11. Némésis
Zoran semblait dormir profondément à côté de moi, mais avec lui, je ne pouvais pas être sûre. J'avais la sensation qu'il ne dormait toujours que d'une oreille. Et c'était le cas pour bon nombre de Mains en fait, quand j'y pensais.
C'était peut-être leur vie dans les Maisons qui les avaient poussés à être comme ça. Je savais que la vie y était très dur et que les plus faibles étaient tout simplement tués par les Régents ou par les autres loups qui eux, étaient assez puissants pour survivre.
Peut-être que c'était une espèce de curiosité morbide, mais j'avais réellement très envie d'aller là-bas et de voir comment c'était.
Il n'existait que trois Maisons dans tous les États-Unis.
Il n'existait que trois Régents.
Tous n'étaient pas là depuis le début, il y avait eu des passations de pouvoir, bien sûr, mais ça ne changeait rien.
Avant, quatre Maisons avaient existées, mais l'une d'entre elle avait été détruite et toutes les futures Mains ainsi que le Régent et sa compagne avaient été tués.
Une histoire qui remontait bien avant ma naissance et il n'y avait eu qu'un survivant pour tout dire. C'était Curtis Alhem, Main de Dean Campbell.
C'était une Main née, sûrement comme Zoran ou les quatre Mains les plus puissantes.
Je savais qu'il avait entraîné son propre fils avec Maxence et tous les deux en avaient fait une Main redoutable, quoique encore très jeune.
Curtis avait l'étoffe pour être Régent, mais jamais il ne se séparerait de son Alpha, tout le monde l'avait compris, même Yahto. Là était la loyauté de cet homme, de ce loup.
J'appréciais beaucoup Curtis.
Il pouvait sembler détacher de tout et un peu idiot sur les bords parfois, mais c'était loin d'être le cas. Il avait un humour douteux et un penchant un peu trop prononcé pour les paris – ça valait pour toute la meute en fait -, mais c'était ce que j'appelais une bonne personne.
Sa compagne était celle que Sharan avait choisie pour poursuivre son œuvre. Ivy Alhem était la Shaman de notre peuple, même si très peu le savait.
Avec Curtis, ils avaient eu deux petits jumeaux. L'un était un loup et l'autre semblait avoir une affinité avec l'au-delà ; avec les esprits.
Louka était devenu la Main d'Iris Baker, tout juste devenue Alpha elle-même. Joshua, son jumeau l'y avait suivi bien-sûr. Le lien entre jumeaux était étrange et puissant. C'était à cause des jumeaux que Curtis avait pris en charge Louka. Et même Timothy, même Yahto n'avaient rien trouvés à redire à cela.
J'avais bon espoir d'aller dans une Maison à la fin de tout ça. Timothy avait promit après tout et quand le Gardien donnait sa parole, même pour quelque chose d'aussi insignifiant que cela, il la tenait.
J'avais toute confiance en Timothy et rien ne changerait jamais cela.
Les loups d'une meute étaient loyaux envers leur Alpha.
Moi, j'étais loyale envers Timothy, envers le Gardien.
Je savais qu'il aurait trouvé une solution concernant mon arrivée dans la meute de Keenan Baker. Mais finalement, Zoran lui avait coupé l'herbe sous le pied, si je pouvais dire ainsi.
J'avais eu du mal à cacher ma surprise quand je l'avais vu sur le bord de la route, en compagnie de la Main de Riverton.
Mais encore plus de mal à étouffer les sentiments que cela avait fait naître en moi. Et j'avais compris. Compris qu'il était venu pour moi.
Parce qu'il était inquiet et qu'il était hors de question pour lui de me laisser faire cette tâche seule. Et bon sang... qu'est-ce que j'avais heureuse et soulagée.
Il allait rester avec moi. Jusqu'à la toute dernière meute, il serait avec moi. Avoir une Main telle que Zoran Swanson à ses côtés était un atout de taille, mais en fait, il aurait même pu être Alpha que ça n'aurait rien changé. Ce n'était pas son statut qui faisait que je me sentais en confiance et en sécurité.
C'était lui.
Tout simplement lui.
Je tournai mon visage vers lui.
Son bras était en travers de mon ventre et mon corps était pressé contre le sien. Ainsi, j'étais incapable de bouger. À chaque fois que nous dormions ensemble, c'était ainsi. Zoran me gardait tout contre lui, comme s'il avait peur que je ne m'en aille. Ou peut-être qu'il n'y réfléchissait pas vraiment. C'était peut-être une sorte d'impulsion. Mais l'un comme l'autre, pour tout avouer, ça ne me dérangeait pas.
Personne ne m'avait jamais tenue de la sorte en plus de trois-cent ans d'existence. Il était assez étonnant quand j'y pensais de me dire que j'avais craqué pour quelqu'un d'aussi dangereux que Zoran.
Au début, j'avais mis ça sur le compte de la pleine lune bien-sur, mais maintenant, c'était loin d'être le cas.
Il y avait des hommes, des loups bien moins dangereux que Zoran et pourtant... c'est de lui que nous avions voulu, ma louve et moi.
Peut-être était-ce ce sentiment de sécurité qu'il me procurait qui m'attiraient, qui me poussais vers lui.
Ou peut-être qu'il y avait une certaine alchimie entre nous.
J'observai son visage détendu. Dormait-il vraiment ? Ou me le faisait-il croire ?
— Je ne serais pas long.
Il avait même été plus rapide que moi pour le coup !
Mon cœur se gonfla et je fermai les yeux un instant. Il ne fallait pas que je me laisse submerger par les sentiments. Ce n'était pas bon. Ce n'était pas bien.
Ça paraissait tellement simple dit comme ça... alors que c'était tout le contraire. La conversation à table me trottait encore dans la table. J'avais toujours su l'opinion de Bajram sur le fait qu'une Main se lie, mais je n'aurais jamais cru que c'était à ce point-là.
Était-ce donc si dur pour eux de prendre une compagne ? Bajram était de ceux qui n'en voulaient pas, tout comme Nael, la main d'Auxann, mais lui, c'est parce que sa loyauté le poussait à croire que s'il avait une compagne, à un moment ou à un autre, son Alpha passerait au second plan.
J'avais vu Neal avec Elena, j'avais vu Curtis avec Dean et bien d'autre Main liée, mais toujours aussi fidèle envers leur Alpha.
Bajram était trop têtu pour entendre raison et les années ne changeraient pas cela j'avais l'impression. Niveau caractère, il était très différent de Yahto et il tenait ça de sa mère à n'en pas douter. Mais avec Shay, il était différent. Différent de l'homme que j'avais vu la première fois chez son père.
Shay était le seul qui avait une prise sur lui et l'idée d'en avoir fait son Second avait été plutôt... pleine de jugeote.
Même Timothy n'y avait rien trouvé à redire, malgré la réputation de Bajram. S'il y avait un loup dans notre pays que toutes les Mains réunies détestaient, c'était lui.
Je fis glisser l'une de mes mains le long du bras de Zoran et je sentis sa chaleur. Moi-même j'avais chaud, j'étais même moite et je rêvai d'une douche en cet instant. Nous nous étions couchés après avoir fait l'amour. Je crois que si nous n'avions pu faire que cela, nous l'aurions réellement fait. Ça n'aurait pas du tout été pour me déplaire en y pensant. Mais je n'allais de meute en meute pour ça et... lui non plus.
Je vis la commissure de ses lèvres se relever en un léger sourire.
Il était loin de dormir profondément. Mais il ne dit rien et je laissai mes doigts courir dans son dos, effleurant beaucoup de ses cicatrices. Sa propre main descendit au niveau de mes fesses et me plaqua encore plus contre lui.
— Laisse-moi respirer, loup idiot. Je meurs de chaud.
Je gigotai entre ses bras, essayant de m'échapper de sa prise. Mais avec Zoran, c'était peine perdue. S'il ne voulait pas que je bouge, je ne bougerais pas. C'était aussi simple que cela.
Il se laissa aller sur le dos et je me retrouvai à califourchon sur lui. Zoran ouvrit à demi ses yeux, mais je vis que les ténèbres, l'obscurité.
Il n'était pas comme les autres loups ; ses yeux n'étincelaient jamais, pas même quand c'était son loup aux commandes, pas même quand le désir était là.
Tout s'assombrissait.
Et c'était presque comme plonger dans une mer en furie. Du moins, c'est l'effet que ça me faisait à moi.
Quand on était avec Zoran, on ressentait tout dans les extrêmes, il n'y avait aucune place pour la demi-mesure.
On se donnait entièrement à lui au risque de se faire totalement dévorer.
— Je pourrais te donner encore plus chaud, ronronna-t-il, ses mains sur mon corps provoquant de délicieux frissons.
J'haletai, les paumes de mes mains reposant sur son torse parfait. Un sourire lascif finit d'étirer ses lèvres et je senti son sexe contre le mien.
Ne pouvions-nous pas nous rassasier l'un de l'autre ? N'était-ce donc pas possible ?
— Tu aimerais que je te donne chaud, Némésis ?
Quand il utilisait ce ton en disant mon prénom... j'avais l'impression d'être un torrent de lave. Je rougie rien qu'en pensant à la manière dont il pourrait faire cela et ses mains glissèrent sur mes seins.
Il en effleura les tétons et mon souffle se bloqua.
Mon corps réagissait au moindre de ses gestes.
C'était à la fois effrayant, incroyable et terriblement excitant. Si un autre homme que lui m'avait touchée, est-ce que ça aurait été pareil ?
Tu ne veux pas qu'un autre te touche, alors ne pense pas à ça, grogna ma louve, mauvaise presque.
Elle avait raison. Il était inconcevable pour moi de montrer mon corps à un autre, de me laisser toucher par un autre que Zoran.
Je me mordis la lèvre, mais Zoran se redressa brusquement et saisit ma lèvre entre ses dents, tirant dessus.
Je gémis en même temps qu'il grognait et le désir explosa dans mon bas ventre.
Dévastateur.
Puissant.
Tel un ouragan.
Ses lèvres glissèrent sur ma peau, passèrent dans mon cou avant de se refermer sur l'un de mes tétons. Tout de suite, je m'agrippai à ses épaules, rejetant la tête en arrière, ressentant la sensation jusque dans mes os.
Si bon... mon dieu...
— Zoran...
Un coup de langue.
Un mordillement.
Mes hanches commençant un long et lent mouvement. Pourquoi n'arrivais-je pas à penser à autre chose qu'à lui ? Pourquoi ne pouvais-je pas lutter contre ce désir bien trop dangereux ? Zoran me prenait toute raison.
Il me prenait tout.
Il me volait tout. Et il était le seul à pouvoir m'emmener dans les spirales du désir et en contrôler chaque minute, chaque seconde même.
Il releva la tête et m'embrassa à pleine bouche, plongeant sa langue dans ma bouche et agrippant durement mes cheveux.
Un savant mélange de plaisir et de douleur confondu.
Je le tenais fort contre moi. J'avais besoin de le sentir, besoin d'imaginer que nos deux corps pouvaient fusionner.
Ma main tâtonna sur la table de chevet et j'attrapai un préservatif qui se trouvait là. Je l'ouvris en glissant sur les jambes de Zoran pour avoir une vue et une meilleure prise sur son sexe dressé.
— Insatiable, bébé ? Souffla-t-il, ne me retenant pas de faire ce dont j'avais envie.
Je déroulai le préservatif le long de son sexe et revint me mettre en position, guidant son sexe à l'entrée du mien.
Ses doigts s'enfoncèrent dans la peau de mes cuisses alors qu'il rejetait légèrement la tête en arrière, me donnant une vue sur sa pomme d'Adam. J'embrassai cette dernière alors que je le sentais en moi, centimètres après centimètres.
Zoran gronda alors que mon vagin devait être très étroit autour de sa turgescence. Il attendit que je me mette à bouger, donnant le rythme pour redresser le haut de son corps :
— Vas-y bébé... ne te retiens pas.
Et il ne fut plus question que de peaux qui claquent.
De peaux moites et de grognements.
Là une caresse.
Là un baiser.
Là un cri.
Et l'orgasme. Je criai contre la peau de Zoran qui ne m'avait jamais tenu aussi fort entre ses bras. Mon cœur battait à ton rompre alors que le corps de Zoran tremblait avant d'éclater en mille morceaux.
— C'est... m... mieux à chaque fois, n... non ? Demandai-je à bout de souffle.
Zoran rit, me tenant toujours contre lui et il semblait ne pas vouloir me lâcher.
Ça me plaisait.
Je n'aurais pas voulu être ailleurs, je n'aurais pas voulu qu'il en soit autrement même.
J'étais bien. Même si je mourrais de chaud.
Les minutes défilèrent, silencieuses, seuls nos souffles brisant cela. Nous étions comme dans un cocon. Rien n'aurait pu nous atteindre en cet instant, c'était comme si le temps lui-même s'était arrêté. Et c'était une sensation réellement incroyable.
— J'irais bien prendre une douche maintenant, finis-je par dire.
— Pourquoi faire ? Grogna Zoran, tu portes mon odeur...
Cela me fit sourire et rougir. Est-ce que ça lui plaisait que ce soit le cas ? Les mâles étaient comme ça après tout. Ils avaient ce besoin de marquer, c'était presque viscéral chez eux.
— Je me sens toute collante et je déteste ça, grommelai-je.
Ses doigts descendirent le long de ma colonne vertébrale et firent monter un long frisson dans tout mon corps.
C'était bon... vraiment délicieux même.
— Je n'ai pas envie de te lâcher.
— Et bien viens avec moi alors !
Ni une ni deux il fut debout, moi dans ses bras. Et il nous amena jusque dans la douche. Où nous restâmes bien plus longtemps que nécessaire...
Quand j'entrai dans la cuisine, Néri était assise, le visage caché entre ses bras et elle semblait dormir profondément. Rayane était en train de préparer du café, sifflotant doucement. Je savais que beaucoup de monde était déjà debout et déjà en train de travailler. Il n'y avait pas de jour non travaillé dans un ranch ; les animaux avaient toujours besoin de quelqu'un.
Rayane me salua d'un signe de la main :
— Du café ? Demanda-t-elle.
Je hochai la tête et elle poussa une tasse vers moi. Mon regard se porte sur Néri :
— Dure nuit ? M'enquis-je.
Rayane haussa les épaules au moment où Shay entra dans la cuisine, tout frais après la douche. Je lui offris ma nuque et il déposa un baiser sur les lèvres de Rayane ; ça tenait plus de l'effleurement qu'autre chose.
Le salut d'un Alpha envers l'une de ses louves. La jeune femme prépara une tasse pour Shay qui se tourna vers Néri. Je vis son loup dans ses yeux, mais ce fut rapide.
Il ne dit rien et se tourna vers moi :
— J'ai déjà reçu pas mal de retour. Je devrais avoir le reste tout à l'heure ou dans l'après-midi, dit-il en buvant une gorgée.
— Merci.
Il sourit et Bajram arriva. Lui venait de se lever par contre, ça se voyait. Il grommela quelque chose et se laissa tomber sur la chaise en face de Néri. Rayane leva les yeux au ciel et à lui aussi lui servit du café.
Ce dernier le bu presque d'une traite et se pencha au-dessus de la table, fixant le corps de Néri.
— Ne commence pas, Baj, dit Shay.
— J'ai encore rien fait, Alpha stupide. Laisse-moi.
Et il fit chauffer son poing sur le crâne de Néri qui se redressa presque dans un sursaut. Elle n'insulta pas Bajram, aucun son ne franchit ses lèvres en fait. Elle se contenta de le fusiller du regard, de se lever et sans un regard pour Shay ou Rayane, quitta la cuisine.
— Manque flagrant de respect, Shay, rit Bajram.
Je jetai un coup d'œil à Shay. D'autre Alpha n'aurait pas été content de cela, mais ça ne semblait pas déranger Shay plus que ça.
— Tu es grognon aussi quand tu te réveilles, Second, alors tu veux vraiment parler de respect ?
Bajram éclata de rire et se frotta la nuque :
— Tu veux venir t'assoir sur mes genoux, Némésis chérie ? Ronronna-t-il.
Je secouai la tête, amusée. Il n'en loupait pas une, vraiment. Il devait tout de même mettre une sacrée ambiance ici.
— Ta sollicitude me touche, Baj, dis-je.
— Je ne fais pas cette proposition à tout le monde, tu sais ? Tu devrais être flattée !
Rayane éclata de rire et Shay soupira, las des bêtises de son Second.
— Tu me brise le cœur, petite Némésis.
Je m'avançai vers la table et ébouriffai ses cheveux :
— Ne pleure pas trop, Bajram, d'accord ?
— Sans cœur, va !
Tout le monde éclata de rire.
Comme convenu, le reste des informations arriva dans la journée. Dans le Wyoming, il y avait certes peu de meutes, mais elles étaient toutes assez vieilles pour compter une Main dans leur rang.
Zoran et Joaquim s'amusèrent à essayer de monter un cheval sauvage, ou Bronco, comme on appelait cela. Ils eurent droit à un public et à des cris quand enfin, ils y arrivèrent. Le tout était de tenir huit secondes avec un bras en l'air. Comme ça, ça paraissait très facile, mais c'était bien loin d'être le cas. Bajram fut de la partie aussi et quelques paris furent lancés à l'insu des trois hommes.
Je trouvai ça dangereux et un peu fou, mais ça semblait grandement plaire à Zoran.
Il était convenu pour nous de partir le lendemain matin. Zoran ne semblait pas vouloir débarquer chez Keenan Baker en pleine nuit et ce n'est pas moi qui allais le contredire. Et nous allions déjà devoir y rester deux jours, alors autant ne pas trop tenter le diable. Le Colorado comptait bien plus de meutes que le Wyoming et ça prendrait donc plus de temps.
La journée défila donc et nous ne tardâmes pas trop à aller nous coucher. Nous saluâmes ceux que nous ne reverrions pas et Shay nous dit qu'il serait là pour nous voir partir. Même si Zoran était là avec moi, Joaquim nous accompagnerait et Zoran décida qu'il prendrait la moto pour ensuite la ramener ici. Il ne pouvait pas faire tout le trajet avec, tout comme nous serions obligés de laisser la voiture à un moment où à un autre. Je ne compris pas vraiment pourquoi Joaquim insista pour venir avec nous, mais Zoran finit par m'expliquer que c'était en quelque sorte pour intimider Rohan Walker. Quand il verrait les deux Mains avec moi, peut-être serait-il moins idiot que d'habitude.
Je leur faisais donc confiance ; ils connaissaient Rohan bien mieux que moi après tout.
Cette nuit-là, je dormis à peine et ne pus vraiment cacher mon stress.
La meute de Keenan était une des pires. Mais j'avais déjà survécu à celle de Darell, alors ça irait, non ? Si Zoran n'avait pas été avec moi... qu'est-ce que j'aurais fait ?
J'y serais allée.
Sans vraiment réfléchir, sans vraiment penser à tous les risques.
Peut-être que j'étais trop sceptique et qu'en fait, tout ce serait très bien passé. Peut-être que tout allait très bien aller. Pouvais-je juger alors que je n'y étais encore même pas ?
Je n'étais pas de ce genre-là. Ne l'avais jamais été, mais c'est vrai que je ne pouvais pas me sentir bien en sachant que c'était la première fois que j'allais là-bas.
Tout le monde connaissait la folie de Keenan Baker.
Il avait perdu son âme-sœur, mais avait eu le droit à une deuxième chance en la personne de Sophie. Mais même elle ne pouvait le rendre plus... humain, plus juste, plus droit.
Sa meute était loin d'être saine.
L'équilibre n'y existait plus depuis trop longtemps.
Shay et Bajram nous dîmes au revoir et Shay nous souhaita bonne chance quand Baj se contenta de me soulever dans ses bras et de déposer un baiser bruyant sur mes lèvres.
Je cru entendre Zoran gronder, mais Joaquim lui dit quelque chose et il grommela une réponse.
Bon sang... Bajram restait très soft. Que ferait-il lorsque nous arriverions dans la meute de Khalil Weiss par exemple ? Ce dernier avait plus ou moins voulu faire de moi sa compagne à une époque et encore aujourd'hui, il était plutôt tenace, même si je n'arrivais pas à dire si c'était par jeu ou s'il était vraiment sérieux.
Je n'avais pas envie de le savoir... parce que j'étais sûre que Zoran n'aimerait pas du tout l'Alpha, tout comme il allait haïr Darell.
— Faite attention chez Keenan. Il laisse ses hauts-gradés faire ce qu'ils veulent, nous prévint Shay.
C'était son neveu, mais cela ne voulait pas dire grand-chose pour lui.
Les vieux loups n'avaient pas tous la notion de famille et Shay était de ceux-là, même s'il avait beaucoup de tendresse pour Killian et aussi pour Keenan, même si c'était légèrement différent.
— On ne va pas y faire de vieux os, dit Zoran.
J'approuvai silencieusement. Deux jours me semblaient déjà bien trop longs.
Nous montâmes dans la voiture quand Joaquim grimpa sur la moto. Et après un dernier signe de la main, nous nous mîmes en route.
Pour rallier Denver depuis Riverton il fallait compter un peu plus de cinq-heures et demi de route. Si on respectait les limitations, ce qui n'était pas toujours le cas de Zoran. Je lui grognai dessus à une ou deux reprises, mais il se contenta de me sourire de toutes ses dents.
Joaquim restait en vue, même s'il semblait bien s'amuser.
Nous parlâmes peu pendant le trajet. J'échangeai quelques texto avec Oren et Arthur et Eneko m'appela pour prendre de nos nouvelles.
Cela me fit chaud au cœur bien sûr. Zoran n'était pas le seul inquiet pour moi.
J'envoyai aussi un message à Luka, n'ayant pas encore eu le temps de le faire. Il ne devait même pas savoir que j'avais un téléphone !
Nous arrivâmes aux abords de Denver bien avant midi. Nous nous arrêtâmes à la frontière et descendîmes de la voiture.
Comme tout le monde le savait, le territoire de Keenan était un des seuls à n'avoir aucun Veilleur. Mais cela ne voulait pas dire que tout le monde pouvait y entrer à sa guise. Si un loup y mettait les pieds, la Main de Denver avait une proie et généralement, ça se soldait par une mort.
Timothy avait essayé d'en parler avec Keenan avant de se rabattre sur Sophie qui avait promis de faire quelque chose, se rendant elle aussi compte que cela ne pouvait plus durer. Thomas, le Second, l'aidait beaucoup dans cette tâche à ce que j'avais pu entendre. Mais même si elle était la femelle Dominante depuis quelques siècles et que les loups la respectaient, tous n'étaient pas avec elle, mais si aucun n'était assez fou pour le montrer, surtout devant Keenan. Il était peut-être laxiste, mais il aimait Sophie. Même si c'était un amour bien étrange.
— Je déteste les gens qui ne sont pas ponctuels, grogna Joaquim.
Je pouvais voir les tatouages s'échapper de sous la manche de son t-shirt. Tout comme Zoran, il n'en avait pas tellement. S'il y avait bien une Main qui en avait recouvert son corps, c'était la Main de Darell. Curtis Alhem en avait un sacré nombre aussi.
Neal aussi en avait un bon nombre quand Nael avait été plus soft.
Ça dépendait des Mains.
Ça dépendait de leur histoire.
De leur vie.
On disait que le tatouage le plus important était pour l'Alpha, pour la meute. Celui de Nael était pour Auxann. Il en avait un autre pour Jasper, le Second et un autre pour la meute. Je crois qu'en tout, il en avait quatre ou cinq, mais pas plus. Ce qui pouvait surprendre, et surtout choqué quand par exemple, il se tenait à côté de la Main de Darell. Les tatouages de ce dernier le rendaient effrayant. Ni plus, ni moins.
— Tu as hâte de revoir Rohan, Joa ? Rit Zoran, mauvais.
Certaines Mains s'entendaient très bien et d'autres, pas du tout. Certaines s'étaient déjà prises en chasse et ça ne s'était pas très bien fini. Le contraire aurait été impossible et j'avais alors trouvé les Alphas plus qu'idiots de laisser ce genre de chose arriver. Mais je n'étais pas là pour juger encore une fois.
Une voiture s'arrêta alors et trois loups en sortirent.
Trois !
Keenan n'avait-il pas dit à Tomothy qu'il n'envoyait que sa Main ? Était-il seulement au courant que ce dernier avait embarqué d'autres personnes ?
Zoran se retrouva à côté de moi, mais ne me toucha pas. Joaquim était légèrement devant nous et je sentis la puissance des deux Mains s'élever dans l'air.
Mon regard se braqua sur Rohan Walker.
Effrayant.
Dans son regard, aucune étincelle, aucune vie. Mon souffle se bloqua dans ma gorge. Les deux autres loups semblaient tout aussi dangereux, mais plus... vivants.
— Zoran Swanson et Joaquim Weaver. Une seule personne à été invitée à entrer sur ce territoire. Pas trois, dit Rohan d'une voix d'outre-tombe.
Je sentais le regard des deux loups sur moi. Qui étaient-ils ? Des hauts-gradés ? Sûrement.
— Ton Alpha n'est pas assez bête pour croire que le Gardien n'aurait envoyé personne avec cette jeune femme, répliqua Joaquim.
Doucement, Rohan se tourna vers lui.
Ce loup... cet homme... il me terrifiait.
— Peut-être bien que le Gardien à parler d'une autre personne... mais certainement pas de deux.
Si Joaquim n'avait rien dit, Rohan n'aurait pas avoué que Timothy avait parlé d'une autre personne.
Je me retins d'attraper la main de Zoran.
Je ne voulais pas aller dans cette meute. J'avais trop... peur.
— Je suis simplement venu te faire un petit coucou, Roro, lâcha Joaquim, un sourire carnassier aux lèvres.
Et je vis en lui le prédateur. La Main qu'il était.
Et la mort.
La mort dans son regard.
Rohan tourna son visage vers Zoran :
— Depuis quand es-tu un larbin du Gardien ?
La puissance qui se dégagea alors de Zoran m'étouffa. Elle rampa le long du corps de Rohan qui ne bougea pas, mais je le vis pâlir.
Il n'était rien face à Zoran. Rien du tout. Ce dernier fit un pas et tout le monde se figea. Ma louve était anxieuse. Pas effrayée, mais... mal à l'aise.
Une démonstration de force si tôt était-elle une bonne chose ?
— Fais attention à tes paroles, Rohan. Je n'aimerais pas rappeler à ton bon souvenir notre dernière rencontre.
La voix de Zoran était glaciale. Était-ce lui ou son loup ? Ou les deux ?
— Tu es ici pour conduire Némésis Lane à ton Alpha, Main, pas pour parlementer. Je l'accompagne et je ne la quitterais pas une seule seconde des yeux, c'est clair ?
Et Rohan me regarda enfin. Je du soutenir son regard, pour ne pas paraître faible ou chétive. Pour qu'il me respecte, même si ce n'était qu'un tout petit peu. Ou du moins, qu'il ne me considère pas comme une moins que rien. Ce que je n'étais pas.
Je voulais me cacher derrière Zoran.
Je voulais le toucher et me presser contre lui. Mais je savais que devant eux, que dans cette meute, ça ne serait pas possible.
Un sourire étira les lèvres de Rohan et il fit un signe de tête aux deux loups derrière lui.
Ceux-ci ne s'étaient même pas présentés, ne nous avaient même pas salués, mais ils semblaient bien s'en ficher du reste.
Alors comme ça, c'était clair.
— Allons-y alors. Keenan vous attends. Notre Dominante n'étant pas là, c'est avec lui qu'elle traitera, dit-il, en parlant de moi comme si je n'étais pas là.
Les deux loups remontèrent dans la voiture et Joaquim se tourna vers nous.
Il ne dit rien devant Rohan, mais son expression parlait pour lui.
Soyez prudents.
Il donna l'accolade à Zoran et m'ébouriffa les cheveux dans un geste amical. Est-ce que notre petite stratégie pour faire peur à Rohan avait marché ? Ils étaient venu plus nombreux, même si cela n'avait pas été convenu de la sorte. Si Zoran n'avait pas été là, Joaquim m'aurait certes accompagné jusqu'à Keenan, mais il aurait forcément du repartir après.
Joaquim remonta sur la moto et disparut à l'horizon, nous laissant.
Zoran et moi retournâmes dans la voiture et nous suivîmes Rohan jusqu'à la demeure de l'Alpha, qui se tenait assez loin du centre-ville de Denver.
Une fois tous les deux, je lui pris la main et il serra mes doigts.
Sa chaleur courut le long de mon bras, apaisante. Et ça me fit un bien fou. J'avais besoin de sentir sa peau contre la mienne. Besoin de le savoir là, à mes côtés.
Il était là. Avec moi, alors rien de mal ne pouvait arriver, n'est-ce pas ?
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