8. Jahyan

Je faisais en sorte de ne pas la regarder et je croyais bien que ça avait marché. En plus, j'avais tous les miens avec moi et cela me faisait du bien. Ça me rendait plus fort, plus sûr de moi. J'aimais ça. J'aimais avoir le contrôle. J'écoutai la conversation que Shana et Zoran avaient. Ces deux-là s'entendaient bien. Et si Zoran n'avait pas relevé mon comportement de l'autre soir face à la louve de Shana, je savais qu'il n'en pensait pas moins. C'était d'ailleurs une des raisons qui m'avait encore une fois forcé à reculer. Je ne pouvais pas être contrôlé par quelqu'un d'autre que moi. Ce n'était pas possible. Je me levai en entendant le souffle régulier de Shana. Je passai dans le salon.

_ Elle a une chambre pourtant, grondai-je.

Zoran me sourit bêtement.

_ J'ai fait ce que tu m'as dit, remarqua-t-il. Je la surveille.

Je hochai la tête et me penchai vers le canapé. La peau de ses cuisses attira mon regard, mais je n'étais pas là pour l'observer. Je fis glisser mes bras sous elle et la levai contre moi. Sa tête bascula sur mon épaule alors que ses bras se nichèrent entre nous. Je montai à l'étage et me dirigeai vers sa chambre. Cette femme ne savait donc pas dormir dans un lit ? Je poussai doucement sa porte de chambre de mon pied et la refermai de la même façon. Je m'approchai du lit. Je la déposai en haut du matelas, repoussant doucement le drap. Je l'allongeai. Elle soupira doucement. Je lui retirai ses sandales, frôlant tendrement ses chevilles. Elle frémit un instant, mais c'était sûrement dans son sommeil. Sa robe serait trop compliquée à enlever. Je glissai ses jambes sous le drap et le montai jusqu'à sa taille. Elle n'aurait pas trop chaud. Je la regardai un instant. Je frôlai sa tempe de mes lèvres et sortis de la chambre, le souffle court et mon loup encore plus grognon que quelques instants plus tôt. Je m'appuyai un instant contre la porte. Je ne redescendais pas en bas. Je voulais rester un peu seul. Je montai dans ma chambre. Mes affaires étaient là où je les avais laissés. Ça faisait du bien d'être de retour à la maison. Et dire que dans trois jours nous serions déjà repartis... Je devais profiter d'être ici pour faire plusieurs choses, surtout concernant la meute. Voir si tous les Patrouilleurs étaient en formes, voir si tout allait bien. Même si je savais qu'Eneko savait gérer tout ça de la bonne manière.

J'enlevai mes vêtements et nu, me laissai tomber sur mon lit. Les draps sentaient le frais. Anya et Louna avaient dû s'occuper de la maison avant notre arrivée. Je mis un coussin sous ma tête et fermai les yeux.

_ Où est-elle ? Murmura-t-il.

_ Je ne sais pas.

_ Et Milie ?

_ Partie, soufflai-je.

_ Tu l'as renvoyée ? Suffoqua-t-il.

_ C'est mieux ainsi...

_ Tu crois ?

_ Pour la meute.

Je soupirai doucement. Il devait être quatre heures du matin à présent. Je me relevai et enfilai un caleçon. Je sortis de ma chambre. Il n'y avait plus un seul bruit en bas. Hormis sûrement le bourdonnement de la télé que Zoran avait dû laisser allumer alors qu'il s'était endormit devant. Je descendis d'un étage et regardai la porte de Shana qui était fermée. Ma main se crispa sur la rambarde.

_ Parfois, les sacrifices sont plus douloureux que d'autres...

_ C'est pour ça que tu n'as jamais pris de compagne, n'est-ce pas Jahyan ? Souffla Hermès. Tu as peur... Peur de perdre ce précieux contrôle que tu as sur ta meute.

_ Je n'ai pas peur, soupirai-je. Celle qui deviendrait la femelle Dominante de ma meute sera aimé de tous car elle serait puissante et sans pitié. Mais...

_ Mais elle te contrôlera, chuchota Hermès.

Je fermai les yeux et serrai la bouteille dans ma main.

_ Oui, admis-je après plusieurs secondes de silence.

_ Et jamais tu n'accepteras de laisser le contrôle de ton loup à quelqu'un. Surtout pas à une femme, n'est-ce pas ?

Je secouai la tête, voulant descendre, mais mon loup m'en empêchait. Il se battait contre moi et ceci pour la première fois depuis des siècles maintenant. Voilà ! Voilà ce que je disais et c'était totalement vrai ! Perdre le contrôle. Ne pas réussir à faire la chose que je voulais !

Mais qu'est-ce que je voulais ?

Mon loup grogna à travers ma gorge, mais je fermai les yeux, repoussant sa puissance avec ma maîtrise acquise au fil des années.

_ Seras-tu toujours tout seul Jahyan Pearson ? Souffla-t-elle.

Je secouai la tête, ma main sur sa gorge.

_ Es-tu maudit ? As-tu fait des choix dans ta vie qui t'ont amené à te punir ?

Mon souffle se coupa dans ma gorge.

_ A vouloir simplement être... seul ?

Sa voix était un poison.

Je ne voulais pas savoir.

Je ne voulais pas voir.

_ Sharan a-t-elle oublié de mettre ton âme sœur sur cette terre ?

Je secouai la tête, j'avais envie de vomir.

Ma prise se resserra et elle grimaça.

_ Sharan a-t-elle puni l'un de ses enfants ? L'un de ses fils ? Te déteste-t-elle ?

_ Tais-toi, suffoquai-je.

La louve me regarda au fond des yeux.

_ Je crois qu'elle t'a abandonné, souffla-t-elle. Pour toujours.

Je haletai à présent, conscient que mon loup n'avait jamais autant lutté. Oui, nous étions sur la corde raide. Mais nous ne pouvions pas faire n'importe quoi. Shana n'était pas quelqu'un pour nous. Elle avait juste besoin de quelque chose la maintenant, mais après que deviendrons-nous ? Un loup qui avait repoussé une louve. Un loup qui avait trouvé du réconfort et qui après, se faisait envoyer bouler par la louve. Je rejetai la tête en arrière, ma main se transformant presque en griffe. Je lâchai prise et grognai de douleur. Mon loup bougea dans mes membres et se dirigea vers la chambre de Shana.

Elle ne veut pas de nous, pensais-je aussi fort que possible.

Mon loup ne m'écouta pas, se contentant d'entrer dans la chambre, comme s'il était une ombre. Shana avait retiré sa robe et dormait en sous-vêtements sous les draps. Ceux-ci nous montraient chaque courbe de la louve. Jusqu'à son ventre qui se gonflait légèrement de sa respiration. Je cessai de lutter en voyant son visage détendu.

_ Aucune louve ne voudra de toi, murmura-t-elle. Aucune. Tu es si froid. Si distant. Si vicieux. Même une morte ne voudrait pas d'un vivant comme toi.

Je secouai la tête. Je suppliai mon loup de ne pas s'approcher. Je ne voulais pas qu'il s'approche. Je voulais qu'il la laisse. Qu'il me laisse tranquille. Nous avions toujours fonctionné comme ça. Shana dormait sur le dos, un bras replié contre ses côtes.

_ Tu as signé ta défaite, souffla-t-elle. Tu l'as tuée... de tes propres mains...

Je retins mon souffle. Je fermai les yeux, sur le bord de la pente. Si je tombais, c'était fini.

_ Trop faible... trop faible... tu l'as reniée... tu l'as tuée... tu n'as pas voulu d'elle...

Mon loup suffoqua à son tour face aux différents souvenirs qui grimpaient en moi.

_ Elle était pourtant celle qui t'étais destinée, murmura-t-elle. Et tu l'as tuée... Tu es maudit. Maudit par ta propre race. Reste seul.

Je tombai à genoux, les poings au sol. Mon souffle était haletant. Alors que Shana bougea légèrement, je m'éclipsai de sa chambre à une vitesse surhumaine. Je descendis les escaliers.

_ Reste seul pour toujours.

Je réussi à tituber jusqu'à la terrasse et descendis les escaliers. Je tombai à genoux dans l'herbe. Je pressai mon front contre le sol.

La présence de Zoran dans mon dos ne me suffit à reprendre contenance.

Surtout pas lui.

Surtout pas alors qu'il savait.

Ma Main tomba à genoux devant moi. Son regard aussi hanté que le mien.

_ Des choix ont été fait, souffla-t-il.

_ Tu as fait ton choix, souffla-t-elle.

_ D'autres sont encore à faire, ajouta Zoran.

Je secouai la tête, retenant un cri de douleur. Zoran posa sa main sur mon épaule. Ce simple contact réussit à apaiser mon corps pris de spasmes.

_ Elle ne fera que te rappeler les nombreuses choses que tu as faites, souffla Zoran. Mais... elle permet de voir tout ça sous un autre jour.

Je frappai le sol de mes paumes et mes épaules tremblèrent.

Reprendre le contrôle.

Ne rien oublier.

Vivre avec ses erreurs.

Son corps froid est là.

Sous mes yeux.

La marque de mes mains sur sa gorge.

Je ne peux pas revenir en arrière.

Je ne peux pas être la personne que certains auraient voulu que je sois.

Je ne peux pas redevenir quelqu'un que je n'ai jamais été.

_ Rien ne changera le fait que je l'ai tuée, soufflai-je. Je vis avec ça depuis toujours. Comme toi.

_ Ma loyauté t'es acquise, Jahyan, murmura Zoran. A toi de me dire ce que je dois faire. Je t'obéirais. Tu es mon Alpha. Tu es la personne qui sait quelle est la bonne solution.

Je secouai la tête, frottant et tirant sur mes cheveux.

Voilà ce que c'était que de perdre le contrôle.

Laisse la culpabilité reprendre le dessus.

Remonter à la surface, ne laissant que des marques au fer rouge, brûlant à cause du sel de la merde.

A cause du sel de la mort.

_ Sois maudit, Jahyan Pearson, souffla-t-elle. Jusqu'en Enfer. Jusque dans les entrailles du Diable. Sharan ne te reprendra pas avec elle.

Zoran agrippa mes épaules et me remit debout. Je m'accrochai un instant à ses bras, le souffle court, la tête qui tournait. Je fermai les yeux un instant, tentant de reprendre pied. C'était difficile. Difficile et compliqué.

_ Jamais nous n'en serions là si elle était toujours vivante... Jamais, Jahyan.

Je secouai la tête et m'écartai de lui.

_ Frappe-moi, ordonnai-je.

La lumière de la terrasse s'éteignit automatiquement. Nous nous retrouvâmes dans un noir tout relatif pour nous, loups.

_ Frappe-moi, Zoran, ordonnai-je plus sèchement. Et fais moi mal bon sang...

Et il obéit.

Le lendemain matin, j'étais plus sombre que la veille. Je m'étais battu toute la nuit avec Zoran. Il m'avait fait vraiment mal et avais suivi à la lettre mes ordres. Il portait aussi quelques beaux bleus. Mais chacun son truc hein. Je devais avoir un bleu sur la mâchoire, ainsi qu'un peu partout sur le corps. Lui avait un coquard. Alors qu'Eneko arrivait vers 6h30, il nous vit tous les deux dans la cuisine. Il toucha un bleu de Zoran qui grimaça et le repoussa.

_ Pourquoi ne pas m'avoir appelé ? Souffla Eneko.

_ Pas besoin, grondai-je. On a réglé le problème.

_ Je vois ça, grinça mon Second en sachant de quoi il en retournait.

La dernière fois, c'était lui qui m'avait sauvé de ma propre folie.

_ Quel a été le déclencheur ? Souffla-t-il en s'asseyant en face de moi.

Shana descendit les escaliers à ce moment là, se frottant les yeux comme une petite fille. Elle portait un petit short rouge de sport et une brassière orange avec un débardeur noir qui arrivait à peine à son nombril. Mon loup se mit tout de suite en éveil, malgré le dérapage de hier soir. Shana fronça les sourcils et m'observa en penchant la tête. Un rayon de soleil tapa dans ses jambes, éclairant sa peau hâlée. J'eus du mal à ne pas baver dessus...

_ Vous vous êtes battus ? Souffla-t-elle en regardant Zoran.

Eneko me lança un regard lourd de sens. Je temporisai à travers notre lien de meute et il acquiesça sans trop broncher. Quand je disais que je gérais, je gérais. Jusqu'à l'explosion qui ne tarderait pas à arriver. Et dont il devait s'occuper par la suite.

Je lançai un regard froid à Shana qui pinça ses belles lèvres que j'avais encore envie de goûter, de mordre, de lécher et de caresser. Mon loup bougea en moi, mais il était bien tenu par la cage de coups que j'avais pris hier soir. Alors il ne monta pas à la surface pour saluer la louve de Shana. Celle-ci se laissa tomber sur une chaise et piqua la tasse de Zoran qui grogna, mais qui ne dit rien de plus. J'avais demandé à Zoran de surveiller Shana, mais c'était presque comme s'il.. faisait exprès de se comporter comme si c'était sa Dominante. J'écartai cette pensée de mon cerveau endommagé et terminai ma propre tasse. Il ne fallait pas que je craque. Pas si peu de temps après les premiers signes. Les signes de faiblesse de mon contrôle.

_ Aucune louve ne voudra de toi, murmura-t-elle.

Je plissai les yeux et observai Shana manger un fruit. Je me levai et allai dehors l'attendre. Je fis quelques échauffements et tirai un peu sur mes muscles endoloris.

_ Vous faites souvent ça ? Remarqua-t-elle en descendant les escaliers de la terrasse.

Je ne lui répondis pas, lui faisant simplement un geste de la main. Elle soupira, mais ne chercha pas plus loin. Avait-elle sentit mon malaise ? Avait-elle sentit que j'étais venu dans sa chambre cette nuit ? Je secouai la tête et la laissai approcher. Elle me rendit quelques coups, car je n'étais pas concentré. Au fil de la matinée, alors que je lui apprenais une nouvelle technique d'auto-défense, Zoran vint nous aider. A plusieurs reprises il intervint pour que j'observe ce qui empêchait Shana de faire la prise. Du monde vint. Même avec leur travail, certains se permettaient de faire les tirs au flanc. Je les renvoyai tous au boulot en ronchonnant et en claquant des doigts. Tous eurent droit à un petit passage de l'entraînement de Shana.

Et le midi, ce fut une légion qui débarqua. Pas pour me déplaire, mais j'avais besoin d'un truc. Je réussis à glisser de l'argent à Zoran qui s'éclipsa. Shana croisa mon regard alors que je regardais ma main partir. Je fronçai les sourcils à son attention et pivotai vers Anya et Navid qui arrivaient. J'embrassai mon Eranthe avec respect et saluai le petit loup en elle. D'après Navid, tout se passait bien. J'étais normalement censé assister aux échographies, mais vu que j'avais été envoyé chez les plouks, ce n'était pas possible. Heureusement, elle se faisait un plaisir de me les raconter et de me les montrer.

L'heure du midi passa vite et bientôt, tout le monde fut repartie. Navid et Anya firent la vaisselle, ni l'un ni l'autre ne travaillant cette après-midi. J'enfilai un maillot de bain ne voyant toujours pas Zoran rentrer. Il en mettait du temps celui-là... je ne lui demandais pas la lune.

J'allais nager dans la piscine que Warrick avait nettoyé et remit en route pour les enfants. Tous étaient à l'école pour l'instant, alors je profitai du calme de la maison. Je plongeai au fond et nageai, laissant la pression de l'eau me détendre. Je fendis la surface avec une inspiration profonde. La chaleur du soleil était bonne sur ma peau et réussit à me détendre un peu plus. Je fis du crawl pendant une bonne heure, faisant ainsi une petite séance de sport. Alors que je me stoppai légèrement essoufflé, je vis Zoran sur la terrasse. Il me surveillait. Ou... Je pivotai et vis Shana faire des exercices de musculations avec Jalil à l'abri des arbres. Au moins, elle faisait ça bien. Je sortis de la piscine, m'étirant un instant. Je secouai mes cheveux et passai sous la douche d'eau clair pour me rincer du clore. Je me secouai et montai sur la terrasse, attrapant la serviette que Zoran avait mis là.

_ Elle est studieuse, remarqua ma Main.

_ Tu as ce que je t'ai demandé ? Grondai-je.

_ La contrebande est dans la maison, Patron, ricana-t-il comme un vieux film de policier.

Je levai les yeux au ciel. Ma Main et ses manies me faisaient parfois désespérer sur son compte. Irrécupérable.

_ Où ça ?

Zoran se leva et tira deux paquets de bonbons de l'arrière de son jean me les lançant.

_ Si Eneko apprends ça, je suis bon pour la potence, boss, remarqua Zoran. Un petit pourcentage ?

Je grognai.

_ Va surveiller Shana, grondai-je.

_ Comme si j'avais besoin d'en avoir l'ordre, soupira Zoran en se levant.

Je le regardai descendre et glissai les deux paquets de bonbons sous ma serviette. Je croisai Anya et lui souris, cachant mon crime. Je montai dans mon étage et fermai ma porte à clé. Je lançai la serviette dans le bac à linge sale et les paquets de bonbons sur le lit. J'allais chercher un film sur mon ordinateur et le mis sur une clé que je branchais à ma télé. Bientôt, le film démarra. Un vieux truc d'action avec Bruce Willis et Samuel L. Jackson. J'ouvris le premier paquet de bonbons. Des trucs piquants pour les gosses. J'en pris un et le mangeai. Bon sang... ça faisait un bien fou. J'ouvris l'autre et trouvai des bonbons au caramel. Mes préférés ! Je mis mes coussins en tas dans mon dos et m'y enfonçai, regardant la télé accrochée à mon mur, m'enfilant mes paquets de bonbons comme un gosse.

Une heure plus tard, des papiers de bonbons plein le torse, et un sachet vide, l'autre proche de la mort aussi, quelqu'un frappa. Je regardai la porte et fronçai les sourcils.

_ Occupé, grondai-je.

_ Pearson, fit Shana, tendue.

Je regardai un instant les papiers sur moi et virai tout sous un oreiller.

_ Ouvre, espèce d'idiot, grogna-t-elle.

_ Qu'est-ce que tu veux ? Crachai-je d'ici, cachant les preuves.

_ Cyriane demande à participer à un petit entraînement.

Je bondis hors de mon lit et tirai la couette sur le reste des preuves. J'arrêtai le film et lançai la télécommande sur le lit. J'allais ouvrir la porte. Shana leva les yeux vers moi. Elle s'écarta légèrement. Je ne relevai pas, mais mon loup n'apprécia pas du tout.

_ Non, dis-je.

J'allais refermer la porte, mais elle retint le battant.

_ C'était une politesse de te le dire, je ne te demandais pas la permission. Mais merci.

Elle pivota et descendis les escaliers. Je grognai et la collai au train.

_ Saleté de paysan, grondai-je alors qu'elle longeait le salon.

Elle sortie et descendit les escaliers, mon loup observa ses fesses ballotter doucement. Je fermai un instant les yeux, pivotai vers la maison, me mordis la main et inspirai.

Saleté de bonne femme.

Saleté de louve.

Saleté de puissance.

Merde ! Les bonbons !

Je retournai vers les escaliers et vis Cyriane au loin se faire mettre à terre par Zoran. Je sifflai un instant.

_ Qu'est-ce que c'est que ce foutoir ? Grognai-je.

Jalil leva les yeux vers moi alors qu'il était assit, observant.

_ La petite voulait une petite aide pour le combat, fit Jalil.

Je grondai doucement et claquai des doigts. Zoran remit Cyriane sur ses pieds.

_ Les femmes n'apprennent pas à se battre dans cette meute, grondai-je. Tu devrais le savoir n'est-ce pas Cyriane ?

Elle frémit et hocha la tête. Je levai la tête vers Zoran.

_ Toi aussi, tu le sais pourtant.

Il ne dit rien, se contentant de m'observer. Un léger sourire grimpa sur ses lèvres. Quoi ?

Qu'est-ce qu'il avait ?

_ Rentre, grondai-je à Cyriane.

Je pivotai vers Shana. Elle avait croisé ses bras sur son ventre, rehaussant sa poitrine. J'aurais pu la jeter sur mon épaule et l'emmener dans ma chambre.

Les bonbons... Merde.

Trop de sucre, tue le sucre.

Je pointai un doigt sur elle.

_ Ma Meute. Mes règles. Compris ?

Elle haussa ses épaules.

_ Savoir se défendre est pour tous les loups, remarqua-t-elle. N'est-ce pas toi qui me l'a appris ?

Je m'approchai d'elle et me penchai doucement sur elle. Je ne l'avais pas autant approché depuis deux jours. Son parfum grimpa dans mes narines, me rendant encore plus fou que je ne l'étais.

_ Ici, les femmes n'ont pas de hauts postes, grondai-je. Seuls une ou deux font parties des Veilleurs ou des Patrouilleurs. Elles ont les entraînements nécessaires. Cyriane ne deviendra pas un Veilleur ou un Patrouilleur. Alors, elle n'aura pas d'entraînement.

Même si je savais que son père lui avait appris les rudiments.

_ Crois-tu qu'en cas d'attaque de chasseurs, ce soit bien que même les femmes sachent se défendre ? Rétorqua Shana.

Je la regardai avec de grands yeux un instant.

_ Aucune louve ne voudra de toi, murmura-t-elle.

Mes narines se dilatèrent alors que la colère grimpait.

_ Patron, souffla Zoran.

Je levai une main vers lui et me penchai un peu plus sur Shana. Nos nez se frôlèrent presque.

_ Redis une seule fois ce genre de chose, murmurai-je, et je t'exclue de mon territoire à vie. Tout en te retournant par la poste dans ce champ de merde. Si les colis vont jusque dans ce trou à rat qui est ta maison. C'est clair ?

Jalil se leva. Je levai une main vers lui. Shana serrait les dents et ses lèvres étaient pincées.

Elle venait de pointer un problème parmi ma meute. Un problème qui n'en était pas vraiment un. Les chasseurs se baladaient autour de Boise, attendant de chopper les loups qui sortaient ou ceux de l'extérieur. Je le savais. Je m'en arrangeais. Mais depuis bientôt quinze ans, le massacre d'une famille s'était ajouté à mes autres... sources de culpabilité. Et elle venait d'appuyer dessus. Cette garce.

_ Une seule fois, soufflai-je.

Je fis demi-tour. Cyriane disparut à l'intérieur de la maison, des sanglots s'échappant de sa bouche. Je frappai dans une bouteille qui était là et elle alla s'écraser contre un arbre, explosant littéralement. Je serrai les poings et retournai dans ma chambre, claquant la porte.

Je me réinstallai, la colère faisant vibrer mes membres. Les bonbons furent terminés en deux secondes et bientôt, je m'endormis sur mon lit recouvert de papiers de bonbons.

Je me réveillai en sursaut, nez à nez avec Eneko. Il tenait un papier de bonbons dans la main. Je grondai et remis ma tête dans l'oreiller.

_ Qui t'a acheté ça ? Fit mon Second en me jetant le papier dessus.

Je grognai dans l'oreiller.

_ Tu vois l'état à présent ? Gronda-t-il.

Je ne relevai pas. J'étais une lavette à présent. Si quelqu'un me voyait comme ça, mon image en prendrait un coup.

_ Tu as des mails importants qui ont dû arriver, gronda Eneko. Bouge-toi, Yan !

Je ne bougeai pas d'un pouce. Je ne voulais aller nulle part, hormis ici, dans mon lit. Je détestai être comme ça, mais en dehors de cette chambre, il y avait une sorcière. Pourquoi ?! Pourquoi l'avais-je amené ici ? C'était mon espace de paix normalement. Et elle se dandinait ici, avec ses belles jambes et ses sourires.

_ Il est plus de 21h ! reprit Eneko en me frappant la tête. Alors il serait peut être temps de réagir !

_ Avec une bouteille de whisky ? Souriais-je.

Je repris une frappe qui envoya ma tête dans l'oreiller.

_ Prends une douche et va lire tes mails.

Je me redressai sur mes coudes et l'observai virer les papiers de bonbons à la poubelle.

_ Tu es une mère pour moi, ricanai-je.

Je roulai hors de sa portée et enfilai un vieux jogging, sans rien d'autre. Je traînai mes fesses à mon bureau et tirai mon siège. Alors qu'Eneko redescendait, je me mis à jouer à des jeux idiots. Je l'entendis remonter et remis la fenêtre de ma boite mail. Il déposa un sandwich devant moi. Je grognai et le repoussai. De l'alcool ou des bonbons me suffiraient. Quel traître !

_ Tu as une Alpha dans ta maison, remarqua Eneko. Ce n'est pas le moment de faire une séance de rébellion.

Je le fusillai du regard alors qu'il sortait. J'allais me plonger dans mes mails sans grand intérêt quand il y eut un sifflement. Je bondis sur mes pieds et rattrapai les deux paquets de bonbons que Zoran me lança. Il fit rouler une bouteille d'alcool au sol que j'attrapai en le gratifiant d'un pouce vers le haut. Il jeta un coup d'œil autour de lui et entra dans la chambre, refermant la porte à clé. Il sortit deux verres des poches arrière de son jean et s'assit sur le tapis avec moi. On s'appuya contre mon lit et il ouvrit la bouteille, nous versant des verres. J'ouvris un paquet de bonbons alors que Zoran sortait son propre péché mignon. Les glaces. Il sortit de l'intérieur de sa veste un pot de ben & Jerrys et l'ouvrit. Il la mangea avec le doigt.

Après plus de quatre heures d'intense réflexions sur des choses débiles, nous finîmes allongés tous les deux sur mon tapis épais et doux, bourré de bouts de chips à présent et de papiers de bonbons.

_ Eneko va nous trucider, ricana Zoran.

Je regardai mon plafond avec grand intérêt, mais le cœur légèrement oppressé.

_ Aucune louve ne voudra de toi, murmura-t-elle.

Je soupirai, le cœur lourd et la gorge serrée.

_ T'en fais pas Patron, fit Zoran. Je m'en chargerai.

Je secouai doucement la tête et me redressai, la tête qui tournait. Zoran fit de même et eut un léger hoquet. Lorsqu'il croisa mon regard, il devint sombre.

_ Il ne faut pas y penser, boss, souffla-t-il. Pas maintenant... plus maintenant.

_ Parfois, murmurai-je, je me demande si toutes mes décisions étaient les bonnes, Zoran...

_ Elles l'étaient, fit ma Main. Elles le sont.

Je me frottai les cheveux.

_ Aucune louve ne voudra de toi, murmura-t-elle.

_ Tu ne t'aies jamais demandé ce qu'elle serait devenue ? Murmurai-je, mal à l'aise.

Zoran me regarda en silence pendant quelques secondes.

_ Tu as fait ce qu'il fallait faire, Yan, souffla-t-il. Pour la meute. Pour toi.

_ Au bout d'un moment, même en me répétant ça, je ne peux m'empêcher d'y penser...

Je frottai mes tempes à présent, convaincu que j'avais besoin de me gratter, mais c'était seulement le trop de sucre et d'alcool. J'étais bourré je crois.

_ Et de penser que ça aurait pu marcher, ajoutai-je dans un souffle.

Zoran pencha doucement la tête et me regarda dans les yeux.

_ Je ne pense pas non, murmura-t-il.

_ Quand on fait autant de choses que moi, repris-je en remontant un genou contre mon torse, on se demande à la fin si tout était bien. Si tout s'est passé comme on le voulait. Si on a ce qu'on voulait. Ce qu'on veut.

_ Aucune louve ne voudra de toi, murmura-t-elle.

Avais-je tout ce que je voulais ?

Non. Pas vraiment.

Mais le contrôle ou en tout cas, cette vision du contrôle que j'avais, m'aidait à me dire que j'avais ce dont j'avais besoin.

Mais je n'avais pas tout.

Zoran bu à la bouteille de whisky et haussa ses épaules.

_ A vous de voir si vous voulez la laisser entrer dans notre monde, murmura-t-il enfin.

Je ricanai et secouai mes cheveux.

_ Rien de ce que je pourrais faire ne la fera entrer dans notre monde, soupirai-je. Rien.

Zoran me regarda. Et son regard me fit clairement passer le message : je manquais une occasion.

Peut-être l'occasion de ma vie.

_ Je crois, Patron, souffla ma Main, qu'elle est déjà entrée d'elle-même...

Mon loup acquiesça et je frémis.

Il devait être quatre heures du matin. Zoran était partie dormit, mais je n'avais pas réussi à fermer l'oeil.

Je la savais ici.

Je la savais non loin de moi.

Je la savais en manque de quelque chose.

Je la savais en manque de quelque chose que je pouvais lui donner.

Je repoussai doucement la porte de sa chambre et allais m'asseoir à côté de son lit, non loin de son visage tourné vers moi. Elle était venue dormir dans un lit. Je souris à cette pensée.

Son visage était légèrement rouge. Avait-elle trop chaud ? Sûrement. Je n'eus pas le courage d'ouvrir la fenêtre. Je remontai un genou contre mon torse et continuai de l'observer à la lumière de la lune qui se remplissait.

Qui devenait ronde.

Qui appelait nos moitiés à se libérer.

A devenir ce que nous avions été avec Sharan.

Des esprits animaux.

Des esprits libres.

Des esprits tendres et à la fois sauvages.

Elle soupira dans son sommeil.

Je fermai les yeux et posai ma tête contre le mur.

Mauvaise idée. Je m'endormis.

Tout était froid ici. Tout. La meute de mon père n'avait jamais été celle que je préférais, même si ils s'en sortaient. Même si Pearson l'ainé savait tout. Gérait tout. Contrôlait tout. Je rêvais de devenir comme lui. A une époque, j'avais voulu. A présent, je me retrouvais devant lui, le corps inanimé de celle qui m'avait offerte dans les bras.

Il ne me regarda pas.

Regarda simplement le corps d'Izsha dans mes bras.

Vide.

Froid.

Dur.

Je déposai le corps devant ses pieds et m'agenouillai.

_ Qui l'a tuée ? Souffla la voix de mon père.

_ Moi, murmurai-je.

Un silence.

_ Tu as tué celle qui t'était destinée ? Souffla ma mère.

Des cris de souffrances non loin de nous. La mère d'Izsha. Et sa sœur. Pourquoi ? Nous étions des loups. Nous n'étions pas censé s'entendre avec nos familles. Je ne voyais plus mes sœurs ni mes parents. Plus aucun. J'avais ma propre meute à gérer. J'avais mes propres loups.

Mes propres problèmes.

Mes propres décisions.

Ce n'était pas facile d'être un Alpha.

Ce n'était pas facile d'être un Alpha comme moi.

Alors qu'une main se posait sur mon épaule, je bondis sur mes pieds, emprisonnant la gorge de mon attaquant.

Daly.

La sœur d'Izsha.

Sa petite sœur.

_ Seras-tu toujours tout seul Jahyan Pearson ? Souffla-t-elle.

Je secouai la tête, ma main sur sa gorge.

_ Es-tu maudit ? As-tu fait des choix dans ta vie qui t'ont amené à te punir ?

Mon souffle se coupa dans ma gorge. Elle ne pouvait pas dire ça.

J'avais fait ce qui devait être fait.

Toujours.

_ A vouloir simplement être... seul ?

Sa voix était un poison.

Je ne voulais pas savoir.

Je ne voulais pas voir.

Je ne voulais pas qu'elle le dise.

Je ne voulais pas qu'elle me compare à mon père.

Et pourtant... Pourtant je voyais son léger sourire.

Il avait fait exprès.

Exprès de me l'envoyer si faible...

_ Sharan a-t-elle oublié de mettre ton âme sœur sur cette terre ?

Je secouai la tête, j'avais envie de vomir.

Ma prise se resserra et elle grimaça.

_ Sharan a-t-elle puni l'un de ses enfants ? L'un de ses fils ? Te déteste-t-elle ?

_ Tais-toi, suffoquai-je.

La louve me regarda au fond des yeux.

_ Je crois qu'elle t'a abandonné, souffla-t-elle. Pour toujours.

Je fermai les yeux.

Non ! Je n'étais pas un Alpha mauvais ! J'avais fait ce qu'il fallait !

_ Aucune louve ne voudra de toi, murmura-t-elle. Aucune. Tu es si froid. Si distant. Si vicieux. Même une morte ne voudrait pas d'un vivant comme toi.

Je grimaçai. Elle disait ça à cause du chagrin.

Elle me repoussa et tomba à genoux à côté du corps de sa sœur.

Sa grande sœur.

Celle qui avait été mienne.

Presque.

_ Tu as signé ta défaite, souffla-t-elle. Tu l'as tuée... de tes propres mains...

Elle glissa ses doigts sur la gorge de sa sœur. Ses sanglots emplirent l'air.

Broyant mon cœur.

Broyant le peu de retenue qu'il me restait.

J'étais froid. Vicieu. Distant. Tout ça. Tout.

_ Trop faible... trop faible... tu l'as reniée... tu l'as tuée... tu n'as pas voulu d'elle...

Elle sanglotait. Haletait. Suffoquait.

Ma mère ne disait rien.

Mon père jubilait presque.

_ Elle était pourtant celle qui t'étais destinée, murmura-t-elle. Et tu l'as tuée... Tu es maudit. Maudit par ta propre race.

Sa voix était tranchante à présent, et ses yeux brillaient.

_ Reste seul, cracha-t-elle. Reste seul pour toujours.

Je ne sus comment je ne tombais pas à genoux. Mais alors que je voulus la toucher, mon père frappa Daly. Elle bascula en arrière et se recroquevilla sur la terre froide.

_ Comment oses-tu seulement lui parler sans ma permission, femelle ? Souffla-t-il.

Je regardai le cœur de celle qui avait été déposée sur cette terre pour moi.

Une personne que j'avais moi-même tué.

De mes propres mains. A cause de sa faiblesse.

Elle n'était pas pour moi.

Elle n'était pas assez puissante.

M'aurait simplement ralentit.

Froid. Distant. Vicieux.

Une main sur ma joue.

Peut-être simplement un rêve.

J'avais tué de mes mains mon âme sœur.

Tuant une part de moi qui jamais ne verrait le jour.

Jamais.

_ Aucune louve ne voudra de toi, murmura-t-elle.

Aucune.

Un contact chaud sur mes paupières.

Je gémis, perturbé par ce contact apaisant.

Où étais-je déjà ? 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top