4. Shana
Qui se trimbalait avec une putain de voiture si énorme que c'était presque un camion ?
Jahyan Pearson bien sur.
Et pourquoi est-ce que ça ne me surprenait même pas ?
La démesure.
Le goût des belles choses. Des choses démesurées.
Oui, quelque chose me disait que c'était comme ça qu'il était, même s'il avait dû privilégier le côté utile de cette machine. Un côté utile... j'avais beau y réfléchir, je ne voyais pas trop. C'était bien trop gros pour gros, bien trop incommode presque. Mais après tout, ce n'était pas moi au volant, alors ma foi...
Je n'avais jamais été très voiture de toute façon et ici, nous nous déplacions à cheval, c'était un mode de vie.
Il n'était pas rare de voir des chevaux en plein centre-ville de Riverton. Ce qui allait enchanter Pearson, je n'en doutais pas.
Son hummer suivait Nephtys, ma jument, une pure race.
Je la montais depuis des années et elle avait été le cadeau de Yago et Kerann. Elle était encore jeune et avait de belles années devant elle. J'aimais tous les chevaux du ranch, mais elle... il y avait un lien entre nous.
Je flattai son encolure alors que nous arrivions en vue des premiers pâturages. La voiture de Pearson faisait un bruit monstres et les chevaux s'agitèrent. Cette machine de l'enfer allait rester dans un coin et nous n'en parlerions plus. Je tournai légèrement la tête pour regarder la tête qu'il tirait et vis que la jeune fille à côté de lui souriait.
Timothy m'en avait parlé.
C'était une louve que Pearson venait de retrouver après des années et elle avait besoin de la présence de son Alpha, de sa force ; alors il l'avait pris avec lui. Ce qui était normal. Même si c'était le dernier des connards, Pearson restait un bon Alpha et cette louve faisait partie de sa meute, elle était à lui alors il devait s'occuper d'elle. L'Alpha était important pour un loup. Parce qu'avant d'être lié à la meute, il était lié à l'Alpha. Et si quelque chose de... mal arrivait, c'était le contact de l'Alpha qu'il cherchait avant celui de tous ses compagnons.
Ça ne prouvait pas qu'il y avait une quelconque humanité en Pearson, simplement qu'il prenait soin de ce qui était à lui. Et c'était ça son rôle.
Notre rôle. À nous, les Alphas.
J'ignorai comment il avait pu... perdre sa louve, Timothy ne m'en avait pas dit plus et je n'avais pas demandé. Ça ne me regardait pas ; c'était les affaires de la meute de Boise après tout. Elle semblait douce et gentille, complètement différente de l'autre idiot assit derrière le volant.
Coup de talons, Nephtys parti au galop et le vent fouetta mon visage. Pearson n'accéléra pas, se contentant de suivre de loin.
Pas pressé de te perdre dans la campagne, hombre ?
Je souris.
Mais je savais que ça n'allait pas être pour longtemps. Il venait ici pour redresser la meute. Il venait ici pour m'enseigner comment être une bonne Alpha.
Et il n'allait pas être le genre de prof super sympa que n'importe qui aurait espéré. Oh non.
C'était plutôt l'archétype du prof de maths, sadique sur les bords. Je ne me faisais pas d'idées de toute façon. Les prochains mois allaient être un enfer, un véritable enfer, mais c'était pour le bien de la meute.
Tout était pour le bien de la meute et des loups qui la composaient.
Ni plus, ni moins.
La maison apparut, ainsi que les différents manèges, l'immense grange et les écuries. Il y avait pas mal de voitures dans la cours, mais leurs propriétaires n'étaient pas là et ne reviendraient surement que demain, très tôt le matin ou très tard le soir, selon ce qu'ils avaient trouvés dans les montages.
Sous le porche, Rafael était assis sur les marches, attendant mon retour et surtout, l'arrivée de Pearson.
Je stoppai Nephtys qui hennit doucement et sautai à bas de la jument alors que le hummer arrivait, soulevant un nuage de poussière.
Il faisait presque entièrement nuit, mais les différents éclairages installés nous permettait de très bien voir ce qui se passait. J'attachai les rênes au niveau des barrières et rejetai mes cheveux derrière mon épaule.
Rafael n'avait pas bougé, mais maintenant, Timothy et Alessandro se tenaient derrière lui alors que les portières du monstre s'ouvraient.
Alessandro était l'Eros de la meute.
Il était puissant et comme n'importe quel Eros, d'une gentillesse incroyable. C'était un de mes meilleurs alliés dans la meute ; mais comment aurait-il pu en être autrement ? Cet homme était en or et Jade, sa compagne, n'aurait pu trouver mieux.
Ils étaient ensembles depuis un peu plus d'un siècle maintenant et avaient deux petits : Leandro et Luisa.
Luisa était très jeune et n'avait pas encore subit sa première transformation ; celle-ci survenait généralement entre huit et douze ans, mais ça pouvait différer selon certains enfants.
Leandro était plus vieux ; il était même plus vieux que Rafael, mais seulement de trois ans. Les deux jeunes hommes étaient un peu comme cul et chemise d'ailleurs et passaient souvent leur temps ensemble. Leandro était aussi gentil que son père, même si parfois, le côté de sa mère se sentait. Jade était franche et ne se laissait pas marcher sur les pieds. Elle détestait certains loups de la meute et ne le cachait pas.
J'aimais ça chez elle, sa capacité à ne pas avoir peur de dire franchement ce qu'elle pensait. Ce n'était pas donné à tout le monde.
Au niveau de la grange, je vis deux des dominants de la meute ; Sayan et Hadrien. Ils étaient venus saluer Pearson, ou du moins, voir si ce qu'on disait de lui était vrai. Mais on disait tellement de chose sur ce loup que...
Je m'avançai alors que Pearson et... Cyriane - c'était bien ça son nom, non ? - posaient pieds à terre.
Pearson jeta un coup d'œil autour de lui et je cru l'entendre grommeler quelque chose.
Ça devait le changer de Boise. Ou ça allait le changer. Nous n'étions pas dans une grande ville ici. Nous vivions plus en autarcie qu'autre chose. Et il allait très vite s'en rendre compte.
Je n'avais même pas envie de le plaindre.
C'était un enfoiré. Et je détestai les enfoirés.
Timothy fut le premier à descendre les marches alors que Pearson attendait que Cyriane fasse le tour de la voiture pour s'avancer vers le Gardien.
La louve se colla presque à son Alpha et je senti la puissance de ce dernier l'envelopper. Qu'avait-elle subit pour être ainsi ?
— Timothy, grogna Pearson.
Ils se serrèrent la main et le visage du Gardien resta fermé. Il semblait être en colère contre Pearson. Pourquoi est-ce que ça non plus, ça ne me surprenait même pas ?
Timothy me jeta un coup d'œil alors que j'approchai. C'était l'heure des présentations, ou plutôt l'heure de qui se soumettrait à l'autre. Il y avait des Alphas avec qui ça ne me dérangeait pas du tout. J'offrais volontiers ma nuque à Nohlan, à Élias Hansen ou même à William Barnes. Mais Pearson ?
Je grinçai déjà des dents.
Je n'allais certainement pas m'allonger devant lui et lui offrir mon ventre ou mon cou. Et puis quoi encore ?
Mais il y avait le Gardien et Timothy n'accepterais pas un manquement aussi flagrant.
Lui offrir ma nuque ? À lui ? Bordel !
Je vis le petit sourire mauvais de Pearson alors que ses yeux ne me quittaient pas. Il me cherchait. Qu'est-ce qu'il croyait ? Que j'étais une petite louve soumise ? À d'autre !
Il pouvait crever la bouche ouverte !
Je penchai légèrement la tête, mais ne réussit pas à lui dévoiler toute ma nuque. Ma louve était folle à l'intérieur.
Pas de soumission.
Elle ne pouvait plus le supporter. On avait passé trop de temps à l'étouffer, à essayer de faire d'elle ce qu'elle n'était pas.
Pearson n'était rien. Il était peut-être plus puissant, mais elle ne s'abaisserait jamais à se soumettre à lui.
Hors de question.
Elle préférait encore mourir s'il pensait qu'un jour elle le ferait. Il pouvait être plus dominant qu'elle, plus puissant, ça n'entrait même pas en ligne de compte pour elle.
Ma louve n'était pas facile. Elle ne l'avait jamais été.
Timothy ne dit rien. Il lâcha un bon gros soupir et se frotta la nuque :
— Je n'aurais pas mieux, je crois.
Je me redressai et fusillai Pearson du regard. Les siens étincelaient d'une haine aussi grosse que son putain de humer. Je ne lui avais même pas donné la possibilité de me saluer. Comment est-ce qu'il allait gérer ça, avec son ego surdimensionné ?
Alessandro se présenta à Pearson et lui offrit sa nuque sans aucun souci. Je me sentais un peu bête, mais merde hein !
— Alessandro Jimenez, se présenta-t-il en se redressant, je suis l'Eros de Shana.
Je jetai un coup d'œil à Rafael et lui fit un signe de tête. Il pinça les lèvres, mais se leva. Il s'arrêta devant Pearson, mais ne le regarda pas dans les yeux. Et je ne lui en voulus pas. Vu comme ce connard l'avait traité la dernière fois...
Mon neveu lui tendit sa nuque et Pearson l'effleura de ses lèvres.
— Rafael Ortega, neveu de Shana et fils de Yago Ortega.
Il se présentait toujours ainsi.
Son lien de parenté avec moi avant celui avec mon frère.
Ce garçon m'aimait trop.
Il recula et j'ébouriffai ses cheveux d'un geste tendre. Il gronda doucement en rentrant les épaules. Rafael était bien plus qu'un neveu pour moi. Yago ne l'avait jamais vraiment reconnu, mais seulement parce que sa folie avait rendu son esprit imperméable à toute forme d'amour. Alors c'est moi qui avais élevé Rafael.
Et je l'avais aimé, aimé comme une mère chéri son fils. Tout comme Kerann, il était la dernière chose qui me reliait à mon petit-frère.
Je sentis Jalil s'avancer dans mon dos, avec Sayan et Hadrien. Les deux premiers m'effleurèrent et je senti leur puissance. Hadrien m'évita comme la peste.
L'un après l'autre, ils saluèrent l'Alpha de Pearson et se présentèrent.
Jalil ne fit aucun commentaire et s'abstint d'une quelconque insulte en mexicain. Il savait bien se tenir quand il le voulait.
Pearson regarda les hauts-gradés présents avant de froncer les sourcils. Cyriane n'avait pas bronchée et je la surprise à me regarder.
— Où sont les autres ? Grogna Pearson.
Il parlait de Kerann, Joaquim, Zadig et Jamie bien sûr.
Qu'avait-il cru, qu'il les rencontrerait tous d'un coup ? Nous étions peut-être une plus petite meute que la sienne, mais mes hauts-gradés avaient du travail.
Notre territoire n'était pas aussi tranquille qu'il était paumé.
— Le Second est parti avec ma Main et le Lieutenant sur la piste de Chasseurs qui ce seraient installés dans la montagne, répondis-je simplement.
La louve attrapa le poignet de Pearson à la mention des Chasseurs.
— Quand au premier Dominant, il est avec les Veilleurs. Ils viendront demain.
Pearson ne dit rien et Timothy hocha la tête. Il nous regarda tous les deux et une vieille lassitude barra son front.
Oui, il y allait avoir du boulot. Il n'était pas compliqué de lire dans ses pensées.
— Je repasserais dans quelques semaines, le temps pour Jahyan de s'installer et pour toi Shana de lui expliquer le fonctionnement de ton territoire. Pour ce qui est de la partie d'aller visiter les Alphas, Jahyan t'accompagneras. Pas la peine d'y aller demain. Vous avez un peu de temps. Le Wyoming n'est pas l'État avec le plus de meutes.
Pearson retint un rire lourd de sens. Je ne pris même pas la peine de le regarder.
— Je veux une bonne entente. Que la cohabitation se passe bien. Personne ne s'entretue et on se respecte, c'est clair ?
Il regarda Pearson qui se contenta de hausser les épaules. Une bonne entente ? C'est cela oui. Mais si ce connard croyait que j'allais me laisser faire chez moi, il se fourrait le doigt bien profond.
— N'oubliez pas pourquoi j'ai agis ainsi. Je veux que la meute tienne et qu'elle prospère.
Alessandro hocha la tête et sourit doucement.
— C'est entendu pour tout le monde ? Six mois n'est pas de trop. Cela vous laisse une bonne marge de manœuvre. À tous les deux.
Quelqu'un apparut dans la cours.
Alice.
C'est elle qui transportait le Gardien un peu partout. Elle nous salua d'un simple signe de la tête et attendit là, sans bouger.
— Je vous le répète, je ne veux aucun mort. Vous êtes des adultes, vous saurez vous tenir, n'est-ce pas ?
Avec Pearson dans les parages, je n'en étais pas sûr, mais avais-je le choix ? Je me contentais d'hocher la tête.
Pearson fit pareil. Il n'était pas très bavard aujourd'hui dis donc.
— Très bien. À bientôt alors.
Il s'avança jusqu'à Alice et lui offrit son bras. Elle sourit, le prit et ils disparurent.
Ne resta plus que nous.
Cyriane et lui.
La meute et moi. Rafael et Jalil m'entouraient. Je me tournai vers mon sous-lieutenant :
— Va rentrer Nephtys, tu veux ?
— Como quiera, chica.
Il jeta un coup d'œil à Pearson et lui tourna le dos pour s'avancer vers ma jument. Hadrien avait déjà disparu et Sayan essayait de jauger Pearson du coin de l'œil. Je lui fis un signe de tête et il hocha la tête avant de partir à son tour.
— Un coup de main avec les affaires ? Proposa Alessandro, toujours serviable.
— Ça ira, merci, répondit Pearson en retournant vers son monstre avec sa louve.
Il ouvrit le coffre et attrapa un gros sac de sport ainsi qu'une pochette d'ordinateur et d'autres affaires de travail.
Rafael pouffa doucement à côté de moi, se faisant sûrement la même réflexion que moi ; Pearson allait comprendre sa douleur quand il verrait que nous n'avions pas internet ici. Mais lui dire maintenant aurait tout gâché, alors je ne dis rien.
Cyriane attrapa ses propres affaires ; un simple sac à dos.
D'après Timothy, elle, elle n'était là que pour quelques jours. Des loups de Pearson viendraient la chercher dans quelques jours et un haut-gradé prendrait sa place.
Mon dieu comme j'avais hâte... hâte que tout cela se finisse, même si ça ne faisait que commencer.
— Se unirá Sayan, chico, soufflai-je à Rafael.
Il m'embrassa sur la joue et parti en courant.
— Je vais vous montrer vos chambres, dis-je en grimpant les marches.
Ma main effleura le bras de mon Eros qui leva son visage vers moi :
— Met le couvert pour eux, tu veux ?
— Sí, Shana.
Ma main sur la moustiquaire, je regardai Pearson :
— Les chaussures, dis-je.
Il inspira longuement, comme si le simple fait que je lui parle le mettait hors de lui. Cyriane retira ses chaussures après moi et Pearson finit par s'exécuter.
Alessandro les laissa passer avant de disparaitre à la cuisine.
Je grimpai à l'étage, là où il y avait pas mal de chambres libres en plus de deux salles de bain. La maison avait été pensée pour la meute.
Pour recevoir tout le monde.
J'ouvris une première porte qui donnait sur une grande chambre spacieuse avec un grand bureau dans un coin de la pièce.
Je m'effaçai pour laisser entrer Pearson qui ne regarda même pas et posa ses affaires. Cyriane fit de même et je su qu'elle dormirait avec lui. Mais je leur montrai quand même une deuxième chambre, juste en face.
— Il y a une salle de bain au début du couloir et une autre au fond. Jalil et Rafael sont aussi dans l'étage, mais je ne pense pas que vous aurez à vous battre pour les douches.
Cyriane hocha la tête en souriant quand Pearson ne m'écoutait même pas. Il déballait déjà ses affaires.
— Quand vous aurez finit de vous installer, vous pourrez descendre manger.
— Merci, Shana, répondit Cyriane avec douceur.
Je me contentai de hocher la tête et de redescendre en bas.
Alessandro s'affairait dans la cuisine alors que dehors, une voiture se garait. Je reconnu l'énergie de Jade et des deux enfants. Ils étaient allés voir un film en plein air un peu plus tôt, mais Alessandro avait préféré resté ici pour voir l'arrivée de Pearson.
— Il est impressionnant. Et puissant, dit-il en déposant deux assiettes sur la grande table.
Je m'assis sur le plan de travail, balançant doucement mes jambes :
— C'est un Alpha. Et un Pearson, dis-je, comme si ceci expliquait cela.
Alessandro sourit et secoua doucement la tête alors que la moustiquaire claquait :
— Tu ne l'aimes pas beaucoup, n'est-ce pas ?
Luisa entra en courant et son père lui ouvrit les bras avant de la soulever et de la faire tournoyer. La fillette éclata de rire et le son emplit toute la maison.
Leandro ne vint pas ; il avait dû aller rejoindre Rafael et Sayan au niveau des enclos.
Jade apparut, pieds nus. Elle posa son sac sur la table et vint déposer un baiser sur ma joue avant d'aller embrasser son compagnon :
— Comment était le film ? M'enquis-je en attrapant une pomme et en croquant dedans.
— Maman a ronflé devant !
Alessandro éclata de rire alors que Jade ébouriffai la touffe de sa fille :
— Pour ma défense, je n'ai pas beaucoup dormi la nuit dernière, répliqua Jade, avec un sourire lourd de sens.
À mon tour de rire :
— Tu as de la chance que la pleine lune ne soit que dans un mois. On sait tous comment sont les mâles à cette période.
— Où les femelles qui n'ont personne pour leur donner quelques caresses.
Je rougie et grommelai en croquant un autre morceau. Ma dernière pleine lune avait été relativement affreuse et avait marqué quelques esprits. Ma faute.
Luisa nous observait, sans trop comprendre. Et tant mieux, parce qu'elle était encore si petite ! Elle aurait bien le temps de penser aux garçons et à tout ce que ça impliquait.
— Ne te moque pas de notre Alpha, Jade. Je me souviens d'une autre louve qui venait se frotter à moi et qui...
Jade le frappa au bras. De vieux souvenirs.
Avant qu'ils ne se lient, avant qu'ils ne deviennent des compagnons.
Quand ils se cherchaient.
— Tu aimes raconter ça à tout le monde, n'est-ce pas Alessandro Eliseo Jimenez ?
Il déposa Luisa au sol et attrapa sa compagne par les hanches pour la ramener tout contre lui. Il déposa un baiser bruyant sur ses lèvres et Luisa mima le geste de vomir.
— Beurk ! Cria-t-elle avant de s'élancer en dehors de la cuisine.
Elle croisa Pearson et Cyriane et freina des quatre fers. Elle n'était habituée à voir de nouvelles têtes. Il y avait toujours les mêmes personnes au ranch.
Elle sourit à Cyriane et regarda Pearson. Elle du lever la tête pour ça.
— Salut, dit-elle. T'es qui ?
Ah les enfants... tellement innocents.
Pearson sourit légèrement et s'agenouilla devant la fillette. Il lui tendit sa grande main et Luisa la fixa un instant.
Elle fronça les sourcils, mais ne dit rien.
— Jahyan. Et toi ?
Sa voix était plus douce. Moins grave. Moins... remplit de puissance. Il savait qu'il avait affaire à une enfant qui n'avait pas encore connu sa première transformation.
— Luisa Jimenez. Je suis en primaire et j'ai six ans et demi.
— Enchanté, Luisa.
— Il est joli ton prénom. À l'école, mon ami il s'appelle Ian et c'est presque comme toi.
— Certaines personnes m'appellent Yan, admit-il.
— Et tu préfères quoi, toi ? Jahyan c'est bien, mais c'est long. Pas plus long que le prénom de mon papa, lui, c'est Alessandro. C'est long, hein ?
Pearson rit doucement alors que tout le monde observait son échange avec la fillette. Les enfants avaient un pouvoir incroyable.
Même sur un con tel que Pearson.
— J'aime bien les deux. Mais Jahyan, c'est bien.
Luisa hocha la tête, très sérieuse.
— Tu n'as qu'un prénom ? Moi j'en ai trois ! Je trouve ça un peu embêtant, surtout que la maîtresse les dits toujours devant toute la classe.
— Et tu n'aimes pas ça ?
— Pas trop, non. Alors ? C'est juste Jahyan, toi ?
Pearson se pencha un peu vers Louisa et prit un ton de conspirateur.
— J'en ai trois aussi, mais si je te l'ai dit maintenant, tout le monde va entendre.
Elle hocha une nouvelle fois la tête :
— Tu as raison. Il faut faire attention sinon ce ne sera plus un secret.
— Exactement, sourit Pearson.
La fillette sourit de plus belle et se mit sur la pointe des pieds pour déposer un bisou sur la joue de Pearson.
Elle rit et disparut dans le salon alors que Pearson se redressait, toujours son sourire collé aux lèvres.
Ça le rendait plus... jeune ? Plus... normal ? Un peu des deux. Je croquai un autre morceau de ma pomme.
Jade s'écarta de son compagnon et s'avança sur l'autre Alpha dans la pièce. Elle lui offrit naturellement sa nuque et il y déposa un très léger baiser.
Elle se redressa et le détailla de la tête aux pieds sans même s'en cacher.
— Pas mal pour un gars de la ville, dit-elle.
Alessandro faillit s'étouffer avec sa bière et je retins un sourire.
Elle était comme ça notre Jade...
Elle n'avait pas sa langue dans sa poche et se fichait bien d'être devant un Alpha qui méprisait la gente féminine. Ce qu'elle voulait dire, elle le disait. Ce n'était pas plus compliqué que ça. Et ça lui avait valu quelques soucis. Mais se mettre à dos un vieux loup ne semblait lui poser aucun problème de conscience.
— Ta fille sait mieux se tenir que toi, dit Alessandro en riant.
Jade haussa les épaules et le regarda par-dessus son épaule :
— Simple constatation, chéri. Ne soit pas jaloux, tu veux ?
Alessandro secoua la tête amusé avant de regarder Pearson et Cyriane qui avait rit elle aussi au commentaire de Jade. Pearson n'avait pas bronché lui, mais ne s'était pas départi de son sourire.
— Vous avez faim ? Demanda-t-il.
— Plutôt, oui, répondit Pearson.
Cyriane hocha la tête et ils s'installèrent. Alessandro leur servit un gros steak à chacun et une poêlée de légumes.
Il s'installa sur une chaise et pendant que les deux loups mangeaient, discuta un peu avec Pearson.
Je ne suivais pas la conversation, même quand Jade sorti encore une ou deux bêtises. Mais Pearson ne dit rien. Il semblait plutôt observateur. Il couvait sa louve du regard aussi, surveillant qu'elle mangeait bien et qu'elle se sentait bien. Ce qui semblait être le cas. Elle riait et discutait doucement avec Jade.
Jalil arriva, accompagné des garçons.
Leandro était un subtil mélange entre son père et sa mère. Il se laissa saluer par Pearson et attrapa Rafael par les épaules avant de frotter son crâne avec son poing. Il était légèrement plus grand en taille que mon neveu, mais tous les deux avaient la même carrure. Ils suivaient un entraînement intensif avec les hauts-gradés et au fil des années, ça se ressentait et se voyait de plus en plus.
Le ventre de Jalil gronda et je lui lançai une pomme qu'il regarda, blasé.
— Es esto una broma ? Grogna-t-il.
J'éclatai de rire devant son expression et il leva les yeux au ciel :
— Ça ne nourrirait même pas un cheval, ajouta-t-il.
— Plutôt une friandise pour eux, rétorqua Leandro alors que Rafael riait.
— Vois ça comme un os à mâchouiller, dis-je, retenant un grand sourire.
— Tu te crois drôle, chica ? Je suis un homme, pas un chiot.
Je sautai à bas du plan de travail et m'avançai vers lui. Je levai une main et ébouriffai ses cheveux comme je l'aurais fait avec un enfant.
Il ne broncha pas et alla même jusqu'à sourire.
— Tu es un tout petit louveteau à mes yeux, Herrera. Tout petit, petit louveteau.
— Bruja !
Je le frappai sur le sommet du crâne.
— Tu vois, je suis encore obligé de te reprendre quand tu es vulgaire. Même Rafael à retenu la leçon.
— Il attend juste que tu es le dos tourné pour sortir toutes les insultes possibles et inimaginables, dit le sous-lieutenant.
— Plus intelligent que toi, tu vois ?
Il secoua la tête et se redressa. Il croqua dans la pomme et grimaça.
— Tu veux ma mort sur la conscience, chica, n'est-ce pas ?
— Je m'ennuierais trop sans toi, idiota.
— Fais la maligne, Alpha.
Je lui tirai la langue et jetai mon trognon de pomme.
Jade disparut au salon, sûrement pour aller coucher Luisa qui avait dû s'endormir maintenant. La télé avait cet effet là sur les enfants.
Alessandro se releva et débarrassa les couverts alors que la louve baillait.
— Au lit, grogna Pearson avec gentillesse, mais fermeté.
Rafael et Leandro étaient déjà montés, sûrement jouer à la console. Alessandro salua Pearson et Cyriane.
Je regardai la jeune fille, préférant m'adresser à celle qui m'écoutait plutôt qu'à l'autre qui l'accompagnait :
— Considérez ma maison comme la vôtre, dis-je. Si vous avez faim, vous vous servez. Pas besoin d'hésiter. Et si vous avez besoin de quoi que ce soit, tout le monde est là pour vous aider. D'accord ?
Cyriane hocha la tête quand Pearson se contenta de grimper à l'étage.
Il avait décidé de se la jouer muet ?
Ce n'était pas pour me déplaire, bien sur, mais je savais avec le peu que j'avais vu que ce n'était pas du tout son genre.
Jade revint avec Luisa dans ses bras.
— On rentre ? Souffla-t-elle à Alessandro.
Mon Eros et sa famille vivait au ranch, mais un peu plus loin, dans une sorte de petite dépendance. Ce dernier hocha la tête et laissa tout dans l'évier.
— À demain, dit-il. Et sois gentille.
Je balayai sa phrase d'un geste de la main :
— J'y penserais, d'accord ?
Il secoua la tête et ils disparurent. Je me retrouvai toute seule dans la cuisine. Jalil aussi était monté.
Je laissai la vaisselle pour demain et me préparai un thé, malgré l'heure tardive.
J'attrapai une tasse et un sucre et je servis l'eau bouillante. J'allais m'installer sur les marches, dans la fraicheur de la nuit.
Je posai ma tasse à côté de moi et observai le ciel un instant.
L'arrivée de Pearson n'avait pas été si terrible. En fait, à bien des égards, tout avait presque été.
Presque.
À part Hadrien, il n'avait rencontré que des loups qui étaient avec moi et qui me respectaient. Il n'avait pas croisé le reste de la meute. Et en quelques heures, nous lui avions juste montrés ce que ça donnait quand... les bonnes personnes étaient réunies ensemble.
Le pire restait à venir après tout.
Même si cette soirée avait été plutôt... pas mal en quelque sorte, ça ne voulait strictement rien dire pour les prochains mois.
Au début, Pearson observerait. Il chercherait à voir les failles et il en trouverait beaucoup. Après, il essaierait de corriger tout ça. Et c'est là que les choses se corseraient bien sûr.
Pour la meute.
Pour mes loups.
Pour moi.
Des coups allaient être donnés. Et ça allait faire un mal de chien. Surtout quand on avait affaire à un homme tel que Jahyan Pearson.
J'avais hâte de voir rentrer Kerann, même s'il n'était parti depuis pas très longtemps. Mais s'il ne trouverait pas les Chasseurs, il continuerait de les pister avec Joaquim et ne lâcherait rien. Il renverrait sûrement Zadig pour nous tenir informé et Joaquim et lui ne reviendraient pas avant quelques jours.
J'avais l'habitude de ce genre de chose.
Le Wyoming était un État constitué de Grandes Plaines arides et de montagnes. Beaucoup de loups traversaient, beaucoup de loups solitaires asseyaient de venir et de rester. Et les Chasseurs aussi. Ils adoraient les montagnes. Pour se cacher, pour cacher les loups attrapés. Et c'était le rôle de la meute de Riverton de les débusquer. Nous faisions ça depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Et Kerann et Joaquim étaient très bons là-dedans. C'était dangereux, mais j'avais confiance en eux. Surtout en mon Second.
Il revenait toujours. Avec son sourire.
Je n'avais plus qu'à l'attendre. Et à supporter Jahyan Pearson.
Les choses allaient très vite changer dans la meute.
Et ça ne se ferait certainement pas en douceur.
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