6. Alice
— J'envoie quelqu'un vous chercher, dit Nathaniel avant de raccrocher et ne me laissant pas le temps d'en placer une.
Je regardai un instant mon téléphone et soupirai. Pourquoi « nous » ? Nathaniel n'avait pas besoin de moi maintenant que le garçon avait été retrouvé, si ? Il fallait que j'arrête de vouloir aider tout le monde. J'avais assez à faire à l'Éthérée pour ne pas avoir à m'occuper des problèmes des autres meutes. Bon sang... il était vraiment temps que je rentre. Une meute avait besoin d'une sorcière et je n'étais pas la sorcière de toutes les meutes. J'étais celle de Nohlan.
Je baissai la tête.
L'enfant enserrait mes hanches de ses petits bras et ne bougeait pas.
Pourquoi m'avait-il suivit ? Et comment avait-il fait ? Même pour les loups de Nathaniel il était dur de me pister à l'odeur, alors un louveteau ?
Se pouvait-il que le temps passé avec le sorcier lui ait donné quelques facultés ? C'était bien possible après tout.
Il était hors de question qu'il s'attache à moi et qu'il me suive partout. Je n'avais aucun problème avec les enfants tant qu'il ne m'approchait pas trop. Les marquer et les retrouver quand ils étaient perdus étaient une chose, mais rester avec ou vers eux en était une autre.
Les désirs des enfants étaient trop forts, trop puissants et parfois, il arrivait que leur simple pensée me pousse à Changer.
Je détestai ces moments. Je détestai la pureté des enfants.
Ma main était sur sa tête et je ne savais pas vraiment quoi faire.
L'endormir peut-être ? Non pas en pleine rue. Un couple passa à côté de moi et souris devant ce spectacle.
Bon sang. Je n'allais pas juste attendre que les loups arrivent, si ?
Mack releva alors la tête et plongea ses yeux verts dans les miens. Il y avait des nuances dans la couleur, des petites touches plus claires et plus foncées.
Il avait une petite cicatrice sous l'œil gauche et sûrement beaucoup d'autre ailleurs. Et comme me l'avait dit Nathaniel, il avait même sûrement servit de portail, comme sa petite sœur.
Mais qui avait donné cette information à Nathaniel ? Il n'était pas idiot, loin de là, mais cela concernait les sorciers bien avant les loups ou les autres surnaturels. Alors forcément, seul un sorcier avait pu savoir.
Mais est-ce que ça m'importait de le savoir ? Je ne faisais en aucun cas parti de cette meute. Peut-être que Nathaniel était en passe de trouver quelqu'un pour occuper son poste vacant.
Je n'arrivais pas à regarder ailleurs. Il y avait trop de profondeur dans les yeux de ce petit garçon.
Il n'y avait pas plus monstrueux qu'utiliser des enfants comme cobayes. C'était un acte impardonnable, pour n'importe quel peuple. Les Chasseurs étaient encore une fois une exception à la règle. Mais tous n'étaient pas ainsi, Liam, Elijah et Amalia en étaient la preuve vivante. Amalia restait méfiante envers les enfants, de peur de les blesser ou de na pas agir correctement quand Elijah aimait simplement rester parmi eux sans pour autant faire quoi que ce soit. Liam était un aimant par contre. Les enfants l'adoraient quand ils auraient dû avoir peur de lui. Il fallait voir quand il débarquait à l'orphelinat, ils lui sautaient tous dessus. Et il ne faisait aucun effort, il n'essayait même pas d'être gentil. Aubrie parlait d'aura naturelle. Et il y avait du vraie dans ce qu'elle disait. Ça ne voulait pas pour autant dire que Liam était fait pour être père, loin de là.
Je soupirai.
Ce n'était qu'un gamin. Nathaniel avait raison. Un simple gamin.
Je n'avais pas à être aussi tendu. Rien ne venait de lui pour l'instant, alors je pouvais me laisser aller, non ? Nohlan disait souvent qu'il fallait que j'apprenne à lâcher prise, mais il savait aussi que dans mon cas c'était tout simplement impossible. Je ne savais pas quoi faire, ou quoi dire. N'importe qui aurait su dans ce cas-là, mais pas moi. Je ne savais pas rassurer les gens, je savais seulement leur dire les choses telles qu'elles étaient sans jamais chercher à préserver, sans jamais chercher à protéger.
L'enfant détourna alors son visage et ses yeux brillèrent un instant. Il sentait quelque chose.
Les loups de Nathaniel ? J'espérai que oui.
Mais bizarrement, quelque chose me soufflait que non.
Ses bras me lâchèrent et il recula.
Son visage était grave et soudain, apeuré. La peur suintait de tous les pores de sa peau. Ses membres se mirent à trembler.
Dans l'air.
Un résidu d'une magie qui n'aurait pas dû être là.
Un appel. Venu de très loin. Qui résonnait à travers le vent et qui se déplaçait dans son flux.
Il me regarda une nouvelle fois, les yeux écarquillés.
Mack tendit son bras, prêt à me toucher, à me saisir, mais il disparut alors. C'était comme s'il n'avait jamais été là. Comme si depuis le début, j'avais été seule.
Mon cœur eut un loupé.
Non.
Non.
Non !
Le sorcier l'avait rappelé à lui. Pourquoi ? Pour finir le travail ? La petite fille était-elle en sûreté ?
Où avait-il été amené ? Où était Mack ?!
Je me concentrai, le cœur au bord des lèvres. Et le senti.
J'inspirai et fis appel au troisième élément qui constituait la magie blanche ; l'Air.
La puissance des Sorciers de la Lumière résidait dans le contrôle des quatre éléments. C'était là que se trouvait notre essence profonde, que nous puissions tout notre pouvoir. Nous devions en avoir la maîtrise ultime, même si nous étions toujours tournés plus vers l'un que les trois autres. Ce n'était pas vraiment une affinité, ça, c'était pour les sorciers normaux. C'était plus... un choix. Ce n'était pas une question d'une meilleure maîtrise, un Sorcier de Lumière maîtrisait les quatre éléments de la même façon.
La Terre, l'Eau, l'Air et le Feu étaient des extensions de nos bras, de nos mains.
Une voiture s'arrêta devant moi et des Patrouilleurs en sortirent, ainsi qu'Ean, mais je disparaissais déjà :
— Alice !
Je fermai les yeux et me laissai complètement submerger.
C'était une sensation incroyable.
Comme être pris en plein milieu d'une tornade, comme se retrouver en plein cœur d'une tempête ravageant tout sur son passage.
L'Air caressa mon visage.
Une main à la peau douce, une main chaleureuse.
Mes pieds touchèrent le sol et je clignai des yeux.
J'étais près d'une grande cascade, loin du centre-ville, loin de la vie. Il n'y avait que le bruit sourd de l'eau, que le bruit de la nature.
Je tournai sur moi-même.
Ici aussi trace de magie noire, mais beaucoup plus forte, beaucoup plus intense. Le sorcier était ici à n'en pas douter. Mon corps le sentait.
Ma magie le ressentait.
Il n'était pas loin. Et Mack aussi. Son énergie de petit loup m'entourait et la marque que j'avais apposée sur lui me confirmait qu'il était ici.
Quelque part.
Le vent souffla et j'eu la chair de poule. Il y avait quelque chose d'étrange. De vraiment mauvais ici. Ce n'était pas un simple sorcier.
Nathaniel n'avait-il par parler d'exorciste ? Ces monstres qui avaient été traqués par les autres sorciers, qui avaient été exterminés.
Oui. L'air ne mentait pas.
Ils étaient si peu nombreux maintenant.
Des Sorciers de l'Ombre.
Des sorciers ne vivant que pour et par la magie noire. Ce n'étaient pas les pires, mais leur maîtrise était presque fascinante.
Tout comme les nécromanciens ou encore pire, les Vengeurs.
Des branches tellement extrêmes. De la magie tellement sombre et noire.
Mon corps tout entier le sentait, ma magie blanche toute entière en frémissait. Il fallait que je fasse attention à ne pas approcher de trop près cet exorciste, je n'avais pas réussis à ma purifier et cela pourrait être terrible. Pour Mack comme pour moi.
Mack.
Il ne fallait pas qu'il reste avec l'exorciste. J'ignorai quel était son but, mais le garçon n'était encore qu'un enfant, sa bête n'était pas assez forte pour lutter. Pas après tout ce qu'il avait dû endurer. Je ne connaissais pas cet enfant, je ne faisais pas parti de cette meute, mais il y avait des choses que je ne pouvais pas laisser passer.
On ne touchait pas aux enfants.
On ne touchait pas aux louveteaux.
C'était la règle de base dans une meute. Et j'avais grandis telle une louve, sans pourtant en porter une en moi.
— Montre-toi, exorciste, soufflai-je.
Un rire.
— Je sens ta magie si douce, sorcière. Je sens l'ombre dans ton cœur. Qui es-tu ?
Juste là. Derrière moi.
L'odeur du sang me parvint. Il était blessé. Gravement ou pas, ça ne changerait rien. Au final, il allait mourir. Je n'avais pas besoin d'être Oracle pour savoir cela.
— Qu'es-tu ? Plus qu'une sorcière. Plus qu'une Sorcière de la Lumière, je me trompe ?
J'étais bien des choses. Mais cette nuit, je n'avais besoin de n'être qu'une seule chose.
La sorcière blanche.
Je ne bougeai pas. Lui si. Il se retrouva un peu plus loin devant moi. Il avait un trou béant au niveau de la poitrine. Mal en point.
Où était Mack ?
L'Air rugit alors et tel des lames de rasoir, déchirèrent la peau du sorcier. Il cracha et tenta de se protéger, mais en vain.
C'était une maîtrise quasi parfaite de l'élément.
Qui ?
L'Oracle apparut juste à côté de moi. Il avait le visage tourné vers l'exorciste et les yeux mauvais.
En colère.
La puissance se dégageait de lui. Ainsi qu'autre chose. Une masse l'enveloppait. Une masse étrange, mais pas inconnue.
Des Ombres ?
L'exorciste contre attaqua et le sol trembla alors que sa magie éclatait. Le souffle me fit reculer et mon bras bougea. Des aiguilles de glace tombèrent du ciel et chutèrent sur le sorcier.
Le sang gicla et l'Oracle ne fut plus à côté de moi. Son corps se mouvait vite et avec grâce.
Les Ombres lui collaient à la peau, pas tout à fait de la même manière que celles de Liam. Il n'y avait pas de maîtrise ici. Mais ça restait fascinant à regarder.
Une seconde peau.
Un bouclier.
Il exécuta une sorte de danse et autour de nous, les arbres se mirent à gémir sous la force du vent qui était en train de se lever.
Il avait plus qu'une affinité avec cet élément. Un simple geste et le vent suivait.
Il le contrôlait.
Il le modelait.
C'était rare de voir cela. Rare et intéressant.
Il cria et tout vola en éclat autour de nous. Un bras vola dans les airs et un horrible hurlement retentit.
Mes vêtements furent déchirés, mais je ne fus aucunement blessée.
Une goutte de sueur perla le long de ma nuque alors que la brûlure dans mon dos montait.
Trop de noirceur.
Trop de puissance noire.
Quelque chose me percuta de plein fouet et des mains me saisirent à la gorge. L'haleine putride de l'exorciste m'enveloppa :
— Donne-moi ton cœur sombre, petite sorcière.
Soudain, il fit très froid. Mon cœur eut un loupé et ma magie prit vie. Je n'avais pas besoin d'y penser.
Je n'avais pas besoin de l'appeler.
Un souffle.
L'exorciste écarquilla les yeux alors que les pics de glace traversaient son corps de part en part. Du sang tomba sur mon visage.
Je ne respirai plus.
Trop près.
Des cris montèrent, des plaintes et des pleurs. Toutes les âmes qu'il avait prises. Toute la puissance qu'il avait emmagasinée en lui.
Elle s'écoula de son corps en une masse sombre, telle du goudron. Elle s'écoula de sa bouche, de son nez, de ses yeux, de ses oreilles.
Les pics qui avaient écartelés son corps étaient étranges. Il n'y avait pas que ma magie. Ils étaient sombres, noires.
Des Ombres gelées. Deux pouvoirs entrés en collision. Deux pouvoirs qui se... complétaient.
J'ouvris la bouche.
Il ne fallait pas que ça me touche. C'était trop terrible. Trop de magie noire. Trop de morts.
Il ne fallait pas que ça me touche.
Je reculai et tendis mes mains en avant en criant.
Il ne fallait pas que ça me touche.
La lumière éclata et enveloppa tout ce qui avait été touché, tout ce qui avait été blessé.
La terre et les arbres.
Le corps de l'exorciste devint de la poussière blanche et s'éparpilla dans l'air.
Le talon de mon pieds tapa contre quelque chose et je parti en arrière. Des bras me rattrapèrent et mon dos se retrouva contre un torse.
L'Oracle.
Ses mains étaient sur mes bras, elles me tenaient fermement. Et sa chaleur était en train de me gagner.
Ses paumes glissèrent alors et les blessures sur mes avants bras, causées par la petite fille disparurent complètements.
J'avais le souffle court. Mon corps était tendu.
— Ce n'était pas nécessaire, soufflai-je, sans savoir où je trouvais la force de parler.
— Je sais.
Sa voix était une caresse suave. Une invitation à se laisser aller. À se laisser submerger.
Sa peau contre la mienne me brûlait, m'électrisait.
Je fermai les yeux. C'était trop fort. Il y avait quelque chose de trop puissant, de trop intense.
C'était lui.
C'était sa personne.
J'étais à court d'air. Et tant qu'il me toucherait, je ne parviendrais plus à respirer correctement.
Il était dangereux.
Dangereux pour moi.
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