31. Alice
Je me retrouvai aux bords du lac. Encore. Mais cette fois-ci, il n'y avait personne. Les alentours étaient déserts.
Aucun rire d'enfants.
Aucune euphorie.
Juste le profond silence. Ce genre de silence qui annonce une tempête imminente. Une tempête qui risquait de tout dévaster.
Moi la première.
J'avais le souffle court alors que la neige tombait en tourbillonnant légèrement. Dans le ciel, de gros nuages gris qui là encore n'annonçaient rien de bon.
Le vent soufflait ; il sifflait dans mes oreilles.
Je n'étais pas Elijah, je ne comprenais pas ce qu'il voulait me dire. Il fouettait mon visage et ça faisait mal.
J'avais froid et je ne bougeais plus depuis un moment.
Mon cœur battait vite et fort dans ma poitrine.
Ça faisait mal.
Chaque battement semblait se répercuter dans mes os. Un boom boom continu et puissant. Mon sang battait à mes tempes et prendre de grande inspiration était impossible.
Au-dessus de ma tête, un oiseau passa et disparut. La surface du lac ondulait légèrement sous l'assaut du vent.
Tout était calme.
Trop calme.
J'attendais.
Je patientais. Et pour l'instant, personne ne venait.
Le Vengeur n'était pas en vue.
La peur me tenait. Le doute aussi. Ça me prenait aux tripes, mais je ne montrais rien. Comme il y avait des siècles, je venais de prendre une décision qui pourrait tout changer.
Pour un homme.
Et cette fois, ce n'était pas pour Nohlan.
— Pense à tes besoins. Pense à ce dont tu as besoin toi...
Il n'y avait que des réponses à cela.
Il n'y avait que deux personnes dont j'avais besoin.
Nohlan.
Et Basile.
Ça s'arrêtait là. Mes besoins, c'étaient eux. J'avais passé ma vie avec Nohlan, je voulais passer le reste avec Basile.
Si je m'en sortais. Un Vengeur n'était pas facile à tuer. Et ça marquait la personne qui le faisait. Adélaïde avait beau eu dire à Basile et Nazir que ça irait, ce n'était pas toujours aussi simple.
Peut-être que je me trompais. Peut-être que j'avais tort. J'avais tué la Vengeresse d'Adélaïde en étant Maudite, et cela m'avait maudit. Alors, ça ne serait pas bien différent avec mon propre Vengeur, n'est-ce pas ?
Je n'avais pas dit à Basile que j'étais terrorisée.
Je n'avais pas dit à Basile que je ne croyais pas en son plan. En lui, à mes Huit et à lui.
À quoi bon de toute façon ?
Tenter le tout pour le tout.
Robin avait-il Vu cela ? Avait-il prédit que ce jour arriverait ? Peut-être. Il n'était plus temps de penser à ça, à lui.
Il y avait longtemps qu'il était mort. Longtemps qu'il avait rendu son dernier soupir. Mais je n'oubliais pas. Je ne l'oubliais pas. Cela n'était pas possible. Si le Vengeur m'avait donné la bonne marche à suivre pour protéger Nohlan, Robin avait été en quelque sorte celui qui avait permis que tout arrive. Sans lui, mes Huit n'auraient jamais été réunis. Sans lui, je n'aurais certainement pas été là en ce moment même.
Il m'avait sauvée de la noyade.
Il m'avait sauvée de bien des choses. Et il m'avait aidé à protéger Nohlan.
Je lui devais énormément.
Et il avait su qu'un jour, il y aurait Basile. Il l'avait Vu.
Le vent souffla plus fort et je levai un instant les yeux vers le ciel. La barrière était plus puissante que jamais. Comme neuve. Il y avait tellement de magie, tellement de force. Ça courait partout.
C'était dans l'air et dans la terre. C'était autour de moi et en moi.
Non, la magie qui courait en moi était différente d'avant.
Je m'étais liée à Basile.
La Symbiose.
Un lien puissant, un lien que rien ne pouvait rompre. Ma force était sa force. Mon pouvoir était son pouvoir.
Il était moi. Et j'étais lui.
C'était quelque chose que les Anciens n'acceptaient pas, qu'ils avaient essayé de cacher. Mais les plus vieux savaient. Les plus vieux comprenaient ce que cela voulait dire. C'était un peu comme un lien entre un loup et sa compagne. Mais avec une grosse dose de magie en plus bien entendu.
Je pouvais utiliser la puissance de Basile. Je pouvais me servir de ses Ombres qui m'avaient reconnue avant qu'on ne se lie. Comme si elles l'avaient senti bien avant nous.
Oui. C'était exactement ça.
Je me sentais plus... forte. Plus sombre aussi. La magie de Basile n'était pas faite de lumière et je le sentais bien plus que jamais en cet instant.
Ça coulait en moi, ça se mélangeait à mon sang, ça s'entremêlait à ma puissance. Et tout était prêt à jaillir. Mais quand ça exploserait, ça détruirait. Ça annihilerait.
Et il ne resterait rien du tout.
Je soupirai doucement et baissai la tête.
Je sentais la magie de mes Huit. Je les savais là, mais tous étaient cachés, camouflés. Aucun ne manquait à l'appel et tous étaient prêts à agir quand il le faudrait. J'aurais aimé que ce ne soit pas le cas, mais je ne pouvais contrôler leur loyauté, je ne pouvais les forcer à m'abandonner s'ils ne le voulaient pas.
La loyauté... n'était-ce pas quelque chose de bien étrange au final ? J'avais cru que cela ne s'appliquait qu'aux loups, qu'aux vampires voir même. Mais non. Mes Huit m'avaient prouvé le contraire à bien des reprises.
Tous là. Toujours. Depuis le début, ne me quittant jamais. Je me demandais ce qui les motivait, ce qui les poussait à agir de la sorte.
Les sorciers n'étaient pas faits pour vivre ensemble, pour vivre en cohésion. Loin de là. Mais nous... nous étions à part au final.
Ce n'était pas moi qui les liais, mais c'était leur loyauté. À chacun d'entre eux. On disait qu'il n'y avait rien de plus puissant. Et je me rendais compte que c'était bien vrai.
Ils étaient ici aujourd'hui parce qu'ils le voulaient.
Et c'est tout ce qui importait.
Un éclair traversa alors le ciel de part en part et quelques secondes après, le tonnerre éclata. La terre sembla trembler sous mes pieds alors que quelque chose m'effleura. C'était comme une caresse. Comme un souffle. Comme un murmure venu de très loin.
Des légers picotements dans la nuque. Comme des petites aiguilles pressées là.
Un long frisson.
Et la puissance.
La puissance du mal et de l'obscurité.
De la peur, de la terreur.
Des hurlements montèrent des entrailles même de la terre. Un souffle.
Un rire.
Le Vengeur.
— Il y a... quelque chose de changé chez toi, petite Maudite.
Sa voix tellement suave. Pleine de promesses. Elle invitait à la damnation éternelle. Elle invitait à l'oubli le plus total. Et il était dur de lutter. Il était dur de s'accrocher à la réalité. Au monde réel.
Sa voix était le poison le plus insidieux possible.
Sa voix était l'Enfer. Lucifer en personne.
Je fermai les yeux et rejetai la tête en arrière.
Entêtant.
Obsédant.
Lutter. Lutter. Lutter.
Il était tellement dur d'aller contre. Il était tellement dur de ne pas se perdre.
— Plus de puissance. Plus de magie. Plus de... ténèbres !
Ma bouche s'ouvrit alors que j'essayai de me rappeler. De me rappeler pourquoi j'étais là. Pourquoi je devais... me battre.
Pour Basile.
Pour Nohlan.
Pour mes Huit.
Et peut-être même pour moi.
— Ah petite Alice... tu es un met de choix, tu le sais, n'est-ce pas ?
Il prit forme devant moi. Pas sa véritable apparence ; une savamment choisie.
Celle d'un bel homme d'une quarantaine d'années avec un sourire facile et un regard brillant de malice.
On avait envie de l'entendre parler, on avait d'être intéressant à ses yeux.
Le Vengeur pencha légèrement la tête, un immense sourire illuminant son visage. Il renifla doucement l'air, à la manière d'un loup. Il ferma les yeux et sembla savourer quelque chose.
— Je sais que tu es là petit Oracle. Montre-toi.
Basile ne se fit pas prier.
Il apparut non loin de moi et marcha jusqu'à nous. Il portait sa tenue de Chasseur et contenait ses Ombres.
Je le sentais. Je le sentais vraiment. Sa main effleura le bas de mon dos et je réussis enfin à reprendre ma respiration.
Il était là.
Il était là.
Et sa main dans mon dos était comme une ancre pour moi.
Il était ma réalité. Et tant qu'il resterait là, je ne perdrais pas pieds. Je le savais. J'avais besoin de lui. Parce que c'était ça la Symbiose.
Même devant l'ennemi, Basile ne se départit pas de son éducation. Il s'inclina devant le Vengeur et se redressa.
— Il y avait longtemps que je n'avais rencontré un Oracle, Basile De Turenne.
Je ne fus pas surprise que mon Vengeur connaisse le nom de Basile. Ça faisait partie de leur pouvoir. Connaitre le véritable nom des gens.
Personne ne pouvait mentir.
Personne ne pouvait se cacher.
— Tu es puissant. Je le sens. Ton pouvoir coule dans ma Maudite. Ne serait-ce pas la Symbiose ?
Il sourit un peu plus alors que Basile gardait le silence. J'avais envie de me presser contre lui. J'avais envie que tout cela ne soit qu'un cauchemar.
J'aurais aimé que tout prenne fin maintenant. De n'importe quelle façon.
La peur était trop présente.
— Un vieux lien. Il est rare que ça arrive. Encore plus entre un sorcier des Ténèbres et une sorcière de la Lumière.
Improbable. Mais pas impossible. Nous en étions la preuve.
La main de Basile remonta le long de ma colonne vertébrale. Tellement intense. Je ne sentais que ses doigts. Je ne sentais que son toucher.
— Tu n'es pas qu'un Oracle, je me trompe ? Il y a quelque chose d'autre en toi...
— C'est exact, répondit Basile, d'une voix blanche.
Il semblait si calme. Il était le portrait craché de son père en cet instant. Mais à l'intérieur, ça brûlait. Sa haine et sa colère. Je les sentais. Comme si c'était mes propres sentiments.
Le Vengeur renifla une nouvelle fois. Il sembla réfléchir et ses yeux miroitèrent étrangement.
— Un Maître des Ombres. Quel héritage incroyable, Basile De Turenne. Tellement de puissance chez toi. J'en frissonne !
Il rejeta la tête en arrière et éclata de rire. De lui, rien n'émanait. Aucune magie. Aucun pouvoir. Et c'était tellement étrange.
La main de Basile se retrouva dans ma nuque. Il baissa la tête vers moi et pendant un instant, nos regards s'accrochèrent. Avait-il Vu quelque chose concernant le combat qui allait se dérouler ? Avait-il Vu notre fin, ou notre réussite ?
Je n'osais lui demander. Il semblait étrangement serein, étrangement calme même.
— C'est dommage pour toi, Oracle maître des Ombres, mais Symbiose ou pas, je compte récolter le prix d'un pacte passé il y a des siècles.
— Je sais.
— Ah oui ?
Le Vengeur pencha de nouveau la tête, fixant Basile de ses yeux qui changeaient progressivement.
— Et tu sais quel est ce prix, petit Oracle ?
Il y avait une froideur dans sa voix. Comme si elle venait du plus profond des Enfers.
— Alice, répondit Basile.
Le Vengeur posa son regard sur moi et fronça les sourcils. Était-il en train de comprendre ce qui se passait ? Ce qui allait se passer ?
— Personne ne peut se mettre sur le chemin d'un Vengeur venant récolter le prix. Et encore moins quand ce prix est aussi puissant que ma chère Alice.
Je sentis quelque chose ramper sur mon corps. Grignoter ce qui restait des scellés. Je retins un gémissement de douleur et je chancelai.
Il était fort.
Il était très fort.
— Et personne ne fera de mal à ma femme, rétorqua Basile.
Sa femme.
Mon souffle se bloqua dans ma gorge et ma magie monta, repoussa l'emprise de ténèbres du Vengeur.
Ce dernier étrécit les yeux et inspira longuement :
— Tu n'as pas choisi le bon ennemi, petit Oracle. Je repartirai d'ici avec Alice. Et avec ton sang sur mes mains.
— Viens donc.
Les Ombres de Basile jaillirent de derrière lui. Une masse compacte. Une masse d'horreur. Elles m'effleurèrent, me caressèrent, comme celles de Liam le faisaient avec Marina. Sensation étrange. Sensation de pouvoir brute.
Le bras de Basile s'emparant de ma hanche. Il se pencha sur moi, oubliant le Vengeur, oubliant ce qui allait se passer.
C'était comme s'il ne voyait plus que moi. Comme si j'étais la seule chose qui comptait.
— Ne te retiens pas, Alice. Si tu te perds, je te retrouverais. D'accord ?
Sa bouche sur la mienne. Ses lèvres contre les miennes.
Un baiser si doux. Si tendre. Si fort.
Sa main caressa ma joue :
— Je t'aime, souffla-t-il.
Je savais que ça lui coûtait. Que ça lui coûtait de me laisser me battre contre mon Vengeur. Qu'il avait peur. Mais il n'y avait que moi qui pouvais le faire. Je ne voulais pas qu'il se retrouve maudit après. Je ne voulais pas qu'il soit hanté.
Alors, je devais le faire.
Et j'allais le faire.
Basile disparut et avant que le Vengeur ne comprenne ce qui se passait, j'attaquai. Des pics de glace se formèrent et il ne les esquiva pas.
Ils déchirèrent son corps et du sang coula le long de son menton.
— Essaierais-tu d'aller contre le pacte, Alice ? demanda sa voix d'outre-tombe, sa vraie voix. Sais-tu ce que tu encours à agir de la sorte ?
— Je suis déjà Maudite, répondis-je. Je suis déjà hantée par la puissance de Nyadri Valaa'r.
— Souviens-toi de ce qui est arrivé à ta meute. Souviens-toi ce qu'il en coûte que de ne pas respecter un pacte.
Je me souvenais.
Je n'oubliais pas. Même si je n'avais jamais su pourquoi c'était arrivé. Pourquoi la Vengeresse était venue.
Les hurlements des loups.
Les hurlements de bêtes en train de mourir. Le cri des enfants.
Le sang.
Et la colère d'une Vengeresse.
Nyadri était venue. Et elle avait tué tout le monde.
L'Alpha et sa compagne. Leur fille aussi.
Les hauts gradés.
Puis les autres loups.
Tout le monde.
Tellement de sang, tellement de morts. Et même les plus jeunes. Des cadavres d'enfants. Partout des petits corps, partout une odeur de mort. Une odeur de souffrance et d'horreur.
Le corps d'Enora.
Et le cœur arraché d'Ulysse sous mes yeux.
Tout était là. Tellement vivace dans mon esprit. Je n'avais pas oublié. Nohlan n'avait pas oublié.
Et j'avais été maudite. J'étais devenue une Maudite.
Et sous mes yeux, le cadavre d'Ulysse. Plus de sourires. Plus de baisers. Plus rien.
Mort.
Mort.
Mort.
Je n'oubliai pas. Ne pourrais jamais oublier.
J'avais tué Nyadri. Et je m'étais perdue. Et si Nohlan n'avait pas été là, jamais je ne serais redevenue moi-même.
— Tu es sûr de toi, petite Alice ?
Un écho bien plus vieux monta.
— Es-tu sûre de toi, petite Maudite ? Es-tu sûre du contrat que tu veux passer avec moi ?
J'ignorai comment ça se finirait.
J'ignorai si je m'en sortirais vivante, mais je devais essayer. Pour un futur avec Basile. Pour ne plus jamais avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je voulais vivre. Vivre pour Basile. Vivre avec lui.
Alors, il n'y avait qu'une seule solution pour cela.
— Oui, dis-je. Mettons fin à tout ceci.
— Qu'il en soit ainsi, alors.
Son apparence changea progressivement et bientôt, il fut recouvert d'une longue cape, camouflant son corps, masquant son visage. Mon pouvoir se rétracta et je sentis le sien monter.
Il était puissant.
C'était un maître des éléments.
La Terre.
L'eau.
L'air.
Le feu.
Il les maîtrisait chacun à la perfection.
— Si je ne peux t'avoir, personne ne t'aura, ma Maudite. Ce qu'il y a en toi et à moi.
Quelque chose sur mon corps. Sous ma peau. Ses yeux brillèrent soudain.
Il appelait le Mal en moi.
Il appelait la noirceur dans mon cœur.
Il m'appelait moi, sa Maudite.
— Soyons au moins à armes égales, tu veux ?
Je sentis les scellés sauter les uns après les autres. Je sentis mon corps être écartelé. Non. C'était trop tôt. Je ne pouvais pas perdre le contrôle tout de suite. Non !
Il y eut une déflagration et je sentis la magie de Nazir en action. Elle déstabilisa le Vengeur qui cessa de tirer sur mon sombre pouvoir.
Il fallait que j'agisse maintenant. Il ne fallait pas que je lui laisse le temps de faire quoi que ce soit. Je bougeai et l'attaquai de front alors que Nazir m'épaulait.
Acculer le Vengeur. Il fallait lui prendre le plus d'énergie possible. Pour qu'à la fin, il ne soit plus capable de me contrer.
L'épuiser.
Le tonnerre explosa et un éclair tapa au sol, le faisant trembler. J'évitai un jet de flamme et fit monter une barrière de glace avant de faire appel aux autres éléments.
Moi aussi je le pouvais.
Mon élément à moi restait la glace, mais les autres faisaient aussi partie de ce que j'étais. Je tournai sur moi-même et des pics de givre tombèrent du ciel alors que la neige tombait soudain avec plus de force.
Le Vengeur sauta et les esquiva toutes de justesse. La terre trembla et il essaya de m'atteindre avec cet élément. Une main jaillit du sol et attrapa alors ma cheville. La douleur monta et mon cri explosa en même temps que cette main de terre se craquelait. Le Vengeur fut juste à côté de moi et son bras se tendit. Mais Basile apparut à cet instant et para le coup à ma place. Il attrapa une lame et la planta dans le bras du Vengeur qui ne tressaillit même pas. Du sang coula au sol. Quelques gouttes.
— Tu viens donc jouer un peu, petit Oracle ?
— Fais attention au sang, hurlai-je à Basile, alors que les gouttes devenaient de fines aiguilles qui visèrent sa gorge.
L'une d'elle lui entailla la joue et il grogna avant de foncer dans le tas. L'entraînement de Liam se ressentait. Il bougeait vite.
Il bougeait comme un Chasseur.
Je me concentrai un instant sur le ciel. Sur la neige qui tombait et soudain, je sentis la puissance de mes Huit converger vers moi.
Le vent se leva, dur, mauvais, cinglant. Et une tornade se forma, juste devant moi. Je levai une main et l'effleurais alors que les grognements de Basile me parvenaient. Je soufflai sur la tornade et il y eut un léger bruit de craquelure. Elle se dirigea alors en direction du lac, comme douée d'une conscience, d'une vie propre.
L'eau à la surface fut comme aspirée et bientôt, la tornade grandit et gela. Elle devint une immense stalagmite de glace géante. Et le reste du lac gela.
Le corps de Basile fut alors envoyé valdinguer dans les airs, mais il réussit à retomber au sol souplement.
Je m'agenouillai et posai la paume de ma main sur la légère couche de glace. Une vibration en partit et l'eau en dessus trembla.
— N'essaye pas de faire des petits tours de passe-passe, ma Maudite. Ta magie de Lumière ne peut rien contre moi.
Il fondit sur moi, mais ma glace le stoppa net. Je profitai de ce cours instant pour faire jaillir une boule lumineuse dans ma main et la presser contre son torse. Elle disparut à l'intérieur de lui et je sentis quelque chose brûler mon dos. Je tombai à genoux en hurlant et le noir se fit l'espace de quelques secondes.
Le Vengeur étouffa un juron quand ma lumière le brûla de l'intérieur. Au loin, je perçus le bruit de la glace qui se craquèle, qui se fissure.
La souffrance pulsait dans mon dos et je sentis les Ombres de Basile remuer autour de moi. Il fallait que je les contiennent jusqu'à la fin.
Jusqu'à ce que le dernier coup soit porté.
Et ce dernier n'allait pas tarder à arriver. Je roulai sur le dos, faisant fi de la douleur et me redressait alors que des statues de glace de la taille d'enfants couraient sur le Vengeur. Il brisa les premières et puis fut acculer par le nombre. Des colonnes de glace sortirent du sol, tout autour de lui et ma magie forma un dôme, une cage.
Je le tenais.
Son regard croisa alors le mien.
Et mon esprit vola en éclat alors que les scellés explosaient littéralement. Ma lumière fut soudain submergée par la noirceur et un horrible hurlement jaillit de mes lèvres alors que mon corps se tordait et qu'il fut soulevé du sol sous le choc, sous toute cette... puissance.
Je sentis mon tatouage de Maudite s'étendre soudain, grimpant sur mes seins, courant sur mon cou et recouvrant mon visage.
Il y avait quelque chose... quelque chose à l'intérieur de moi qui me grignotais. Qui me dévorait.
— Alice !
Nazir apparut. Sa main chercha à me toucher, mais la magie qui explosa l'envoya loin de moi.
Et le souvenir monta. Avec la peur.
C'était comme la dernière fois.
Comme avec Nyadri.
Comme quand ma nature de Changeuse s'était confondue avec cette noirceur nouvellement mise en moi. J'étais en train de Changer. En une chose que je ne voulais pas être. En une chose qu'il ne fallait pas que je sois.
Non.
Non.
Non !
J'entendis la voix de Basile. Son cri. Son appel.
Je crus voir les autres de mes Huit entourer mes piliers de glace et retenir le Vengeur.
Il ne fallait pas... il ne fallait pas qu'ils se montrent... C'était... trop... trop... dangereux...
La puissance contenue en moi depuis des siècles explosa.
Celle de Nyadri.
La mienne.
Et mon corps Changea, reprenant la même apparence que la dernière fois. Je devenais celle que je devais être. La Maudite que j'étais.
Non, la Vengeresse que j'étais.
J'oubliai qui j'étais.
J'oubliai mes Huit et l'Éthérée.
J'oubliai Nohlan et la meute.
J'oubliai Basile.
Puissance. Puissance. Puissance.
Boom. Boom. Boom.
Trop de magie d'un seul coup. Des morceaux de peaux se détachèrent de mon corps, mais je ne sentais plus la douleur. Je ne sentais plus rien.
J'oubliai qui était Alice.
Mes yeux se posèrent sur le Vengeur qui s'était complètement figé.
Et je me retrouvai juste devant lui. Il se redressa alors que la barrière de magie de mes Huit volait en éclat. Ils tombèrent tous à genoux. Incapables de bouger, incapable de respirer soudain.
Quelque chose m'enveloppait.
De la glace et des Ombres.
Une carapace. Non, c'était presque fluide, comme un voile. C'était incroyable.
— Tu es magnifique, Vengeresse, souffla le Vengeur.
Il tendit une main, mais cette dernière gela complètement. Ma puissance ondulait en même temps que le voile autour de moi.
J'inspirai et aspirai l'essence du sorcier des Ténèbres devant moi. Sa capuche glissa, me révélant son apparence abjecte.
En moi, quelque chose vibra. C'était chaud, doux. Un lien.
B... b... ba... si... le...
— Alice !
Je levai une main et le Vengeur gela complètement, la bouche ouverte, les yeux écarquillés.
Il devint glace. Et il explosa alors que sa puissance, son essence, coulait dans ma bouche. Je rejetai la tête en arrière et senti qu'il y en avait trop.
En moi. Il y avait trop de puissance.
Il y avait trop de ténèbres et de souffrance.
Mes os craquèrent alors que du sang coulait le long de mes bras.
Des images dans mon esprit.
Elle tournoyait. Elle se confondait.
La meute. Aaron. Nohlan. Reygon et Ulysse.
Enora.
Le sang et les morts.
Les appels de Nohlan, me demandant de revenir.
Ses larmes.
Et la douleur, la douleur, la douleur !
Je hurlai alors que quelque chose enserrait mon cœur, alors que les Ombres de Basile m'entouraient, m'étouffant.
Me reconnaissaient-elles ?
Qui... qui étais-je ?
Quelque chose me tira alors en arrière et la glace sous mes pieds se fissura. Et je fus engloutie par une masse d'eau.
Du bleu et l'obscurité.
L'eau du lac se déversa dans mes poumons alors que la surface gelait de nouveau. Mon pouvoir se retournait contre moi.
Je tendis une main, mais j'étais emportée.
Je me noyais. Et la douleur explosa, irradiant dans tout mon corps alors que ma vue se floutait.
Il n'y avait plus que ma main.
Tendue.
Basile...
Et l'obscurité teintée de bleu m'engloutit totalement alors que dans ma tête, il y avait l'écho d'un appel.
Le mien ?
B... a... s... i... l... e...
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