12. Jahyan

PDV en avance... grâce à certaines personnes particulièrement impatientes je dirais... :P



Alors que sautai hors de la grange en feu, le souffle court, Jade cria presque de soulagement en voyant Luisa dans mes bras. Je la lui donnais et pivotai vers la grange.

Une seconde.

Aller Shana.

_ Où est Shana ? Cria Kerann.

_ Jahyan... murmura Zoran.

Je le repoussai.

Deux secondes.

Trop de temps.

Elle mettait trop de temps.

Soudain, une poutre craqua.

Je me figeai, conscient qu'une légère douleur venait de filtrer sur ma jambe. Je la regardai.

_ shana ! Hurla Kerann.

Et merde...

La main de Zoran m'arrêta.

_ Lâche-moi ! Crachai-je.

_ Tu ne peux pas y aller, murmura-t-il.

_ Je ne te laisserais pas aller dans ce feu, rétorquai-je, mauvais.

_ J'y vais, fit Kerann.

Je le repoussai vers Zoran et claquai des doigts.

Yan !!

Je me figeai, conscient que personne ne m'avait appelé comme ça ici et maintenant.

Qu'est-ce que c'était que ce bordel ?

Je pivotai vers la grange, le cœur dans la gorge.

Cinq secondes.

Trop longue.

Trop de temps.

Quelque chose n'allait pas.

La structure allait s'effondrer.

_ Shana !

Les cris des loups derrière moi étaient comme mis en sourdine.

Mon loup était fou et griffait et poussait contre ma peau. Contre mes os.

Je regardai le seau d'eau qu'Alessandro tenait. Je le lui arrachai des mains et me le jetai à la figure.

_ Jahyan ! Cria Zoran alors que je bougeai déjà.

Mon loup sauta souplement à travers les flammes, mais on ne fut pas épargner pour autant. Je grognai de douleur.

Ici, on ne voyait rien.

C'était le chaos total. Je revins sur mes pas, toussant et crachant. Le feu était affreux. Brutal.

Je repérai les chaussures de Shana.

Bordel.

Je couru et dus plonger sur le côté alors qu'une poutre tombait. Je grognai de rage et sautai par-dessus.

Je contournai une autre poutre et une vision d'horreur s'accrocha à moi.

Shana était évanouie, coincée sous une poutre.

Je tombai à genoux à côté d'elle, suffoquant.

Il faut bouger ! Cracha mon loup.

Je me redressai et me plaçai à côté de Shana. Ses jambes avaient pris un sacré coup.

Les flammes léchèrent mes bras alors que je tentai de repousser la poutre.

Avec un cri de rage, je réussis, mais trop d'effort avec si peu d'air me laissèrent légèrement tremblant.

Je secouai la tête.

La sauver.

C'est tout ce qui importait.

Il fallait que je la sauve.

Elle était mienne.

Elle était à moi.

Et je ne laissais personne mourir sans ma permission.

Surtout pas elle.

Surtout pas ma...

Je secouai la tête et soulevai son corps.

Si mou.

Si faible.

Je frémis.

Je toussai.

L'air était irrespirable ici. Le feu avait pratiquement tout dévoré. Et il dévorait encore et encore. Je sautai sur la poutre, faisant fi de la brûlure sur mes jambes. Je sautai sur la suivante, puis au sol. Je faillis tomber en arrière, mais réussis à reprendre mon équilibre alors que je voyais presque la sortie. Un mur de feu nous séparait d'elle. Je regardai le visage plein de suie de Shana.

Jamais elle ne mourrait dans mes bras.

Jamais.

Mienne.

_ Tiens le coup, murmurai-je en embrassant son front.

Je soufflai une fois, deux fois et me mis à courir. J'étais déséquilibré avec le corps de Shana, mais je réussis à traverser les flammes, hurlant de douleur. Je pivotai avant de tomber et atterris sur le dos, le corps de Shana toujours contre moi.

_ De l'eau ! Hurlai-je en voyant des flammes lécher nos vêtements.

Alessandro et Kerann nous arrosèrent abondamment. Je toussai et déposai Shana au sol. Kerann voulut s'approcher mais mon loup claqua des dents en grognant méchamment.

Kerann se recula, sentant que ce n'était pas le moment de jouer avec mon Alpha. Il déchira la chemise de Shana et retira les bouts sur sa peau brûlée. Il évalua rapidement les traces qui pourraient être soignés et celle qui ne pouvait pas l'être. Celle sur sa cuisse était trop moche. Elle aurait une marque. Celles sur ses épaules et ses bras étaient soignables et avec un bon traitement partirait vite. Je la repris dans mes bras, faisant fi de ma propre douleur.

_ Il me faut de la pommade, ordonnai-je en rentrant dans la maison. Vite !

Je montai dans ma chambre et déposai Shana sur le lit. Elle devait avoir les poumons encombrés et respirait mal.

_ Ne me laisse pas maintenant, grognai-je en tirant le drap.

Je lui retirai son short. Heureusement, rien ne semblait rester sur sa peau. Sa jambe était brisée et je pouvais voir d'ici son os. Je lui fis un garrot sur la cuisse. La meute ferait le reste. Je pouvais réduire la fracture tant qu'elle était inconsciente. Je le fis avec un grognement et son corps sursauta. J'enroulais sa jambe dans un bout de drap.

Zoran apparut avec deux tubes de pommades pour les brûlures et Kerann avec des bandages. Il était blême. Il devait lui aussi soigner Shana à travers leur lien.

Je me sentais faible aussi, mais c'était sûrement dû à l'effort dans la grange.

Maintenant que nous étions plus dans le feu... Elle pouvait s'en sortir. Évidemment qu'elle pouvait s'en sortir.

Elle n'avait pas le droit de me laisser.

En aucun cas.

Même si je partais dans peu de temps.

Même si je ne pouvais pas la faire mienne.

_ De l'eau et des serviettes, grognai-je.

Kerann s'assit dans un coin de la pièce alors que je m'affairais autour de Shana. Je n'étais pas médecin mais j'avais quelques techniques à moi. Je pouvais me débrouiller sans aide d'un médecin.

Quelques heures plus tard, Shana était recouverte de pommade. Sa jambe allait bien et même l'autre semblait belle et pleine de sang, ce qui n'était pas le cas quand je l'avais sortis de la grange. J'étais agenouillé à côté du lit, tenant sa main dans la mienne. On ne pouvait que attendre dans ces cas la.

Zoran avait fait sortir Kerann que je n'arrêtais pas d'envoyer chier. Il était inutile là à côté de moi à prier pour que Shana ne meure pas.

Inutile !

Je l'avais sauvée.

J'étais allé moi-même dans les flammes pour la sauver....

Bordel, on aurait pu y passer tous les deux et...

Je pressai mon front contre le matelas.

J'avais sauté dans les flammes pour elle.

J'avais risqué... plus que ma vie... celle de ma meute aussi pour elle.

J'étais condescendant et je savais que je m'en sortirais... mais en la voyant là...

Par terre au sol, presque sans vie.

Non.

Non, elle était en vie.

Tout allait bien.

Mon loup était sur le point d'imploser, mais je le retenais.

Elle n'était pas notre compagne.

Elle n'était pas...

Mais il s'en fichait.

Il s'en fichait bien de savoir qui était à qui.

Il savait que Shana lui appartenait et que rien ne changerait ça.

Pas moi.

Pas elle.

Surtout pas elle.

Je sursautai quand elle gémit et que sa main se resserra sur la mienne.

_ Shana ? Soufflai-je.

Alors qu'elle clignait des yeux, j'attrapai une bouteille d'eau.

Elle toussa fortement. Je la redressai comme je pus contre le lit alors qu'elle toussait. Je lui fourrai la bouteille contre la bouche et elle but encore et encore. Je lui tins la bouteille. Ses mains étaient pleines de pommade et devaient lui faire un mal de chien.

_ C'est ça bois, dis-je, soulagé au-delà de tous les mots.

Quand nous étions arrivés aux abords de la grange et que... et que Kerann m'avait dit qu'elle était allée dedans... bon sang. Je ne l'avouerais jamais à voix haute mais mon monde s'était stoppé. Il avait arrêté de tourner pendant un quart de seconde. Et alors que des chevaux étaient sortis en furie de la grange, j'avais foncé dedans. Avec une seule chose en tête : la sortir de cette merde monumentale. Comment avait-elle pu sauter là-dedans sans ... réfléchir bon sang ?

Comme nous l'avons fait quand nous l'avons cru en danger, murmura mon loup en la couvant d'un regard protecteur.

_ Tu ne peux pas sauter dans un feu pareil sans réfléchir, idiote, murmurai-je en secouant la tête.

Elle secoua la tête et je reculai la bouteille. Elle me regarda avec de grands yeux. Son souffle était court et j'avais natté ses cheveux comme je pouvais. De façon catastrophique évidemment. Je n'étais pas doué pour les trucs de filles.

_ Tu... tu m'as sauvé, croassa-t-elle d'une voix rauque.

_ Tu croyais te débarrasser de moi aussi facilement ? Murmurai-je.

Elle secoua la tête et regarda son corps. Zoran avait réussi à soigner une ou deux de mes blessures, mais je portais encore mes vêtements à moitié brûlé. D'ailleurs, Shana le vit et tira sur mon t-shirt. Je lui avais changé ses sous-vêtements à elle, mais elle ne sembla même pas le remarquer. Elle frôla une brûlure sur mon bras. Celle-ci resterait.

_ Tes brûlures guériront, dis-je d'une voix rauque. Hormis celle sur ton mollet. J'ai fait ce que j'ai pu mais...

_ Yan... souffla-t-elle.

Yan !!!

Je fermai les yeux alors qu'elle frôlait ma joue. J'agrippai son poignet. Mon loup retourna notre regard sur elle, voyant qu'elle allait bien.

Yan !!!

Elle allait bien.

Elle était vivante.

Elle était là devant nous.

Yan !!!

Et ce cri semblait résonner dans mon crâne.

Dans mon corps.

_ Ne refais jamais ça, grognai-je en glissant ma main dans sa nuque.

Sa lèvre trembla légèrement alors qu'elle retenait ses larmes.

_ Ne... refais... jamais ça, murmurai-je contre ses lèvres. Ou je te jure que je...

Elle posa un doigt sur ma bouche. Elle humecta ses lèvres un peu gercées.

Mon cœur se serra alors que mon loup voulait lui dire.

Voulait lui dire que ce que nous avions fait était stupide. Et que stupide rimait souvent avec un mot...

Un mot que nous ne connaissions pas vraiment... hormis pour nos loups.

Un mot que je me refusais à employer pour Shana depuis des semaines maintenant...

Et les trois derniers jours passés loin d'elle n'avait fait que renforcer cette impression de vide qui grandissait quand elle n'était pas là. C'était comme essayer de respirer un air trop épais. C'était comme essayer de respirer de l'eau... Jusqu'à ce qu'elle me touche.

Jusqu'à ce qu'elle me rende ma liberté.

_ Je... commença-t-elle.

Nos regards s'accrochèrent. J'entendais son souffle rauque.

J'entendais son cœur battre plus vite.

Elle... ? Elle quoi ?

_ Je te remercie, murmura-t-elle enfin.

Mon loup remua doucement.

Non !

Ce n'était pas ça qu'il voulait... ce n'était pas CA qu'il voulait.

Il la voulait elle.

Toute entière.

Mais la seule chose que nous désirions sur cette terre... nous était inaccessible.

_ Shana... soufflai-je.

Elle sourit tristement et se pencha vers moi. Elle m'embrassa. Je lui rendis son baiser, tentant de lui montrer ce que je voulais vraiment.

Ce que je désirais.

La peur qui m'avait assaillit quand j'avais compris qu'elle était dans cette grange depuis trop longtemps. Ce moment qui avait fait presque basculer ma vie. S'en était-elle rendu compte ?

Ce cri que j'avais entendu...

Ce n'était pas n'importe quel cri...

Ce n'était pas n'importe lequel...

C'était le sien à elle.

Et il était impossible que je l'ai entendu.

Pas par enchantement.

Ça ne marchait pas comme ça.

Ça n'avait jamais fonctionné comme ça chez les loups.

J'avais eu trois jours pour réfléchir. Pour essayer de me la sortir de la tête. Mais c'était vain.

Tout était vain.

Je n'avais pas le droit de la réclamer.

J'avais tué celle qui m'était destinée il y a longtemps.

Et pourtant, mon attirance pour Shana n'était pas simplement une image de l'esprit.

Je sentais qu'elle avait besoin de moi...Et bon sang j'avais tellement besoin d'elle.

Je plongeai ma langue dans sa bouche et elle gémit contre mes lèvres. Je retins mon loup alors qu'il voulait la presser contre nous. Elle était encore blessée et devait se reposer.

_ Tu dois dormir, murmurai-je alors que ses mains tenaient mes bras.

_ Reste, souffla-t-elle.

J'embrassai son nez et l'aidai à se rallonger. Elle grimaça alors que ses brûlures devaient sûrement lui faire mal.

_ Je ne vais nulle part, murmurai-je en repoussant une de ses mèches de cheveux de son front.

_ Rayane ? Chuchota-t-elle en se redressant à moitié. Et Luisa ?

Je la rallongeai doucement.

_ Tout le monde va bien, soufflai-je. Il ne restait aucun cheval dans la grange. Rayane en avait sorti la moitié avant que le feu ne se répande, tu as sortis les derniers. Luisa récupère vite.

Elle hocha la tête et tira sur mon bras pour voir les brûlures.

_ Tout va bien, Shana, ajoutai-je. Tout va bien.

Pourtant, je sentais qu'elle n'était pas rassurée. Je ne me posai pas plus de questions et m'allongeai à ses côtés. Elle roula sur le flanc en grognant de douleur et pressa son visage contre mon cou. Je posai mon bras sur sa taille et caressai doucement son dos. Elle se rendormit rapidement.

Deux jours passèrent ainsi. Shana se réveillait. Je la forçais à manger et elle se rendormait la plupart du temps. Hormis ça, nous parlions de tout et de rien quand elle réussissait à rester éveillée. Je n'avais laissé personne approcher. Même Zoran restait en dehors de la chambre. Shana n'avait rien dit à propos de ça. Elle embêtait mon loup dès qu'elle le pouvait, me montrant ainsi qu'elle ne l'oubliait pas et qu'elle allait bien. Sa louve avait été légèrement traumatisée et j'arrivais à la faire revenir lentement. Je savais que j'avais le comportement d'un compagnon. Je le savais et au fond je m'en voulais peut être un peu... car je ne pourrais pas l'emmener avec moi quand je partirais.

Quand je partirais pour de bon, je ne pourrais pas l'emmener avec moi comme si tout était normal.

Comme si nous étions simplement deux loups qui s'étaient rencontrés et qui étaient tombés amoureux.

Rien n'était simple avec l'amour.

Rien du tout.

Surtout quand on était Alpha.

Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de me dire que si je devais la sauver de nouveau au péril de ma vie... je le ferais. Et c'est ce qui m'effrayait un peu par moment. Mes pensées extrêmes concernant Shana.

Le troisième jour, j'accordais enfin à tout le monde de la voir. Cependant, je ne la quittai pas d'une semelle. Et si tout le monde le remarqua, personne ne fit de commentaire. Encore moins Shana.

Nous étions sur le canapé et elle était appuyée contre mon flanc, mon bras autour de sa taille. Elle ne portait qu'un vieux soutien-gorge de sport qui ne la serrait pas trop et qui donc ne lui faisait pas mal. Et un vieux short de sport pourri pas trop lourd. Sa brûlure au mollet avait laissé une vilaine trace, mais autrement, tout était guéri. Comme sa jambe qui s'était remise vite. Zoran m'avait fait remarquer que j'étais resté épuisé deux jours. Le temps à Shana de guérir. Je n'avais rien relevé, me contentant de m'occuper d'elle.

Lors de la première nuit, j'avais su que quelque chose me liait à Shana.

C'est d'ailleurs mon loup qui avait utilisé cette connexion qui était toute neuve et toute fine.

Shana devait à peine la sentir car je la maintenais très faible pour pas qu'elle ne la sente.

Elle ne faisait pas attention au fait que je lui tendais des choses avant qu'elle ne me le demande.

Elle ne faisait pas attention au fait que j'accédais à ses désirs avant qu'elle ne les formule.

Je ne me retenais plus depuis la première nuit où j'avais éloigné les cauchemars qui étaient venu l'attaquer. Mon loup les avait simplement éloignés. Comme quand on souffle sur la flamme d'une bougie. Je n'avais rien dit à Zoran, mais il semblait lui-même plus à l'écoute de Shana comme si quelque chose la reliait à lui.

Je savais que je faisais une bêtise.

Et je savais que je n'avais jamais... jamais accepté un seul débordement de la part de mes loups.

Alors de moi encore moins.

Alors comment gérer cette situation ?

C'était la grande question !

Le quatrième jour qui suivit l'incendie, Shana réclama l'histoire. Que s'était-il passé ce jour là ? Jade avait réussi à tout tirer de Luisa au prix de grands efforts car la petite était restée en état de choc pendant une journée entière. Jalil était resté sombre pendant quelques jours et tout le monde avait remarqué son comportement protecteur envers Rayane qui elle non plus n'osait pas le quitter d'une semelle. Personne n'avait relevé, mais on en pensait pas moins. Comme mon comportement avec Shana. Je me fichai bien de savoir ce qu'ils pensaient. Si Shana ne voulait pas de moi, elle n'avait que le dire clairement. En attendait, il était simple que je la colle aux basques sans qu'elle ne dise rien.

Nous étions dans la cuisine avec Jade et Alessandro. Shana était assise sur mes genoux, alors qu'elle écoutait attentivement la femme de son Eranthe. Luisa était jeune et n'avait pas su faire attention à l'endroit où elle testait la puissance du feu. Elle avait donc prit le briquet de Jalil et avait été l'essayer dans la grange. Rayane l'y avait attrapée à faire la maligne et l'avait grondée. Les deux avaient mis du temps à voir que le feu avait pris et malheureusement, il était déjà trop important pour que Rayane ne l'arrête. Elle avait donc préféré libérer les chevaux en renvoyant Luisa. Sauf que la petite s'était perdue parmi les flammes, ne pouvant sortir. Une erreur importante et fatale qui aurait pu coûter la vie à Shana et à Rayane. Luisa devait le comprendre. Alessandro avait réglé le problème. C'était un bon père.

Je posai ma joue contre l'épaule de Shana, content de voir qu'il n'y avait plus aucune marque ici. Elle caressait ma main qui se trouvait sur ventre.

Je n'avais pas encore réussi à lui arracher la promesse de ne plus jamais se mettre en danger comme ça.

J'avais aussi appris avec Jalil que le père de Shana et de Yago avait appelé le jour précédant l'incendie. Demandant de passer le voir avec Rafael, son petit-fils. Ceci expliquant cela : l'état de Shana lors de mon arrivée était en fait une conséquence de cet appel. Rafael n'avait pas plus demandé à voir son grand-père depuis, ce qui me faisait dire qu'il n'avait pas forcément envie de le voir.

En même temps, la réputation du père de Shana le poursuivait.

Nazario Ortega avait été pendant un temps ce qu'on appelait un grand Alpha. Mais sa déchéance avait été à la hauteur de sa grandeur. C'était un déchu parmi tant d'autres. Et il était connu pour respecter les anciennes traditions.

Je me demandais s'il les avait toutes suivis à la lettre en ce qui concernait ses enfants. Ce n'était pas sa femme, Catalina Ortega, qui avait dû se soulever face à ces demandes. Je ne pouvais pas vraiment juger le père de Shana, je respectai certaines règles. Comme celle qu'une Main est solitaire jusqu'au bout. C'est une manière de vivre. Une manière de s'assurer de sa loyauté infaillible envers son couple Dominant. Pas d'interaction avec d'autres tentations.

Mais il y avait tellement d'autres traditions tombées en désuétude car bien trop barbare pour des temps qui évoluaient. Même moi j'accordais ça.

J'embrassai la peau dénudée de Shana, évitant de partir dans des débats intérieurs sans juger le père de Shana. Je ne savais pas tout sur elle, même si j'aurais aimé tout connaître.

Ce fut elle qui m'en parla après le repas de midi où j'avais dû la forcer à manger quelque chose. Elle avait ronchonné jusqu'à ce que je lui grogne dessus.

_ Il faut que j'aille voir quelqu'un, reprit-elle en repoussant son assiette. Avec Rafael.

Je haussai un sourcil, tentant de feindre la surprise.

_ Jalil m'a dit qu'il t'avait dit, remarqua-t-elle, ça ne sert à rien de faire l'innocent.

_ Quand tu es aussi saoule que ça, chaton, rétorquai-je, j'ai besoin de savoir pourquoi. D'accord ?

Elle fit la moue, mais j'embrassai rapidement ses lèvres.

_ Tu dois aller voir ton père. Et je vais vous accompagner.

Elle haussa un sourcil. Je la forçai à venir se rasseoir sur mes genoux. Elle s'installa contre mon torse et posa sa tête sur mon épaule.

_ Il est hors de question que tu y ailles toute seule, soufflai-je contre ses cheveux.

Mon bras resserra sa prise dans son dos et son nez frotta contre mon cou.

_ Je le déteste, Yan, murmura-t-elle.

Elle utilisait ce surnom depuis l'incendie et je ne l'empêchai pas de l'utiliser. Je préférerais ça à Pearson.

_ Je vois ça, remarquai-je alors qu'elle se crispait. C'est pour ça que je viens. Pour éviter les dommages collatéraux.

_ Ils ont déjà été fait il y a bien longtemps, soupira-t-elle en respirant mon odeur.

Cela la détendit de nouveau et elle respira mieux. Je caressai son dos lentement.

_ Shana... soufflai-je.

Elle se redressa et fronça les sourcils. J'humectai mes lèvres un instant.

_ Quoi ? Murmura-t-elle.

_ Je ne promets pas de rester sage si je viens...

Elle cligna des yeux et éclata de rire. Ce qui me réchauffa de l'intérieur. Elle frotta son nez au mien et me serra dans ses bras. Je respirai son odeur, me rassurant à mon tour. En ce moment, elle était ce que j'avais de plus cher. Pour rien au monde je ne l'aurais laissé aller seule dans la gueule du loup qu'était son père. J'aurais aimé qu'elle décline cette invitation, mais d'après les commentaires de Jalil sur la question... Quand Nazario donnait un ordre... On se devait d'obéir. En particulier, Shana. Ce qui m'énervait tout particulièrement. Si elle avait un homme à qui obéir, c'était moi... Bon elle ne le faisait que pour me garder calme, mais au moins, elle m'en donnait l'illusion. Mon instinct me souffla qu'elle veuille prendre une douche. Je lui proposai une douche à deux et elle eut un grand sourire en hochant la tête.

Il fut prévu que nous partirions dans la nuit en voiture. Shana était assez remise pour faire le voyage à mon goût, même si je voulais qu'elle ne bouge pas d'un pouce la plupart du temps. Il allait falloir rouler pendant douze bonnes heures. Plus une bonne demi-heure pour atteindre l'endroit où vivait Nazario. Il ne comptait que quelques loups dans sa meute et je me demandais comment ils pouvaient vivre avec cet homme. Sur tous les plans, il était pire que moi. Et dans le mauvais sens évidemment. J'avais mes mauvais côtés, mais lui se trimballait plus de casseroles moches que ma personne.

A trois heures du matin, nous décollâmes. Shana dormait contre moi alors que Zoran conduisait le hummer. Jalil était assis à ses côtés. Ils discutaient à voix basse. Rafael dormait contre la vitre à ma droite. Shana était installée sur mes genoux, sous une couverture. Sa tête était posée sur mon épaule et elle dormait profondément. Je somnolai légèrement. Je remontai doucement la couverture sur les épaules de Shana et tentai de dormir un peu. Je prendrai la route au milieu du chemin.

Quand le jour se leva, je pris le relais et Shana vint avec moi devant. Elle garda sa main posée sur ma cuisse, le reste de la route. Alors qu'elle m'indiquait le chemin, je savais que nous n'allions pas tarder à arriver. Je tournai là où elle m'indiqua. Nous étions à Devils Lake. L'état de Dakota Nord était... vide. Complètement vide de toute vie. Ce n'était que des longues routes qui traversaient un état presque mort sous certains aspects. Hassan Ybarra était l'Alpha d'État. Je me demandai rapidement si je devais aller le saluer et abandonnai. Ce serait bien trop long. Il était à Swana Ybarra, et je crois bien qu'ils avaient une pelleter de rejeton. Son Second était Viktor Holt. C'était une meute saine et assez vieille pour respecter certaines traditions de leur côté.

Je grognai quand Shana m'indiqua une petite route qui ressemblait plus à un sentier. Je m'arrêtai devant et pivotai vers elle.

_ Mon hummer ne passera pas, remarquai-je.

_ Mais si vas-y, soupira-t-elle. Il va toucher un peu les feuilles...

Je fronçai les sourcils.

_ Ce sont des branches, rétorquai-je.

_ Tu comptes nous faire marcher une demi-heure ? Gronda-t-elle.

Sa louve apparut dans ses yeux et je ne pus m'empêcher de me pencher pour l'embrasser.

_ Tu auras ma peau un jour, grognai-je en me redressant.

Elle sourit et tapa dans ses mains.

_ Si elle te demande de te jeter d'un pont, tu dirais oui ? Remarqua Zoran.

_ Si elle te demandait de m'offrir toutes tes louves tu dirais oui ? Fit Jalil, un grand sourire sur le visage.

Je les observai dans le rétro. Ils ricanèrent en se cognant les poings. Rafael s'était fait silencieux à l'arrière de la voiture et Shana le surveillait de temps en temps. Rafael n'aimait pas Nazario et je ne pouvais lui en vouloir. Mais il était comme Shana : obligé d'y aller.

Je fis repartir le hummer et grimaçai en entendant les branches frotter contre ma peinture. J'allais devoir lui redonner un coup de jeune.

_ Dis-moi au fait, dis-je continuant d'avancer dans la pampa de Devils Lake. Tu as prévenu ton père que nous étions deux de plus que d'habitude.

_ Tu es Jahyan Pearson, remarqua Shana.

_ Et ? Grognai-je.

Elle haussa ses épaules. Ceci expliquait cela ?

_ Qu'est-ce que tu sous-entends ?

_ Tu es...

Elle chercha ses mots. Je grondai doucement, pressant sa cuisse. Elle caressa mon bras en souriant.

_ On va dire que tu es un vieux Alpha, dit-elle pour rester polie je suppose. Il aime les vieux Alphas.

Je haussai un sourcil, mais ne relevai pas. Elle ne voulait pas dire à voix haute que j'étais autoritaire, borné et un peu con sur les bords parfois et très misogyne et aussi bourré de traditions idiotes. Mais j'étais comme j'étais et je ne changerais pas pour autant. Elle le savait très bien.

Son appréhension grandit d'un coup et m'attrapa à la gorge. Arrivés au bout de la route, nous étions tous un peu nerveux pour différentes raisons je suppose. Hormis Zoran, un peu tête en l'air. Je garai la voiture sur une herbe pas tondue depuis bien longtemps. Un groupe de maison se trouvait devant nous, semblable aux vieilles réserves indiennes qu'on gardait caché loin de tout.

Un homme sortit de la maison centrale et s'avança vers la voiture, mécontent. Il était un peu plus mat que Shana, mais le visage... ils avaient un peu la même forme de visage. Elle avait aussi ses yeux. Sinon, rien ne transparaissait sur leurs liens familiaux. Elle devait plus ressembler à sa mère. J'éteignis le moteur. Shana serra ma main et souffla un bon coup. J'aurais aimé l'embrasser, mais elle ouvrit sa portière et descendit. Bien, il fallait montrer un front uni de toute façon. Hors de question de laisser Nazario la rabaisser sans rien faire.

_ Je ne savais pas que tu amenais des inconnus chez moi, dit-il d'une voix froide et distante.

Shana se crispa un peu plus. Je contournai la voiture et laissai ma puissance glisser autour de moi. Nazario releva son regard vers moi et une expression de surprise passa rapidement sur son visage.

_ J'espère que cela ne vous dérange pas.

_ Jahyan Pearson, souffla-t-il en s'approchant, ne prêtant même pas attention à Shana.

Il m'offrit sa nuque. Je regardai Shana qui me lança un coup d'oeil inquiet. Je frôlai de mes doigts la nuque de son père, même si l'envie me démangeait de la frapper.

_ J'ai entendu dire que le Gardien avait dû vous envoyer dans la meute de Yago. Elle ne sert donc à rien...

Elle ? Shana ?

Je fronçai les sourcils, sentant la colère grimper. Je vis Shana détourner son visage alors que Rafael la frôlait.

_ Ce n'est plus la meute de Yago, remarquai-je. Mais bien la meute de Shana. Et si vous passiez les voir, je suis sûr que vous seriez heureux de voir les progrès de chacun suite à la tragédie qui a secoué cette jeune meute. Vous en conviendrez.

Avec mon ton belliqueux et mielleux, il ne put rétorquer quelque chose. Il sourit simplement et se tourna vers Jalil. Il le regarda de haut en bas et détourna le regard sur Rafael sans un mot.

_ Tu n'as pas beaucoup grandi, grogna-t-il en secouant Rafael par les épaules.

Il tata ses bras et leva son visage vers lui ;

_ Tu es trop maigre pour un loup de ton âge. Tu dois manger plus. On ne te nourrit pas chez toi ?

Shana frémit légèrement. Elle était la gardienne légale de Rafael après tout. C'était à elle de s'occuper de lui. Je me retins de frapper ce loup qui se disait père.

Qui se disait Alpha. Il n'était Alpha de rien du tout.

_ Les jeunes dépensent beaucoup d'énergie vous devez le savoir, souriais-je. Aurons-nous l'honneur de rencontrer votre compagne ?

_ Elle est souffrante, remarqua Nazario. Elle ne peut vous recevoir.

Shana le regarda en fronçant les sourcils.

_ Mère est malade ? Souffla-t-elle.

Nazario soupira bruyamment, comme si cela l'agaçait qu'elle parle.

Mon loup gronda sourdement et ma gorge vibra. Je me la raclai pour effacer le son et m'approchai de Nazario.

_ Ce n'est pas grave. Une prochaine fois. Je ne voudrais pas déranger nos hôtes.

_ Sans importance, fit Nazario en parlant sûrement de sa femme.

Je fronçai les sourcils.

_ Vous êtes plus important allons, sourit-il. Venez, entrez dans mon humble demeure.

Je n'aimais pas cet homme. Je ne l'aimais pas du tout. Je m'approchai de Shana alors qu'elle avançait, suivit de près par Rafael qui semblait très mal à l'aise. La maison était simple et bien entretenu. Zoran et Jalil étaient restés dehors pour fumer un cigare. Visiblement, Jalil n'était pas convié à l'intérieur. Je pouvais presque sentir les ondes d'inquiétudes qui dégoulinaient de Shana. Elle était inquiète pour sa mère. Je le sentais. Je m'installai sur le canapé à ses côtés. A sa gauche, Rafael s'installa à son tour. Elle était bien entourée et nous devions le montrer à son père.

Ce dernier regarda son petit-fils, grogna et posa son regard sur moi.

_ Alors, avez-vous réussi à en tirer quelque chose ? Je n'ai jamais réussi à l'utiliser à bon escient. Rien ne lui allait et elle a forcé son frère à faire des choses terribles. Qui lui ont coûté sa sainteté d'esprit.

Parlait-il de Shana ? On aurait dit qu'il parlait d'un objet.

Shana se crispa brutalement à la mention de son frère. Je me redressai et posai une main sur sa nuque, revendiquant ainsi la protection par le toucher. Nazario fronça son nez, comme dégoutté. Shana ne bougeait plus d'un pouce. Mon geste prouvait à son père que je la protégerais de toute façon.

_ Je ne pense pas que ce que Yago est fait pour sa sœur soit l'origine de sa folie, sauf votre respect, remarquai-je, le plus poliment possible.

Mais je voulais le frapper.

_ Comme tout bon père, j'ai suivi les traditions, remarqua Nazario en se redressant légèrement.

Je détestai cet homme avec une telle que j'avais envie de me lever et de lui exploser la tête contre la table. Si je le faisais...Qu'est-ce que ça ferait ? Rien de particulier. Hormis un bien fou. Surtout à moi. Et à Shana par extension n'est-ce pas.

_ Les traditions ? Relevai-je légèrement inquiet.

Je les repassai toutes dans ma tête alors que Shana devenait blême à mes côtés.

_ La plus importante quand on est père, fit Nazario. Je l'ai offerte à un Alpha. Et il aurait pu en faire quelque chose. Il en avait fait quelque chose d'ailleurs. Mais il a fallu que cette idiote force son frère à le tuer...

La tension de Shana était à son comble. Mon loup prit les commandes si vite que je ne pus le retenir.

Nazario venait d'avouer qu'il avait offert sa fille à un Alpha. Offrir voulait dire donner... Dans les anciennes traditions, il était dit que les filles aînées d'Alpha se devaient d'avoir un mari puissant. Les pères devaient choisir les promis. Enfin, les pères avec de l'amour pour leurs filles permettaient de choisir entre différents Alphas. En fonction de la puissance, elle le choisissait ou le repoussait.

Mais en face de moi, j'avais un animal.

Un simple animal.

Shana retint son souffle alors que mon loup se pencha sur elle, contre son oreille.

_ A-t-il laissé cet Alpha te toucher ? Murmura-t-il, mauvais.

Mauvais envers l'homme devant nous.

Mauvais envers l'homme qui avait laissé un putain d'Alpha baiser sa fille pour des traditions.

Pour la soumettre.

Pour lui montrer qu'elle n'était rien.

_ Yan, souffla Shana inquiète.

_ Réponds, grogna mon loup en resserrant doucement sa prise sur sa nuque.

Sa louve grimpa dans ses yeux et fit hocher la tête à Shana.

Ma colère explosa littéralement.

La seconde d'après, je fracassai la tête de Nazarrio contre la table.

Son cri explosa et il retomba sur le canapé, le nez en sang et le front aussi.

Je voulus me jeter sur lui, mais quelque chose me retint.

Et je fus plus que surpris en comprenant que c'était la volonté de Shana qui me retenait.

Et sa pitié aussi.

Sa pitié pour cet homme odieux...

Je me penchai sur lui alors qu'il me regardait avec des yeux écarquillés.

_ Votre fille est l'une des meilleurs Alphas des États-Unis, murmura mon loup. Elle pourrait vous écraser d'une simple pensée. Elle pourrait vous écartelez d'une simple pression.

_ Yan, reprit Shana. Laisse-le... il n'en vaut pas la peine...

Sa main se posa sur mon bras.

Ma colère s'en alla, remplacer par ce qui me comblait en ce moment.

Mon amour pour elle.

Ce que je laissais me prendre aux tripes.

Ce que je laissais emprisonner mon cœur entre ses mains à elle.

Cet amour qui était là et qui alimentait doucement ce qui évoluait entre nous.

Et ce qui en ce moment même réussit à me faire retrouver mon calme.

Ce lien infime et qui pourtant était déjà puissant.

L'avait-elle sentit ?



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