16. Shana

Voilà le dernier PDV avant l'épilogue ! Ce dernier se scindera en plusieurs petits PDVs de nos deux personnages, donc ne sortez pas encore les mouchoirs... :P 


— Vous êtes sérieux là ? Soufflai-je en regardant les deux hommes qui se tenaient devant moi.

Zoran avait une moitié de fesse posée sur la table et Eneko se tenait debout à côté de lui, les bras croisés sur son torse. Tous les deux arboraient une expression très sérieuse et cela répondait à ma question.

— On sait très bien comment ça marche, Shana. Comme l'a dit Zoran, Jahyan te tiens avec le sexe et...

Je rougie et fusillai le Second de la meute du regard. Il se contenta d'hausser les épaules, sachant très bien qu'il avait raison.

Bien sûr qu'il avait raison ! Mais il n'y avait pas que ça et les deux hommes le comprenaient. Jahyan et moi étions deux âmes-sœurs et cela ne voulait dire qu'une seule chose au final ; nous ne pouvions pas nous passer l'un de l'autre. Ça devenait vite étouffant, mais ces quelques jours passés privés de lui avait été une véritable torture.

Jahyan n'avait pas le droit de me soumettre à sa volonté, mais il le faisait sans forcément sans rendre compte. Ou du moins il essayait. Et au goût des deux hommes devant moi, je ne sortais pas assez les griffes.

C'était facile pour eux de dire ça !

— On ne t'en veut pas d'être faible, me charria Zoran.

Je lui donnai un coup dans l'épaule ; sans aucune force et il rit. Son passe-temps favori était de se moquer de moi, mais je le lui rendais bien, alors nous étions quitte. Et c'était devenu un jeu entre nous.

— Je n'ai pas besoin de vous pour savoir quand il faut que je dise oui ou non, hein, répliquai-je en ronchonnant.

Ils échangèrent un regard lourd de sens et je me rendis compte que c'était comme de parler à un mur.

J'étais peut-être la compagne de Jahyan, mais ils savaient comment il était bien mieux que moi. Comment il fonctionnait et à quel point il pouvait être macho quand il s'y mettait. C'était des alliés précieux, c'était le cas de le dire, mais je n'étais pas sûre que toute cette histoire finisse bien...

— En fait, tu as vraiment besoin de nous et tu le sais, Shana, dit Eneko.

Je fis la moue.

Une semaine était passée depuis toute cette histoire et Jahyan recommençait son petit numéro. Le Second et la Main de la meute n'allaient pas toujours réussir à nous séparer de la sorte. Et j'étais presque gênée qu'ils doivent intervenir dans nos affaires de couples... mais comme le disait souvent Eneko, j'étais peut-être la compagne de Jahyan, j'étais aussi leur femelle Dominante et donc, d'après eux, il était de leur devoir d'empêcher Jahyan de faire n'importe quoi.

Je me callai contre le dossier de ma chaise et levai la tête vers le magnifique ciel bleu. Depuis bientôt des mois, il faisait une chaleur de tous les diables, même si je savais qu'à Riverton se devait être une vraie fournaise.

Comment allait tout le monde ? Kerann et Jalil étaient rentrés et m'avaient dit que Shay gérait tout très bien, mais qu'il y avait beaucoup de tension entre Joaquim et Bajram. Zoran avant dit que c'était normal, que les rancœurs entre les deux ne pouvaient pas disparaitre aussi facilement et il semblait savoir exactement de quoi il parlait.

Je m'en inquiétais, mais ce n'était plus à moi de gérer.

Je n'étais plus Alpha.

J'étais femelle Dominante, compagne d'Alpha et ça changeait tout.

— Et quoi ? Grognai-je. Vous savez très bien que ce que vous ferez ne changera rien. Cet homme est... plus têtu qu'une mule !

Jahyan était comme ça et tout le monde le savait. Surtout ceux censés être ses bras droits, non ? C'était bien beau de vouloir m'aider, mais je savais très bien qu'au final ça ne changerait pas grand-chose.

— C'est facile de faire comprendre les choses à Jahyan, Shana, dit Eneko, très sérieux. S'il la joue d'une façon, et bien il faut jouer avec lui, mais d'une manière qui ne va pas lui plaire.

Zoran hocha la tête, semblant tout à fait d'accord avec le Second. Je les regardai. Je devais leur faire confiance. Je pouvais gérer Jahyan, mais seulement dans une certaine mesure.

— Et donc... qu'est-ce que vous proposez ?

Ils se regardèrent et sourire de toutes leurs dents. À quoi pensaient-ils donc ces deux-là ? N'allaient-ils pas faire empirer les choses plutôt que les arranger ? C'était dur à savoir.

Leur faire confiance.

Ils étaient mes loups maintenant et je devais comprendre que mon bien-être était important pour eux. Et qu'ils étaient plus que capables de se mettre en Jahyan et moi quand la situation l'exigeait.

Une solidarité à toute épreuve.

Un respect sans limite.

Une meute soudée et des loups aimants.

Voilà tout ce que j'avais gagné. Tout ce que je possédais maintenant.

— Il va falloir que tu nous fasses confiance et qu'à aucun moment tu ne proteste. Ça fait des siècles qu'on joue avec notre Alpha, alors on sait comment en faire ce qu'on veut.

— Ou presque, rit Zoran et recrachant sa fumée.

— Vrai, concéda Eneko

J'entendis la porte s'ouvrir et sentit la présence du Lieutenant de la meute. Warrick était une personne que j'affectionnais particulièrement et je devais avouer que j'aimais bien passer du temps avec lui. Sa compagne, Coleen était un petit brin de femme réellement exceptionnelle, il n'y avait pas à dire. Mais toutes les compagnes des hauts-gradés de Jahyan... non, de nos hauts-gradés, étaient incroyables.

Toutes avaient un caractère bien trempé et la pire restait quand même Louna. Eneko ne pouvait que faire profil bas quand cette dernière était en colère. Et il y avait Anya aussi qui était parfois d'une humeur de chien à cause de sa grossesse. Pour nous autre, ne pas pouvoir se transformer pendant neuf mois était affreux, mais quand on savait ce qu'il y avait à la fin...

Je fis la moue, pas franchement très chaude avec leur histoire. Mais il était question d'Eneko et de Zoran, alors... ça allait forcément bien aller.

— Si ça empire les choses, je vous castre tous les deux, c'est clair ?

Warrick éclata de rire et vint me saluer.

— Si tu faisais ça je crois que Louna ne serait pas très contente.

— Et alors ? Trois mioches ne leurs suffisent pas peut-être ?

Zoran donna un coup de coude à Eneko qui rit avec nous. Warrick s'installa à côté de moi et je pris des nouvelles de Coleen, même si je l'avais vu il y avait deux jours.

C'était mon devoir que de me tenir informé de l'état de tout le monde et de prendre de leur nouvelle, même ceux se trouvant tout en bas de la meute. Et je le faisais tous les jours. C'était... important pour moi. J'avais besoin de faire ça, besoin de me sentir... utile. Parce que pour tout avouer, depuis que j'étais ici, je n'avais pas fait grand-chose.

Jahyan ne voulait pas que je retourne à Riverton maintenant et il évitait le conflit en me coupant à chaque fois que je commençais à en parler. Je savais que je ne pouvais pas juste partir. Ou que je ne pouvais pas en faire qu'à ma tête.

Ça ne marchait pas comme ça. Et je le comprenais, même si c'était difficile. Au moins, j'étais autorisée à appeler.

Pour Kerann et Jalil, c'était totalement différent. La meute les avaient aussi bien acceptée que moi, mais eux, ils étaient occupés.

Mon Protecteur avait été pris en charge par Eneko, que ce soit sur le plan professionnel ou sur le plan de la meute. Après tout Kerann avait été un Second pendant de nombreux siècles. Quant à Jalil, il semblait avoir trouvé un job plutôt sympa dans un ranch, pas très loin de Boise.

Il m'avait avoué que ça n'avait rien à voir avec notre ranch à Riverton, mais Jalil ne pouvait pas se passer de donner des leçons, d'apprendre aux gens à monter. C'était comme une seconde nature chez lui. Alors il était bien tombé.

J'étais contente pour lui, tout comme pour Kerann. Il s'entendait très bien avec Eneko et ça me faisait du bien de voir que leur intégration avait été si facile.

— Et si on sortait un peu ? Proposa Eneko. Je crois que Noali nous avait promis un gâteau.

Noali était la compagne de Jehan, le deuxième Dominant. C'était une femme très discrète avec un sens de l'humour hors du commun. On ne pouvait que rire lorsqu'elle était là. Jehan était très protecteur avec elle, mais ce n'était pas dans l'excès, loin de là.

— Pourquoi pas, dis-je, cherchant l'heure du regard.

Je savais d'avance que Jahyan n'allait pas rentré tôt. Il avait pris pas mal de retard et même s'il s'arrangeait pour sortir le plus tôt possible du boulot, c'était rarement avant dix-neuf heures. Et vu que Zoran et Eneko étaient avec moi, il ne pourrait rien dire.

J'allais donc me changer et nous décollâmes tous ensemble ; même Warrick fut de la partie.

Comme toujours nous fûmes reçus comme des rois et Noali nous prépara un gâteau. Jehan passa en coup de vent avec Stevan et ils partirent rejoindre Soren et Navid, emportant Warrick avec eux.

Nous discutâmes beaucoup et quelques louves vinrent nous rejoindre comme Eleonor, Delilah ou encore Neyssa.

Cette dernière avait une relation particulière avec Zoran. Même si parler de relation était peut-être un peu exagéré. J'avais vite compris qu'ils se fréquentaient et qu'ils couchaient parfois ensemble, surtout pendant les pleines lunes. C'était comme une petite habitude qu'ils avaient tous les deux et Jahyan ne disait rien. Et ne dirait rien tant que ça n'irait pas plus loin.

Je n'avais pas parlé avec lui de l'interdiction qu'il avait donnée à Zoran de se lier. C'était courant dans les vieilles meutes, mais Jahyan ne devait pas oublier que quelque part se trouvait peut-être l'âme-sœur de notre Main. Il y avait des sujets que je n'osais pas encore vraiment aborder avec lui. Et des choses qu'il n'était pas encore prêt à me dire du reste.

Parfois je me demandais si cela pesait sur les épaules de Zoran, mais il n'était pas facile de lire en lui. Et je savais qu'il y avait des choses que je n'avais certainement pas le droit de lui demander. Pas que ça m'arrêterais, mais pour l'instant, je préférais rester observatrice de tout cela.

Chaque loup de Jahyan, de cette meute avait son histoire.

Que ce soit Eneko, Zoran ou les Dominants. Que ce soit la louve soumise de base ou le loup sans rang particulier. Et je ne pouvais pas arriver avec mes gros sabots et exiger de tout savoir.

Je voulais que tout le monde ait confiance en moi. Voilà pourquoi il était primordial de créer des liens, ce que je faisais avec l'aide d'Eneko et Zoran.

Je voulais respecter chaque loup de cette meute. Et les aimer. Parce que là était mon rôle, n'est-ce pas ?

Nous restâmes plus longtemps que prévu et quand nous prîmes le chemin du retour, il était presque vingt-deux heures.

Je pouvais déjà sentir sur notre lien la colère de Jahyan.

J'étais sur qu'il m'attendait de pieds fermes à la maison, mécontent de ne pas m'y avoir trouvée quand il était rentré.

Mon ventre se noua, mais je n'en montrais rien aux deux hommes qui étaient avec moi. Quand j'entrais dans la maison, le regard de Jahyan happa le mien et me cloua sur place.

Il était appuyé contre le mur, bras croisés sur son torse, sa colère dégoulinant littéralement de son corps.

Et merde...

Eneko referma la porte derrière lui et avisa Jahyan alors que Zoran retirait ses chaussures.

— Salut patron, tranquille ?

Jahyan ne me quittait pas des yeux.

— Où est-ce que tu étais ? Gronda-t-il.

J'étais déjà fatiguée avant d'avoir commencé cette conversation. Bon sang... il allait m'avoir à l'usure, ne le voyait-il pas ?

— Chez Jehan et Noali, répondis-je avec un haussement d'épaules.

Zoran passa un bras autour de mes épaules et Jahyan le fusilla des yeux, se redressant.

Sa puissance courut le long des murs et remonta le long de mes jambes. Elle forma comme un étau autour de moi pendant quelques secondes avant qu'elle ne vole en éclat et c'est comme si rien ne s'était passé.

Il était de mauvaise humeur. De très mauvaise humeur, mais sa colère n'était en rien justifiée.

Eneko soupira :

— Tu ne vas pas lui interdire de sortir, Jahyan. On a déjà eu cette conversation me semble-t-il. Elle est ta compagne, certes, mais elle est notre femelle Dominante.

— Et on a le droit de passer autant de temps que toi avec elle, ajouta Zoran.

Je rougie alors que Jahyan fulminait.

Tout cela ne lui plaisait pas du tout. Il ne voulait pas me partager. Avec personne. Pas même avec la meute. Et ça devenait vite problématique. Mais aller faire entendre raison à un idiot pareil, vous !

— Et puis quoi encore, grogna Jahyan en faisant un pas.

Mais Eneko se plaça entre lui et moi et secoua la tête :

— Il apparait évident que tu ne veux rien écouter de ce qu'on te dit alors puisque tu veux jouer au con, nous aussi on va jouer. Mais à notre façon.

Jahyan fronça les sourcils devant l'air si sérieux d'Eneko. Est-ce que c'était là que j'allais voir ce que Zoran et lui avaient prévu ?

À n'en pas douter.

— Serait-ce des menaces, Second ?

Zoran siffla :

— J'appellerais ça la règle du jeu, patron.

Je levai légèrement la tête vers lui et il me fit un clin d'œil.

Il semblait particulièrement de bonne humeur. Et quand il tenait tête de la sorte à Jahyan, c'était vraiment que le jeu en valait la chandelle, n'est-ce pas ?

Eneko leva un doigt, prêt à énoncer les... conditions ? Conditions de quoi au juste ?

— Interdiction d'approcher Shana quand tu es en colère.

Un deuxième doigt :

— Il y aura un quota d'heures dans la journée où vous pourrez passé du temps juste tous les deux.

Que... Quoi ?

— Qu'est-ce que tu es en train de dire, là ? Cracha Jahyan, presque aussi choqué que moi.

Un troisième doigt :

— Et si elle veut sortir, pour aller n'importe où, tu n'utiliseras pas le chantage sexuel pour la retenir. C'est assez clair ?

Jahyan avait la bouche grande ouverte et les yeux étincelants. Moi, je... n'y croyais pas. Est-ce qu'Eneko était sérieux ? Est-ce qu'il pouvait faire cela ?

Au bout de quelques secondes, Jahyan prit enfin la parole et son ton était plus que glacial :

— Pour qui te prends-tu, Eneko ? Tu penses que je vais respecter tes... règles stupides ? Je suis ton Alpha ! Tonna-t-il, sa mâchoire tendue à l'extrême.

— Et je suis ton Second. Ce que je vais dire est peut-être macho, mais Shana est une femme et elle a bien trop de mal à te dire non.

— Alors on le fait pour elle, dit Zoran avec un hochement de tête.

Ils plaisantaient, n'est-ce pas ? Tout ça, c'était... une blague ?

— Alors maintenant, soit tu te calmes, soit tu passes la nuit sur le canapé.

Au moins, ça avait le mérite d'être clair, non ? Et Jahyan ne trouva rien à répliquer. Il serra les poings et inspira très fort, pour se calmer.

Eneko arrivait vraiment à avoir raison de lui. Il n'était pas son Second pour rien.

— On vous laisse dix minutes, profite-en, Alpha stupide, dit Eneko.

Il nous jeta un coup d'œil et il me fit un clin d'œil alors que Zoran me lâchait. Et je compris en voyant leurs mines et leurs petits sourires.

Ils se moquaient de Jahyan.

Ils se... jouaient de lui. Et ce dernier n'y voyait que du feu ! Bon sang... je comprenais mieux. Si Jahyan ne faisait pas un effort, alors Eneko appliquerait les règles, mais si au contraire Jahyan prenait sur lui alors tout cela n'aurait pas lieu.

Est-ce que je devais le dire à Jahyan ?

Je regardai le visage de mon compagnon. Pourquoi ne pas le laisser comme ça un peu ? Après tout il le méritait bien, non ?

Je m'avançai vers lui et posai ma main sur son torse. Il baissa les yeux sur moi et toute trace de colère disparut de ses yeux.

Sa main dans ma nuque.

Ses lèvres sur les miennes.

Un baiser doux, tendre.

Et sa chaleur. Sa présence.

Sa force. Autour de moi. En moi. C'était un flot ininterrompu.

C'était tellement, tellement galvanisant !

— Bonsoir, toi, dis-je dans un souffle.

Il sourit et caressa ma joue avant une tendresse qui me fit fondre littéralement.

— Bonsoir, femelle, grogna-t-il.

Je souris et frottai mon nez contre le sien.

Je n'avais pas besoin de lui dire que lorsqu'il n'était pas là, je me sentais seule.

Que ne pas sentir ses mains sur mon corps était presque une souffrance.

Parce que c'était pareil pour lui.

Nous avions besoin de nous toucher. Tout le temps. C'était aussi vital que de respirer ou que de manger ou boire.

J'avais besoin de Jahyan. Et même si c'était le dernier des enfoirés bien trop souvent, je l'aimais et avais besoin de lui.

Tout simplement.

Il était mon compagnon.

Il était mon âme-sœur.

Il était ma vie.

— Tu m'as manqué, soufflai-je, cachant mon visage dans son cou.

Il me pressa contre son corps solide et ferme. Contre sa chaleur. Et cela me fit tellement de bien !

Je savais qu'il était dangereux pour nous deux d'être aussi dépendant l'un de l'autre. Je savais aussi que c'était cela qui rendait fou Jahyan et c'était pour ça qu'il voulait toujours m'avoir sous les yeux, sous la main.

C'était plus fort que lui et même tous les efforts de Neko et de Zoran ne changeraient rien.

Il était comme ça mon compagnon et quelque part, je n'aurais pas voulu qu'il soit différent. C'était exactement comme ça que je l'aimais.

Il n'était pas parfait. Mais il était à moi.

Rien qu'à moi.

— Tu devrais toujours être là quand je rentre du travail, ronchonna-t-il.

Je ri et mordillai la peau si tendre de son cou.

— Pour que je puisse te faire l'amour, c'est ça espèce de macho ?

Un rire bas et rauque.

Un rire tellement Jahyan Pearson.

— Peut-être bien, oui...

Ses mains dans mon dos, passant son mon haut.

— Plus que trois minutes, cria Eneko depuis la cuisine.

Jahyan gronda quand je me contentais d'éclater de rire.

— Ils veulent ma peau...

Il cacha son visage tout contre ma poitrine et je passai mes doigts dans ses cheveux.

— C'est pour mon bien qu'ils font ça.

— Maudite bonne femme, va. Nos hauts-gradés t'aiment bien trop et ça ne me plait pas du tout.

— Ne sois pas jaloux, va. C'est toi que j'aime le plus, Yan.

— Encore heureux...

Nous rîmes en cœur et il me serra très fort entre ses bras, comme s'il avait peur que je disparaisse. Que je ne m'en aille.

Ce qui n'arriverait jamais. Nous avions trop besoin l'un de l'autre.

Les semaines défilèrent, me filant presque entre les doigts.

La routine s'installa.

La routine de ma vie à Boise, dans cette meute ; dans ma meute.

Les journées, Jahyan était rarement là, tout comme Eneko. Il semblait qu'ils avaient beaucoup de travail et que leurs présences étaient plus que nécessaire. Ainsi mon compagnon partait tôt le matin, revenait parfois le midi, ou pas, et rentrait peu avant dix-neuf heures.

Je passais tout mon temps avec Zoran et ne m'en lassais pas une seule seconde.

Le matin, nous nous entraînions, même si ça finissait souvent par le premier qui jetterait l'autre dans la piscine. Et en début d'après-midi, c'était le temps des entraînements physiques que je faisais la plupart du temps seule.

Puis, sur les coups de quinze heures, la maison était investie et tous venaient pour passer un peu de temps avec moi.

Il n'y avait pas meilleure occasion pour moi pour nouer des liens. Ce que je fis. Les Dominants étaient ceux qui venaient le plus souvent.

Et Warrick essayait de passer au moins une ou deux fois par jours.

Jahyan ne grognait plus.

En fait, tout le monde avait comprit qu'il n'aimait pas particulièrement me partager alors c'était comme si tout le monde s'était passé le mot pour venir me voir quand lui n'était pas là. Ainsi, il ne grognait pas et je n'avais pas besoin de choisir entre mon compagnon et mes loups.

Dès qu'il sortait un peu trop du « droit chemin », Eneko et Zoran appliquaient leurs règles et faisaient complètement tourner en bourrique leur Alpha. Ce qui faisait rire la meute entière.

Moi y comprise.

Mais doucement, il semblait comprendre, même s'il restait intransigeant sur beaucoup de chose. Il était toujours inenvisageable pour moi de retourner à Riverton et j'avais cessé de lui en parler. Je devais savoir des compromis moi aussi, n'est-ce pas ? Ça ne m'empêchait pas d'avoir presque tous les deux jours Rafael ou les autres au téléphone.

Kerann y retournait souvent, tout comme Jalil. J'avais demandé à ce dernier des nouvelles de Rayane et il m'avait seulement dit qu'elle allait bien et qu'elle était aussi rayonnante que possible. Ce qui en disait long, n'est-ce pas ?

D'après eux, Shay était comme un poisson dans l'eau et c'était comme s'il avait fait cela toute sa vie. Bajram, c'était une autre histoire, mais il semblait être un Second exemplaire.

Joaquim était même passé nous voir et j'avais été très heureuse de le voir. Il avait fini par disparaitre avec Zoran et ils n'étaient rentrés que plusieurs heures plus tard. Le lien qui unissait ces deux-là était beau. Et puissant surtout.

Ils étaient comme deux frères. Et se considéraient comme cela.

La maison était rarement vide et un soir, Alice, Basile et le petit Jamy vinrent nous rendre une petite visite.

Jahyan écopa du bébé et le veilla avec attention. C'était incroyable à voir. Jahyan avait la fibre paternelle. Et je savais qu'il voulait des enfants.

Tout comme il voulait se marier.

C'était ce que voulaient beaucoup de vieux loups après tout. Mais il ne m'en avait pas encore parlé ouvertement.

J'ignorai pourquoi d'ailleurs. Il n'était pas du genre à se retenir d'habitude. Et quand il voulait quelque chose, il était bien trop dur de lui dire non.

Mais je pouvais compter sur Eneko et Zoran bien sûr. Ces deux-là s'étaient mis en tête de me... coacher en quelque sorte et c'était plus drôle qu'instructif, c'était le cas de le dire. Nous passions souvent des après-midi à rire jusqu'aux larmes et à faire comme si de rien n'était quand Jahyan rentrait.

Mais il n'était pas dupe.

Tout comme je n'étais pas dupe de ses petites discussions avec Eneko dans son bureau.

Ils s'y enfermaient tous les deux et parlaient parfois pendant des heures. Mais surtout, Jahyan faisait tout pour que je n'entende rien.

Il préparait quelque chose. Et Eneko le secondait.

Zoran ne semblait pas être au courant, ou alors il n'en montrait rien. Ce qui devait sûrement être plus le cas quand j'y pensais. Parce qu'il était autant le bras droit de Jahyan qu'Eneko.

J'essayai de lui faire cracher le morceau, mais Jahyan ne laissait rien passer. Et plus les semaines passaient, plus ça me travaillais.

Zoran se moquait de moi. Et je lui rendais la monnaie de sa pièce pendant nos entraînements.

Je détestais que Jahyan me cache quelque chose.

Je détestais les surprises aussi, alors comme ça...

Que pouvait-il bien préparer avant autant d'acharnement ?

J'avais besoin de le savoir. Je me faisais des films monstres dans ma tête et je me détestais pour cela.

— J'en ai assez, dis-je, un soir, alors que nous venions d'entrer dans la chambre.

Jahyan retira sa chemise et la jeta sur le fauteuil, dans un coin de la pièce. Il se passa une main dans les cheveux en se tournant vers moi :

— De ?

Il était ailleurs depuis trois jours. Quand je lui parlais, c'était à peine s'il m'écoutait. Qu'est-ce que c'était rageant, bon sang !

Je retirai mon haut et lui jetai à la figure :

— Tu me caches quelque chose, Pearson et je déteste ça !

Je détestais qu'il puisse seulement le faire. Quelque part, ça me blessais, même si je n'allais jamais lui avouer cela.

Nous étions des compagnons, à quoi bon nous mentir ?

Il sourit et fondit sur moi, m'acculant contre la porte. Mes mains se retrouvèrent bloquées au-dessus de ma tête et il embrassa mon épaule.

— Zoran m'a dit que tu spéculais terriblement.

Saleté de Main... il allait voir celui-là !

— Ça t'amuse, hein ?

— Un peu, j'avoue...

Il attrapa mon menton entre ses dents et mordilla légèrement. J'essayai de lui donner un coup de genou, mais il me força à écarter les jambes.

— Sale con !

Il rit et son nez alla frotter contre la rondeur de mes seins. Il réveilla mon désir, même alors que j'étais terriblement en colère contre lui.

Il le vit, le sentit et saisit un de mes tétons à travers l'étoffe de mon soutien-gorge. Il y donna un léger coup de dents et je gémis.

Eneko et Zoran avaient raison ; il savait utiliser le sexe pour me faire tout oublier. Est-ce que c'était mal ? C'était foutrement bon, alors ma foi...

— J'aimerais que ma compagne ait un peu confiance en moi. Tu... crois que c'est possible, ça ? Demanda-t-il en ramenant son visage vers le mien.

Je fis la moue.

— J'aimerais que mon compagnon soit moins con, c'est possible ça tu crois ?

Il rit et secoua la tête, amusé.

— Ah ma Shana...

Il appuya ses hanches contre les miennes et je sentis son sexe, dur sous son jean.

— A... Arrête !

— Tu veux que j'arrête, chaton ?

L'enflure. Il savait bien que non. Mais je pouvais bien protester un peu, juste pour le principe, non ?

Voyant que je ne bougeai pas, il me lâcha et se baissa pour me retirer mon short. Sa bouche se posa sur la marque de brûlure qui ne partirait jamais et mes doigts tirèrent doucement sur ses cheveux.

— Yan..., l'implorai-je.

— Je sais, chaton, je sais.

Son nez remonta le long de ma cuisse.

Il en embrassa l'intérieur avant de faire tomber mon soutien-gorge. Il me souleva et mes jambes s'enroulèrent autour de ses hanches, nichant son érection dans le V de mon sexe.

— Fais-moi l'amour, Yan. S'il te plaît...

— C'est ce que je compte faire pour les prochains siècles, chérie.

Et il m'emmena dans les méandres du plaisir. M'entraînant toujours plus loin.

Et je me perdis.

Je m'oubliai.

Ne restait que ses bras, ma réalité.

Le lendemain, Jahyan m'annonça que nous sortions tous les deux ce soir. Il avait réservé dans un restaurant et me dit qu'il passerait me prendre en début de soirée.

Étrangement, je su qu'il allait se passer quelque chose. Sans savoir exactement quoi. Zoran resta avec moi, comme d'habitude. Sa présence était à la fois bienveillante et... apaisante. En fait, j'avais tellement prit l'habitude de l'avoir avec moi que je n'avais même plus besoin de le chercher du regard pour lui parler.

Jahyan grognait, voyant à quel point nous étions proches, Zoran et moi, mais au fond, je savais que ça le rassurait.

À dix-neuf heures trente, je montais me préparer et optai pour une robe moulante et sexy, mais pas provocante. Le but était d'aller manger, pas de baiser. Même si l'idée n'était pas pour me déplaire. Je m'amusai à faire onduler mes cheveux avec l'aide de Louna et Cyriane et je me maquillai à peine.

Quand je descendis, Jahyan m'attendait dans la cuisine ; sur son trente-et-un.

Il me dévora du regard alors que je m'avançai vers lui.

— Tu es magnifique, dit-il en m'embrassant sur la joue.

Je rougie et Zoran hocha la tête pour dire qu'il était d'accord avec son Alpha.

Jahyan me laissa attraper mon sac et il me fit monter dans son monstre avant de nous conduire au restaurant.

Ce dernier se trouvait à quelques minutes du centre-ville de Boise et l'ambiance y était chaleureuse et intime.

Il n'y avait pas grand monde et le serveur nous conduisit à l'une des tables du fond. En parfait gentleman, Jahyan tira ma chaise et me fit assoir avant de s'installer devant moi.

— Mon homme à des manières, ris-je.

Ses yeux étincelèrent un instant et il se pencha pour remettre une de mes mèches derrière mon oreille.

— Seulement avec toi.

Ah ça, je voulais bien le croire !

Le repas fut léger et Jahyan était d'excellente humeur, même si quelque chose semblait le... tracasser, même si le mot ne semblait pas vraiment être le bon. Mais je ne dis rien. Il m'avait amené ici pour une bonne raison et il était hors de question que je... gâche quoi que ce soit.

Ma louve était nerveuse et moi aussi, même si j'arrivais plutôt bien à le cacher.

Nous bûmes peu, mais rirent beaucoup.

Jahyan me raconta quelques anecdotes sur Zoran, mais aussi sur Eneko et j'en ris jusqu'à en avoir mal au ventre.

Le restaurant se vida au fur et à mesure et des bougies furent allumées. Je ne prêtai pas vraiment attention à tout ce qui se passait autour de moi, seul comptait l'homme assis en face de moi.

Il dégageait quelque chose de puissant, d'hypnotique.

Et il était terriblement sexy dans sa chemise et son petit gilet.

— Je devrais te féliciter pour ne pas avoir étripé Eneko pour qu'il t'avoue ce qu'on manigançait, dit Jahyan, un sourire aux lèvres.

— Si j'aurais dû étriper quelqu'un, c'eut été toi, Yan, répliquai-je.

Il rit.

— Qui t'aurais léché jusqu'à l'oubli dans ce cas-là ?

Je rougie violemment et balbutiai, incapable d'aligner deux mots. Est-ce qu'il venait réellement de... dire ça ?!

— Yan !

Il éclata de rire avant de redevenir très sérieux, soudain. Mon cœur eut un loupé.

— Je sais que je ne suis pas un homme facile et encore moi un compagnon conciliant. Si je pouvais, je t'enfermerais dans notre chambre et te garderais pour moi tout seul. Mais le fait est... que tu as beaucoup de protecteurs qui ne me laisseraient pas faire.

Je souri tendrement à la pensée de la meute et de tous les loups qui la composaient.

— Tu es ma compagne et c'est ce qui est le plus important. Mais ça, c'est plutôt pour notre côté... animal.

Ma bouche s'assécha au fur et à mesure qu'il parlait. Son regard ne quittait pas le mien.

— Je suis vieux, Shana et certaine tradition sont ancrées en moi. J'ai des désirs. Et des envies. Je te veux toute entière. Et il n'y a pas de demi-mesure pour cela.

— Je suis à toi, Yan, dis-je dans un souffle à peine audible.

Un lent sourire alors qu'il se levait.

Les battements de mon cœur s'accélérèrent alors qu'il contournait la table pour se retrouver devant moi.

Sa main disparut dans sa poche. Et comme au ralenti, il mit genou à terre.

Oh.

Mon.

Dieu !

— Nos moitiés ont toutes les deux un lien que les relis, qui nous relis. Nous portons la marque de l'autre et la meute sait à qui tu es et à qui tu seras toujours. Mais mon côté... humain à besoin de te revendiquer d'une toute autre façon.

Il inspira et sorti la petite boite de sa poche.

Mes yeux s'écarquillèrent et je crois bien que mon cœur cessa même de battre.

— Je m'en fiche si ma manière de faire est complètement démodée. La question reste la même, quelle que soit la façon dont on choisit de le faire, n'est-ce pas ?

Il sourit doucement, tendrement. Et ouvrit l'écrin.

— Veux-tu m'épouser, Shana ?

Je portai une main à ma bouche alors que les larmes coulaient le long de mes joues.

— Veux-tu devenir ma femme, pour le meilleur et pour le pire ?

Je regardai la bague. Elle était... incroyable. Elle était si... belle. Et si brillante ! Je relevai les yeux sur Jahyan. Ses yeux brillaient, mais pas parce que son loup était là, oh non !

Le temps sembla suspendre sa course juste pour nous.

Pour ce moment.

Que je n'oublierais jamais. Qui resterait à jamais dans ma mémoire.

Il n'y avait qu'une réponse possible à cette demande, n'est-ce pas ?

Parce que je ne voulais qu'une seule et unique chose.

Et cette chose, c'était cet homme devant moi.

Jahyan Pearson.

— Oui, soufflai-je. Oui.

Aucun doute possible.

Aucune peur.

Je me jetai dans ses bras et il me réceptionna. Ce n'était peut-être pas le plus beau jour de ma vie, mais c'était un des plus beaux jours de ma vie.

Jahyan m'embrassa et je sentis le goût de mes larmes sur nos lèvres.

Le goût de nos larmes.

Parce qu'il pleurait. Cet homme si fort et si dur, il pleurait.

Pour moi.

Pour nous.

Et c'était tout simplement incroyable.

Nos fronts se trouvèrent et nos souffles se mêlèrent.

Nous étions dans une bulle.

Moi dans ses bras.

Lui me serrant tout contre lui.

Il n'y avait rien d'autre.

Rien d'autre que nous.

Un nous qui durerait pour toujours.

Nous allions connaitre l'éternité ensemble. Nous endormir et nous réveiller tous les deux.

Faire l'amour et nous murmurer des mots d'amour.

Un nous qui ne connaitrait jamais aucune fin.

Nous étions des loups.

Nous étions des compagnons.

Nous étions des fiancés.

Mais surtout, nous étions des âmes-sœurs.

J'étais née pour aimer Jahyan.

Il était né pour m'aimer.

Et même si nous avions mis des siècles à nous rencontrer, Sharan avait su que ce jour arriverait.

Des âmes-sœurs.

Il était ma vie.

Il était mon passé, mon présent et mon futur.

Et notre amour était l'éternité. 

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