6. Shana
Je hurlai, frustrée, alors que je finissais la tête par terre. Encore.
Je n'avais pas réussis à le retoucher une seule fois. Je n'avais même pas réussis à l'effleurer depuis que ma louve avait mordu. Mon souffle se coupa dans ma gorge, et cette fois-ci, je ne sautais pas sur mes pieds pour me relever. J'en étais bien incapable pour tout dire.
Mon corps pulsait. Et je n'avais jamais eu aussi chaud de toute ma vie. Je n'en pouvais plus. J'étais une putain de boule de douleur. Et il continuait encore et encore de me frapper. Comme s'il n'y avait pas de fin. Comme si le but était de briser chaque os de mon corps.
Je le sentis s'agenouiller à côté de moi. Ma louve ne broncha même pas face à sa proximité. Elle était excitée et pas du tout comme je l'aurais voulu. Ce n'était pas l'excitation d'un combat ou de voir du sang couler, oh non ! Et la garce me rappelait à quel point moi aussi j'étais frustrée de ce côté-là. Putain de merde !
— Relève-toi ou je te relève moi-même.
N'était-il donc pas épuisé ? Il transpirait à peine putain ! Même avec cette chaleur ! Alors que moi j'étais en nage. Et en sang accessoirement.
Ma louve l'avait mordu une fois. Et il avait rendu les coups de crocs. Quatre fois. Chacune des morsures pulsaient et m'envoyaient des ondes de douleur atroces.
Quatre fois bordel de merde ! Il était malade, il était complètement taré ce type. Plus rancunier que ça autant crever !
Je retins quelques insultes bien trouvées et poussai sur mes bras.
Ils tremblèrent et je dus faire preuve de volonté pour ne pas trouver le sol particulièrement confortable. J'en avais assez de bouffer la poussière, mais l'atteindre était devenu quasiment impossible. Je préférai rester au sol quand j'y étais, mais il finissait toujours par me remettre sur pieds.
— Aller, debout, grogna-t-il.
Sa main agrippa mon bras et il tira dessus. Je chancelai un instant et repoussai mes cheveux derrière mon épaule.
Je dégoulinai de partout.
Une vraie putain de piscine ambulante. Même mon soutif me semblait de trop et le short, je n'en parlais même pas.
J'essuyai la transpiration qui avait coulé dans mes yeux et tentai de retrouver un rythme normal de respiration.
J'avais les muscles endoloris à cause de ses coups et du choc de finir la gueule par terre, mais aussi trois côtes fêlées. Au moins. Si ce n'était pas plus.
J'ignorai quelle heure il était.
J'ignorai depuis combien de temps il me passait à tabac, mais je tenais à peine debout.
— Aller, attaque, dit-il.
Mon regard se posa sur la morsure qu'il avait. Pourquoi ne la soignait-il pas ? Trop prit dans le combat ?
Putain d'enfoiré.
— Ça te plait de frapper une femme ? Grommelai-je.
Pearson sourit de plus belle. Putain de macho. Je le détestai. Je le détestai bon dieu !
— Je préfère mordre, ronronna-t-il presque.
Je criai et fondis sur lui, sans même plus faire attention à ma position. Il faucha mes jambes sans difficulté et mon dos heurta le sol avec un craquement sonore.
Mes dents s'entrechoquèrent et je grognai.
Cette fois, je n'en pouvais vraiment plus. Tous mes os avaient vibrés. Je n'étais plus capable de faire le moindre geste. J'avais juste l'impression de m'être fait piétinée par une horde de chevaux. Ce connard de Pearson en valait bien cinquante.
Putain d'enculé.
Je le détestai. Je le détestai. Je le détestai !
— Tu es trop impulsive. Tu fonces dans le tas. La prochaine fois que tu ne réfléchis pas plus laisse-moi te dire que tu auras mal. Très mal. Bien plus que ce que tu peux ressentir maintenant.
— Ferme là, grognai-je en fermant les yeux.
Le soleil m'aveuglait. Et j'avais juste envie de chialer comme une grosse merde. Je l'entendis approcher. Allait-il encore me relever ? Allait-il encore frappé ? J'avais peut-être une louve en moi, mais ça ne faisait pas de moi un putain de punching-ball vivant !
Qu'il aille cogner sur sa Main !
Qu'il aille frapper quelqu'un d'autre bon sang.
— À quand remonte ton dernier entraînement ? Demanda Pearson, sans me toucher.
Monsieur me laissait souffler ? Trop aimable !
Mon dernier entraînement ? Bon sang... à loin, non ? Je ne m'en souvenais pas. Kerann avait toujours été celui qui m'entraînait, même si j'avais échangé quelques coups avec Jalil ou encore Joaquim. Mais c'était loin.
Avant que l'état de Yago ne dégénère encore plus. Avant qu'il ne sombre un peu plus dans la folie et dans l'horreur.
— Longtemps, dis-je simplement.
Je savais que ce n'était pas bien. Même si je n'avais pas été Alpha à l'époque, j'aurais du continuer les entraînements. Mais je n'avais pas voulu laisser Yago seul une seule seconde. Le laisser sans surveillance c'était avéré trop... dangereux.
Pour lui, comme pour nous.
J'avais tout mis de côté pour mon frère. J'avais tout laissé tomber. Et je l'aurais suivi n'importe où. Mais même tout mon amour ni avait pas suffit.
Il était mort.
Il était parti.
— Ça veut dire quoi longtemps, Shana ? Grogna Pearson en soupirant.
— Plus de dix ans, répondis-je, en rouvrant les yeux et en le fusillant du regard.
Il m'observa un instant, jaugeant si je lui disais ou non la vérité. Pourquoi mentir là-dessus ? C'était suffisamment honteux de l'avouer...
Pearson leva alors la tête et regarda le soleil, sûrement pour voir l'heure qu'il était. Il se redressa – je n'avais même pas vu qu'il s'était encore une fois agenouillé – et lâcha un bon gros soupir lourd de sens :
— Ça ira pour aujourd'hui. Si je continue j'aurais l'impression de frapper un louveteau.
Je me mordis l'intérieur de la joue pour ne pas l'insulter encore une fois de tous les noms. La colère prenant le pas sur la douleur, je réussis à me relever, mais ne réussis pas à me la fermer bien longtemps :
— Je t'emmerde, d'accord ?
Je passai à côté de lui, le bousculant, me faisant plus mal qu'autre chose.
À côté de la grange, une douche de plage avait été installée. J'appuyai dessus et un jet d'eau froide s'échappa. Je ne mouillai pas que ma tête ; j'y allais toute entière, un air de défis dans le regard alors que je fixai Pearson.
Je fus trempée, mais au moins, je n'avais plus chaud. Mon soutif ainsi que mon short furent imbibés d'eau.
Pearson ne me quitta pas du regard et ses yeux étincelèrent un peu plus. Ma louve voulut monter, mais je la muselai. Il était hors de question qu'elle commence à roucouler. Elle pouvait se tenir, merde !
Pearson ne nous toucherait pas. C'était hors de question. Plutôt crever la bouche ouverte bon sang ! Il avait osé m'embrasser tout à l'heure et même si sur le coup, ma louve avait réagit, après elle avait eu envie de ronronner. Surtout après la première morsure. Celle qu'il avait faite au même endroit que nous.
J'en avais une autre un peu au dessus du poignet, une autre à la hanche et la dernière, celle qui me faisait le plus mal, au genou. Il avait mordu mon genou !
Un psychopathe. Qui faisait ça franchement ? Il fallait vraiment que je tombe sur le pire taré de la planète !
Et ce n'était pas que des traces de dents, ça aurait été trop beau pour être vrai sinon. J'allais garder les marques au moins toute la journée et la douleur, une de plus.
Je vis Kerann apparaître sous le porche. Il venait de prendre une douche fraîche. Il regarda le dos de Pearson puis m'avisa.
Je senti sa colère. Sourde et brute. Il n'était pas du genre à cacher ses émotions. Quand il ressentait, c'était à cent pour cent. Mais Kerann avait une carapace dure comme du roc et il en fallait beaucoup pour le mettre en colère.
Mais comme beaucoup disait, un Protecteur n'était jamais calme quand il s'agissait de sa protégée. Il n'avait fallut que quelques secondes à Pearson pour s'en rendre compte.
On n'apprend pas au vieux singe à faire la grimace, hein ?
Il était doué. Je ne pouvais pas lui prendre ça. Surtout très con aussi, mais ça, toujours une autre histoire.
Le jet s'arrêta tout seul et j'attrapai mes cheveux pour les essorer à la façon d'un torchon. Ils dégoulinèrent d'eau, mais je n'avais pas à m'inquiéter qu'ils frisent de toute façon ; ils étaient naturellement lisses.
Kerann sauta à bas des marches et s'avança droit sur moi, son t-shirt dans les mains. Pearson le regarda sans bouger alors que derrière lui, Zoran et Joaquim n'avaient toujours pas bougés. Ils étaient installés sur les barrières depuis un bon moment et avaient observés Pearson me tabasser. Parce qu'au final, ça se résumait juste à cela.
— Hé patron, vous êtes encore chaud ?
Joaquim rit. Je savais qu'il avait été dans la même Maison que Zoran. Ils étaient comme des frères et rare étaient les Mains qui s'entendaient aussi bien. Généralement, il y avait une certaine rivalité entre Elles, mais là, entre eux deux, ce n'étaient pas du tout le cas.
Kerann me jeta le t-shirt presque dans la figure et gronda. Son loup brillait dans ses yeux. Pourquoi était-il en colère celui là bon dieu ?
J'enfilai le t-shirt sans me faire prier et tout de suite il colla sur mon soutien-gorge.
— Il t'a fais mordre la poussière, dit-il.
— Au cas où je n'avais pas remarqué, tiens, répliquai-je, mauvaise.
— Même Rayane se bat mieux que toi, Sha !
Je le foudroyai lui aussi du regard et passai à côté de lui sans même lui répondre. Lui aussi avait décidé de me prendre la tête ? Il voulait faire copain-copain avec Pearson pour participer au grand jeu « démolir Shana Ortega » ? Très bien ! C'était génial !
— Shana ! Eh.
Kerann attrapa mon poignet et y exerça une légère pression. Je m'arrêtai, inspirant profondément pour me calmer.
J'étais une vraie boule de nerf.
L'effet Pearson. Je n'étais pas sur de tenir six mois ainsi. Je n'étais même pas sur de survivre à la pleine lune avec ce type dans les parages. Et c'était dans un peu moins de trois semaines. Mon dieu...
Se rouler au sol comme ça... je devais arrêter de trop penser. Mais même si c'était le dernier des salauds, il était plutôt... pas mal ?
Et merde, Shana ! Arrête de délirer. Arrête-toi maintenant !
Je me tournai finalement vers Kerann et lui souri doucement :
— J'aime bien me faire taper dessus, tu sais bien, dis-je pour plaisanter.
Il soupira légèrement et sa main effleura la morsure entre mon cou et mon épaule. Ses yeux étincelèrent et je sentis la puissance de son loup courir sur mon corps. Il voulait m'aider à me soigner et si j'avais été moins idiote et surtout moins fière, je l'aurais peut-être laissé faire.
Je secouai la tête, une main sur son torse :
— Laisse ça, tu veux ?
— Pourquoi ? Gronda-t-il. Tu n'as pas à avoir mal de la sorte. Tu n'as pas à porter ses marques !
Son loup était mauvais, en colère. Protecteur et peut-être même jaloux.
— Ma louve l'a mordue la première, dis-je comme pour justifier tout ça.
Sauf que je ne dis pas qu'il m'avait embrassé. Je crois que ça n'aurait pas plus à Kerann. Surtout quand il voyait à quel point Pearson pouvait être aimable avec moi. Même si c'était pour le bien de la meute.
Et puis ça me regardait.
— J'ai mérité chaque bleu que je porte et chaque côte fêlée, d'accord, idiot de Second ?
Ces dernières étaient déjà en train de se remettre. Ce soir, je serais comme neuve. Ou presque. Et je ne mentais pas à Kerann ; j'avais vraiment mérité d'avoir mal. Même si ça me faisait chier que ce soit Pearson qui ait du me frapper. C'était comme ça. Il était là pour ça. Et ça semblait bien lui plaire en tout les cas.
— Je n'aime pas ça, Sha. Vraiment pas, grommela Kerann en se frottant la tête, mal à l'aise.
Je savais qu'il était dur pour lui d'agir à la fois comme Second et comme Protecteur. Il y en avait toujours un qu'il fallait privilégier. Et ça commençait à lui peser. Kerann était un Second vraiment incroyable. Pour beaucoup, il aurait pu être fait pour ça, mais nous savions lui comme moi que ce n'était pas le cas. Et si au fil des années il avait plus du agir en tant que Second, la présence de Pearson mettait en péril le peu d'équilibre qu'il avait réussit à instaurer entre les deux choses qu'il était. En cet instant, je m'en rendais bien compte.
Combien de temps allait-il tenir avant de vouloir fourrer son poing dans la gueule de Pearson ? Combien de temps allait-il pouvoir m'observer manger la poussière ? Je l'ignorai. Mais je ne voulais pas qu'il craque. Je ne voulais pas qu'il se mette Pearson à dos.
Surtout pas.
Que ce dernier s'en prenne à Zadig ou à Jamie était une chose, mais il ne toucherait pas Kerann. Il fallait juste que ce dernier ne fasse pas quelque chose d'idiot. Si moi j'arrivais à comprendre que je me faisais taper dessus pour le bien de la meute, alors il ne serait pas difficile de convaincre Kerann, si ? Quand il le voulait, il pouvait être tellement têtu ! Mais avant d'être un défaut, c'était une qualité pour la meute.
— À table ! Cria Alessandro depuis la cuisine.
Je pouvais presque sentir d'ici les effluves de ce qu'il avait préparé. Mon ventre gronda doucement. Il y avait un petit moment que je n'avais pas mis le nez dans une assiette bien garnie. Mais avec cette chaleur, j'avais du mal à avaler autre chose que des pommes. Après, j'avais l'estomac retourné et surtout, manger du chaud quand il faisait chaud... j'avais toujours eu du mal avec ça.
Je jetai un coup d'œil à Pearson qui n'avait finalement pas entamé les hostilités avec sa Main. Ils discutaient tous les trois avec de légers sourires. J'aurais pu écouter ce qu'ils disaient sans même avoir à me concentrer sur eux, mais il y avait bien longtemps que j'avais la notion d'intimité. Et parfois, être avec des humains toute la journée vous faisait oublier certaine de vos... aptitudes.
Je détestai qu'on écoute à ma porte, alors pourquoi serais-je allé le faire ? Je secouai mes cheveux et commençai à les natter tout en marchant vers la maison. Le temps des queues de cheval et des chignons allait arriver. Je n'allais pas supporter mes cheveux bien longtemps avec une pareille chaleur.
Dans la cuisine, le couvert avait été dressé et Ales ne nous avait pas attendu pour servir de grosse assiette. Il savait qu'ils nourrissaient des loups.
J'essayai de ne pas trop boiter, pour ne pas faire plaisir à l'autre connard qui était juste derrière moi.
J'observai ce qu'il y avait dans les assiettes ; beaucoup de légumes. Je n'étais pas un bon exemple pour les enfants. J'étais très difficile côté bouffe et Alessandro s'arrachait très souvent les cheveux à cause de moi.
Alors que les mâles s'installaient, j'observai les assiettes, sceptique.
— Quoi encore ? Grogna Ales, retenant un soupir lourd de sens.
Je fis la moue et inspirai. Ça fit un putain de mal de chien. Et je foudroyai le dos de Pearson qui avait attaqué avec les autres.
Jalil entra et attrapa une pomme qu'il me lança :
— On m'a dit que tu t'étais fais laminer, Alpha. Peut-être que si tu mangeais un peu plus de viande, il y aurait matière à ne pas te casser en deux, rit-il.
La pomme finit sur sa tête et il arqua un sourcil alors que je lui faisais mon doigt le plus intéressant :
— Tu as laissé ton cerveau avec les chevaux, Ja ?
J'étais de mauvaise humeur. Les morsures de l'autre connard me lancèrent et j'avais du mal à tenir debout. Je n'en pouvais plus.
Même si j'avais faim, je n'étais pas sur de pouvoir avaler quelque chose maintenant. Mais la chaleur allait avoir raison de moi, surtout si je n'avais rien dans le ventre.
Pearson posa alors sa fourchette et se tourna lentement vers moi.
— Viens manger, dit-il, en tapotant la chaise libre à côté de lui.
Et je savais que c'était un ordre. Il me prenait pour Cyriane ? Il croyait qu'il n'avait qu'à claquer des doigts pour me faire obéir. Je n'étais pas une putain de louve soumise. Je n'étais pas une de ses louves.
Je ne bougeai pas, lui montrant ainsi que je ne comptais pas l'écouter. Et puis quoi encore ? Me faire taper dessus était une chose, mais ramper quand il me donnait des ordres n'étaient pas au goût du jour. Et ne le serait jamais.
J'étais une Dominante et personne ne me donnait d'ordre. Encore moins un macho comme lui.
Il inspira et ses pupilles se dilatèrent presque imperceptiblement. Monsieur n'aimait pas qu'on n'écoute pas, hein ? Il aimait que ses ordres soient exécutés au doigt et à l'œil ? Il n'avait pas misé sur le bon cheval alors, parce qu'il allait être servit avec moi.
— Ça se voulait un ordre, Pearson ? Dis-je, souriante.
Je vis Kerann soupirer sans même se cacher et secouer la tête alors que Jalil retenait un rire tant bien que mal.
Les mâles de cette meute avaient l'habitude de mon caractère et de mon tempérament. Surtout ceux qui étaient de mon côté. Je n'avais pas à caché comment j'étais avec eux. Pour les autres, c'étaient une autre affaire, comme toujours.
— Intelligente, paysanne. Vois ça comme faisant partie de ton entrainement. Et tu n'as pas envie de m'énerver, n'est-ce pas ?
Des menaces maintenant ?
— Ah non ? Grondai-je en me penchant légèrement.
Ma louve grimpa.
Elle avait envie de se frotter contre ce mâle. Quand moi j'avais envie de lui foutre mon poing dans la gueule et de toucher son corps. Et de m'y frotter aussi.
Si les entraînements duraient jusqu'à la pleine lune, je préférais encore m'arracher un ou deux membres. Il était hors de question que je craque. Hors de question que je le laisse me toucher.
Pearson renifla doucement, et un sourire lourd de sens étira ses lèvres.
Il avait sentit l'odeur de mon désir.
Et merde, Shana !
Je me sentie rougir. Pas de colère. Mais de gêne. Enfoiré !
— Bordel, viens manger, Shana, lâcha alors Kerann, légèrement sur les nerfs.
Je le foudroyai du regard, avant de revenir sur ce mâle qui me mettait dans tous mes états.
— Vous me les brisez tous secs, okay ?
Je contournai la table et allai m'assoir à côté de Jalil alors que le regard de Pearson ne me quittait pas.
Il allait s'en mordre les doigts s'il croyait me faire plier au moindre de ses désirs !
Rafael et Leandro arrivèrent et se lavèrent les mains avant de passer à table. Les rires allèrent bon train et le repas s'éternisa plus d'une heure.
Je triai ce que je mangeai, repoussant les légumes dans un coin de l'assiette que Jalil chipait presque immédiatement sans même y faire forcément attention.
Bientôt, tout le monde se leva et je donnai un coup de main à Alessandro pour la vaisselle alors que tout le monde retournai à ses occupations. Les deux plus jeunes embrassèrent mes joues et partirent avec Kerann pour le voir monter un Bronco.
Pearson grimpa à l'étage, sûrement pour bosser un peu et Zoran et Joaquim s'éclipsèrent aussi, histoire d'échanger quelques coups, je n'en doutais pas.
Aucune chasse n'avait été prévue pour ma Main, mais d'après Kerann, il faudrait bientôt retourner dans les montagnes.
Alessandro finit par partir et je finis de ranger la cuisine alors que ma louve tournait en rond. Nous étions encore bien loin de la pleine lune et pourtant, elle était déjà une boule de nerf. Tout comme moi. J'essayai de me convaincre que c'était à cause du combat de ce matin et de la perspective des autres, mais pour elle... Je savais ce qu'elle voulait et ce dont elle avait besoin surtout.
Il y avait longtemps que ni elle ni moi n'avions été touchées, n'avions touchées un homme. Des années. Et quand la pleine lune approchait, on le ressentait vraiment beaucoup. Dire que nous frisions la folie n'était pas totalement faux. Et j'étais en train de me demander comment j'allais tenir, surtout quand il y avait un mâle tel que Pearson dans les parages. Je n'étais pas sur qu'y mettre toute ma volonté y suffirait...
Bordel. J'étais en train de me dire que Timothy aurait du dire « pas de fricotage » en plus de pas de morts et de respect. Mais bon dieu, je ne voulais pas fricoter avec Pearson. C'était... inenvisageable.
Je frissonnai et fermai les yeux, essayant de repousser la vision de son corps légèrement transpirant de ce matin.
Je grognai et agrippai mes cheveux, tirant légèrement dessus pour me remettre les idées en place.
Je savais me contrôler. Du moins pour l'instant. Quand la pleine lune serait là, ce serait une toute autre histoire...
Je filai sous la douche, essayant de ne pas insulter un peu plus Pearson en voyant l'état de mon corps. J'avais mal partout, jusqu'aux doigts de pieds bordel de merde ! J'avais l'impression d'être passé sous un rouleau compresseur et sentait que demain serait pire. Sentais que les six mois à venir allaient être affreux.
Pour le bien de la meute, hein ? Qu'ils aillent tous se faire foutre !
J'enfilai un short et un débardeur et allais m'occuper des chevaux le reste de l'après-midi. En fin de journée, quand la chaleur se fit moins oppressante, Pearson réapparut, frais comme un gardon le petit Alpha.
Il avisa Jalil et lui fit un signe de tête. Le moment de s'entretenir avec le sous-lieutenant de la meute ? Jalil sauta par-dessus la barrière alors que Pearson l'attendait, son t-shirt jeté au sol. Presque immédiatement, du monde apparut, comme s'ils avaient attendu ça toute la journée.
Zoran et Joaquim bien sur, mais aussi Rafael, Leandro, trois patrouilleurs et mêmes quelques humains travaillant ici. Ils s'installèrent pour la plupart au niveau de l'enclos. Pearson dit quelque chose à Jalil qui sourit et roula des épaules.
Jalil s'entraînait très souvent avec Joaquim quand ce dernier était ici. Il avait une bonne forme physique, mais je savais d'avance qu'il allait mordre la poussière avec Pearson. Qui ne finissait pas la tronche dans le sable avec lui ? C'était la grande question de la semaine.
Le combat commença et j'observai, appuyé sur ma fourche.
Jalil tourna autour de Pearson et attendit que ce soit lui qui attaque. Ce qu'il ne tarda pas à faire. Son poing effleura le Mexicain qui dit quelque chose avant de rire. Jalil adorait fanfaronné quand il était à l'aise. Je n'aurais pas cru qu'il apprécierait autant Pearson, surtout après l'épisode chez Nohlan. Comme quoi. Mais ce n'était peut-être pas plus mal. Et Pearson semblait l'apprécier aussi, même si c'était dur à dire avec lui.
Jalil fut touché et tomba par terre. Il se releva presque immédiatement alors que les deux Mains commentaient en souriant. Il frappa à son tour et toucha Pearson au niveau du ventre.
— Pas mal pour un sous-lieutenant, dit ce dernier.
J'observai ses pieds, leurs mouvements. Pearson savait bouger. Chacun de ses pas étaient calculés à l'avance et il n'était pas du genre à perdre son sang-froid, loin de là. Il avait une sacrée technique, je ne pouvais rien dire là-dessus.
Le combat dura presque une heure et à la fin, Pearson tendit sa main à Jalil pour que ce dernier se relève.
Je vis Rafael sauter de son perchoir :
— Je peux aussi ? Demanda-t-il à Pearson.
Ma louve sortit de la contemplation du corps de Pearson et remua doucement. Je me redressai et fronçai les sourcils.
Le regard de Pearson se posa sur moi – il n'avait même pas eu besoin de me chercher des yeux – et pencha légèrement la tête.
C'était un Alpha, un bon Alpha, même si ça me coûtait de dire ça. Il y avait certainement beaucoup de jeunes petits fous dans sa meute, alors il savait gérer, mais là c'était de Rafael qu'on parlait, alors je n'étais pas sure d'être d'accord.
Je me mordis la lèvre. C'était un homme. Je ne pourrais pas le couver toute sa vie. Il avait besoin d'apprendre. Après tout, même si Yago n'avait pas été l'aîné, il avait été Alpha, ce qui faisait de Rafael un héritier légitime.
Ce qui faisait de lui un fils d'Alpha.
Je finis par hocher la tête et Pearson se tourna vers mon neveu :
— Approche donc, petit.
Leandro était tendu et très observateur.
Il n'allait manquer une miette de cela pour rien au monde. Lui aussi aurait aimé se confronter à Pearson, mais il était un peu moins... fou que Rafael bien sur.
Rafael s'avança et s'arrêta à plus ou moins un mètre de Pearson.
— Tu t'es déjà battu avec tes aînés, petit Ortega ?
Les yeux de Rafael étincelèrent légèrement alors qu'il hochait la tête. Il était passé entre les mains de tous les hauts-gradés et ça continuait encore maintenant. Il était encore en plein apprentissage, mais j'étais sur que lui aussi se battait mieux que moi.
— Voyons ça alors, sourit Pearson.
Et Rafael attaqua.
Une espèce de routine s'installa pendant la semaine qui passa.
Une autre semaine ou Pearson se fit un malin plaisir à briser autant d'os qu'il pu dans mon corps. Et laissez-moi vous dire que dans un corps humain, il y en a des os ! Trop même.
Le matin, il me réveillait à coup de carafe d'eau et me balançai dehors avant de me fondre dessus sans attendre que je sois prête. Mes côtes ne furent plus simplement foulées, mais bien brisées.
Le deuxième matin fut bien le pire de tous. J'étais lente et j'arrivais à peine à tenir debout. Il me lamina et remit ça le surlendemain.
Bientôt, mon corps encaissa plus facilement et j'eu l'impression que les coups faisaient moins mal. C'était sûrement parce que j'étais habituée.
Et je commençai à savoir parer. Mais ça, c'était surtout grâce aux deux guignols qui se plaçaient dans le dos de Pearson et qui me montrait comment faire. La première fois, je dus me retenir de rire en voyant Zoran et Joaquim mimer un combat pour me montrer comment bouger.
Et au final, ça me fut d'une grande aide.
Là tu lève le coude.
Là tu te baisses.
Là tu contre-attaque.
Et après, je commençai à frapper à mon tour et à faire mouche. Une fois sur quinze. Mais il y a quelque chose d'incroyablement bon quand vous y parvenez, même si ce n'est que très léger, même si ça n'ébranle même pas la montagne de muscles devant vous.
Bien sur, je mangeais le sol une bonne cinquantaine de fois par jour. Et j'avais des bleus partout. Mais plus de morsures. Ma louve avait comprit la leçon. J'avais compris la leçon.
Je ne me concentrais que sur le combat et refoulais ma louve tant bien que mal quand le corps de Pearson pesait de tout son poids sur le mien.
Délicieux et tentateur.
Nous étions à un peu moins de deux semaines de la pleine lune et je comptais déjà les jours. Ce serait horrible.
Ce serait la pire période de toute ma vie.
L'après-midi, Pearson disparaissait dans sa chambre pour bosser et redescendait dès qu'il faisait légèrement moins chaud. Et il s'entraînait. Avec Jalil, avec Zoran, avec Rafael et même Leandro y eut droit.
Une routine. Les entretiens avec les loups n'avaient pas encore commencés, mais ça n'allait pas tarder.
Hadrien allait passer le premier et ça me mis dans un sale état de savoir que j'allais me retrouver avec Pearson et lui. Juste nous trois. Autant dire que l'idée de la pendaison me bottait un peu plus. Mais ce n'était pas comme si j'avais le choix. J'étais foutue et j'ignorai ce qu'attendais Pearson de ces entretiens. Voulait-il voir pourquoi certains me haïssaient ? Voulait-il voir de quel bois était fait les loups de cette meute ?
Ça ne me plaisait pas du tout bon sang. Mais alors pas du tout.
J'étais dans un sale état. Que ce soit physiquement ou mentalement et même Kerann ne pouvait rien faire.
Il devait se contenter d'observer. Et ne pas broncher surtout.
Le sixième jour d'entraînement, je réussis à me réveiller juste avant que Pearson ne décide de me vider encore une fois la carafe d'eau sur la tronche. Je lui fis mon plus beau doigt et nous attaquâmes immédiatement. Zoran et Joaquim venaient toujours un peu plus tard et une fois encore, ils furent fidèles au poste.
Il était dur de garder son sérieux avec eux parfois, mais j'en avais assez de me faire tabasser gratuitement.
Un peu avant midi, je réussis à mettre Pearson au sol et ne pu m'empêcher de lâcher un pur cri de victoire.
J'éclatai de rire et allai taper dans les mains tendues des deux loups qui semblaient fiers comme des poux.
Je ne réussis pas à me départir de mon sourire idiot de toute la journée, oubliant même que le lendemain, Hadrien venait pour... papoter avec Pearson et moi.
Le soir tomba et la maison fut étrangement vide. Je crois que tout le monde était sorti voir un film en plein air. Même Kerann avait réussit à se laisser tenter, tout comme Jalil.
Ne restait plus que Zoran, Joaquim et Pearson bien-sur.
Les trois hommes étaient dehors, posés sur les marches, décompressant de cette chaude journée.
Je sortis de la douche, enfilant une chemise par-dessus mon soutien gorge et un short en toile. Je brossai mes cheveux, mais ne m'amusai pas à les attacher. J'ouvris la porte de la salle de bain en boutonnant ma chemise et me dirigeai dans la cuisine alors que le rire de Zoran me parvenait.
Moi aussi j'avais besoin de décompresser et rien de mieux qu'une petite tequila. Ça passerait tellement bien.
J'ouvris le placard où on rangeait l'alcool, mais ne trouvais pas ma bouteille. Où est-ce que ce foutu Herrera l'avait encore rangé ?
J'ouvrai tous les placards du bas avant de passer à ceux du haut.
Ah. Elle était là, sous mes yeux, mais hors de portée. C'était dans ces moments là que je maudissais Jalil et que je maudissais ma petite taille.
Je me mis sur la pointe des pieds et tendis le bras au maximum, sans même réussir à l'effleurer.
Et merde !
Je sentis alors quelqu'un dans mon dos et une chaleur toute masculine m'enveloppa. Pearson leva le bras et sans aucun mal, attrapa la bouteille.
Qu'il m'énervait, tiens !
Il la posa sur le plan de travail et j'attendis qu'il s'écarte pour me retourner et le remercier, même si ça allait m'arracher la tronche de le faire.
Mais il ne bougea pas d'un poil et je sentis un léger doute me saisir alors que ma louve ronronnait déjà. Celle là ! Intenable qu'elle était !
— L'espace vital, tu connais ? Grognai-je, ne réussissant pas à retenir le tremblement de ma voix.
Pearson rit doucement et se recula d'un pas. Je pris une grande inspiration et me tournai vers lui.
Son regard me coupa le souffle.
Et mon cœur eut un loupé magistral. J'étais incapable de dire en cet instant si c'était l'homme ou la bête.
Mais est-ce que c'était important ? Il me dévorait des yeux et je sentis le désir exploser dans mon ventre tout autant que lui le sentit.
Il se rapprocha de moi et mes mains agrippèrent le meuble derrière moi. Je dus lever la tête pour continuer à le regarder.
Il s'arrêta.
Qu'est-ce qu'il comptait faire ?
Ma louve était soudain silencieuse et moi, complètement paralysée. Il se pencha alors et ses doigts se retrouvèrent sous mon menton, comme s'il voulait être sur qu'à aucun moment je ne détournerai le visage.
Et son souffle caressa mes lèvres, s'insinua dans ma bouche entrouverte.
J'avais chaud soudain.
Et je n'arrivais pas à détourner le regard. Je n'étais plus capable de rien.
Il n'y avait que le silence.
Et sa bouche dangereusement proche de la mienne.
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