7. Basile

La structure qu'avait formée sa glace avec mes Ombres était impressionnante à voir. C'était gigantesque. C'était presque... d'une beauté sans pareil. J'avais essayé de retenir l'exorciste avec mes Ombres, mais elle avait utilisé son pouvoir en même temps.

Je la remis sur ses pieds. Mes doigts ne purent s'empêcher de glisser sur la peau douce de ses bras. C'est comme si son aura me le demandait. C'était chaud. Pur. Peut-être trop pur.

Pouvoir.

Ça m'attirait.

Pouvoir.

La voix. Encore elle. Mes Ombres voulaient la toucher, l'envelopper de leur noirceur. Je clignai des yeux alors qu'elle pivotait vers moi. Son regard croisa le mien. Il brillait presque. Ma main se leva, frôla sa joue. Elle ne s'écarta pas, retenant son souffle.

_ Tout va bien ? Soufflai-je.

Elle ne répondit pas. Alors que sa lumière attirait encore mes Ombres, je me penchai sur elle. Tout en elle m'attirait invariablement. Ma vision... ma vision avait été claire et pourtant... pourtant si elle ne me retenait pas, j'aurais pu lui voler quelque chose.

Un éclair de lucidité me traversa alors qu'un petit s'accrochait à la jambe d'Alice. Je me reculai brusquement. Un souffle s'échappa de ses lèvres alors qu'elle secouait elle aussi doucement la tête. Je rétractai mes Ombres avec difficulté. Les loups arrivèrent un à un, entourant l'enfant et Alice. Mes doigts me démangeaient encore de caresser sa peau, de toucher, de voir ce pouvoir.

Je me détournai un instant, laissant la vision montée malgré mon envie de disparaître.

Son regard ne me quittait pas. Sa main touchait mon cœur. Je pouvais sentir la chaleur de sa magie glisser sur mon corps. C'était bon. Ça me soulageait du fardeau que je portais. Ses doigts s'écartèrent, touchant toute la zone de l'emplacement de mon cœur. Elle sourit et ferma les yeux. Ma main glissa dans sa nuque. Elle posa un doigt sur ma bouche.

Soudain, quelqu'un apparut derrière elle. Une femme. Elle était maquillée. Sa peau blanche, ses yeux entourés de griffes rouges, ses lèvres d'un rouge plus profond, plus compact. Elle sourit doucement, accentuant le sourire dessiné par le rouge à lèvre.

_ Basile ? Souffla Alice.

_ Je ne veux pas te blesser, murmurai-je.

_ Ne la laisse pas faire...

Je fermai les yeux et posai mon front contre le sien. Son autre main glissa dans mes cheveux. Sa chaleur, son odeur, sa personne, sa magie. Tout m'entourait. Cela me protégeait. Mais celui qui protégeait était celui qui prenait les dégâts. Et Je ne voulais pas qu'Alice souffre par ma faute.

_ Tu sais ce que tu dois faire, souffla mon Ombre en souriant un peu plus.

Je serrai Alice contre moi. J'appelai mon pouvoir, nous entourait de mes Ombres. Je devais la protéger d'elle. Je devais la protéger de ma personne. Mon pouvoir élémentaire, celui de l'Air, se déchaîna autour de nous. Alice enfouit son visage dans mon cou, se pressant contre moi. Le vent soufflait si fort. Mon Ombre perdit son sourire.

_ Ne la laisse pas faire, souffla Alice une fois de plus.

Je rouvris mes yeux alors que Quinn se tenait devant moi, Aliyah à ses côtés. Au moins, je n'étais pas tombée à genoux. Je soufflai doucement. J'avais soigné Alice, j'avais donc utilisé une source d'énergie que je prenais rarement. Il fallait que je refasse une séance de méditation. Le plus vite possible.

_ Basile ? Souffla Quinn.

Je pivotai, cherchant Alice du regard. Elle aussi m'observait. Nathaniel se tenait à ses côtés. Il posa une main sur son épaule, mais elle retourna son regard sur lui et s'écarta en disant quelque chose que je n'entendis pas. Le petit était contre la jambe de Nathaniel. La main qui tenait la jambe d'Alice retomba le long de son flanc.

Aliyah claqua des doigts devant mes yeux. Je la regardai.

Trop de magie.

Trop de tentation.

Alice était en train de devenir une trop belle proie pour mes Ombres.

Elle m'attirait.

Elle m'attirait bien trop.

La première rencontre dans l'ascenseur aurait dû me faire comprendre.

_ Il est complètement ailleurs, fit Aliyah.

_ Tu crois que je peux le claquer ? Remarqua Ean en apparaissant.

Je le fusillai du regard.

_ Ah bah voilà ! S'exclama le loup en riant.

Je secouai doucement la tête.

_ Tout va bien ? Reprit Aliyah.

_ Je... j'ai besoin d'un peu de temps, marmonnai-je.

_ C'était lui ? Me demanda-t-elle.

Je hochai la tête. Mon regard ne put s'empêcher de se diriger vers Alice. Elle semblait contrariée par ce que lui demandait Nathaniel. Encore une fois, comme si elle avait senti mon regard, elle se tourna vers moi. Elle fit la moue et croisa ses bras sur son ventre.

Un sourire grimpa sur mes lèvres. Elle était vraiment belle.

_ C'est Alice qui le met dans un état comme ça ? Souffla Aliyah.

_ Ça nous a tous fait ça la première fois, ronchonna Ean en souriant malicieusement. On a laissé sa chance à Nathaniel.

_ Il l'a gâché, remarqua Quinn en s'approchant de moi.

Il ne me toucha pas, mais ce n'était pas l'envie qui lui en manquait. Je touchai rarement les gens de moi-même et pourtant... dans l'ascenseur, j'avais eu envie de la toucher. Même tout à l'heure, mon corps s'était lui-même mis derrière elle pour la rattraper. Mon pouvoir fourmilla en moi, comme attirer par cette source de lumière.

_ Il faut que tu reprennes pieds, Basile, fit Quinn.

_ J'essaye bon sang, rétorquai-je, légèrement sur les nerfs.

Je me frottai les cheveux et repris mon souffle. Je pris un instant pour fortifier mes défenses personnelles et mentales et rouvris les yeux. Quinn hocha la tête en voyant que ça allait déjà mieux. Il s'approcha d'Alice et de Nathaniel. Ils échangèrent quelques mots et revinrent vers notre petit groupe. Je n'avais pas vu que plusieurs Patrouilleurs étaient arrivés avec Ean.

_ Il faut rentrer, annonça Nathaniel.

_ Tu pourrais me présenter, remarqua Alice en me jetant un coup d'œil.

_ Fais comme si tu n'avais rien vu, soupira-t-il.

Elle fronça les sourcils et se tourna vers moi.

Je me doutais qu'elle allait dire quelque chose, mais secoua finalement la tête.

_ Je dois y aller, dit-elle simplement.

Elle appela sa magie et disparut quelques secondes plus tard, le vent l'emportant avec lui. Sa présence s'évapora et bientôt, mon envie grandit. Je fourrai mes mains mes poches. Maintenant que j'avais goutté à sa magie... je voulais en savoir plus. Pourquoi ... pourquoi m'attirait-elle autant ?

_ La nuit va bientôt tombée, souffla Aliyah. Nous devrions rentrés.

_ As-tu vu quelqu'un d'autre avec lui ? Remarqua Nathaniel.

Il voulait savoir si l'exorciste avait des collaborateurs véreux ? Je secouai négativement la tête. Pas dans ma vision en tout cas. Je me frottai les cheveux, essayant de trouver une excuse pour m'éclipser. Il fallait que je voie Alice. Que je fasse partir cette envie. Elle ne pouvait être attirante à elle toute seule. Mes défenses étaient trop faibles... c'était sûrement ça.

_ Je dois partir aussi, remarquai-je. Il faut que je me concentre sur le contrat que j'ai sinon...

_ Viens demain à la clinique au plus tôt. Nous irons à Ann Arbor, fit Nathaniel.

_ Enfin, il veut dire que nous irons avec toi, remarqua Aliyah en souriant.

Nathaniel fit un geste de la main agacée, elle le regarda vaguement intéressé.

_ Viens dès que tu peux, dit-il simplement. Si cette chose vient de toi...

Il pointa la structure que nous avions créée avec Alice.

_ Je veux qu'on règle le problème le plus vite possible.

_ Il n'y pas que mon pouvoir dans cette chose, remarquai-je.

_ Alice a créé ça ? Souffla Quinn en observant l'œuvre.

_ Nous avons créé ça, rectifiai-je.

Nathaniel m'observa un instant.

_ Elle pourrait t'aider à aller à l'Ethérée, remarqua-t-il.

Je secouai la tête. Avec ce que je venais de ressentir, ce n'était pas le moment de lui dévoiler tous mes secrets. Et puis je ne la connaissais pas. C'était une sorcière de Lumière. Elle était donc puissante, mais qui sait ce qu'elle pouvait être d'autre ? Les sorciers avec une seule souche était de plus en plus rare... elle pouvait très bien être une succube...ou... Je secouai la tête. Il ne fallait pas que je commence à me faire des idées sur elle. Les spéculations ? Très peu pour moi !

_ On en a déjà parlé, soufflai-je.

_ Elle sait que tu es avec nous maintenant, observa judicieusement Quinn.

_ Et que tu veux garder ça secret, ajouta Aliyah en regardant Nathaniel.

Il haussa ses épaules.

_ Elle n'a pas besoin de savoir les détails, grogna l'Alpha.

Il respectait ma demande jusqu'au bout. J'appréciais son geste. Je le remerciai d'un léger signe de tête.

_ Tu veux qu'on te raccompagne ? Fit Aliyah en souriant

_ Je suis grand, je devrais trouver le chemin, marmonnai-je en jetant un coup d'œil au gamin. Occupez-vous d'eux, ils en ont besoin.

Le petit me regarda. Lui aussi était devenu un pentacle. J'en étais presque sûr. Je ne le touchai pas. Je n'étais pas encore assez fort après ce que j'avais fait à amandine. Je mettais trop de temps à récupérer. Ce n'était pas bon. Mes ombres prenaient le dessus. J'avais de plus en plus de mal à les contrôler. Il fallait que j'aille à l'Ethérée.

Oui. Demain il fallait que j'y aille !

Quinn me ramena en voiture finalement. Je remontai dans l'hôtel, jetai un coup d'œil à l'ascenseur. Voulais-je vraiment tenter le diable ? Non elle devait déjà être rentrée dans sa chambre d'hôtel depuis longtemps. J'attendis que les portes s'ouvrent. Une pointe de déception me traversa alors que la scène se rejouait dans ma tête.

Je touchai la vitre de l'ascenseur du bout des doigts. Si je le voulais vraiment je pouvais la trouver dans l'hôtel. Nous étions des sorciers tous les deux... Avant de la chercher, je devais remettre mes défenses en place. Je rentrai dans ma chambre. Il y faisait froid. Comme j'aimais. Je retirai mon haut et m'assis contre le bout de mon matelas. Je pris une longue inspiration et fermai les yeux.

_ Tu as toujours su faire ça ? Me demanda-t-elle.

Je fis glisser la petite tornade entre mes doigts.

_ Oui, soufflai-je.

Je levai mes mains vers le ciel et la tornade s'évapora.

_ Tu es très fort, ajouta-t-elle.

J'eus un petit sourire.

_ Tu crois ?

Elle rit légèrement et leva sa main devant elle. Une petite boule de feu se forma.

_ Elle me guide quand j'ai peur, souffla-t-elle en y frottant sa joue.

Elle ne se brûla pas. Elle ne pouvait pas se brûler. Après tout, son élément était le feu et même si c'était un élément sauvage, l'héritage qu'elle portait en elle lui permettait de le maîtriser à la perfection.

_ Tu m'apprends ? Murmurai-je.

Elle hoche la tête vigoureusement.

J'ouvris mes yeux, soupirant. Comment pouvais-je me concentrer si des souvenirs de mon enfance remontaient bon sang ? Je grognai et allai fouiller dans mon sac. Je traçai un cercle de sel tout autour de moi. Je restai debout, appelant mon pouvoir de l'Air. Je montai en légère lévitation, laissant mon pouvoir me guider.

Alors que je m'imprégnai de ma magie des éléments, je sentis mon corps se détendre un peu plus. C'était mieux ! Je consolidai mes défenses avec mon pouvoir élémentaire. Une vieille technique appris auprès d'autre maître de l'Air. Je redescendis sur le parquet quelques minutes plus tard.

Le corps d'Alice était recroquevillé au sol. Un cercle de magie était tracé autour d'elle. Je reconnus la chambre. Elle était semblable à la mienne. Peut-être un peu plus grande. Soudain, quelque chose de terriblement froid me frôla. Ça se solidifia autour d'Alice.

Je voulus dire quelque chose, mais en était incapable.

Alice se recroquevilla un peu plus. Sa bouche s'ouvrit sur un cri silencieux.

Non ! Non ! Elle devait ouvrir les yeux ! Elle devait se défendre !

Elle s'évanouit.

Je repris contenance et me secouai. Devant moi, mon Ombre se tenait. Elle avait pris l'aspect de cette femme avec ce maquillage étrange. Fine, recouverte d'Ombre. Elle me sourit un peu plus.

_ Tu ne pourras pas la sauver, me souffla-t-elle.

Je fermai les yeux.

_ Je ne disparaîtrai pas comme ça, Basile, ajouta-t-elle.

Je rouvris les yeux. Elle était agenouillée devant moi à présent. Sa main glissa sur mon visage. Comme une vraie.

_ Tu n'es qu'une hallucination, soufflai-je. Tu peux prendre cette forme parce que je t'en laisse le choix. Tu es une partie de moi.

_ Une partie de toi que tu dois relâcher, grogna-t-elle.

_ Non ! Rétorquai-je véhément.

Mon Ombre me gifla. Je clignai des yeux, le visage légèrement tourné à cause du coup. Je relevai mon regard. Plus personne. Je touchai ma joue. Du sang.

Soudain, une vague sensation de peur me traversa.

Alice.

Je me redressai et sortis de ma chambre, torse nu. Et merde. Quelque chose n'allait pas. Il y avait de la magie noire dans l'hôtel. Je fermai les yeux un instant, repoussant ma vision. J'allais la voir. C'était sûr. Je grognai et laissai la vision monter.

Ce fut seulement une porte. Avec un chiffre. Sa chambre !

Je me mis à courir dans les escaliers. Je repoussai une porte et détalai dans le couloir. 50...51...52... Je m'arrêtai devant la 53. Sous la porte, je pouvais presque voir la magie noire bouger. Je défonçai la porte.

_ Alice ? Criai-je.

Il faisait noir. Je ne voyais rien. Soudain, elle apparut. Elle brandit un couteau. Je réussis à la retenir avant qu'elle ne le plante dans ma cage thoracique. Son regard était hanté. Elle cligna des yeux alors qu'une de mes mains glissa sur sa joue.

_ Alice, soufflai-je.

Quelque chose de tenace l'avait entraîné sur ce chemin. J'allumai toutes les lumières de la pièce. Il n'y avait personne. Je retournai mon regard sur elle.

_ Tout va bien, murmurai-je. Donne-moi ce couteau.

_ Il... il était là, chuchota-t-elle.

_ Son pouvoir t'a suivi. Ce n'est rien... tu... tu ne t'es pas purifié ?

Elle me regarda, comprenant enfin que j'étais bien là. Devant elle. Retenant le couteau qu'elle avait voulu me planter dans le cœur.

_ Je... je n'en ai pas eu le temps, souffla-t-elle.

_ Je peux t'aider, dis-je.

Il restait un résidu de magie noire dans sa chambre. Il ne fallait pas rester ici pour faire ça.

_ Viens, fis-je en la prenant par les épaules.

_ Qu'est-ce que..., commença-t-elle.

Son regard croisa le mien.

_ Je peux t'aider Alice, soufflai-je. Tout va bien.

Elle jeta un coup d'œil à sa chambre et frémit un instant.

Je pouvais lui offrir une ancre pour se purifier complètement.

Il suffisait qu'elle accepte.


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