14. Némésis


— Tous nos problèmes viennent de ce côté-ci de la frontière de l'État, dit Amir alors qu'il était entouré de deux Veilleurs, de trois Patrouilleurs, mais aussi du Second de la meute.

Il pointa sur la carte l'endroit dont il parlait et je me penchai pour voir. La frontière avec le Colorado, l'État ou officiait Keenan Baker. Cela ne me surprenait en rien pour tout dire.

— En dix ans, trois de nos loups ont disparu. Un a été retrouvé mort, continua Amir, sombre.

Raphaël, le Second, posa une main sur son bras et soupira.

Nous nous trouvions depuis deux jours dans la meute de Sacha Harper, Alpha du Nebraska, sa meute installée à Omaha.

Il avait pris la suite de son père qui était d'ailleurs mort il y avait quelques années à peine. Tyron Harper avait été un bon Alpha, droit et juste et surtout, un des rares à laisser sa meute à son fils aîné. C'était bien plus rare que ce qu'on pouvait penser même.

Bien-sûr, même s'il avait tout légué à Sacha, des changements conséquents avaient été opérés au sein de la meute.

Le Second, le Lieutenant et deux des trois Dominants n'étaient plus les mêmes qu'au tout début, ce qui était tout à fait normal.

L'Alpha se réservait le droit de choisir et de trouver ses loups.

— Nous sommes une meute assez conséquente, certes, mais nous n'avons pas assez de Veilleurs. Et aller les placer à cet endroit me semble... dangereux.

Je hochai la tête.

La plupart des territoires entourant ceux de Keenan Baker n'avaient que des problèmes. Mais même si certains faits étaient avérés, Timothy ne pouvait rien faire.

Des Alphas comme Sacha ou encore Jake ne disaient trop rien, mais les autres commençaient à en avoir assez et cela faisait du remue-ménage.

J'avais pu le constater de mes propres yeux dans les dernières meutes visitées surtout. Si Keenan ne gérait pas mieux ses loups, une guerre allait éclater entre tous ces États.

Cela ne devait pas arriver.

Nous ne devions pas montrer un visage barbare alors que des groupes d'humains nous considéraient déjà comme des monstres.

Et puisque j'étais ici, autant essayer de trouver une solution.

Que ce soit chez Lehyan, Eoghan ou ici, tous les Alphas avaient exactement le même problème ; les loups de Keenan Baker.

Et clairement, cela ne pouvait pas plus durer. Timothy savait quel était le problème, mais Keenan était vieux et même si Sophie était sa compagne, elle ne pouvait pas faire grand-chose, même avec l'aide du Second de la meute. Je n'allais pas jusqu'à dire que tout ça était une cause perdue, mais s'il y avait une solution, je ne l'entrevoyais pas encore.

Même si Timothy demandait à Keenan de gérer ses loups, ce dernier ne le ferait pas. Tout le monde le savait.

Sacha avait perdu trois loups.

Ce n'était pas négligeable. Et ce n'était pas tolérable non plus.

Mais tout le monde craignait Keenan. Il aurait fallu être un inconscient pour que ce ne soit pas le cas, n'est-ce pas ?

— Ces derniers temps, tout a été plus calme. La Main de Baker ne prend plus nos loups pour s'amuser avec eux, grogna Raphaël, serrant les poings.

Je savais que c'était dur pour eux. Perdre des camarades. Perdre des frères. Mais sans preuves réelles, Timothy ne pouvait pas faire grand-chose. C'était comme avec cette histoire de marchandage avec les Chasseurs.

Ce côté des États-Unis était soumis à beaucoup de rapt.

C'était un vrai problème pour beaucoup de meutes. Les montagnes du Wyoming cachaient trop de Chasseurs. Il y avait de trop nombreux Postes là-haut et même les fréquentes actions de la meute de Riverton n'y pouvaient pas grand-chose.

Je savais que Timothy avait demandé à Shay de gérer cela au maximum et que ce dernier c'était tourné vers les Chasseurs se trouvant à l'Éthérée. Le Lieutenant de Nohlan par exemple. J'ignorai où cela en était, mais je savais clairement que ça ne se ferait pas en quelques années.

Trop de recoins où se cacher.

Les Chasseurs connaissaient mieux les montagnes que les loups.

Ainsi tous les États avaient un ennemi commun, sauf le Colorado. Il avait fallu du temps pour s'en rendre compte en fait.

Il était évident que Timothy ne pouvait pas avoir des yeux partout et c'était avant tout pour ça que j'étais là aujourd'hui.

Il avait besoin de moi.

Il me faisait suffisamment confiance pour me laisser gérer pas mal de choses. La meute de Sacha avait besoin d'aide et même si on me prenait pour une très jeune louve inexpérimentée, j'avais mes ressources.

Je n'étais pas seulement ici pour répertorier les Mains et je commençai doucement à le comprendre. Ceux qui acceptaient la lettre, m'acceptais moi. Et à partir de là, je devenais plus que l'Ombre du Gardien.

Si un Alpha me demandait mon aide, je devais l'aider.

Et c'était le cas de Sacha Harper. Cela me donnait aussi une excellente raison de retarder mon arrivée chez Dany Kalagan. Mais ça, c'était une autre histoire...

— Sûrement s'amuse-t-il d'une autre façon, rétorqua Amir.

Dire que Keenan Baker n'était pas apprécié était un euphémisme. Seul Darell semblait bien s'entendre avec lui. Peut-être parce qu'ils étaient fous tous les deux.

Oui, c'était sûrement cela.

Amir se redressa et se passa une main sur sa nuque. Sacha devait nous rejoindre un peu plus tard et d'ici là, mieux valait que je trouve quelque chose.

Le problème était les frontières de l'État, pas du territoire d'Omaha.

Les Veilleurs faisaient du très bon travail à ce niveau-là, il n'y avait rien à dire. On ne pouvait pas remettre en cause l'autorité de l'Alpha. Il protégeait son territoire et n'avait pas eu de problème en plus de trois décennies. C'était peut-être peu dans la vie d'un loup, mais avec tous les surnaturels que notre monde portait, ce n'était pas toujours facile de protéger sa ville et ses loups. Beaucoup avait du mal, mais Sacha n'était pas l'un d'eux, clairement.

Je laissai mon regard dériver sur la carte étendue sous mes yeux. Il y en avait une autre au-dessus, mais celle-ci représentait les États-Unis dans leur intégralité. Mes yeux se posèrent sur la Louisiane et mon pouce vint tapoter mes lèvres alors que je réfléchissais. En cet instant, c'était comme si j'étais seule.

Comme si j'étais dans une bibliothèque, seule avec moi-même.

Je devais réfléchir.

Il fallait trouver une solution. Il fallait protéger l'État. Qui sait combien d'autres meutes avaient perdues des loups à cause de Keenan Baker.

Protéger les autres pour mieux se concentrer ensuite sur lui. Cela paraissait simple dit ainsi, mais c'était plus compliqué que ça n'y paraissait bien entendu.

Protéger un État, ce n'était pas protéger une ville. Cela demandait beaucoup de loups et une certaine organisation.

Il n'y avait qu'un Alpha qui protégeait son État tout entier. Je ne pouvais pas compter Nohlan Christensen dedans ; l'Éthérée était bien différent de tout le reste.

Mais la Louisiane, elle...

Oui. Là était peut-être la solution après tout, non ?

Je sentis un sourire étirer mes lèvres.

J'aurais dû y penser plus tôt. Ça me paraissait tellement évident !

Alors que mon esprit carburait à toute vitesse, la porte derrière moi s'ouvrit et tout de suite, je le sentis.

Zoran.

Je n'avais même plus besoin de le voir.

À chaque fois sa puissance venait s'enrouler autour de la mienne et mon corps tout entier réagissait, jusque dans les endroits les plus intimes de mon anatomie.

Je rougie légèrement, mais personne ne sembla y faire vraiment attention. Tant mieux pour moi. Il était avec Malik, le deuxième Dominant de Sacha. Un homme au visage marqué par de nombreuses batailles. Ça ne le rendait pas laid, bien loin de là. Et il y avait quelques décennies qu'il n'avait plus à plaire à personne puisqu'il était lié à Edène, une louve douce et gentille.

— Je pense avoir trouvé une... idée, dis-je alors.

Amir et Raphaël me regardèrent et je laissai mon doigt glisser sur la carte. Les autres loups présents dans la pièce s'approchèrent et m'entourèrent.

Mon cœur s'emballa un instant et je repoussai les images de la soirée chez Hermès à toute vitesse. Ça ne servait strictement à rien de revenir là-dessus. Même si il était arrivé quelque chose que ni Zoran ni moi n'avions pu... prévoir en quelque sorte.

Ce qui était fait était fait.

Et pour tout dire, ce n'était pas le fait qu'il m'est marqué qui me dérangeait, mais ce que j'avais ressenti quand il l'avait fait. Et ce que je continuais à ressentir.

Je tapotai le bout de frontière entre le Nebraska et le Colorado :

— Il faut voir cette dernière comme une extension des frontières que vous avez autour d'Omaha, dis-je.

Raphaël fronça légèrement les sourcils, ne voyant pas vraiment où je voulais en venir. Ce n'était pas bien surprenant.

— Sacha n'est pas seulement l'Alpha de la ville, il est aussi l'Alpha du Nebraska tout entier. Au tout début, lorsque les Alphas ont été placés à la tête des États, il était de leur devoir de le protéger dans son intégralité. S'il arrivait quelque chose, alors ça retombait forcément sur eux.

Timothy m'avait longuement parlé de tout cela avec Maël.

C'était juste avant qu'il décide que lesdits Alphas reprennent certaines de leurs responsabilités d'antan. Cela avait fait pas mal de grabuges, surtout quand on leur avait demandé d'aller visiter toutes les meutes présentes sur le territoire.

— Avec les années, tout cela s'est perdu.

— Mais le Gardien tente de réintroduire tout cela, dit Amir.

Je hochai la tête.

— Exactement. Bien entendu, ce n'est pas chose aisée et ça ne va pas se faire du jour au lendemain.

Certains Alphas avaient du mal à se plier aux ordres de Timothy. Certains dont il n'était même pas besoin de citer les noms.

— Il y a un Alpha qui protège son État comme il protège sa ville et ce depuis le tout début.

La Louisiane n'avait connue aucune passation de pouvoir. Auxann était là depuis le début et il avait aidé à construire la ville où il se tenait aujourd'hui.

C'était un des plus vieux. Un des plus puissants. Et très peu avait osé se dresser contre lui. Même si je savais qu'Azad, l'Alpha de l'Arkansas faisait le malin.

— Tu parles d'Auxann Brock, n'est-ce pas, envoyée du Gardien ? Résonna la voix de Sacha.

Je me tournai et vis que Zoran s'était avancé.

Le loup à côté de moi se poussa pour lui laisser la place et son bras effleura le mien, envoyant de délicieux frissons dans tout mon corps.

— Le très grand Alpha de Louisiane. On dit que ses frontières sont impénétrables. Ses Veilleurs font du très bon travail.

Sacha était assez grand et il ressemblait beaucoup à son père, comme tous les frères Harper. Mais à la différence de tous les autres, ils portaient les cheveux longs et les nouaient en catogan. Très peu d'hommes à mes yeux pouvaient se permettre de porter les cheveux aussi longs, mais Sacha, lui, il avait la grâce et la classe pour, c'était indéniable.

— En fait, les loups en charge de l'État sont des Surveillants, pas des Veilleurs.

Je sentais que j'avais l'attention de tout le monde, surtout celle de l'Alpha et des trois hauts-gradés dans la pièce.

— Les Surveillants viennent des dix meutes les plus importantes de Louisiane et leur rôle est d'arrêter ceux qui doivent être arrêtés. Les frontières de l'État ne sont ouvertes qu'à certaines personnes.

J'avais passée beaucoup de temps chez Auxann. Que ce soit lui, Jasper, Naël ou même ses autres hauts-gradés, on avait pris le temps de me montrer le fonctionnement de tout ça.

— Si vous voulez empêcher les loups de Denver de vous poser problème, c'est une des meilleures options que vous ayez.

Sacha s'avança, pensif. Sa meute était loin d'être aussi grande que celle d'Auxann et il n'entretenait pas vraiment de lien avec les autres Alphas du Nebraska, mais cela pouvait se faire.

— C'est une logistique importante, finit-il par dire et je sentis qu'il était vraiment intéressé par l'idée.

Il était étrange de voir comme personne jusqu'à présent ne s'était inspiré du mode de fonctionnement de la Louisiane. Les autres Alphas s'en fichaient peut-être au final...

— Certes, mais avec ce système, vous ne serez plus embêtés.

Zoran tira doucement sur une mèche de mes cheveux et je me décalai légèrement pour m'appuyer contre lui.

— As-tu parlé de cela aux autres ? S'enquit Raphaël. Jake ? Lahyan ? Eoghan ? Shay ?

Je secouai la tête. Mais si cela devait se faire ici, alors il faudrait mettre le même système en place dans quatre autres États.

— Je parlerais de tout cela au Gardien, mais aussi à Auxann. Il est le seul à faire ça, ce sera donc le plus à même de venir vous aider.

Je savais qu'il m'écouterait et qu'il serait loin d'être contre l'idée d'apporter son aide. Auxann était occupé et très demandé, mais il aimait bien les défis. Et clairement, cette idée, c'était un sacré défi !

Sacha approuva tout cela :

— J'attendrais donc de tes nouvelles, Némésis Lane. Quand comptez-vous repartir ? Nous demanda-t-il, à Zoran et moi.

— Demain matin je pense, répondis-je.

— Alors vous serez nos invités pour une dernière soirée.

Comme prévu, nous prîmes la route le lendemain matin. Nous en avions pour deux heures quarante-neuf de route, mais j'avais réussi à convaincre Zoran de passer une soirée tranquille dans un petit motel avant d'aller chez Dany Kalagan.

Il ne me demanda pas pourquoi je voulais cela alors que généralement, j'étais pour que tout aille au plus vite.

Je ne lui avais pas encore dit que mes parents se trouvaient non loin de la meute de l'Alpha d'État, même s'il avait déjà du entendre certaines de nos conversations avec Eneko. Il savait peut-être alors, mais n'en dit rien et j'aurais pu le remercier d'une telle attention.

J'appréhendai tout cela. Soit j'évitais de tomber sur mes parents, soit je les voyais. L'un comme l'autre, je me sentais mal.

Je n'avais jamais manqué d'amour avec eux. Marc avait été un père exemplaire et Élise... c'était Élise. Eux devaient m'en vouloir pour les avoir dénigrés de la sorte. Je savais qu'ils avaient essayés d'entrer en contact avec moi, mais je n'avais pas voulu.

À aucun moment.

D'une certaine façon, j'avais repoussé la seule famille que je n'avais jamais eue.

Est-ce que quelqu'un aurait compris les raisons qui m'avaient poussée à agir ainsi ? Je n'en étais pas sûre.

Timothy avait accepté cela sans rien dire. Mais à l'époque, j'étais partie pour mieux m'enfermer chez Benjamin.

Zoran me laissa garder le silence, sa main sur ma cuisse. Parfois, j'avais besoin de cela. Juste qu'il me touche. Je me sentais alors mieux.

Plus le temps passait et surtout plus nous étions ensemble et plus les mots semblaient presque... dérisoires.

Nous pouvions nous comprendre sans avoir besoin de parler. Je m'en étais surtout rendu compte chez Rowan. Et cela ne m'avait pas vraiment fait peur. Parce que ça m'avait semblé tout simplement naturel. J'ignorai ce qu'en pensais Zoran, il n'était pas vraiment du genre à parler de ses sentiments et moi non plus en fait, mais si cela allait plus loin encore, nous serions bien obligé d'aborder la question.

Je savais que les sentiments que j'avais à l'égard de Zoran n'auraient pas du être. Mais comment lutter contre ça au final ? Je ne pouvais pas. Ce n'était pas si facile que ça. Surtout quand on passait tout son temps ensemble.

Mais je ne disais rien. Et ne dirais rien pour l'instant. Cela n'aurait pas servi à grand-chose. Je pouvais le sentir. Et je n'étais pas encore vraiment sur de mes... sentiments.

Zoran nous arrêta devant un petit motel aux abords de la frontière du Nord Dakota, État de Dany Kalagan. Il attrapa nos affaires et j'allais chercher une clé réservée par Timothy.

La chambre était simple et le lit immense. Je sautai dessus sans même enlever mes chaussures et roulai sur le ventre.

Je senti le matelas s'affaisser une seconde fois et Zoran s'allongea à côté de moi, sur le côté, sa tête reposant contre sa paume.

— Tu es bien silencieuse, dit-il.

Je fis la moue et cachai un instant mon visage contre les draps. Je soupirai et Zoran attendit, sa main passant sous mon débardeur et ses doigts remontant le long de ma colonne vertébrale.

— Je n'aime pas beaucoup Dany Kalagan, en fait, avouai-je.

Je tournai de nouveau mon visage vers lui et je vis qu'il souriait.

— Je ne connais pas beaucoup de monde qui l'apprécie, tu sais ? Même ses propres fils restent loin de lui.

C'était bien vrai ça.

Benjamin et Morgan faisaient venir leur mère et leurs sœurs, mais ils n'allaient jamais là où ils avaient grandi. Ça voulait tout dire, n'est-ce pas ?

Pourtant, Benjamin avait été le Second de son père pendant un certain temps, même s'il n'avait jamais été fait pour ce poste, puisque toujours en vadrouille. Maintenant, c'était Owenn Mcdaniel.

Zoran se pencha et embrassa mon épaule nue. Le désir se déploya lentement dans mon ventre et j'en lâchai un soupir d'aise.

— Beaucoup des prochaines meutes dans lesquelles nous allons aller ne m'enchante pas non plus, grogna-t-il.

Il parlait surtout de Khalil et je préférai ne pas relever. Ce n'était pas la peine. Nous allions y être bien assez tôt...

Ses doigts dégrafèrent mon soutien-gorge et je levai les yeux au ciel :

— Tu n'es qu'un pervers insatiable.

Il fit mine d'être choqué par mon accusation et m'attira contre son torse. Je ne luttai même pas.

— Moi ? Tu me brise le cœur, bébé.

Et il éclata de rire, me chatouillant au niveau du ventre.

Comme toujours, je me retrouvai à moitié nue quand il s'arrêta enfin, son nez glissant lentement autour de mon nombril.

J'étais à bout de souffle et j'avais mal aux joues à force de trop rire et de trop sourire. Mon cœur était comme un tambour dans ma poitrine et mes mains étaient dans les cheveux de Zoran.

J'aurais pu rester ainsi pour toujours.

Nous avions très souvent des moments intimes et je crois sincèrement qu'au stade où nous en étions, j'aurais eu du mal à m'en passer.

Zoran était presque comme... une drogue, même si je n'aimais pas particulièrement utiliser ce terme...

— J'adore ton odeur, souffla-t-il.

Je frissonnai.

— Tu parles, je porte la tienne, rétorquai-je.

Il leva les yeux vers moi et sourit lascivement. C'était ça qu'il entendait quand il avait dit cela. Cet homme ! Il voulait ma mort.

Il descendit un peu plus et je me crispai, sachant très bien ce qu'il avait en tête.

— Tu...

Zoran mordilla la peau de mon ventre et je fermai les yeux. Tout ce qu'il faisait me semblait toujours être décuplé.

Un simple geste n'était pas qu'un simple geste avec lui. Loin de là.

Sa langue ne tarda pas à se jouer de moi.

Sa bouche m'emmena très, très loin.

Et l'orgasme explosa, faisant de moi un miroir brisé.

J'ouvris la bouche et croquai dans la fraise que Zoran me tendait. Il sourit porta l'autre morceau à sa bouche.

La nuit était en train de tombée et nous étions allés faire quelques petites courses en ville pour ce soir. La moitié de ce qu'avait acheté Zoran était plutôt dans une optique totalement sexuelle et je dois avouer que j'avais rougie quand il s'était penché sur moi à la caisse pour me dire exactement ce qu'il avait en tête. Qui a dit que cet homme était sortable ? Pas moi !

Nous parlâmes un peu du projet pour Sacha et les autres meutes, puis de la discussion que j'avais eue hier au téléphone avec Eneko, mais aussi avec Oren, Arthur et Sahlia. Mon oreille avait chauffé et c'est Zoran qui avait fini par ronchonner pour que je vienne me coucher.

Dans la précipitation, j'avais lâché un « bonne nuit papa » à Eneko et je l'avais à peine remarqué. Zoran m'avait chambré gentiment, me disant que c'était bien et qu'Eneko avait dû sauter au plafond.

J'avais vraiment appelé Eneko papa. Il l'était après tout ? Plus un père biologique certes, mais j'apprenais à le connaitre et... je voulais qu'il soit mon père. Même si j'étais peut-être un peu vieille maintenant pour ce genre d'enfantillage.

Je ne savais pas trop.

Maintenant, j'étais presque gênée de penser à ma prochaine discussion avec Eneko.

— Tu es encore dans les nuages, Némésis, dit Zoran se léchant le pouce.

Je le fixai un instant avant de reprendre contenance. Ce n'était pas le moment...

Il se penchant au-dessus de la table et repoussa une mèche de mes cheveux. J'avais fait une natte pas très serrée.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Souffla-t-il.

Son corps se tendit alors, comme s'il avait senti quelque chose. Et moi aussi. Mais mon visage ne fut pas aussi sombre que le sien, au contraire.

On frappa à la porte et je me levai. Sans laisser le temps à Zoran de réagir, j'ouvris la porte.

— Gardien, dis-je en offrant presque immédiatement ma nuque à Timothy.

Comme j'étais contente de le voir ! Je sentis Zoran dans mon dos et Timothy m'attira à lui pour me serrer un instant dans ses bras. Il me repoussa tout aussi vite et je relevai la tête.

— Zoran Swanson, dit-il sans aucune surprise.

Il avait donc eu vent du fait que Zoran m'accompagnait. En même temps, avec ce qu'il s'était passé chez Hermès...

Zoran offrit sa nuque au Gardien qui l'effleura du bout des doigts. Je l'invitai à entrer et il referma la porte derrière lui.

J'avais l'impression que ça faisait des mois que nous ne nous étions pas vu alors que ça n'en faisait même pas un encore.

Timothy s'installa à table et je me mis en face de lui, Zoran debout derrière moi.

— Alors, comment se passe ta mission, Némésis ? S'enquit-il, jetant un coup d'œil à Zoran.

Le Gardien n'y allait jamais par quatre chemins. Il était là pour une raison et pas pour une autre.

Je lui fis le contre-rendu des trois dernières semaines, n'omettant que quelques détails qu'il n'avait pas forcément besoin de savoir. Je lui remis les dossiers que j'avais en ma possession et répertoriant toutes les Mains des quinze États déjà visités.

Timothy m'écouta, ne me coupant à aucun moment. Je lui parlai du projet pour Sacha et les autres Alphas et ses yeux brillèrent. Son loup était aux commandes.

— Une idée très intéressante, Némésis. Cela ne risque pas de se faire tout de suite, mais si Auxann Brock accepte d'aider, alors cela pourrait plus que certainement se faire.

— C'est effectivement ce que je crois. Je sais aussi qu'Auxann ne refusera pas cela.

Le Gardien hocha la tête, souriant doucement.

— C'est un projet qu'il te faudra mener à bien une fois cette mission finie. Ce sera ton premier devoir en tant que Gardienne.

Mes yeux s'écarquillèrent légèrement.

— En tant que... Gardienne ? Mais je ne...

— Tu es mes yeux et mes oreilles, Némésis. Les Alphas ayant acceptés la lettre feront appel à toi pour n'importe quel problème. Tu n'as peut-être pas le titre de Gardienne officiellement, mais c'est ce que tu es de bien des façons. Jahyan m'a amusé en parlant de toi comme de ma secrétaire.

Je rougie, jouant avec mes doigts :

— Je me suis un peu présentée comme ça pour tout avouer...

Timothy rejeta la tête en arrière et éclata de rire.

— Pourquoi est-ce que ça ne me surprend pas de ta part ?

Il rit encore un peu avant de porter toute son attention sur l'homme derrière moi.

— Par contre, ce qui m'a surpris, c'est quand j'ai su qu'une Main avait quitté son Alpha pour suivre ma protégée, dit le Gardien d'une voix rauque.

Zoran ne dit rien.

— Et surtout quand j'ai appris l'identité de cette fameuse Main. Jahyan est en colère. Je l'ai rarement vu ainsi je dois dire.

Il devait me détester encore plus avec tout ça...

— Shana m'a donné un ordre, j'exécute, répliqua froidement le prédateur dans mon dos.

Le loup de Timothy sourit de toutes ses dents :

— Tu as effrayé pas mal de loups dans la meute de Los Angeles, Main. Yahto à particulièrement aimé le soin tout particulier que tu as mis à briser chaque doigts de huit loups.

Si je me retournai, est-ce que je verrai une expression sauvage sur le visage de mon amant ? Sûrement...

— Je n'ai rien contre ta présence aux côtés de Némésis, Zoran, mais le contrôle est une chose primordiale. Il y a des meutes bien pires que celle de Los Angeles et tu le sais. Tu vas te retrouver dans la demeure d'Alphas qui pourront te renvoyer de chez eux et tu ne pourras rien faire contre cela. Parfois, tu seras impuissant, pense tu pouvoir le supporter ?

— Le seul Alpha qui puisse avoir autorité sur moi est mon Alpha. Je ne quitterais pas Némésis si je juge qu'il y a un risque. Tout le monde devra s'accommoder de cela, point final, gronda Zoran.

Sa main se retrouva dans ma nuque et ce geste n'échappa pas du tout au loup de Timothy.

— Pourrais-je m'entretenir avec Némésis, Main ?

Zoran ne bougea pas tout de suite. Jugeait-il s'il y avait quelconque danger ? C'était Timothy en face de moi, pas un étranger ou un fou !

Il finit par reculer et quitta la chambre, mais je sentais qu'il n'irait pas très loin.

Le loup de Timothy leva une main et vint caresser ma joue tendrement. Il était plus expressif que l'humain. Pas plus gentil, simplement, il avait tendance à faire plus attention à ce que je ressentais, à ce que j'éprouvais.

— Tout va bien ? S'enquit-il.

Je le sentis appeler ma louve et cette dernière répondit à ma place :

— Ne t'en fais pas pour nous, dit-elle simplement.

Le Gardien nous observa longuement et sa puissance enveloppa mon corps. Il s'arrêta sur les différentes marques que le loup de Zoran avait pu laisser, mais ne fit aucun commentaire.

— Fais attention, Némésis, souffla le loup. C'est une Main. C'est la Main de Jahyan Pearson.

Et cela voulait tout dire, je le savais bien. Mais je ne pouvais rien contre mes sentiments.

Rien du tout.

— Je sais, répondis-je d'une toute petite voix.

Il fit racler sa chaise et appuya son front contre le mien.

— Recule avant de tomber.

Je ne répondis rien à cela. N'avais rien à dire. Oui, à un moment, j'allais tomber, c'était plus que probable, mais je ne voulais pas penser à ça maintenant.

Non.

Timothy finit par reprendre le dessus et se leva. J'inspirai, essayant de repousser ce que la phrase de son loup avait fait monter en moi.

Il se dirigea vers la porte et l'ouvrit. Comment était-il venu d'ailleurs ? Alice l'avait emmené ? Je ne la sentais pas...

— Marc et Élise ont été mis au courant de ta venue. Ils seront chez Dany.

J'eu envie de vomir et je me senti pâlir. Timothy se tourna vers moi et soupira doucement :

— C'est le moment de leur parler, Némésis. Tu ne peux pas les fuir éternellement.

J'avais réussis jusqu'à présent pourtant...

— Luka t'embrasse et t'attends chez Nora. Il ne veut vraiment pas te louper, je crois.

Je n'eus même pas la force de sourire. Timothy posa une main sur ma tête alors que Zoran revenait :

— Tout ira très bien, d'accord ?

Je n'en étais pas sûre. Je ne voulais pas les voir. Je ne voulais pas. J'étais une fille ingrate. J'étais horrible, je le savais, mais...

Ils avaient leur fils maintenant.

Leur vrai enfant.

Leur famille.

Timothy embrassa mon front, salua Zoran d'un simple signe de tête et parti aussi vite qu'il était arrivé.

Je ne bougeai pas alors que Zoran m'attirai dans ses bras. Il ne dit rien. Il avait très bien comprit au final.

— Je ne veux pas les voir.

Ma voix était étouffée contre son torse.

Il me serra fort dans ses bras, ne trouvant rien à dire à cela. De toute façon, il n'y avait rien à dire.

J'allais les voir.

Tous les trois.

J'allais faire bonne figure.

Et dès que Dany nous aurait donné ce pourquoi nous étions là, nous repartirions. Il était hors de question que je reste là-bas trop longtemps.

Faire bonne figure...

Rien de plus facile, n'est-ce pas ?

Nous reprîmes la route le lendemain dans la matinée et il ne nous fallut que peu de temps pour arriver chez Dany Kalagan, Alpha du Nord Dakota, mais aussi de Sioux Falls.

Sa demeure était immense et quand nous débarquâmes dans ce qui ressemblait à une cours improvisée.

Il y avait pas mal de monde qui semblait nous attendre, dont l'Alpha et sa famille. Mais ce n'était pas sur eux que mon regard était rivé.

C'était sur Marc, Élise et leur fils. C'était un homme. Il était le portrait craché de ses parents, aucun doute possible là-dessus.

Ma main se crispa sur la cuisse de Zoran alors qu'il garait la voiture.

Élise n'attendit pas et s'avança alors que je sortais.

Mon cœur eut un loupé magistral quand elle s'arrêta devant moi et qu'elle me détailla de la tête aux pieds, les yeux brillants.

— Ma chérie... tu es magnifique...

Et elle m'attira dans ses bras comme elle l'avait fait des milliers de fois alors que je n'étais qu'une petite fille.

Je sentis Marc.

Sa chaleur et sa douceur.

Mais cela ne me donna pas l'impression d'être rentrée à la maison.

Cela ne m'apporta aucune joie.

Juste une profonde tristesse. Et j'eu envie de pleurer. Tout simplement.


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