♦ Bonus Sezny - 500K ♦
Ce long chapitre bonus est la suite directe du Bonus de Younes sur l'histoire de Zoran & Isis x)
Je n'étais pas sûr que cette idée soit la meilleure, à vrai dire j'en étais à peu près sûr à présent que je me retrouvai au milieu de la bibliothèque avec Youn. J'avais trois livres devant moi et Younes en avait six.
Je ne comprenais pas comment il faisait pour rester autant dans ses livres ; le nez plongé dedans, sans jamais faillir. C'était quelque chose qui m'avait toujours fait halluciner.
Je l'observai rapidement. Il avait appuyé sa tête contre sa main, son regard concentré sur les lignes qui défilaient devant lui. Il avait cet air d'absolue concentration, comme si ce qu'il lisait pouvait changer sa vie s'il ne le faisait pas correctement. Je me grattai la nuque et observai mon environnement. Hormis moi, tout le monde était concentré et silencieux. J'avais accepté la proposition de Youn d'aller bosser à la bibliothèque, mais j'avais oublié à quel point je n'étais pas fait pour ça. C'était d'ailleurs ce qui m'avait valu toutes ces sales notes au lycée, m'empêchant de suivre Younes. Je poussai un petit soupir avant de tenter de replonger dans mon livre.
Différentes techniques et stratégies de sport qui étaient censées pouvoir m'aider. Les cours dispensés par l'université étaient de haut niveau et il fallait pouvoir suivre la tendance. En sport, je me débrouillai. J'avais de bonnes notes, j'étais toujours aussi bien côté. Certains recruteurs m'avaient même envoyé des candidatures à remplir. J'en étais à ma dernière année d'université. Papa et Younes voulaient que je fasse un M.Ed. (Master of Education aux USA) pour avoir toujours une échappatoire en cas de merde dans le sport. Ce qui incluait encore quelques années de boulot derrière. Je n'étais pas forcément un mauvais élève, mais je me laissais vite distraire. Je le savais et j'en avais atrocement conscience.
Je me redressai lentement et retournai mon regard sur Younes. Depuis qu'il était arrivé ici, il n'avait pas coupé ses cheveux. Ils tombaient donc sur ses épaules, mélange de blond clair et de mèches plus foncés. J'étais presque sûr que si Zoran avait laissé ses cheveux poussés, ils ressembleraient à ça. Younes avait beau physiquement avoir pris des traits de son père, il ressemblait essentiellement à sa mère, Isis. Tout comme de caractère d'ailleurs.
Je posai mes coudes sur la table et ouvris la bouche. Younes haussa un sourcil et leva son regard.
— Tu n'es pas concentré, marmonna-t-il. Sois sage.
Je poussai un long soupir. Je regardai sous la table du coin de l'œil et allai taper dans son pied. Il retint un sourire et je laissai le mien s'épanouir sur mon visage. Younes secoua la tête. Je recommençai mon geste en soufflant un « psst » pas très discret. Younes leva les yeux au ciel, habitué à mes bêtises.
— On sort ce soir ? m'enquis-je. Les gars vont dans un bar.
Younes se figea un instant et haussa ses épaules.
— Allez, Youn, grognai-je à voix basse. J'ai accepté que tu restes garder le fort la dernière fois, mais cette fois-ci tu sors.
Je me penchai en avant et lui offris mon plus beau sourire.
— S'il te plaît, minaudai-je.
Younes grimaça avant de repousser ma tête de sa main. Je ricanai et tapai dans mes mains. Plusieurs regards noirs se posèrent sur moi à cause du bruit. Je me ratatinai sur ma chaise, mais je vis le regard de Younes. Il était amusé.
Je terminai laborieusement le livre qui parlait de toutes les parties du corps susceptibles d'avoir des problèmes en pratiquant le basket à haut niveau. Ça m'avait légèrement dégouté. C'était le deuxième livre que je lisais. Il était à peine seize heures, mais j'étouffai dans cette bibliothèque. J'avais un entraînement dans une heure qui allait prendre une bonne partie du début de soirée. Après, je devrais rejoindre les colocs pour aller boire un verre. Si je réussissais à embarquer Younes avec moi, ce serait une petite victoire. Cependant, quelque chose me disait qu'il ne viendrait pas. La canaille. Il allait encore me la mettre à l'envers, comme à chaque fois qu'il s'agissait de sortir.
Younes n'avait pas le même caractère que moi sur ces choses de la vie. Peut-être que je profitais pour deux, allez savoir. Je me levai, allant ranger les deux livres.
Je revins vers Younes et le trouvai en compagnie d'une jeune femme. Elle était agenouillée à son niveau, lui parlant très discrètement. Il lui répondait en écoutant attentivement ces propos. Mon loup l'observa pendant de longues secondes, de loin. Il n'aimait pas forcément que Younes parle à des inconnus ou des inconnues, mais il ne disait rien pour l'instant. En même temps, cela faisait quatre ans que Younes était ici, trois pour moi. Forcément que Younes parlait à beaucoup de gens. Surtout qu'il était l'un des meilleurs tuteurs de cette université.
Youn donnait des cours à pas mal d'étudiants, mais aussi à des jeunes, voire même un ou deux enfants. J'avais été levé des fonds pour une ou deux causes qu'il avait à cœur, en lien avec les fondations qui l'aidaient à trouver des jeunes dans le besoin. J'avais branché quelques gars de l'équipe pour récupérer un peu de niveaux.
Mes coéquipiers avaient remarqué mes bonnes notes et m'avaient demandé comment je faisais. J'avais pointé Younes à mes pieds, qui lisaient un livre, alors que nous étions allongés dans un parc. C'était quelques mois après mon arrivée ici. Les gars l'avaient immédiatement mis sur un piédestal. Toute l'équipe du basket respectait Younes et ils avaient plutôt intérêt. Je connaissais donc certaines têtes qui étaient suivies par Younes, mais cette fille-là était inconnue au bataillon. Je nouai mes bras sur mon torse pendant que Younes hochait la tête à ce qu'elle lui disait. D'après ce que je pouvais entendre, elle lui demandait son numéro pour pouvoir communiquer avec lui sur un cours qu'ils avaient en commun.
Je fis la moue et retournai vers eux. Elle allait bientôt finir sa conversation de toute façon. Et il fallait peut-être donner un coup de pouce à Younes.
Voilà quelques mois que je faisais en sorte de caser Younes avec une fille. Je savais très bien pourquoi je voulais le faire. Je savais la raison profonde qui me poussait à vouloir caser Younes avec une fille. J'en étais sûr. Depuis quelques mois. Et pourtant, je continuai à me voiler la face. Continuellement. Ce n'était pas quelque chose qui pouvait arriver, qui devait arriver.
On parlait de Younes.
Bon sang, même mes coéquipiers m'appelaient brise-cœur. Je devais continuer à garder la face tant que j'étais ici. Papa avait bien dit que je ne devais pas faire de vagues.
Je m'assis brutalement à ma place, qui se trouvait en face de Younes. Ce dernier releva son regard sur moi et sourit doucement. Je détestai quand il était si mignon, ça me donnait trop de tendances protectrices. Je le savais et j'essayais aussi de me soigner sur ça, mais franchement ça ne donnait aucun résultat pour l'instant.
— Salut, fit la fille.
Je continuai de la regarder comme je savais le faire. Les filles ne m'intéressaient pas plus que ça. Une paire de seins et de fesses, beaucoup de gloussements. Ma sœur ainsi que Kahyna et Selen n'en faisaient pas partie évidemment. Elles, elles étaient parfaites. Les seules à mes yeux à vrai dire. Il y avait bien une autre exception, mais cette nana était presque un mec donc ça ne comptait pas.
— Salut, répondis-je. Tu connais Younes comment ?
Younes haussa un sourcil, avant de faire une petite moue du bout des lèvres. Je souris, un peu plus malin.
— J'ai entendu parler de lui par Max, dit-elle, me surprenant.
Max était un de mes coéquipiers dans l'équipe de basket. Il était sûrement le prochain chef de notre équipe. L'actuel allait bientôt finir ses études et partir dans une équipe nationale.
— C'est pour des cours, ajouta-t-elle en rougissant légèrement.
Ouais, pas que visiblement.
— On se tient au courant alors ? reprit-elle en observant mon meilleur ami.
Ce dernier hocha simplement la tête en la saluant alors qu'elle partait. Elle avait un beau corps, sans plus. Elle ne venait pas que pour les cours.
— Exemple flagrant, remarquai-je en pivotant vers Younes. Elle te tendait une perche.
— N'importe quoi, soupira Younes.
Je cognai son genou de mon pied et il grimaça. Je me penchai au-dessus de la table, le regard malicieux.
— Tu devrais tenter le coup avec elle. Je suis sûr qu'elle ne dirait pas non pour un petit roulage de pelle en bonne forme, marmonnai-je.
Younes soupira et claqua son livre. Je haussai un sourcil, mais déjà il reculait sa chaise assez bruyamment pour s'attirer des regards noirs.
— Si je n'ai pas de copine, c'est pour une bonne raison, d'accord ? maugréa-t-il. Laisse tomber pour ce soir, j'ai du travail.
Je fus trop surpris de sa réaction pour comprendre ce qu'il m'arrivait. Merde. Je crois qu'on l'avait trop saoulé avec cette histoire de petite amie. Je savais que Yna le faisait chier avec ça aussi, je n'aurais pas dû insister.
— Youn, tentai-je de le rappeler.
Mais j'eus droit à des récriminations. Younes disparut au détour d'un rayon de bouquins et je préférais ne pas le suivre. Je soupirai et me levai à mon tour. J'empruntai les bouquins et sortis de la bibliothèque. Peut-être que ce n'était pas un bon jour pour lui. Ou peut-être que j'avais juste été lourd. Je me maudis intérieurement avant de me diriger vers ma voiture. Un petit cadeau de réussite d'entrée en université. Ma mère n'avait pas trop apprécié que je me balade avec un engin pareil, mais mon père avait très bien compris, lui. Je démarrai et retournai à la maison. Il fallait que je prenne mes affaires. Notre maison était en légère périphérie du centre-ville. Je me garai dans l'allée, à côté de la voiture de Rome. Il n'y avait pas la moto de Jet.
Nous étions une colocation de quatre mecs et pour tout vous dire, on se débrouillait bien. Rome était (hyper)maniaque, donc ça poussait tout le monde à faire de son mieux. Younes n'était pas folichon du désordre non plus, donc j'avais appris à bien ranger mes affaires très vite. Avant que lui-même ne le fasse et croyez moi, il était aussi calme qu'il était rapide sur certaines choses.
La maison possédait trois étages. Au rez-de-chaussée, il y avait une salle, un salon et une cuisine. Au premier, il y avait la chambre de Rome avec une grosse salle de bain. Au second, il y avait Younes et moi avec une autre salle de bain. Et au dernier, Jet avait récupéré les combles qu'il avait réaménagé lui-même, salle de bain et WC compris. Avant moi, il y avait eu Nash, un très bon ami de Rome, qui était parti s'installer avec sa copine. J'avais pris sa place dès que j'étais arrivé ici il y a trois ans. Nous vivions ainsi depuis.
Je sautai dehors et entrais. La télévision était allumée sur un match de basketball. Rome était dans le canapé, son ordinateur sur les jambes, ainsi qu'un café devant lui. Il cria de joie quand un but fut marqué. Je ricanai et il me vit enfin.
Je virai mes baskets et m'étirai. Je cognai mon poing au sien avant de m'affaler dans le canapé d'angle que nous avions acheté récemment. Un bonheur.
— Quoi de neuf, Sez ? s'enquit Rome.
Rome était un petit geek sympathique. Il bossait déjà de son côté chez Google depuis deux ans maintenant. Il gagnait bien sa vie, mais la vie en collocation lui tenait à cœur. C'était un humain, le seul de la coloc. Ça lui donnait un petit côté privilégié. Jet était un loup, comme Youn et moi. Seulement, lui, c'était un solitaire. Il avait un peu rechigné à me prendre dans la collocation, mais surtout parce que l'équilibre humain-loup n'était plus tenu si je venais à la place de Nash. Quand il avait vu ma tronche et les bières que j'avais ramenées, il m'avait ouvert la porte en grand.
Rome avait des cheveux bruns plutôt courts pour un homme, presque à rat. Il avait un physique qui ne correspondait pas à l'idée que je me faisais d'un geek. Il passait un peu de temps avec moi à la salle de musculation. Il disait entretenir son corps quand même. Il portait en ce moment ce vieux t-shirt qu'il adorait avec l'inscription « I don't have birthday. I Level up ! ». Je crois que Rome avait la plus grosse collection de t-shirts geek de toute la maison.
— Dis moi petit coquin, ricanai-je, tu as traîné ici toute la journée n'est-ce pas ?
Il hocha la tête, un grand sourire aux lèvres.
— Toujours prêt pour ce soir ? Youn est de la partie ?
— Moi oui, non pour Younes, grommelai-je.
— Qu'est-ce que tu as encore fait ? soupira Rome. Je t'avais dit qu'il allait finir par t'envoyer chier sur ce sujet.
Je voulus faire l'innocent, mais effectivement Rome m'avait prévenu. Younes avait beau ne jamais m'engueuler (il en était bien incapable et inversement), il y avait des moments où je savais que je le faisais chier. Que dire, j'aimais bien retourner le couteau dans la plaie. Surtout dans la mienne à vrai dire.
— À quelle heure ? m'enquis-je pour détourner la conversation. Je finis l'entraînement à vingt heures et crois-moi, j'aurais vraiment besoin de décompresser.
Rome sourit et m'indiquant l'endroit et l'heure. Je filai sous la douche et me changeai. Se laver avant le sport, une vieille habitude que je n'avais jamais perdue. Je saluai Rome vite fait et fis le chemin vers le gymnase de l'université. Après m'être garé une bonne vingtaine de minutes plus tard, je sortis mon portable de ma poche. Pas un seul SMS de Younes. Je le savais tête en l'air, mais je savais aussi que ce n'était pas normal. En général, quand Younes grognait, quelques minutes plus tard j'avais un SMS pour me rassurer. Là, rien. Je fis la moue. Peut-être avait-il un cours à donner...
Je lui envoyai une petite bêtise pour le faire rire et attendis quelques minutes. Aucune réponse. Je soupirai et laissai mon portable dans la voiture.
Une fois dans le gymnase, je repoussai mes soucis pour me concentrer exclusivement sur le sport. Je m'échauffai avec mes coéquipiers déjà présents. Le reste arriva au fur et à mesure. Je connaissais chacun d'entre eux depuis deux ans, hormis les trois nouveaux de cette année. Garett, Jonas et Mayson. Je retenais très bien les prénoms par contre, puisque j'étais celui qui engueulait les autres en général. Surtout les petits nouveaux.
— Brise-cœur, marmonna Josh en donnant un coup poing dans le bras.
— Casse-pipe, rétorquai-je.
Josh sourit, mauvais. S'il utilisait les surnoms, alors c'était porte ouverte pour la connerie. On se mit à faire des tours de terrain à petite allure. On ne discuta pas forcément, concentrés sur nos foulées et nos exercices d'échauffement.
Quand le coach arriva enfin, on s'aligna face à lui et la soirée de torture commença. Le mercredi soir, c'était séance musculation et cardio. L'enfer sur terre pour tout vous dire. En vingt minutes, il nous mit K.O. Nous soufflions tous comme des putains de buffles et j'avais perdu toute l'eau que mon corps pouvait contenir. Les gars étaient encore excités pourtant. Le match de ce week-end était amical, mais l'honneur était là. Et surtout l'égo accessoirement.
Les deux premières heures me tuèrent à petit feu, comme d'habitude. Puis, on passa aux exercices de précisions. Je me fis chambrer, car je n'étais pas concentré. J'étais pourtant celui qui excellait dans ces exercices. Maudit Younes. Il avait ses règles ou quoi ? Bon je n'étais pas complètement innocent. Parfois, je le poussais à bout pour qu'il réagisse. Seulement, il me connaissait trop bien et savait très bien quand je manigançai quelque chose.
Quand l'entraînement toucha à sa fin, je ne restai pas. Je me fis encore une fois chambrer à foison, mais ne relevai pas. Je sautai dans la voiture, encore un peu mouillée de la douche. Je ne pris pas le temps de regarder mon portable, car il était déjà vingt heures trente.
Je rejoignis les gars au bar habituel. Un petit pub irlandais, perdu au sein de la ville de Durham. À n'y rien comprendre, mais le patron était top.
Je garai mon dinosaure au milieu du petit parking et sautai à bas en claquant ma porte. Je verrouillais la bagnole, fourrant mon portable dans ma poche. Au moment où j'allais rentrer, je reçus un boulet de canon sur le dos. Un poing chauffa mon crâne alors qu'un rire résonnait. Je basculai Yotsuha devant moi et déposai un baiser sur sa tempe. Elle accepta mon bras autour de sa taille pendant qu'on entrait dans le bar.
— Tu vas bien ? m'enquis-je.
Yotsuha était japonaise, ça se lisait sur son visage. Elle avait un visage magnifique, un corps de rêve pour une femme, quelques tatouages et un humour à vous taper le cul par terre. Je l'avais rencontrée l'année dernière dans un cours de merde. On s'était tordu de rire durant tout le cours et on avait été boire un verre après. Elle suivait des cours un peu par hasard ici et c'était une louve que j'appréciais. Elle m'avait aidé pour quelques trucs quand j'avais eu un ou deux problèmes avec des gars pas très nets. Des idiots qui ne savaient pas sortir leurs doigts de leur cul.
Yotsuha portait comme d'habitude un legging proche de ses jambes galbées et un haut qui cachait à peine ses fesses musclées. Elle avait une veste en cuir tout usé qu'elle affectionnait beaucoup.
— Où est Younes ? Il me doit quatre verres, marmonna-t-elle.
La musique était assez forte que deux humains ne se comprennent pas forcément, mais nous étions des loups tous les deux. Yotsuha venait de Toronto, à la base, d'après ce que Younes avait réussi à lui tirer. Elle était reliée je ne sais comment à la famille de Priam, un très vieil ami du père de Younes. Il se rapprochait autant que Nael d'un oncle pour Younes. Elle parlait rarement du séjour qu'elle avait passé chez sa sœur à Toronto. Je n'en demandais pas plus de toute façon. C'était rare que mon loup apprécie les gens du premier coup d'œil, Yotsuha avait gagné le mien en me battant en un contre un dans un petit défi de basket.
— Il était fatigué. Il a des examens en ce moment, il doit se concentrer, mentis-je.
Yotsuha m'arrêta avant la table, les mains sur ses hanches. Ses yeux en amandes me fixèrent pendant de longues secondes.
— Tu oses me mentir les yeux dans les yeux ? T'es vraiment qu'un con, Sez, maugréa-t-elle.
— Yotsuha ! l'appela Rome.
Ah oui, et Rome avait le béguin pour elle. Voilà pourquoi elle était là ce soir, sûrement, puisque je n'avais pas pensé l'inviter.
Elle pivota vers Rome et le rejoignit sans ajouter un mot. Yotsu était un peu comme moi. Il fallait régler le problème sur l'instant ou ne pas en parler. C'était inutile à ce stade.
À la table ronde, je m'installai à côté de Yotsuha. Jet, mon autre colocataire, nous rejoignit avec un paquet de bières. Il les posa sur la table en nous souhaitant la bienvenue. Je réussis à me détendre un peu, observant les gens autour de nous. Rome était coincé entre Nash, l'ancien coloc et Yotsuha. Jet était comme moi, sur une chaise en bout-de-table. La banquette était ronde et assez grande pour avoir Yotsu, Rome, Nash et sa copine dessus. La conversation fut lancée et la soirée commença.
Je ne savais pas comment je m'étais retrouvé dehors, mais je savais que l'air frais me faisait du bien. Je crois. Merde, j'avais trop bu. Jet était en forme ce soir et j'avais sauté les deux pieds dedans.
Le monde tangua légèrement autour de moi et je m'assis sur le banc qui se trouvait devant le bar.
Je retins un hoquet particulièrement désagréable et repensais à la réaction de Younes.
Je fermai un instant les yeux, tentant de ne pas paniquer à l'idée qu'il soit fâché. Habituellement, c'est moi qui me fâchais et qui revenais. Là, c'était l'inverse. Enfin, peut-être que pour lui, ce n'était même pas une dispute. Il m'avait simplement fait remarquer d'arrêter de l'asticoter là-dessus, ce qui était totalement compréhensible.
La porte du bar s'ouvrit sur une fille. Elle avait une jupe assez courte pour que je devine la couleur de ses sous-vêtements. Son haut présentait un décolleté plus léger et moins provocant. Elle m'aperçut et son sourire se fit plus charmeur que quelques secondes auparavant. Et merde... Je ne lui souris pas plus que ça, mais elle vint s'asseoir à côté de moi. Elle tira une cigarette de son sac et je me rendis compte que je n'avais pas pris les miennes. Re-merde. Je savais bien que j'avais oublié quelque chose. En même temps, je buvais et fumais rarement avant un match. Nous n'étions que mercredi soir, je pouvais me détendre avant samedi après-midi.
— T'en veux une ? souffla la fille.
Elle avait une voix rauque de grosse consommatrice de cigarettes. C'était presque charmant, mais je n'étais pas attiré par ça. Vraiment pas.
— Ouais, répondis-je d'une voix grave.
Elle m'en tendit une que je pris sans la toucher elle. Elle me l'alluma et fit de même pour elle après.
— Tu viens d'où ? demanda-t-elle en recrachant sa fumée.
— Boise, Idaho, marmonnai-je. Et toi ?
La cigarette me détendit un peu plus que l'alcool et je m'appuyai contre le dossier du banc.
— Albuquerque, Nouveau-Mexique, grogna-t-elle.
— Ce n'est pas tout près, admis-je.
Elle rit, un rire simple. Qui encore une fois, ne réveilla rien chez moi. Je touchai ma poche et sentis mon portable. Je le tirai et ne découvris aucune réponse. Je fis la moue.
— Moi c'est Karen, reprit-elle en me tendant sa main.
— Sezny, dis-je en la lui serrant.
Elle m'observa un instant puis hocha la tête.
— Équipe de basket, devina-t-elle.
Je hochai la tête. La cigarette se consumait entre mes lèvres après chaque bouffée. C'était bon.
Je me crispai en sentant une main sur ma cuisse. C'était rare que les filles osent m'approcher d'aussi près. En général, le discours que je tenais, qui se résumait à un silence bien prononcé les empêchait d'aller plus loin.
— Tu veux tenter un truc ce soir ? souffla-t-elle.
Au moment où ses doigts frôlèrent mon sexe, ma main se referma sur son poignet. Je lui fis sentir ma force et me penchai lentement vers elle. Mon nez frôla presque le sien et elle dut sentir le danger, car son visage perdit de sa couleur.
— Touche-moi encore une fois sans ma permission, Karen, et je ne garantis pas la survie de ta main.
Elle se dégagea de ma prise et écrasa sa clope sous un pied rageur. Elle secoua la tête en me traitant de connard et retourna à l'intérieur.
Ce petit épisode n'avait pas réussi à me faire dessaouler malheureusement, car la seconde chose que je fis fut de déverrouiller mon portable pour appeler Younes.
Je tombai sur sa messagerie.
« Putain Youyou, tu abuses de pas répondre. Et depuis quand tu m'engueules ? J'ai rien fait. Tu fais chier. Ramène ton cul poilu ici. Pas qu'il soit poilu, c'est juste une façon de parler, mais tu sais quoi... C'est chiant quand t'es pas là. Qui rigole à mes conneries hein ? »
J'allais continuer à parler, mais Rome sortit du bar. Je raccrochai. Il m'observa un instant, puis son visage devint tout blanc.
Hiroshima arriva.
Nos rires résonnaient dans la maison. Jet nous souffla de nous taire, mais c'était compliqué. Il se dirigea vers les chiottes en nous rappelant que Younes dormait. Je retirai difficilement mes chaussures et envoyai voler mon sac de sport que j'avais récupéré dans ma bagnole abandonnée au bar. Je n'avais vraiment pas cru qu'on rentrerait dans cet état. J'aidais Rome à grimper et le fourrai dans son lit. Je n'étais pas encore sorti de la chambre qu'il ronflait déjà cet idiot.
Je montai à mon étage et celui de Younes. Je m'arrêtai devant la porte, marmonnai un juron et entrai dans la mienne. Je virai mon t-shirt et mon pantalon. En boxer, je restai au milieu de la chambre.
Pourquoi avais-je besoin d'aller le voir ?
Pourquoi avais-je ce besoin presque vital de savoir qu'il n'était pas fâché ? Ou qu'il allait bien, tout simplement ?
Parfois, mon besoin de protéger Younes était étrange, assez pour me perturber. Surtout, depuis ce moment.
Mon cerveau voulut me le rappeler, mais je l'écartai.
J'entendis Jet grimper à l'étage et décidai que c'était le moment. Je sortis de ma chambre et entrai dans celle de Younes sans frapper. Il n'y avait qu'un petit rayon de lumière qui éclairait un Younes qui lisait. Il était installé confortablement dans son lit, sous sa couette.
Il leva son regard vers moi avant de rire sous cape.
— Putain, mais tu es sérieux ? grognai-je.
Je m'approchai de lui et le pointai du doigt.
— Tu es pas fâché, remarquai-je la bouche pâteuse.
— Et toi, tu es bourré, rétorqua-t-il avec une petite moue.
Je me laissai tomber sur son lit, en travers de son corps. Il me tapota le doigt et la chaleur de sa main se diffusa à ma peau un peu moite.
— Pourquoi tu réponds pas à ton portable ? grommelai-je.
— Parce que je l'ai oublié à la bibliothèque, admit Younes en soupirant.
Je roulai dans son lit pour atterrir allongé à côté de lui. Il se poussa un peu pour me laisser de la place, mais son lit deux places en offrait bien assez pour que je ne tombe pas par terre. Lui aussi était torse nu. Younes était un peu plus fin que moi, mais Zoran avait toujours veillé à ce qu'il prenne soin de son corps. Younes n'était pas fou de l'exercice, mais il en faisant assez régulièrement pour avoir des muscles toniques.
— Tu vas pouvoir le récupérer ? soupirai-je en me frottant les tempes.
— D'ici demain, bien sûr, répondit Youn en tapotant mon front. Ce n'est pas la première fois que ça arrive.
Je fis la moue. Ce n'était pas totalement faux. Sauf qu'en général, j'étais avec lui et donc au courant plus tôt que plus tard.
Je soupirai.
— Alors comme ça je suis fâché ? remarqua Youn en me pinçant le nez.
Je poussai un râle alors qu'il secouait la tête.
— Tu n'avais pas l'air content en tout cas, dis-je en me redressant.
Nos visages se retrouvèrent à la même hauteur. Je l'observai pendant quelques instants alors qu'il se triturait les doigts. Il avait l'air mal à l'aise. Mince, j'avais vraiment été un con.
— Non pas du tout, remarqua Younes. Ce n'était pas toi, Sez.
Je fronçai les sourcils et me rendis compte que j'avais parlé à voix haute. Et merde. J'étais trop bourré pour être dans la même pièce que Younes. Et pourtant, il m'avait vu dans des états bien pires. Alors tant pis...
— C'est juste que... j'ai d'autres choses à penser, tu sais ? Que les filles.
Je clignai des yeux, avant que l'information ne monte à mon cerveau.
— Je sais, admis-je. Mais je suis aussi là pour te booster.
Il haussa les épaules.
— Tu me suffis, soupira-t-il. Comme les colocs. Vous me suffisez. Je n'ai pas besoin de plus.
Mon cœur se serra un instant.
Younes était pourtant sincère dans ce qu'il disait et ce n'était pas forcément méchant envers les autres. Je connaissais Younes, assez pour savoir que si on le poussait trop, il allait trébucher. Et je préférais qu'il continue d'avancer lentement que de tomber et se blesser.
— Parfois, tu ressembles à un gros nounours rose... tout en moumoute, murmurai-je.
Younes m'observa avec de grands yeux. Il ne put retenir son rougissement.
— Tu me traites de bisounours ?
Je me penchai vers lui et frottai mon nez au sien. Il rougit un peu plus et cela me fit rire. J'avais toujours été spontané avec Younes, ça ne changerait pas. Peu importait ce que je ressentais.
— Tu es mon bisounours attitré et je ferais ce que je veux de toi, marmonnai-je en gigotant sur mes fesses.
Un léger rire agita d'abord Younes, puis un autre un peu plus bruyant. Je souriais, sachant que Younes éclatait de rire avec une seule personne et cette personne c'était moi. Ou quand Selen faisait une bêtise.
— Serait-ce si mal ? soufflai-je.
Ma tête tournait encore et je ne faisais vraiment plus attention à ce que je disais. M'en souviendrais-je demain ? Il fallait absolument que je m'en souvienne. Vraiment.
Je tentai de me concentrer, mais mon corps était en train de prendre le relais. J'avais l'impression qu'il bougeait tout seul.
— Tu es complètement fait, Sez, haleta Younes.
Il écrasa une larme de joie sur sa joue avant de croiser mon regard. Il se figea, sentant que quelque chose me trottait dans la tête.
— Je devrais aller me coucher, histoire d'arrêter de te raconter des conneries, marmonnai-je. Tu serais capable de les réutiliser contre moi.
Je basculai mes jambes en dehors du lit et me levai. Je tanguai légèrement, mais deux mains se refermèrent sur mes hanches. Quelque chose crépita sous ma peau, mais je ne réussis pas à repousser la sensation. Ça réchauffa une partie de mon corps.
Younes souleva mon bras et passa le sien autour de ma taille.
— Aller au dodo gros nounours, dit-il en me tirant dans ma chambre.
On crapahuta de l'autre côté du couloir. Younes alluma ma petite lampe de chevet. Elle ne donnait pas une lumière habituelle. Elle reproduisait les mouvements de vagues avec trois couleurs différentes. Rouge, vert et bleu. C'était un cadeau de Younes. Les vagues me calmaient.
Il repoussa la couette et me poussa à m'asseoir puis à m'allonger. Il s'assit à côté de moi et repoussa mes cheveux de mon front. Ce geste me serra de nouveau le cœur. Qu'est-ce que c'était que cette sensation ? Je ne la connaissais pas. Elle me terrifiait et elle m'intriguait... J'en voulais plus.
Non. Non je n'en voulais pas plus. Il fallait dormir.
— Dors bien, Sez, souffla Younes.
Mes mains agrippèrent ses bras et le penchèrent vers moi. Le baiser que je lui collais arriva bien plus près de sa bouche que je ne l'avais visé, mais tant pis. Je sentis presque ses lèvres sous les miennes.
Juste assez pour calmer la pulsion en moi.
Juste assez.
— Dors bien, Youyou, marmonnai-je.
Je ne vis pas l'expression à la fois surprise, tendre, étonnée, perplexe et perturbée de Younes.
Je m'endormis comme une merde.
* * *
Et voilà un bonus en retard de quelques semaines, mais bon il est enfin là ! 😚Mais cette fois c'était bel et bien le dernier bonus concernant Younes et Sezny, sinon à un moment nous allons finir par vous mettre tout le tome en cours d'écriture et ce n'est quand même pas le but... hein ? 😛😅
Des bisous ❤️
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