12. Shana
La colère qui avait habité Jahyan l'espace de quelques secondes vola en éclat et je senti son corps se détendre sous ma main. Je savais que son contrôle devant mon père ne tenait qu'à un fil et que si je le lâchai, il ferait plus que lui fracasser la tête contre une table. Mon père le méritait. Pourquoi avait-il dit ça devant Jahyan ? Pourquoi avait-il parlé de ce qu'il m'avait fait en m'offrant au premier futur Alpha venu ?
Je fis un pas alors que Zoran et Jalil débarquaient dans la pièce, prêts à intervenir. Zoran observa la scène alors que je me pressai dans le dos de Jahyan, voulant l'apaiser, le détourner de cet homme qui était au sol et qui saignait.
Cet homme qui était mon père.
Même Rafael était debout à côté de moi, lui aussi prêt à bouger si mon père faisait le moindre geste. J'essayai de faire abstraction du fait que je ressentais toutes les émotions de Jahyan.
Qu'aucune ne m'était cachée. J'avais bien vu qu'il avait essayé de... cacher ce lien. Pas de l'étouffer ; c'était tout bonnement impossible.
Ce lien.
Notre lien.
Je ne montrai pas à quel point j'étais terrorisée. Parce que maintenant, il n'était plus question de juste essayer de passer à autre chose quand il partirait.
Oh non.
C'était bien plus... terrible que ça. Mais je ne devais pas lui laisser voir à quel point la pensée de savoir qu'il allait bientôt me quitter me brisait tout simplement le cœur.
Et j'avais mal.
Affreusement mal. Parce qu'au-delà d'être tombée amoureuse de lui, ma louve ne le voyait plus que comme son compagnon.
Et cela n'aurait jamais dû arriver. Parce qu'elle souffrirait autant que moi et je n'étais pas sûre qu'elle supporte cette perte.
Nous avions déjà perdu Yago.
Perdre Jahyan serait... je ne voulais pas y penser. Je ne voulais même pas imaginer ce que ça me ferait. Ce que ça nous ferait.
Il n'était plus vraiment question de se préserver, n'est-ce pas ?
Mon père toussa et releva la tête, un léger sourire aux lèvres. Il avait le même regard que Yago avait pu avoir à la fin.
Cette étincelle de folie. De malveillance presque.
Avant cela m'aurait paralysée, avant, j'aurais eu peur de ce qu'il aurait pu me faire, mais en cet instant, il y avait Jahyan et il n'y avait aucune peur en moi.
Juste une profonde tristesse en voyant cet homme. En comprenant à quel point il avait chuté. Il n'était plus rien. Il était mon père. Et même mon dégout et ma haine pour lui ne changerait jamais cela.
J'ignorai si cela voulait dire que j'étais faible ou idiote, mais c'était comme ça. J'avais toujours eu la notion de famille et même si cet homme ne m'avait jamais aimé, moi si. Jusqu'à ce que cet amour devienne de la haine.
Pour ce qu'il m'avait fait.
Pour ce qu'il avait fait à Yago.
Pour ce qu'il avait fait à Kerann.
— J'aurais dû te tuer à la naissance. Où t'offrir au premier venu dès ton plus âge. Pour être débarrassé d'une putain comme toi !
C'était donc ça que je représentais à ses yeux ? Une putain ? Moi, sa propre fille ? Qu'aurais-je pu dire face à tant de haine ?
Le corps de Jahyan se tendit, mais avant qu'il n'ait le temps de bouger, Zoran passa à l'action. Jamais je ne l'avais vu bouger aussi vite, jamais je n'avais vu une telle lueur dans ses yeux.
Un prédateur. Froid et calculateur.
Il frappa mon père en plein visage avant de le soulever par le col. Mais il ne fit rien d'autre. Il attendait un ordre, une directive. Et je su qu'il ne fallait pas que ça vienne de Jahyan, parce qu'il était dans un tel état... Un rien et il se laisserait gagner par ce qui couvait en lui et que je sentais bien trop. N'était-ce que mon contact qui le retenait ? Ou autre chose ?
— Laisse-le, Zoran. Il n'en vaut pas la peine.
Cet homme devant nous ne méritait aucune attention. Et il méritait de vivre seul. Et d'être malheureux.
Il avait brisé bien trop de vie.
Il avait fait bien trop de mal pour que quiconque lui pardonne. Et pourtant, mère était encore là. Je n'arrivais pas à comprendre ce qui la poussait à rester. Elle était sa compagne, mais j'étais sure qu'elle pourrait survivre sans lui. C'était une femme forte. Mais terriblement soumise aussi...
Mon père l'avait conditionnée ainsi.
Il avait étouffé sa nature, sa force, sa conscience presque. Et je ne pouvais supporter de me retrouver devant ma mère ; elle était si brisée, si triste, si seule aussi.
— Il n'a pas à te parler de la sorte, gronda Zoran.
Et Zoran n'avait pas à me défendre de la sorte.
Il n'aurait même pas dû bouger.
Bon sang... tout cela était bien plus gros que ce que je pensais. Si Zoran commençait à agir de la sorte c'est qu'il sentait que j'étais liée à Jahyan. S'il agissait comme ça et s'il m'écoutait, ça ne voulait dire qu'une seule chose.
Non. Non. Non !
Il ne fallait pas que ce soit ainsi. Ça... ça ne pouvait pas être ainsi. Il fallait que je calme le jeu. Il fallait qu'on parte d'ici. Jamais je n'aurais dû venir. Jamais je n'aurais dû obéir de la sorte à mon père. Il ne méritait pas ça. Il ne méritait même pas de voir Rafael.
J'inspirai, prenant mon courage à deux mains. Il était temps que je fasse ce qu'il fallait.
Que je coupe les ponts. Pour ne jamais revenir. Je ne devais plus rien à cet homme. Il ne représentait plus rien à mes yeux.
Je bougeai du dos de Jahyan et m'avançai vers Zoran et mon père. Celui-ci riva son regard au mien. La dernière fois remontait à cette fameuse nuit, juste après qu'il ait décidé de faire de Yago un Alpha et de moi une putain.
Jahyan ne me retint pas, mais sa main se retrouva dans ma nuque. Il me donnait de la force. Il me donnait du courage.
Je senti la puissance de son loup. Sa conscience autour de la mienne, rassurante et apaisante.
— Je vais aller voir mère et après nous partirons. Et nous ne reviendrons pas. Ni Rafael, ni Kerann, ni moi.
Ma bouche était sèche. Rafael se retrouva à côté de moi et attrapa ma main quand Jalil se plaça à ses côtés.
Un front uni, hein ? Ça y ressemblait.
— Tu as peut-être réussi à briser mère, mais ça n'arrivera pas avec moi.
Une pression sur ma nuque. Le torse de Jahyan contre mon dos. Ses bras m'enveloppèrent et son nez se retrouva dans mes cheveux.
Le contact rapproché.
Des gestes que seuls deux compagnons avaient. Zoran lâcha mon père sans aucune douceur et recula jusqu'à se retrouver tout près de moi. Je senti sa puissance m'envelopper, se mélangeant à celle de Jahyan.
Ce n'était ni étouffant, ni même oppressant. Loin de là. Et je fermai les yeux pour savourer cela.
J'étais entourée.
J'étais protégée.
Et je n'avais jamais ressenti une telle chose.
— Allons-y, me souffla Jahyan à l'oreille.
Je hochai la tête et Jalil attrapa Rafael pour passer devant. Zoran fut le dernier à sortir du salon, surveillant mon père des yeux. Pourquoi n'étais-je pas surprise que personne d'ici ne soit venu voir ce qui se passait ? En fait, c'est comme s'il n'y avait personne.
Dans l'entrée, je me concentrai légèrement pour percevoir l'énergie de mère. Elle était dans une des maisons, de l'autre côté. Son énergie était si faible !
Mon cœur se serra et la peur me gagna. Je levai les yeux sur le visage de Jahyan qui ne m'avait pas lâchée.
— Ça va aller, souffla-t-il en caressant mon visage du bout des doigts.
Est-ce que ça irait ? Non. Ne voyait-il pas comme tout cela était... horrible ?
Il ne pouvait pas se comporter comme ça avec alors qu'il allait partir.
Il ne pouvait pas devenir le parfait compagnon un jour et me quitter le lendemain.
Ça allait me tuer.
Ça allait nous tuer.
Je m'écartai de lui :
— Je n'en ai pas pour longtemps, dis-je avant de lui tourner le dos.
Ma mère n'était pas vraiment comme dans mes souvenirs. Elle n'était plus du tout la même femme et cela me fit tellement mal au cœur que je fus incapable de m'avancer vers elle, alors qu'elle me souriait en me tendant sa main.
Je lui ressemblais. Ou lui avait ressemblée. Elle avait de longs cheveux blancs et des traits fatigués, épuisés même.
Et dans son regard... il y avait quelque chose d'affreux, de brisé. Je senti à peine sa louve. Mais ça avait toujours été le cas de toute façon, mon père l'étouffant au maximum.
Elle était pâle comme un linge.
Et je compris.
Catalina Ortega était en train de mourir. Elle n'était pas seulement souffrante, elle était mourante. Même si elle essayait de le cacher.
Qu'est-ce que cela ferait à père ?
Qu'est-ce qu'il éprouverait lorsqu'il perdrait sa compagne ?
Pleurerait-il ? Aurait-il mal ?
Non. Ça ne lui ferait rien. Rien ne le touchait jamais. Rien ne le toucherait jamais.
— Shana. Je suis contente de te voir ma fille.
Les larmes montèrent alors que ma louve était terriblement mal à l'aise. Je déglutis.
— Mère.
Un sourire lent. Triste.
Je ne détestai pas ma mère. Mais mon amour pour elle avait été remplacé par la pitié et la peine. Elle s'était laissé étouffer par mon père. Elle l'avait laissé me faire toutes ces choses.
Elle ne s'était jamais dressée contre lui. Pas une seule fois.
— C'est ma dernière visite ici, dis-je. Je ne reviendrais pas.
Elle hocha la tête, fermant légèrement les yeux. Comprenait-elle ? Peut-être.
— Il y a quelque chose de changé en toi, ma fille. Qu'est-ce donc ?
Jahyan.
Notre lien.
Un lien maudit, n'est-ce pas ?
Je haussai simplement les épaules. Il y avait longtemps que je ne savais plus quoi dire à ma mère. Longtemps que je la fuyais.
— Je suis amoureuse.
— Oh.
Elle rit doucement, semblant heureuse de cette nouvelle. Et puis son visage se crispa soudain. Avait-elle mal quelque part ?
— Comment est-il ?
Comment était Jahyan ? Ou comment est-ce que je le voyais ? Parce que ce n'était pas pareil après tout.
— C'est un connard et un macho, mais... il est doux et gentil. Et... il m'a rendu plus forte. Plus sûre de moi et...
Je me senti rougir. Heureusement qu'il n'était pas là à m'écouter dire de pareilles bêtises...
Il aurait fallu me pendre par les pieds pour que je lui avoue à lui de telles choses.
— Quand je suis avec lui, je me sens sereine, bien et...
— Entière ?
Je regardai ma mère et lentement, hochai la tête. Oui, c'était exactement ça. Entière. Et bien trop heureuse.
— Est-il ton compagnon ?
Je serrai les poings. Il ne serait jamais mon compagnon. Ce n'était pas possible. Pas envisageable une seule seconde. Et bon sang, qu'est-ce que ça faisait mal !
— Non. C'est plus compliqué que ça. Il est Alpha d'une grande meute et...
— Tu es Alpha aussi.
Depuis quand arrivait-il à lire de cette façon entre les lignes ? En moi ?
— Nous avons chacun notre meute.
Elle hocha la tête, pensive.
— Est-ce que cette situation te convient ? Finit-elle par demander. Es-tu prête à vivre de cette façon pour le reste de ta vie, ma fille ?
Je la regardai alors qu'elle me fixait droit dans les yeux.
— Un Alpha prend toujours ses décisions par rapport à la meute. Il n'a pas le droit de penser qu'à lui seul, tu le sais n'est-ce pas ? Mais ce qui semble être une bonne décision pour la meute, peut-être une terrible décision pour l'Alpha.
Oui. Je comprenais cela.
— Alors réfléchis bien, ma fille. Penses-tu pouvoir gérer ta meute tout en étant tiraillée à l'intérieur ? Les Alphas doivent faire des sacrifices. Mais parfois, l'Alpha doit penser pour lui.
Une larme coula le long de ma joue.
— Je n'ai jamais voulue être Alpha, soufflai-je pour la première fois de ma vie.
Le dire à haute voix... n'était pas libérateur. C'était même plus dur soudain.
— Et pourtant tu es parfaite pour ce rôle. Pas seulement parce que tu es fille d'Alpha, mais parce que tu as toujours pensé aux autres avant de penser à toi. Tu te fiche de ton propre bonheur, tu te fiche d'être malheureuse tant que ceux que tu aimes sont heureux. Mais tu ne pourras pas vivre comme ça plus longtemps, ma fille. Surtout si tu as rencontré ton compagnon et qu'un lien est déjà établit. S'il est ton âme sœur, ça te détruiras.
Un choc.
Mon... âme sœur ? Jahyan ?
N'était-il pas dit que Sharan avait créé une âme sœur pour chaque loup ? Les vieux loups étaient ceux qui y croyaient le plus, moi... je ne savais pas.
— Je suis forte, répliquai-je.
— Mais faible quand il est question de lui.
Je n'aimais pas cette conversation. Je ne voulais pas penser aussi loin. J'étais forte. Je pourrais me relever. Quand il serait partit, je pourrais m'en remettre.
Mère soupira alors, épuisée par cette conversation.
— Nous ne nous reverrons pas, ma fille.
— Oui.
Je su qu'elle allait dire autre chose, mais je ne pouvais rester plus longtemps dans cette pièce avec elle.
Avec ma mère.
Je pris mes jambes à mon cou et me retrouvai dehors, presque suffocante. Je levai la tête vers le ciel et laissai les larmes couler le long de mes joues.
J'avais mal à la poitrine et ne fut aucunement surprise quand Jahyan me prit dans ses bras. Je m'agrippai à lui, laissant les sanglots échapper de ma gorge.
Son corps était chaud contre le mien et sa présence, tellement rassurante. Son odeur m'enveloppait et j'aurais pu rester ainsi pour toujours.
— Rentrons, finit-il par dire, après un moment.
Il me força à me détacher de lui et à le regarder dans les yeux.
Trop de douceur.
Trop de tendresse.
Trop d'amour.
Je papillonnai des cils et cherchai à me soustraire à son regard. Peine perdu. Il caressa ma joue tendrement et des papillons s'envolèrent dans mon ventre. Je m'accrochai à son poignet.
Je voulais lui dire.
Lui dire que je l'aimais. Que même si c'était le dernier des salopards et que c'était un putain d'enfoiré, j'étais tombée amoureuse de lui et que je l'avais dans la peau.
Et que je ne voulais pas qu'il me quitte.
Jamais.
Mais je n'étais pas égoïste. Ne le serais certainement jamais.
— Oui, retournons chez les paysans, dis-je avec un sourire.
Kerann m'ouvrit ses bras et je n'hésitai pas.
Je posai ma tête contre son épaule et fermai les yeux, savourant sa présence. J'entendis les voix de Zoran et Joaquim alors que Jahyan échangeait quelques mots avec Alessandro. Mon Protecteur me caressa la tête et ne dit rien, sachant très bien comment ça se passait à chaque fois que j'allais chez mon père. Rafael disparut à l'intérieur avec Leandro. Après un petit moment comme ça, je rouvris les yeux et me redressai légèrement.
Je vis Rayane assise sur les marches, regardant Jalil, mais essayant de ne pas le faire trop fixement. Peut-être était-ce à moi de lui dire quelque chose cette fois... Comme si j'étais la mieux placée de toute façon.
La plupart des hauts-gradés étaient là et vinrent me saluer, échangeant quelques paroles avec moi. Zadig se contenta de presser mon épaule en un geste qui se voulait rassurant et je lui sourit. Je croisai le regard de Jahyan à ce moment-là.
C'était comme si ses yeux étaient toujours rivés à moi.
C'était incroyablement stressant.
— Vous avez faim ? Nous demanda Alessandro.
— Quelle question, grommela Jalil après avoir ébouriffé les cheveux de Rayane sans lui dire un mot.
Tout le monde entra à l'intérieur et je m'excusai pour aller prendre une douche. Je fermai la porte derrière moi et me déshabillai, envoyant mes vêtements dans le panier à linge.
J'entrai dans la cabine de douche et fit couler l'eau froide sur mon corps. J'observai pendant un instant la brûlure qui ne partirait jamais sur mon mollet et y laissai courir mes doigts. Je n'avais plus mal. Je ne sentais plus vraiment grand-chose dans cette partie de ma jambe de toute façon. L'eau devint tiède et j'orientai mon visage sous le jet, fermant les yeux.
Durant le trajet, j'avais essayé de ne pas penser aux paroles de ma mère et tout ce que ça avait remué en moi.
Je ne voulais pas croire une seule seconde que Jahyan pouvait être mon âme-sœur. C'était même tout simplement impossible.
Il y avait un lien entre nous, c'était indéniable, mais ça ne changeait rien au fait qu'il ne pouvait y avoir quelque chose de plus entre nous.
Si ça faisait mal ? Bien sûr. Mais c'était comme ça. Il n'y avait rien à faire.
— Penses-tu pouvoir gérer ta meute tout en étant tiraillée à l'intérieur ? Les Alphas doivent faire des sacrifices. Mais parfois, l'Alpha doit penser pour lui.
Si je pensais pour moi, je savais ce que je ferais. Et c'est exactement ça qui me faisait peur. Qui me terrifiait.
La porte de la douche s'ouvrit et un corps se pressa contre le mien.
Je senti l'érection de Jahyan alors qu'il me pressait contre son torse, sa bouche glissant sur mon épaule. Ses mains caressèrent mes cuisses et remontèrent en une lente caresse qui réveilla mon désir presque instantanément.
C'était comme s'il soufflait sur un brasier qu'il était le seul à pouvoir éteindre ou allumer.
L'une de ses mains prit l'un de mes seins en coupe et son pouce effleura mon mamelon.
Je sursautai, retenant un gémissement. Mes fesses frottèrent contre son sexe et il grogna avant de mordre sans douceur le lobe de mon oreille.
La douleur se répercuta légèrement dans tout mon corps avant qu'il ne me tourne dans ses bras pour que je lui fasse face.
Son regard était sombre et remplit d'un désir sourd et puissant. Ses mains sur mes hanches me plaquèrent encore plus contre lui et je me mordis la lèvre presque jusqu'au sang.
Il referma l'une de ses mains dans mes cheveux et tira légèrement dessus pour que je lui offre ma bouche. Ce que je fis, mes lèvres s'entrouvrant déjà, prêtes à accueillir un baiser divin.
Sa langue investi ma bouche en même temps qu'il me soulevait et que mes jambes s'enroulaient autour de ses hanches. J'agrippai ses cheveux, nos langues dansant ensemble. Il me plaqua contre la paroi de la douche et déposa des baisers sur le haut de mon corps.
Je suffoquai presque, tant j'avais envie qu'il me prenne, qu'il me comble. Qu'il me remplisse. Ses dents se refermèrent sur mon sein et je grognai.
Trop de sensations.
Trop d'envie.
— Arrête de t'amuser, Yan...
Un lent sourire alors qu'il me regardait dans les yeux, mon mamelon dans sa bouche. C'était un regard tellement intime, tellement puissant qu'il me fit tourner la tête.
— Prends-moi.
Je frottai mon sexe contre le sien, essayant de le faire rentrer en moi.
— Tu n'es pas très patiente, chaton, gronda-t-il contre mes lèvres.
J'en attrapai une entre mes dents et tirai dessus :
— Tu veux que je supplie, chéri ?
Il rit et donna un coup de rein, sans me pénétrer toutefois. Il jouait avec moi et il aimait ça. Je le griffai tout le long du dos et son corps entier frémit.
— Je vais sortir les griffes, tu sais ? Murmurai-je à son oreille, y donnant un coup de langue.
— Je n'attends que ça, petit chat.
Je lui mordis l'épaule sans prévenir et il grogna si fort que mon corps entier vibra. Et sans me prévenir, comme pour se venger, il me pénétra.
Un cri jaillit de ma gorge, mais déjà sa bouche écrasait la mienne brutalement.
Il n'y eut plus que nos peaux qui claquaient.
Que nos souffles qui se mêlaient.
Que nos gémissements.
Et à la fin, l'extase la plus totale alors que je volai en mille et un éclats entre ses bras.
— Tu comptes me nourrir longtemps ? Boudai-je, assise en face de lui.
Il sourit et me porta sa fourchette à la bouche. Au bout, un morceau de melon. Je levai les yeux au ciel et le prit en bouche, mâchant doucement avant d'avaler.
Dehors, je pouvais entendre les jeunes. Il y avait Rafael, Leandro, Rayane, Sara, Paola, Neri et Sander ; les enfants de Sayan et Salhia, et Raul, l'aîné d'Hadrien et Gaia.
J'ignorai ce qu'ils faisaient tous, mais ils semblaient bien s'amuser. Il n'était pas rare qu'ils se retrouvent tous ensembles, mais ils ne l'avaient pas fait ici depuis longtemps en fait.
Je souri doucement, reportant mon attention sur le mâle en face de moi. Il était dangereusement sexy à la sortie de la douche.
Tout le temps en fait.
Une étincelle dans son regard et un sourire lascif. Est-ce qu'il avait entendu ma pensée ? Notre lien était-il déjà aussi... puissant ?
— Je veux être sûr que tu manges autre chose que tes foutues pommes.
— Trop gentil de ta part, répliquai-je avec une moue ennuyée.
Il rit et ce son bas et rauque me fit serrer les cuisses. Mon rythme cardiaque accéléré et son loup brilla à travers ses yeux, sentant très bien mon désir.
Merde.
— Insatiable, ma belle, hein ?
Et il éclata de rire. Je ne voulais pas que ce genre de moment s'arrête.
Pourtant, le temps commença à nous filer entre les doigts. Une semaine passa, avec sa grosse chaleur et des journées bien chargées. Une autre aussi, avec ses entraînements quotidien et les parties de jambes en l'air un peu partout dans le ranch dès que nous étions tous les deux.
Zoran parti un peu avec Joaquim, Kerann et des Patrouilleurs dans les montagnes et ils y restèrent presque trois jours, sur la piste de Chasseurs.
Beaucoup de chambres à la maison furent réinvesti, surtout par les jeunes et la vie fut de nouveau présente.
Jahyan et moi ne parlions pas de ce lien entre nous.
Nous ne parlions pas de son départ, même alors que Timothy avait appelé pour nous prévenir qu'il viendrait très bientôt.
Nous faisions l'amour. Nous riions souvent et nous nous comportions clairement comme n'importe quel couple. Il ne servait à rien d'essayer de reculer maintenant, il était trop tard. Beaucoup trop tard.
Je profitais.
Même s'il continuait à me taper sur le système quand il agissait comme le connard qu'il était. Mais bon sang, il savait ce faire pardonner. Et en beauté en plus !
Je ne pensais pas au moment où il partirait. Je ne le pouvais pas. Et les paroles de ma mère tournoyaient dans ma tête, jour et nuit, ne me laissant aucun répit.
S'il n'y avait pas eu deux meutes en jeu, les choses auraient été tellement plus faciles. Si je n'avais pas été Alpha il m'aurait été tellement facile de le suivre n'importe où.
Je n'avais jamais voulu être Alpha, mais ça ne voulait absolument pas dire que j'allais juste abandonner mes loups, ma meute.
J'ignorai ce qu'il fallait faire. Et j'avais peur. Parce que quand il n'était pas là, près de moi, je me sentais vide et seule. Et je cherchais son contact pour un oui et pour non, ne cherchant même pas d'excuses parfois.
C'était devenu comme une drogue.
Jalil n'était pas le seul à avoir abordé le sujet avec moi. Alessandro était venu me voir et ses paroles avaient presque été les mêmes que celles de ma mère.
Mais qu'étais-je censée faire ?
Qu'étions-nous censés faire ?
J'y réfléchissais, sérieusement même. Je ne pouvais penser à rien d'autre de toute façon. J'avais la sensation d'être prise dans un étau.
Et il n'y avait rien pour m'en sortir.
— Cam Young est là, dit Zadig en entrant dans la cuisine.
Je jetai un coup d'œil à l'heure et fronçai les sourcils, il avait deux bonnes heures d'avance. Pourquoi est-ce que ça m'agaçait autant ?
Pourquoi est-ce que tout m'agaçait de toute façon ?
Parce que Timothy arrivait demain. Et que ce serait sûrement sa dernière visite. Après, eh bien... Jahyan et Zoran partiraient.
Et ils ne reviendraient pas.
Ma louve était prostrée à l'intérieur de moi depuis quelques jours et cela semblait rendre fou le loup de Jahyan. Quand il l'appelait, elle ne répondait même pas. Et parfois, j'étais presque tentée de faire la même chose. Mais n'était-ce pas puéril ? Était-ce vraiment une façon de se protéger ? N'était-ce pas juste un peu trop tard maintenant ?
— J'arrive, dis-je en remettant de l'ordre dans mes cheveux et en le suivant.
Zadig m'amena plus loin sur nos terres, au niveau des vieilles écuries que nous avions du réinvestir après l'incendie.
Devant se trouvait un gros 4x4 noir avec à l'arrière, une remorque pour transporter les chevaux. Avant d'aviser l'homme d'affaires qu'était Cam Young, mon regard se posa sur Jahyan, Jalil et Sayan. Tous les trois tiraient au flan, ce qui ne me surprit guère. Mes yeux croisèrent ceux de Jahyan et un lent sourire monta sur ses lèvres. Je fus tentée d'y répondre, mais préférai le fusiller du regard, pour savoir au juste ce qu'il faisait là avec les deux autres. Il haussa les épaules et me revint alors le commentaire que Jalil avait fait quand Kerann m'avait annoncé que Cam Young venait nous déposer une fois encore son cheval.
— Il va te plaire celui-là, avait-il dit à Jahyan.
Et ce dernier avait très vite compris qu'en fait, ce serait tout le contraire. Alors voilà pourquoi il se trouvait ici.
Macho.
— Shana, quel plaisir de te revoir.
Mes yeux se posèrent sur un Cam souriant et qui dégageait un charisme incroyable. Il était jeune, moins de trente ans, mais possédait déjà un empire colossal. Aucunement hérité de son père, oh non, il avait réussi seul et avait très bien réussit même.
C'était un très bel homme, un playboy comme les journaux le qualifiait et ces derniers n'avaient pas totalement tort. C'était un tombeur aussi, mais c'était toujours dans la finesse avec lui. Il avait beaucoup d'humour et n'était jamais lourd.
Il posa une main sur mon bras et me fit la bise, comme si nous étions de vieux amis. C'était un habitué ici. Il nous amenait souvent son cheval, quitte à faire des milliers de kilomètres pour ça. Il avait connu Yago et avait envoyé une carte et des fleurs quand il l'avait appris. Ce qui m'avait touché. Très peu avait eu cette attention. Pas même nos propres parents...
— Comment vas-tu ? Lui demandai-je.
— Oh tu sais... comme d'habitude, répondit-il avec un lent sourire.
Quand on le regardait, on avant tendance à lui donner plus que son âge, mais quand il souriait comme ça...
— Je vois. Comment va Kek ?
Nous fîmes le tour de la remorque qui était déjà ouverte. Zadig, habitué, était déjà en train de faire descendre la bête. Je caressai son encolure et la saluai avec amour. J'aimais ce cheval. Puissant et doux.
— Il se porte comme un charme. Mais il se languissait de Nephtys je crois.
Je secouai la tête, amusée :
— Et je dois avouer que le sourire de sa maîtresse m'avait manqué.
Drague subtil. Du Cam tout craché. Je vis Zadig secouer doucement la tête alors que je sentais un regard acéré dans mon dos.
J'accompagnai Cam jusqu'à l'enclos de Kek pour lui montrer qu'il était bien installé et nous retournâmes dehors après avoir quelques formalités. Les mêmes que d'habitude.
— Je ne compte pas m'attarder ici, mais j'aurais aimé dîné avec toi. Ce soir par exemple, dit-il avec un léger sourire.
Je n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche qu'on passait un bras autour de mes épaules.
— Tout va bien, chaton ? S'enquit Jahyan avec un air si innocent que j'eu envie de le frapper.
Là où ça faisait bien mal. Il fixait Cam et ce dernier lui rendit la pareille avant de lui tendre la main :
— Cam Young. Un habitué du ranch Ortega, se présenta-t-il simplement.
Jahyan lui serra la main et étrangement, j'eu peur de ce qu'il allait dire. Et ça ne loupa pas vraiment...
— Jahyan Pearson. Un habitué du lit de la patronne.
Je rougie si violemment que je cru que la combustion instantanée d'une personne existait vraiment. J'en restai sans voix alors que Cam éclatait de rire, comme si c'était la chose la plus normale à faire.
— Eh bien enchanté. Je vais peut-être repassé pour le restau alors, dit Cam.
Jahyan eu l'audace de sourire :
— Ouais, vaut mieux.
Il y avait quelque chose dans sa voix... fus-je la seule à le percevoir ? À... le ressentir ? Ma louve remua légèrement alors que Cam s'apprêtait déjà à repartir. Ce qui n'était peut-être pas plus mal. Il salua tout le monde chaleureusement et bientôt, son 4x4 disparut. Je n'attendis même pas que la poussière disparaisse pour me tourner vers le loup qui me tenait toujours.
Mon doigt s'écrasa contre son torse et ma colère se déversa de tous les pores de ma peau :
— C'était quoi ça ? Grinçai-je, vraiment en colère. Pour qui te prends-tu à dire une telle chose ? Comme si... j'étais une vulgaire catin ?!
La colère sourde dans les yeux de Jahyan ne me fit en rien reculer. Je n'étais pas prête à me laisser soumettre. D'aucune façon.
— Il te draguait, juste sous mon nez.
— Et alors ? Hurlai-je presque, telle une furie.
Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il me mettait autant hors de moi ? Espèce de macho qui ne pensait qu'avec ses putains de couilles !
— Tu n'as aucun droit de marquer ton territoire de la sorte ! Crachai-je, mauvaise.
Sa main se retrouva dans ma nuque et il attira mon visage si près du sien que nos lèvres s'effleurèrent.
— Tu es à moi, gronda-t-il, ses yeux étincelants. Je ne laisserai aucun autre homme extérieur à ta meute posé ne serait-ce qu'une main sur toi.
Le choc de ses paroles me figea.
Venait-il vraiment de dire ça ? Que j'étais à lui ? Que je lui appartenais ?
La colère fut remplacée par une douleur si sourde que je cru qu'elle allait avoir raison de moi.
Oui, je suis à toi. Mais jamais ces mots ne franchiraient mes lèvres.
Jamais.
— Va te faire foutre, Yan. Il y a peut-être quelque chose entre nous, mais on ne sera jamais des putains de compagnons. Alors ne t'avise pas de dire que je suis à toi. Parce que c'est faux.
Et je le plantai là. Pour ne pas qu'il voit à quel point ses paroles avaient été comme un poignard enfoncé en plein cœur.
Cette nuit-là, je laissai les commandes à ma louve et elle partit dans les Grandes Plaines, voulant être le plus loin possible de Jahyan.
Mais c'était chose impossible quand un tel lien entre nous existait. Son loup ne nous quitta pas d'une semelle, même s'il resta à bonne distance.
Au petit matin, elle rentra, le sentant sur ses talons. Elle ne lui prêta aucune attention et me laissa de nouveau aux commandes arrivé devant la maison. Nue, je grimpai à l'étage et me retrouvai dans la chambre.
Notre chambre. Il fut là quelques secondes seulement après moi.
Aucun mot ne fut échangé.
Il me laissa l'approcher et l'embrasser. Et je le laissai me faire l'amour.
Ça allait me briser. Et briser ma louve avec.
Dès qu'il partirait, ça nous tuerait à petit feu. Tout doucement... ça allait nous tuer.
Notre lien était déjà trop ancré en nous. Il était déjà trop puissant. Et bientôt, nos deux meutes sentiraient qu'une place avait été libérée, mais qu'elle ne serait jamais comblée. Et c'était terriblement dangereux.
La matinée passa.
Je restai allongée sur son torse, refoulant mes sentiments. Refoulant mes larmes. Mais c'était peine perdue maintenant. Parce qu'il sentait tout. Dans les moindres détails.
— Il faut qu'on parle, finit-il par dire, alors qu'il caressait mes cheveux.
Parler ? Pour dire quoi ?
Je t'aime, mais on ne peut pas être ensemble ?
Je suis folle de toi, mais tu as ta meute et j'ai la mienne ?
Je vais mourir si tu me quitte, alors amène-moi avec toi ?
— Il n'y a rien à dire, Jahyan. Rien à faire non plus.
— Un Alpha prend toujours ses décisions par rapport à la meute. Il n'a pas le droit de penser qu'à lui seul, tu le sais n'est-ce pas ? Mais ce qui semble être une bonne décision pour la meute, peut-être une terrible décision pour l'Alpha.
Les larmes montèrent. Et on frappa à la porte à ce moment-là. Jahyan remonta le drap sur nos deux corps nus juste avant que Zoran n'entre.
— Timothy est là.
Oui.
Et tout allait prendre fin avec sa visite. Mon cœur était déjà en train de s'effriter.
J'étais déjà en train de mourir. Et bon dieu que ça faisait mal.
— S'il est ton âme sœur, ça te détruiras.
Il n'était pas question d'âme sœur ici.
Seulement d'amour.
Et c'est ça qui allait me détruire. L'amour que je portais à cet homme.
Et ce lien qui était né de cela allait tout me prendre.
— Es-tu prête à vivre de cette façon pour le reste de ta vie, ma fille ?
Étais-je prête à regarde Jahyan me quitter ?
Étais-je capable de... vivre sans lui ?
Non.
Mais que pouvais-je faire ? Que pouvais-je dire ?
— On arrive.
Et c'était comme marcher vers sa propre mort.
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