moi de gérer la situation. Pharell et Wayan ne visaient pas à mal, je le savais, mais chercher Zoran de la sorte n'était peut-être pas très malin.

— Vous savez que je suis juste là, hein ?

Pharell m'offrit un éblouissant sourire. Il s'amusait avec son Second, se fichant même de Zoran ou de moi.

— Le truc dans cette histoire, c'est que maintenant que tout le monde sait que Némésis a été avec quelqu'un, ils vont se dirent qu'ils peuvent tenter leur chance. Et donc, tous ceux qui jusqu'à présent n'ont rien fait vont passer à l'acte.

J'avais peur que Pharell n'ait pas totalement tort. Le fait que je passe mon temps dans les bibliothèques ou chez Heaven avait laissé peu de place pour autre chose. Mais maintenant, j'étais avec Zoran et vu que je portais plus que certainement son odeur, il n'était pas compliqué de faire le rapprochement.

Et une fois que tout cela serait fini, une fois que Zoran serait retourné auprès de Jahyan, beaucoup se dirait que la voie était libre.

— La liste d'attente risque d'être longue. Tu devras attendre encore un peu, Ryder, rit Wayan.

Ryder secoua la tête, pas amusé du tout par toutes les bêtises qui étaient en train d'être dites. Mais son regard sur moi n'en était pas moins... intéressé.

— Tant que Némésis portera l'odeur d'un mâle, ça dissuadera les autres de venir lui tourner autour, soupira Flinn, finissant par prendre part à la conversation.

Je lui donnai un coup de coude et il m'offrit un pauvre sourire d'excuse.

— L'odeur, ce n'est rien. Et tout le monde sait très bien que Zoran n'a aucune intention de prendre notre petite Némésis en tant que compagne. Ils vont donc juste attendre patiemment qu'il se retire et hop, les jeux seront faits.

— Stop bon sang, grognai-je. Vous êtes vraiment affreux quand vous vous y mettez ici ! J'ai faim et j'en ai plein les pieds, est-ce que ce serait trop demander que de rentrer à l'intérieur ?

Pharell rougit alors que Wayan se raclait la gorge. Flinn m'offrit son bras, mais je préférai rester à côté de Zoran.

Nous entrâmes enfin à l'intérieur et Anna, la compagne de Flinn nous servit à manger. L'ambiance et surtout la conversation fut bien plus légère.

Ma main reposait sur la cuisse de Zoran quand la sienne était sur le dossier de ma chaise. Parfois l'un de ses doigts effleurait ma nuque très légèrement, créant de délicieux frissons.

Je ne voulais pas qu'un autre me touche de cette façon. Ni maintenant, ni jamais. Il n'y avait que Zoran. Il n'y aurait toujours que Zoran. J'aurais aimé me dire que je ressentais ça en ce moment et que quand il partirait, peut-être éprouverais-je autre chose, mais au fond de moi, je savais que ce ne serait pas le cas.

J'aimais Zoran.

Et ma louve était attachée à son loup au-delà des mots.

Quand j'y pensais, tout cela me paraissait logique et normal. Dès l'instant où il m'avait suivie pour entamer tout ça, j'aurais dû comprendre.

Si tu lui dis maintenant, il n'y aura plus rien, souffla ma louve.

Oui.

Oui, je le savais. Mais le retenir plus longtemps... n'était plus envisageable. Je savais ce qu'il allait se passer.

Je n'étais pas une idiote.

J'étais amoureuse, certes, mais même moi je savais que cela ne nous mènerait nulle part. Lui comme moi.

Nous n'étions pas faits l'un pour l'autre.

Il était une Main. J'étais une louve solitaire.

Nous étions faits pour être seuls. Tout simplement. Alors moi-même je savais que je n'avais aucun espoir à avoir.

Alors, autant faire que tout cela soit moins douloureux.

— Recule avant de tomber.

C'était exactement ça.

Comme si Timothy avait prédit tout cela. Comme si le Gardien avait su.

Anna nous montra notre chambre et quand la porte se referma sur nous deux, je soupirai, fatiguée par cette soirée, par toute cette journée en fait.

Je sentis Zoran dans mon dos, ses lèvres sur mon épaule et... j'eus envie de pleurer. Et de me blottir dans ses bras.

Ma louve était agitée. Elle savait ce que j'allais faire. Juste ce qui devait être fait.

Avant de finir avec le cœur complètement brisé.

Avant de finir avec l'âme en lambeau.

— Si je descends briser quelques nuques, tu ne m'en voudras pas ? Souffla Zoran.

— Tu es bête, souriais-je.

Je sentis ses dents, mais elles ne firent que râper ma peau avec légèreté. Zoran s'écarta alors et retira son t-shirt en passant à côté de moi. Alors qu'il me tournait le dos, j'en profitai pour aller me blottir contre lui, cachant mon visage entre ses omoplates.

— Qu'est-ce qu'il y a ? S'enquit-il avec douceur, sentant clairement que quelque chose n'allait pas.

Cela aurait dû nous inquiéter tous les deux.

Il y avait trop de choses qui était devenue normale alors que ça n'aurait pas du être. Trop de chose qui ressemblait à s'y méprendre à ce que pouvaient faire des... compagnons.

Ce genre de chose de choses n'auraient jamais, jamais dû arriver.

— Tu sais, j'ai toujours pensé que j'avais de l'esprit et que j'étais capable de prendre les bonnes décisions au bon moment. Bien sûr, je n'ai jamais pensé que je serais à l'abri d'une erreur ou d'un mauvais jugement un jour.

Il ne dit rien, écoutant attentivement ce que je disais, essayant sûrement de comprendre où je voulais en venir.

— Je suis facilement fascinée par beaucoup de choses et parfois, j'en oublie même de vivre.

Enfermée dans une bibliothèque, laissant le temps passer sans même y faire attention.

— Je crois en beaucoup de choses et ne comprends pas qu'autant de gens ne connaissent pas leur propre histoire.

Je parlais des loups. Je parlais de notre héritage, de Sharan, de qui nous étions.

— Tu sais, avant toi... je ne connaissais rien à la vie. Au monde qui m'entourait. C'est toi qui m'as tout montré, c'est toi qui m'as fait me sentir plus... vivante que jamais.

Sa chaleur me faisait du bien.

Sa chaleur était un cadeau pour moi. Une bénédiction.

Je devais profiter de ça maintenant. Là, tout de suite. Parce qu'il n'y aurait plus d'après.

Parce qu'il n'y aurait plus d'instant de tendresse.

Plus rien.

On peut le faire. On peut rester ainsi jusqu'au bout.

Je luttai contre ma louve comme jamais je ne l'avais fait jusqu'à présent.

Elle ne voulait pas briser cela.

Mais je le devais.

Pour elle.

Pour Zoran.

Pour moi.

— Je crois que quelque part dans tout ça, j'ai oublié de me protéger. J'ai oublié qui j'étais et surtout qui tu étais toi.

La tension dans ses épaules.

Il était en train de comprendre, de saisir.

— Je n'ai pas eu affaire à la Main de Jahyan Pearson une seule fois, mais à Zoran. Tout simplement.

À cet homme incroyable.

À cet homme que je voulais plus que tout.

Même alors qu'il m'avait « retenue » dans cette maison, même alors qu'il m'avait attacher. Je crois que je ne connaissais pas la Main, mais simplement l'homme.

N'était-ce pas étrange de le dire comme ça ?

Une larme coula le long de ma joue. Mes mains étaient sur le ventre de Zoran.

Et j'avais mal au cœur.

Comme jamais.

Recule.

Recule avant de tomber.

— Et... je... je suis...

Ne fais pas ça ! Hurla ma louve.

Je grimaçai sous la véhémence de ses assauts psychiques. Quand les mots franchiraient mes lèvres, il n'y aurait plus d'intimité, il n'y aurait plus de petits gestes.

Plus rien.

Je le savais.

Je le savais. Et j'avais peur. Peur de savoir que je ne pourrais plus toucher Zoran et qu'il ne pourrait plus me toucher. Peur d'avoir trop mal.

— Je suis tombée amoureuse de toi, Zoran. Je... je t'aime vraiment.

Le dire était étrange. Et ça n'avait rien de libérateur. Rien du tout.

— Mais je sais qu'entre toi et moi, il n'y aura jamais rien de... concret. Tu es une Main et je suis une louve solitaire.

Je voulus m'écarter, même si je savais que c'était sûrement la dernière fois que je pourrais le tenir ainsi, mais sa main se posa sur les miennes, me retenant. Peut-être que lui aussi voulait savourer ce dernier contact.

— Je ne sais pas ce que tu ressens et... je...

J'inspirai. C'était plus dur que ce que j'avais imaginé.

— On ne doit plus agir comme ça. Parce que ce sera trop douloureux. Ça l'est déjà. Je t'aime et je sais que je ne... que je ne pourrais jamais t'avoir. Alors, il faut que ça s'arrête.

Que tu arrêtes de me toucher.

Que tu arrêtes de me faire l'amour.

Que tu arrêtes de me désirer.

Que tu arrêtes tout.

— Il faut que... ça s'arrête.

Cette fois il me laissa me reculer, mais ne bougea pas. Jamais je n'avais vu une telle tension dans ses épaules, dans son corps tout entier.

C'était douloureux.

J'avais mal au cœur.

Ma louve était soudain abattue en moi, mais pleine de colère. À mon encontre.

Parce que je venais de repousser Zoran. Parce que je venais de repousser son loup.

Mais ne sentait-elle pas à quel point j'avais mal déjà ? À quel point j'avais l'impression de m'être amputée d'un membre ?

Je baissai la tête alors que Zoran bougeait. Il passa à côté de moi, ouvrit la porte et sans un mot, parti. Je ne voyais pas cela comme une fuite. Il avait besoin d'être seul, besoin d'assimiler tout ça.

Cela ne voulait-il pas dire que... je comptais un peu pour lui ?

Je me laissais glisser au sol et les larmes dévalèrent mes joues.

J'avais fait le bon choix.

Recule.

Recule avant de tomber.

C'était trop tard en fait.

Je venais de me briser en mille morceaux au bas de la falaise.


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