30. Basile

Jezabel marchait devant moi. Je crois que nous étions quelque part dans le sud du Canada. Vers les montagnes. Je ne savais pas trop. J'avais juste suivi la sorcière d'Alice. Enfin l'une des Sorcières si j'avais bien tout retenu.

Il y avait Jezabel, la plus puissante et celle que Nazir nommait comme la Seconde. Il y avait Kassandra, qui était aussi avec nous. Je crois qu'elle venait en cinquième position. Et il y avait la petite dernière de la liste, la Huitième, Brianna. C'était la plus jeune de tous les sorciers que j'avais pu rencontrer, mais elle n'était pas faible pour autant.

En plus de Jezabel et Kassandra, il y avait Balthazar avec nous qui avait tenu à nous accompagner. Je ne le voyais qu'avec des ailes de papillon depuis des mois, alors il m'était difficile de ne pas être déçu en ne voyant aucune aile dans son dos alors que je marchais derrière lui. Jezabel était en première ligne, Kassandra la suivait, Balthazar et enfin moi. Nous suivions un chemin de montagne et étions tous équipés de raquettes. Ce qui était drôle. Jezabel m'avait dit qu'on ne pouvait atteindre la sorcière qu'en marchant.

Enfin, la sorcière.

À vrai dire, celle que nous allions voir s'appelait Adélaide. Et ce n'était pas n'importe qu'elle sorcière, c'est une Vengeresse. J'en avais des frissons rien que d'y penser. Aller de soi même voir une Vengeresse... c'était encore pire que de se tirer une balle dans le pied. J'évitais de penser à Alice, sinon ça m'amenait forcément à éprouver de la colère et une sorte de regret. Un regret qui commençait à grandir.

Pourquoi m'avoir mentit ?

Pourquoi l'avait en me regardant dans les yeux comme si j'étais un pion parmi tant d'autres ?

Comme si j'étais quelqu'un à abandonner si facilement !

Je secouai la tête. Je vis Balthazar grommeler quelque chose à cause de ses raquettes. Jezabel avança devant nous avec rythme et nous devions la suivre pour ne pas nous perdre. Kassandra, peu habituée à ce mode de déplacement, trébucha et sa raquette sauta de son pied. Elle atterrit les mains dans la neige, les bras enfoncés dans presque trente centimètres de neige.

_ On a encore beaucoup de chemin ? remarquai-je en aidant Kassandra à se remettre sur ses pieds alors que Balthazar récupérait la raquette.

_ Je déteste toute cette neige, grogna Kassandra en s'accrochant à mes bras.

Balthazar lui remit sa raquette et se redressa. Il regarda Jezabel. Elle avait levé une main devant elle, et tenait son gant de l'autre. Elle souffla doucement et la buée de son souffle glissa sur une surface lisse. Je plissai un instant les yeux.

_ Elle est vraiment puissante, souffla Kassandra.

_ C'est une très vieille amie, fit Jezabel, et une Vengeresse, respectez-la comme si elle était votre pire cauchemar.

Les deux sorciers à mes côtés hochèrent la tête, je les imitai rapidement. Cette femme ne pouvait pas être un démon si elle allait aider Alice. N'est-ce pas ?

Jezabel appuya sa main sur le champ de protection et passa au travers. Elle disparut à notre vue. Kassandra la suivit et posa sa main sur le champ de protection. Il y eut une petite étincelle et elle disparut aussi derrière la barrière.

_ Après toi, sourit Balthazar.

Je fronçai les sourcils, mais m'approchai de la barrière. Je retirai mon gant et soufflai sur ma main. Je posai ma paume contre le champ de protection. De petites ombres glissèrent sur mes bras. Quelques secondes après, alors que je retenais mon souffle, ma main ne rencontra plus aucune résistance et je passai naturellement le champ de protection. Je clignai des yeux face au nouveau paysage. Alors que quelques minutes plus tôt, il y avait une immense montagne devant nous, à présent, il y avait une maison à flanc de falaise. Tout en bois et niché sous une faille de la montagne. Sur la terrasse qui entourait la maison, j'aperçus un homme. Son énergie chaude et vibrante était caractéristique d'un loup. Je ne vis pas bien son visage, mais il entra à l'intérieur.

Je baissai mes yeux sur Jezabel qui embrassait une femme. Pardon, qui la saluait. Alors que la sorcière d'Alice se redressait, je découvris celle qui était notre seul espoir pour sauver celle qui était mienne à présent.

Adélaïde portait une robe noire ancienne. Et si son visage était caché par une dentelle noire, je pouvais quand distinguer les marques de maudite qu'elle portait au visage. Ces anciennes marques étaient visiblement toujours présentes. Cela voulait dire qu'Alice allait porter son tatouage toute sa vie ? Après tout, une maudite ne pouvait d'un coup se transformer en humaine normale. Alice allait devenir une Vengeresse. En avance et malgré elle, mais elle allait en devenir une. Je repris mon souffle et m'avançai vers Jezabel.

Adélaïde exhalait la puissance à des kilomètres. C'en était impressionnant, même pour moi qui avais senti beaucoup de pouvoir, qui avait rencontré beaucoup de sorciers hors normes. Elle tourna son regard vers moi et m'observa attentivement.

_ Qui es-tu sorcier ? souffla sa voix chantante.

Je fermai les yeux un instant, subjugué par son pouvoir. Je n'arrivais pas à en croire mes yeux. Une réelle Vengeresse devant moi. Et qui ne voulait pas m'extorquer quelque chose ou me maudire à jamais.

_ Basile Hansen, me présentai-je en m'inclinant.

Elle leva une main gantée d'une dentelle noire, là encore je vis les tatouages, et elle me fit signe d'approcher. Je suivis l'ordre et me tins à quelques centimètres d'elle. Elle sourit et hocha doucement la tête. Je me penchai doucement sur elle et plongeai littéralement dans son aura de pouvoir. Je frôlai à peine ses lèvres et laissai mon pouvoir glisser en elle. Le sien roula en moi, chercha des indices et se rétracta, presque vivant sans l'intervention d'Adélaïde.

_ Il est celui qu'Alice a choisi, murmura Jezabel.

Je fronçai les sourcils et pivotai vers elle.

_ Je l'ai choisie, mais je ne pourrais jurer qu'elle ait fait la même chose avec moi, remarquai-je d'une petite voix.

_ Rassure-toi, Basile, souffla Balthazar en souriant, elle t'a choisie. Et elle le referait.

Kassandra eut un léger sourire et hocha la tête. Je me retins de tout commentaire. Tant que je n'aurais pas eu une conversation sérieuse avec Alice, je ne changerai pas mon humeur. Elle m'avait menti. Elle allait m'entendre. D'ailleurs, m'avait-elle attendue la nuit dernière ? Je n'en savais rien. Ne voulait pas vraiment le savoir. Nazir m'avait expliqué le plan qu'il voulait mettre en place et c'est tout ce qui comptait. Par ailleurs, il m'avait dit que pour les deux prochains jours, Alice serait plongée dans un état de méditation qui la couperait du monde. Donc, elle n'y penserait pas.

Je pris une longue inspiration et pivotai de nouveau vers Adélaïde.

_ Merci de nous accueillir et de nous écouter, soufflai-je.

_ Je compte vous aider, Basile, murmura sa voix chantante. Ne t'inquiète pas de ça.

Je ne réussis pas à sourire. Je n'avais confiance en rien.

_ Quand tu sortiras de ma bulle, reprit Adélaïde, il se peut que le Destin d'Alice ne soit pas le même que quand tu es entré. Tu viens de me rencontrer. Tout va changer maintenant...

Je retins mon souffle.

Oui, cette femme allait nous aider.

L'espoir revint un peu et semblait faire disparaître ma colère pendant quelques secondes.

Quelques minutes plus tard, nous étions en train de monter les marches qui nous menaient à la maison. Adélaïde nous ouvrit la porte de chez elle. Nous entrâmes dans un chalet chaleureux et très ouvert sur l'extérieur. Il y avait une douce chaleur dans ce foyer qui était vivifiante. Et qui donnait envie de se lover dans le canapé qui semblait extrêmement confortable. L'ambiance me rappela un peu la France et le village.

L'homme que j'avais aperçu d'en bas s'avança vers nous. Il avait un visage tout aussi accueillant que son foyer. Il nous tendit sa main chacun à notre tour, se présentant sous le nom d'Alan. Il fit la bise à Jezabel, preuve qu'il la connaissait. C'était un loup. Et il n'avait pas de meute autour de lui. Si je cherchai bien, je ne verrais qu'un seul lien sur lui. Et sans aucun doute, il le reliait à cette Vengeresse. Il me serra la main, un éclat de malice dans les yeux.

Tout de suite, la Vision grimpa. Mais ce ne fut pas une vraie vision, simplement un flash, comme quand j'étais enfant. Le visage de Nohlan glissa dans mes pensées, mais il paraissait plus jeune. Moins marqué par le temps, même si les loups vivaient plus longtemps que les autres.

Alan recula et se plaça aux côtés d'Adélaïde. Alors que cette dernière ne nous avait pas touchés, elle passa son bras autour de la taille de l'homme en souriant doucement. Ils formaient un couple bien étrange.

_ Tu es Basile, souffla Alan.

Je souris et m'inclinai légèrement.

_ J'espère que vous réussirez à sauver Alice, murmura-t-il avec une émotion que je ne réussis pas déterminer sur le coup. Elle mérite d'avoir une belle vie.

Adélaïde le regarda un instant et hocha la tête. Elle lui murmura quelque chose et il acquiesça, disparaissant dans une autre pièce. Sûrement la cuisine.

_ Je vous en prie, asseyez-vous, nous proposa Adélaïde.

J'obéis prestement, me rappelant les paroles de Jezabel. Balthazar se moqua un peu de moi. Je me retrouvai entre Balthy et Kassandra sur le canapé, qui était vraiment confortable. Il n'y avait pas de télé dans le salon. D'ailleurs, je doutais qu'il y ait une connexion particulière ici.

_ J'aurais dû l'en empêcher, Adèle, soufflait une voix. J'aurais dû...

_ Il n'y avait rien que tu ne puisses faire, Reygon, murmura-t-elle. C'était son destin.

Je clignai des yeux et regardai autour de moi. J'étais en train de recevoir à compte-goutte les informations sur une personne. Reygon ? Qui était Reygon ? Je secouai la tête. Ce n'était que des voix.

_ Adèle ? fit Alan. Tu veux que j'amène tout ?

_ Oui oui, vas-y, sourit-elle.

Elle était incroyablement gentille pour une Vengeresse. Peut-être était-ce pour ça qu'elle vivait si recluse par rapport à la civilisation.

Adèle ?

_ Je suis bloqué ici ! criait-il. Je suis bloqué et je dois les regarder mourir ! Je les ai vus mourir ! Tous ! Mon père ! Ma mère ! Mon frère ! Ma sœur !

_ Je suis désolée, murmura-t-elle. Je suis tellement désolée...

Je me pinçai l'arête du nez. Ces voix étaient étranges. J'avais des images d'habitude. Mais là, j'étais bloqué par quelque chose. Je secouai doucement la tête. Alan revint avec un plateau rempli de petits plats.

_ Ne me quitte pas, murmurait-il. Jamais.

_ Jamais, souffla-t-elle.

Je souris à Alan. Il proposa plusieurs boissons à chacun. J'avais l'impression d'être dans un autre monde. Une vengeresse nous invitait à manger chez elle.

_ Merci de nous recevoir, Adélaïde, reprit Jezabel.

_ C'était convenu comme ça, sourit la Vengeresse.

_ Pourquoi sommes-nous ici ? soufflai-je. J'ai l'impression que vous savez déjà pourquoi nous sommes là. Alors...

_ Ne sois pas si hâtif, Basile, souffle Jezabel.

_ Alice ne pourra pas tuer ce Vengeur seul, murmura Adélaïde.

Alan s'assit à ses côtés sur l'accoudoir et posa une main sur son épaule. Il déglutit. Je vis son visage se crisper alors qu'elle frôlait sa cuisse de ses doigts, le détendant sûrement. Le réconfortant. LE toucher était important chez les loups.

_ Il va lui falloir de l'aide, ajouta la Vengeresse.

_ J'ai... j'ai entendu dire que lorsqu'on tuait un Vengeur... son âme vous poursuivait. Ou en tout cas, ce qui pouvait en rester, soufflai-je.

Adélaïde hocha la tête.

_ Cela concerne tout le monde, hormis le maudit ou la maudite du Vengeur en question, avoua-t-elle. Peu de personnes le savent. Mais c'est ainsi que cela fonctionne. Avant, les Vengeurs n'avaient qu'un seul apprenti. Et celui-ci devenait Vengeur en tuant son Maître.

_ L'élève qui surpasse le maître, souffla Kassandra.

_ C'est un peu ça, admit La Vengeresse.

Elle nous révélait des secrets de son peuple. Était-ce une bonne idée ? Avait-elle le droit de le faire ? Je n'en savais rien. N'étais pas sur de vouloir savoir. Je voulais juste une solution.

_ Je... Mon pouvoir se combine à celui d'Alice, soufflai-je. Est-ce que cela serait suffisant pour atteindre le Vengeur ? murmurai-je, sentant ma gorge se serrer.

Alan pencha doucement la tête, un léger sourire flottant sur ses lèvres. Pourquoi ? Il était naturel que je veuille sauver Alice. Je... je tenais à elle. Même avec son mensonge, elle arrivait à me manquer atrocement. Je frottai ma nuque, essayant de me détendre. Kassandra posa une main sur mon épaule et la pressa doucement avant de la retirer. Je lui souris doucement. Tous les sorciers d'Alice avaient l'air de m'apprécier sans me connaître vraiment. Ils avaient tous une foi illimitée envers elle. C'était beau à voir.

_ Quel est ton pouvoir ? souffla Alan.

Je levai mon regard vers lui. Une de mes Ombres grimpa sur son épaule, passant dans son dos et glissant contre sa nuque. Elle revint vers moi, se lova autour de mon cou et disparut doucement.

_ Tu es un Chasseur, remarqua Adélaïde.

_ En plus d'être un Oracle, fit Kassandra.

Alan fronça doucement les sourcils.

Des pleurs me parvenaient.

_ Reygon, souffla-t-elle. Reygon je t'en prie il faut qu'on parte... il le faut...

_ Elle l'a fait, murmurait-il. Elle l'a fait... même Aaron. Même Ulysse. Tous...

_ Nous devons partir, suppliait-elle. Ils sont vivants. Ton père et ta sœur sont vivants, Reygon.

Des gémissements de douleur.

_ Tu dois me croire, ajouta-t-elle.

_ Partir ? souffla-t-il. Où ?

_ C'est le seul moyen de les protéger, murmura-t-elle. Je t'en prie... partons.

Je clignai des yeux encore une fois. Ces voix... Ces voix ressemblaient étrangement à celle d'Adélaïde et d'Alan, mais je devais sûrement me tromper. Un effet d'écho. Je regardai toujours Alan d'ailleurs.

_ Si tu tiens à elle, Basile, reprit Adélaïde. Il va falloir que tu te lies à elle, avant de tuer le Vengeur. Le lien que vous aurez... pourra d'une façon ou d'une autre lui donner accès à tes pouvoirs.

_ Nous ne sommes pas des loups, murmurai-je.

_ Si tu l'aides, si tu interviens, alors la malédiction ira sur toi, remarqua Alan. Tu ne peux pas te permettre ça...

Je hochai la tête.

_ Alice doit elle-même tuer le Vengeur. Cette partie me semble claire, repris-je. Mais comment... un quelconque lien entre nous peut se faire ?

Alan pencha doucement la tête sur le côté.

_ Tu ne le sens donc pas ? souffla Adélaïde.

Jezabel me regarda, plissa ses yeux.

_ Il y a quelque chose, murmura-t-elle. Mais je ne saurais dire à qui ce lien est relié. Il est encore jeune...

_ Deux sorciers qui se complètent, fit Adélaïde. Ça ne se voit pas tous les jours.

_ La Symbiose serait-elle possible ? souffla Balthazar.

_ Je pense même que tu l'as sous les yeux, Balthazar, répondit Adélaïde.

_ La Symbiose ? murmurai-je.

Je n'avais jamais entendu parler de ça. Peut-être étais-je trop jeune...

_ Lorsque deux puissants sorciers se lient, souffla Kassandra, la Symbiose est ce qui leur permet d'être l'un ou d'être l'autre. C'est un phénomène rare qui ne s'exprime que chez les puissants sorciers qui s'aiment et qui... ont une connexion. Même infime. C'est une manière de se défendre.

_ Les Anciens, souffla Adélaïde, ont pu cacher ça longtemps. D'ailleurs, ils l'ont fait. Car ils contrôlaient généralement les puissants sorciers en question. À présent, certains se rencontrent et développent ce qu'on appelle la Symbiose.

_ Je suis censé quitter Alice, soupirai-je. Comment faire les deux ?

_ Pardon ? gronda la voix d'Alan.

Tous les regards pivotèrent vers le loup.

_ Cela fait partie du plan de Nazir, remarqua Jezabel. On a besoin que Basile quitte Alice. Nohlan ainsi pensera qu'elle est partie se réfugier quelque part pour quelque temps.

_ Ne croyez-vous pas qu'elle avait l'idée de rompre tous ses liens de toute façon ? souffla Adélaïde.

Jezabel hocha la tête.

_ C'est pour ça que nous devons faire vite. Entre le moment où Basile lui annoncera qu'il la quitte. Elle devra passer par Nohlan, avant de partir définitivement. À ce moment-là, elle voudra rompre ses liens. Ce que nous empêcherons.

_ Nous l'emmènerons dans un endroit secret, qui la coupera du reste du monde. Cela mettra ses liens... en sommeil.

_ Nous devons occuper Nohlan pendant quelques jours, remarqua Jezabel. C'est le seul moyen qui nous a permis de gagner du temps.

_ C'est vicieux, remarqua Alan en fronçant ses sourcils.

Adélaïde leva son regard sur lui. Ils échangèrent sûrement quelques mots en silence, car Alan s'excusa un instant. La Vengeresse se racla la gorge et tourna son regard sur moi.

_ Il faut que tu saches qu'Alice va se transformer en Vengeresse, Basile, remarqua Adélaïde. Je ne peux arrêter ça. Cependant, je peux l'aider dans sa transition. Je peux l'aider à être une Vengeresse, tout comme je le suis.

_ Une gentille ? tentai-je.

Balthazar me donna un coup de coude quand Jezabel me fusilla du regard.

_ Je ne sais si je peux me qualifier de gentille, rétorqua la Vengeresse avec un léger sourire. Je passe quand même des pactes avec des personnes. Sans en demander un grand prix, mais c'est toujours en moi. Et Alice ressentira ce besoin. Cependant, j'ai trouvé une alternative pour désamorcer ce besoin. Je lui apprendrai.

_ En quoi cela consiste ? remarquai-je. Si ce n'est pas déplacé.

_ Je libère une grande partie de magie qui sommeille en moi, attendant un pacte. Je la libère et cela me soulage d'un poids.

_ Combien de temps ? murmurai-je.

_ Un peu plus de vingt ans entre chaque libération, remarqua Adélaïde.

Je hochai la tête. C'était faisable.

Tout ce plan tenait debout et c'est cela qui me faisait peur.

Quelque chose allait forcément planter.

_ Comment puis-je créer un lien entre nous alors que je dois la quitter ? murmurai-je. L'endroit où nous la retiendrons l'empêchera d'avoir ce genre de lien.

_ Le Vengeur ne restera pas sans rien faire, remarqua Adélaïde. Je serais là pour vous aider.

Pourquoi se mettrait-elle en danger pour Alice ? Elle ne la connaissait même pas... Enfin, de ce que je pouvais en croire. N'est-ce pas ? Je secouai la tête.

J'étais trop perturbé par tout ça.

Tout s'était enchaîné sans que je puisse vraiment réfléchir à tout ça. Je demanderais à Jezabel de me répéter le plan dans le bon sens après. Me lier à Alice... pour toujours ? Non. Les sorciers... nous n'étions pas du genre à nous lier pour toujours. Mais si la Symbiose entrait en jeu, qu'est-ce que cela amenait ?

_ Il va la chercher. Il va attaquer et frapper fort. Surtout s'il sait que tu es lié à Alice d'une quelconque façon, Basile, continua Adélaïde. Il ne connaît pas les visages des Sorciers de l'Éthérée. C'est un avantage. Que vous ne devez absolument pas perdre. Je protégerai Nohlan.

_ Tu ferais ça ? soufflai-je.

Elle me regarda longuement et hocha la tête. Ses tatouages étaient étranges, surtout à travers la dentelle. J'aurais qu'elle les retire. Qu'elle me montre la malédiction qu'elle portait. Les tatouages semblaient être de très vieilles écritures.

_ Évidemment, répondit-elle de suite. Nohlan est l'Alpha de l'Éthérée. Il est trop important pour qu'on le perde. Le Vengeur n'atteindra pas Nohlan. Cependant, du moment qu'il comprendra que c'est ma magie qui le tient éloigné, il me cherchera.

_ Tu ne peux te cacher à sa vue ? souffla Jezabel.

_ Non, répondit Adélaïde, catégorique. Ce serait utiliser de l'énergie pour rien. Je suis puissante, mais je reste une personne avec des limites. Il me poussera dans mes retranchements. Tant qu'Alice n'est pas prête, il est inutile de la jeter entre ses pattes. Elle devra être mise au courant rapidement, votre lien devra être établi (elle me regarda) et vous devrez tuer le Vengeur. Vous aurez un laps de temps de trois jours maximum avant qu'il ne se doute que vous l'avez caché à sa vue. Après ça, il attaquera. Il la cherchera. Il vous cherchera tous.

_ Tu connais son Vengeur ? soufflai-je.

Adélaïde soupira et finit par hocher la tête.

_ Il n'est pas le pire, admit-elle avec une réticence visible, mais il reste un cauchemar. Et il est doué dans ce qu'il fait. Ne le sous-estimez jamais. Un Vengeur cherchant sa Maudite devient pire qu'un chien enragé.

_ Tous les moyens sont bons, soupira Bathazar.

Adélaïde hocha la tête.

_ La fête de l'hiver se passe dans un jour et demi, fit Jezabel.

_ Je vous rejoindrais le matin de cette journée, souffla Adélaïde.

_ Je peux te recontacter si besoin ? s'enquit Jezabel en se penchant doucement vers la Vengeresse.

_ Évidemment, répondit-elle avec chaleur. Alice est aussi importante que Nohlan pour l'Éthérée. C'est mon devoir que de la sauver.

Ah bon ? Et pourquoi ? Elle était bien ici dans sa montagne ! Pourquoi s'acharnait-elle à vouloir nous aider ? Elle avait dû passer quelques années à l'Éthérée, sinon elle n'aurait pas pris autant de risque...

Tout le monde se leva. Je suivis la marche, la tête un peu ailleurs. Alors qu'Alan me tendait sa main, je le regardai. Dès que sa main frôla la mienne, un autre flash me percuta. Mais encore une fois, ce ne fut qu'un flash. Il souriait à un Nohlan plus jeune. Je retins tout commentaire.

Cet homme à qui je serrais la main avait déjà rencontré Nohlan, il y a longtemps de ça.

Alors qui était Reygon dans cette histoire ?

_ J'aurais dû les sauver... J'aurais dû...

Des sanglots déchirants.

Des sanglots de douleur, de souffrance. Si terrible. Si profonde.

_ Nous les sauverons, Reygon, souffla-t-elle. Nous les sauverons.

_ Un plaisir, souffla Alan.

Je lui souriais et le remerciai de nous avoir accueillis chez lui. Le retour à la civilisation fut long et éprouvant. Kassandra ronchonna encore plusieurs minutes alors que nous atteignons enfin le bas de la montagne. Elle se débarrassa de ses raquettes en grommelant et Balthazar l'imita. Jezabel s'approcha de moi et posa une main sur mon épaule.

_ Tout ira bien, Basile, souffla-t-elle. Nous sommes Huit. Neuf avec toi. Dix avec Adélaïde.

_ Elle est très puissante, dis-je en retirant mes raquettes.

_ Elle l'est.

_ C'est une vieille amie à toi ? m'enquis-je. Si ce n'est pas indiscret.

Elle eut un léger sourire.

_ C'est ma sœur, m'avoua Jezabel. Mais tu sais ce que sont les liens entre frères et sœurs au sein des sorciers. Ça va, ça vient. Tu peux rencontrer un cousin à la sortie d'un bar. Tu peux voir ton grand frère au détour d'un chemin. Sans vraiment savoir qui il est.

_ Tu ne savais pas que c'était ta sœur ?

_ Pas au début, acquiesça-t-elle. Mais même en le sachant, elle reste une amie. Plus qu'une sœur. Alors, je me suis permis de lui demander cette faveur.

Par sœur, Jezabel mentionnait simplement le fait qu'Adélaïde et elle avaient un parent en commun. Si c'était la mère, Adélaïde avait dû partir bien après la naissance de Jezabel, et n'avait pas connu sa sœur. Si c'était le père, elles ne s'étaient jamais croisées. Pas même petite. Alors évidemment qu'elle restait plus une amie. Les sorciers étaient parfois un drôle de peuple.

Et on pouvait se découvrir un frère comme ça ! Ou une sœur d'un coup !

_ Rentrons, fit Jezabel. Nazir doit nous attendre.

Je hochai la tête.

Les deux jours suivants passèrent à une allure folle. Nathaniel me demanda pas mal de choses pour consolider les frontières du territoire et me fit un interrogatoire sur plusieurs choses qui pourraient l'aider quant à mes pouvoirs. Il me fit aussi savoir qu'il ne voulait aucun chasseur sur son territoire. Dès qu'il me lâchait, j'allais voir Nazir. Nous parlions du plan. Nous parlions des détails. Tout cela me foutait la frousse, mais j'étais prêt.

Il suffisait seulement qu'Alice le soit.

Ce qui allait être compliqué vu qu'elle était je ne sais où en train de méditer.

Je ne savais pas vraiment si la colère était toujours présente en moi. Je savais que j'étais en colère, mais je devenais plus inquiet.

Et j'allais devoir lui mentir comme un arracheur de dents.

J'allais devoir la blesser.

La blesser si fort qu'elle se dirait qu'elle avait rompu le dernier lien qu'elle avait dans ce monde avant de quitter Nohlan.

Pendant deux jours, je m'étais forcé à me répéter que je devais lui dire.

Je devais lui dire que je l'aimais...

Parce que bon sang c'était ça. Si Nazir était celui qui avait réussi à me faire cracher le morceau, je n'en étais pas pourtant moins conscient.

Oui j'aimais cette femme.

Plus que ma propre vie.

Plus que tout au monde.

Et même si j'avais Nathaniel, même si j'avais la meute...

Je ne pouvais m'empêcher de me dire que je ne serais rien sans Alice.

Qu'elle était celle qui me donnait envie de protéger toutes les personnes que j'aimais.

Elle avant tout.

Personne n'avait le droit de lui faire du mal.

Personne.

Nathaniel mit Cathy sur ses épaules et me regarda, un léger sourire sur les lèvres. Il ne savait rien de ce qui allait se passer : rien du tout.

Et si je mourais pendant cette bataille ? Non. Ce n'était pas possible. Nous avions tout prévu.

Tout.

_ Allons-y, souriais-je faussement.

Nathaniel et Izy s'approchèrent de moi. Quinn couru jusqu'à nous et s'accrocha à moi.

Nous disparûmes.

La Fête de l'Hiver allait commencer.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top