9. Basile

Je ne dormis pas cette nuit-là, me contentant de regarder l'avenir pour le monde. Mon état de transe dura toute la nuit. Au petit matin, j'en sortis et tapai mon rapport sur l'ordinateur que j'avais envoyé avec moi. Gabriel Kalagan allait devenir l'un des plus grands promoteurs de l'État de l'Ohio. Sa meute deviendrait l'une des plus grandes à la hauteur de celle de Dean Campbell, ou même celle de l'Ethérée.

Cette pensée m'amena forcément à penser au visage d'Alice. Lorsque l'ascenseur s'était refermé, je m'étais coupé de toutes les sensations que j'avais pu ressentir pour elle. Sinon... Sinon je l'aurais suivi dans sa chambre. Je n'étais pas un homme patient et lorsqu'une femme répondait à ce point à mes gestes... Je fermai les yeux, frôlai mes lèvres.

Alice.

Oui. Je la reverrais. Je devais la revoir. Elle ne m'avait pas repoussée dans l'ascenseur. Elle m'avait même complètement acceptée. Je secouai doucement la tête. Mon sourire grimpait malgré moi sur mes lèvres. J'enregistrai mon rapport, revoyant encore le visage de Gabriel Kalagan comme étant le visage de l'évolution. Il allait être l'image des loups à travers le monde. Toute sa meute allait l'être. Cependant, cela ne le protégerait pas des sacrifices que la vie allait lui apporter.

Ce qui m'avait dérangé en revanche, c'était les zones d'ombres que j'avais eu. A certains moments, je ne voyais plus clairement les choses. Ayant déjà eu ce problème, je sus le reconnaître. Une personne était protégée par un sort qui m'empêchait de le voir. Son avenir en tout cas. Seul un sorcier très puissant pouvait faire ça. Cacher une personne aux yeux des Oracles était très dangereux aussi. Une personne de la future meute de Gabriel se cachait aux yeux du destin.

J'envoyais mon premier rapport par mail à Wright, sans mentionne cette partie-là. Puis, je rangeai l'ordinateur. Il était temps de bouger. Je cherchai la présence d'Alice dans l'hôtel, ne la trouvai pas. Elle était partie.

Je soupirai un instant avant de sentir la présence de Nathaniel devant l'hôtel. Était-il venu lui dire au revoir ? Sûrement. Je ramassai mes affaires, rangeai la chambre et sortis. J'allais la payer à l'accueil.

Nathaniel attendait toujours. Mon regard se posa sur le garçon à l'arrière de la voiture. Je haussai un sourcil.

_ Il ne te quitte plus on dirait, remarquai-je.

_ Tu as une petite mine, dit-il en montant dans sa voiture.

Je levai les yeux au ciel. J'avais bossé toute la nuit. Je mis mes bagages dans le coffre. Le petit me suivit du regard alors que je m'installai sur le siège passager.

_ Salut, dis-je au gosse.

Il ne me répondit pas, se contentant de m'observer. Je ne relevai pas. Je n'étais pas doué avec les gosses et ça ne changerait pas demain.

_ Pourquoi ai-je droit à un carrosse ? Demandai-je.

Nathaniel me jeta un coup d'œil.

_ Il n'était pas pour moi c'est ça, compris-je tout en refoulant mes souvenirs de la soirée.

Il était venu dire au revoir à Alice. Pourquoi cela me dérangeait-il ? Je m'enfonçai dans mon siège, essayant de ne pas trop réfléchir. J'aurais aimé revoir Alice et je savais que ce serait le cas, mais dans quelles conditions ? Et me laisserait-elle l'approcher ? Elle était tel un animal sauvage... on ne l'approchait pas deux fois aussi facilement.

Nathaniel se gara devant la clinique. Quinn et Aliyah m'attendaient à côté d'une berline noire, aux vitres teintées. C'était la voiture d'Aliyah.

_ J'aimerais venir, souffla Nathaniel.

_ Je sais.

_ Au moindre problème, Quinn et Aliyah ont pour ordre de te ramener ici. C'est clair ?

Je l'observai un instant. Son visage était tourné vers sa seconde et son Eros.

_ Je peux y aller seul, remarquai-je. Ils n'ont pas à...

_ Tu fais partie de notre meute, Basile, grogna Nathaniel. Fais-toi-y !

Il sortit de la voiture et ouvrit au gamin qui le suivit sans dire un mot. Je soupirai... et sortis à mon tour. Je transférai mes bagages dans la voiture d'Aliyah.

_ Combien de jours as-tu devant toi ? Me demanda Nathaniel.

_ Trois, soupirai-je.

_ Tu as les photos d'Ean ?

_ Oui.

Il échangea un regard avec Aliyah.

_ Vous le connaissez n'est-ce pas ? demandai-je légèrement inquiet à présent.

_ Une simple connaissance, souffla Ali.

Elle ne dit rien de plus et entra dans sa voiture. Je déglutis. Ils savaient qui était mon père. Elle savait qui il était et semblait ne pas vouloir en dire plus. Tout comme Nathaniel. Qu'allais-je trouver à Ann Arbor ? Un homme simple qui vivait avec d'autres êtres surnaturels ? Ou un monstre caché parmi d'autres ?

Je savais que mon père, au-delà d'être un Maitre des Ombres (de par mon héritage c'était évident) était aussi un chasseur de loups. Mais était-il un chasseur de loup actif ou repentit ? Depuis plusieurs années, les chasseurs semblaient éviter de s'attaquer aux loups vu que ceux-ci apparaissaient au journal TV régulièrement pour faire de la bonne pub. Ils étaient la première vague d'êtres surnaturels à être révélés.

Quinn me poussa dans la voiture doucement. Les sièges en cuir étaient confortables, mais tout ça n'était que secondaire. Si mon père était un réel monstre voudrait-il seulement m'aider ? Le pourrait-il ?

_ J'aimerais qu'on ne mentionne pas le motif de notre venue, soufflai-je.

Quinn pivota vers moi. Aliyah démarra faisant un signe de tête à Nathaniel par la vitre baissée.

_ Nous devrons en informer l'Alpha en charge, Basile, sinon il ne nous laissera pas entrer.

_ J'ai déjà parlé à Nohlan, remarqua Aliyah. Il sait que nous cherchons quelqu'un mais il ne sait pas qui.

Je grognai, mécontent.

_ J'avais pourtant..., commençai-je.

Aliyah me fusilla du regard dans le rétro.

_ Nohlan te sera sûrement d'une grande aide pour les jours qui vont venir, Basile. Alors, ne fait pas l'enfant. Tu veux bien ?

_ Laisse-moi gérer la rencontrer avec mon père. Tu veux bien ? crachai-je, énervé à présent.

_ Basile, grogna Quinn.

_ Vous êtes des loups, m'écriai-je. Vous aimez régler vos affaires à plusieurs bon sang. Essayer de comprendre que je veuille le faire seul.

_ C'est ça que tu vas devoir comprendre, Basile, fit Quinn, le regard perçant. Tu n'es plus seul maintenant. Nathaniel essaye de te faire entendre mais tu n'écoutes pas. Nous sommes une meute. Nous sommes une famille. Apprends à vivre comme ça !

_ C'est ma bataille, Quinn, soufflai-je. La dernière que je ferais seul si tu veux, mais c'est la mienne.

_ Tu as demandé notre aide Bas', fit Aliyah. N'en rejette pas une partie sous prétexte que tu es un sorcier, sous prétexte que tu es différent de nous.

Je soupirai. Ali avait raison, mais j'avais besoin de me débrouiller. Surtout pour ça. Je voulais le voir. Je voulais savoir s'il pouvait... s'il avait le pouvoir de m'aider.

S'il ne l'avait pas...

Le trajet dura trois heures. Aliyah conduisait souplement donc ce ne fut pas long. J'étais resté dans mes pensées la plupart du temps. Quinn avait l'air de connaître certains loups de l'Ethérée. Tout comme Aliyah. Cette dernière semblait avoir un faible pour l'un d'entre eux. Je n'avais pas retenu le prénom. Le stress qui s'était propagé dans tout mon corps m'empêchait de me concentrer sur quelque chose de précis.

Alors qu'Aliyah ralentissait, je me redressai pour regarder autour de moi. Je m'attendais à voir la ville, mais elle était encore assez loin sur ma droite. Sur ma gauche une forêt. Nous étions surement à la frontière.

Un homme se tenait sur le bord de la route, à ses côtés. Je souris. Ce n'était pas n'importe qui. Alice. Savait-elle que nous devions venir ? Non. Hier soir elle ne le savait pas. Nohlan avait dû la prévenir. C'était la sorcière après tout. Elle devait m'accueillir sur son territoire, protégé par sa magie. Alors qu'Aliyah garait la voiture sur le côté, je me détachai. Quinn sortit en premier, suivit d'Aliyah et je fus le dernier.

Le regard d'Alice me transperça. Tellement de sensations d'un coup. Je souris un peu plus. Je m'approchai de Nohlan, baissai légèrement la tête en signe de respect. Mes yeux ne cessaient de vouloir se poser sur Alice. Comme un aimant.

Alors que je me redressai, Nohlan fronça les sourcils.

_ Tu..., commença-t-il.

Alice lui donna un léger coup de coude. Il se racla la gorge et me tendit sa main. Je la lui serrai.

_ Sois le bienvenu, sourit-il. Si je peux t'aider à retrouver la personne que tu cherches, il n'y a aucun problème.

Il jeta un coup d'œil à Alice.

_ Vous avez déjà été présenté si j'ai bien compris, ajouta-t-il.

Je hochai la tête, observant Alice. Elle portait une tenue qui soulignait ses légères formes. J'aurais aimé toucher, mais me retins. Nohlan n'aurait sûrement pas apprécié.

_ Aliyah, Quinn, heureux de vous revoir après tout ce temps, fit Nohlan.

Aliyah l'enlaça un instant, alors que Quinn lui montrait sa nuque. Ils étaient tous les deux très respectueux envers Nohlan. Il était impressionnant. Je pouvais voir les nombreux tatouages qui témoignaient de son premier poste au sein d'une meute. Il avait été Main.

_ Je vous ai réservé des chambres dans l'hôtel à côté de chez nous, dit-il.

_ Tu n'aurais pas dû Nohlan, sourit Aliyah. Nous nous serions débrouillés.

_ Tu connais Peython, souffla l'Alpha.

Aliyah eut un grand sourire.

_ Il me tarde de la voir !

_ Elle vous attend avec impatience elle aussi.

_ Les cachotteries ne sont pas de ton genre habituellement, Quinn, remarqua Alice.

Quinn vint déposer un baiser sur son front en souriant.

_ Tu me pardonneras, dit-il avec un sourire franc.

Je pinçai les lèvres. Aliyah fit un signe de tête vers Alice, rien de plus. Les souvenirs de Quinn m'avaient appris qu'Ali avait eu un faible pour Nathaniel à une époque. Au tout début de leur meute d'ailleurs. Cela n'avait jamais été plus loin que les pensées d'Aliyah, mais Quinn et elle en avait beaucoup parlé à l'époque. Alice était venue s'ajouter à la balance, et en bonne Seconde, Aliyah ne l'avait pas aimé. Ou en tout cas, s'en était méfié.

_ Alice, sourit Nohlan.

Elle hocha la tête et s'approcha de moi. Elle leva doucement son visage vers le mien. Je souris doucement. Elle leva sa main au niveau de mon ventre.

_ Tu peux entrer sur ce territoire, souffla-t-elle en posant sa main contre mon torse.

Sa magie vibra en moi alors que je fermai les yeux. Elle m'avait marqué de sa magie. Ainsi, elle saurait où j'étais à tout moment tant que je me trouvais dans le périmètre de sa protection.

_ Merci, murmurai-je.

Je me retins de lui faire un baise main. Il y avait trop d'yeux pour l'instant. Et Ali serait d'une humeur de chien si je m'amusais à flirter avec une ex de Nathaniel juste sous ses yeux. La magie chaude d'Alice glissait dans mon corps comme une douce brise. Ses doigts s'écartèrent sur mon torse avant de se retirer. J'inspirai profondément alors qu'elle s'humectait les lèvres. Je sentis mon corps se tendre face à ce simple geste.

_ Nous pouvons avancer, fit Nohlan.

Alice me lança un dernier regard avant de pivoter vers Nohlan. Son corps était raide et crispé. Était-elle vraiment attirée ? La réponse était oui. Mon torse fourmillait encore de son contact. Alors que je remontais dans la voiture, elle regarda par-dessus son épaule. Je lui fis un clin d'œil et entrai dans la voiture.

Quelques minutes plus tard, Aliyah se garait devant un bar. Je repérai le nom et souris. Malin. Le puissant loup était donc ici. Je regardai autour de moi. La ville était encore en ébullition. Nous devions être sur les coups de midi.

Nohlan nous ouvrit la porte du bar et nous invita à entrer. Alors que je passais le seuil, une énergie me figea. Ce n'était pas Alice. C'était... une semblable à la mienne. Si semblable que j'eus du mal à tourner mon regard vers l'homme qui se trouvait sur ma gauche, au fond du bar. Une femme était assisse en face de lui, mais semblait plus rigoler de lui.

_ Aller Liam, dit-elle, tu crois vraiment qu'elle a trouvé mieux que toi ?

Il ne répondit pas, se contenant de boire d'un coup la bière devant lui, comme les six autres sur le côté. Aliyah se cogna contre mon dos.

_ Bon sang, souffla la femme, c'est vraiment ça... tu en as une si petite que ça pour que Marina te laisse tomber ?

L'homme releva son regard sur elle. Il devait être complètement anesthésié.

Non... Ce n'était pas possible que ce soit... cet ivrogne, bon sang...

La main d'Aliyah se posa sur mon épaule et elle me contourna pour voir ce qui n'allait pas. Son regard se posa sur la scène que je voyais.

_ Tu en as une petite ? Insista la femme. Aller ! Avoue bon sang !

_ Scarlett, siffla Nohlan.

La jeune femme tenait elle aussi une bière dans la main. Elle se leva et tourna vers nous en explosant de rire. Elle n'avait pas l'air très net non plus.

_ Liam en a une petite ! S'écria-t-elle, riant de plus belle.

Je n'arrivais plus à bouger, comme si mon rêve... comme si tous mes espoirs que j'avais fait reposé sur les épaules de mon... père venait de s'effondrer. Morceau par morceau. Juste là. Sous mes yeux.

_ Scarlett nous avons des invités, remarqua Nohlan. Vous êtes saouls à cette heure...

_ Quand un compagnon de beuverie vous appelle, vous répondez présent bon sang, grogna Scarlett en titubant jusqu'à nous.

_ Si vous pouviez éviter mon bar, ce serait bien, marmonna Nohlan en la rattrapant in extremis.

Son visage s'arrêta non loin du mien. Elle fronça les sourcils et eut un hoquet significatif.

_ Et Liam ! J'ai trouvé l'amant de Marina ! On t'avait jamais dit que vous étiez des triplés, en fait ?

Elle explosa de rire, et de légers rires nous vinrent du bar. Deux femmes étaient derrières, accompagné d'un homme. Les trois pouffèrent un peu plus alors que Scarlett se redressait.

_ Enchanté, dis-je en français, m'inclinant légèrement.

Alice s'approcha sur ma gauche alors qu'Aliyah se tenait toujours sur ma droite. Elle aussi semblait être dépitée par ce qu'elle voyait.

_ Tout va bien ? Me demanda Alice.

Quinn s'interposa entre nous en souriant, détournant son attention.

Je crois bien que j'allais vomir.

_ Charmant le nouveau ! Fit Scarlett.

Elle se racla la gorge et essaya de parler en français, mais ne réussit... pas vraiment.

_ Basile ? M'appela Nohlan. Est-ce que tout va bien ? Tu sembles...

_ Excusez-moi, soufflai-je.

Je n'eus pas le temps de dire autre chose que la dénommée Scarlett brayait :

_ Liam ! Viens dire bonjour espèce de saoulard ! Y a ton sosie à la porte !

_ Ferma la Scarlett ! cracha-t-il de son coin.

Je vis Nohlan et Alice échanger un regard.

Le souffle court, légèrement paniqué, je reculai un instant.

_ Ali, murmurai-je.

_ Excuser-nous, souffla Ali en me poussant dehors.

Je tombai à genoux.

La vision me submergea.

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