30. Alice
— Alice.
La voix résonna tout autour de moi.
Un écho d'un murmure lointain.
Un écho d'un souvenir du passé.
Je connaissais cette voix. Le timbre n'avait pas changé, mais un souvenir pouvait-il changer ? Il était ancré en vous, puissant et intemporel. Parfois on oubliait, mais on ne pouvait le modifier. Il restait tel qu'il était. Jusqu'à la fin. Jusqu'à ce que les ravages du temps prennent tout, y comprit votre esprit.
Alors, je n'y prêtais pas attention.
La douleur ne partait jamais.
La douleur était toujours là.
Parfois, je me demandais ce que je faisais et pourquoi je le faisais.
Parfois, je me demandais pourquoi j'étais toujours en vie. Et je ne trouvais aucune réponse. Parce qu'il n'y en avait pas. Il n'y avait aucune réponse. Il n'y avait aucune raison.
J'errais. Et l'errance avait quelque chose de terrifiant.
C'était être seul.
C'était être dans les ténèbres, sans espoir de retrouver la lumière. J'avais beau la chercher, j'avais beau essayer de l'effleurer avec mes mains, il n'y avait rien à faire.
Seule.
Triste.
Et il n'y avait que le noir.
Et cette peur. Cette terreur insidieuse qui me prenait tout. Et qui faisait mal. Si mal.
— Alice.
Ne pas écouter.
Ne pas faire attention.
L'impression d'être folle. De ne plus être personne.
J'ignorai ce que je faisais ici. J'ignorais pourquoi j'étais ici. Et ce que je devais faire. Parce qu'il y avait bien quelque chose, n'est-ce pas ? Je n'étais pas là sans raison. Je n'étais pas là sans but. Ou peut-être que si. Peut-être qu'il n'y avait rien. Juste moi qui marchais. Juste moi qui avançais sans vraiment comprendre pourquoi.
Oui.
Arrêter de penser. Arrêter de réfléchir.
Se laisser porter. Et oublier. Tout. Pour qu'il ne reste rien. Vraiment rien.
Une main se referma sur mon bras et ma glace jaillit, dure et inflexible ; si différente de moi. Mon pouvoir était plus destructeur que je ne le serais jamais. Il était plus mauvais, plus puissant que toute ma personne.
Il y eut un juron et un léger rire :
— La classe, petite sœur.
Mon cœur me fit douloureusement mal.
Ça, ce n'était pas un souvenir.
Ce n'était pas un murmure du passé.
Alors... qu'est-ce que c'était ?
Doucement, comme si le temps lui-même était ralenti, je me retournai.
Et je sus que j'étais dans un rêve. Parce que ça ne pouvait être vrai.
Reygon souriait.
Pas le Reygon dans ma tête, pas le Reygon qui m'avait fait faire des bêtises pour s'amuser. Oh non.
Un autre Reygon.
Un homme. Cet homme que j'avais dû quitter. Ce frère que j'avais dû laisser.
Il saignait à la joue et un filet de sang avait coulé.
Il était tellement semblable à... à...
Mon souffle se bloqua dans ma gorge et j'eus l'impression d'avoir le cœur aux bords des lèvres. Sensation douloureuse. Sensation incroyable.
Souvenir ?
Réalité ?
Qu'est-ce que c'était ?
Qu'est-ce que c'était ?!
Je levai la main. J'avais besoin de savoir. De savoir si tout cela était vrai ou si... si j'étais enfin devenue folle.
Mon pouce glissa sur la légère entaille et Reygon ne frissonna pas.
Trop vrai.
Trop réel.
Trop... trop... trop...
Je me retrouvai dans ses bras.
Je me retrouvai dans la chaleur de son loup.
Reygon.
— Je suis content de t'avoir retrouvée, petite sœur.
J'ouvris les yeux.
Les bougies étaient depuis longtemps éteintes et la même obscurité régnait dans la pièce.
Des ténèbres lourdes, opaques.
Et ce silence qui allait forcément de pair avec. C'était tellement oppressant. Ça vous prenait à la gorge.
J'inspirai doucement, reprenant conscience du monde qui m'entourait, reprenant conscience de moi-même.
Je repris pied.
Je me souvenais de qui j'étais et pourquoi j'étais ici, enveloppée par l'obscurité.
Je me rappelais que c'était aujourd'hui.
C'était la Fête de l'Hiver.
C'était ce moment-là que j'avais craint toute ma vie.
Le moment de partir.
Et de quitter Nohlan, sans pouvoir revenir. Ce n'était pas comme la dernière fois.
Reygon ne viendrait pas me chercher.
Parce qu'il était mort.
Depuis des siècles.
Depuis si longtemps que son âme avait dû trouver le repos. Je ne ressentais plus de peine quand je pensais à lui. Juste de l'amour.
Il avait été un frère pour moi. Il avait été beaucoup de chose.
— Je suis content de t'avoir retrouvée, petite sœur.
Je me levai, mes pieds nus sur le sol glacial.
Je ne percevais que ma respiration et les battements de mon cœur.
Rythmés, normaux.
C'était le moment.
Ma magie était partout dans l'Éthérée. Partout dans les surnaturels présents. Je n'étais plus une personne, je n'étais que magie.
Je n'étais que puissance.
Il était temps d'y aller.
Temps pour une dernière danse.
Pour une dernière cérémonie.
Je disparus, laissant l'obscurité derrière moi.
— Rentre avec moi. Ta place est avec nous. Et maman va bientôt accoucher. Il faut que tu sois là, Alice. Viens avec moi.
Il me tenait, comme si lui aussi avait besoin de sentir que j'étais bien là, bien vivante ; là, devant lui.
Sa présence était si douce. Son corps était si chaud.
Je m'étais rarement tenue aussi près de lui. Je m'étais rarement retrouvée dans ses bras.
Reygon avait toujours été Reygon.
Je secouai la tête.
Pour moi, tout cela n'était encore qu'un rêve. La vérité ne pouvait pas être aussi facile après tout.
Un rêve.
Un songe.
Juste ça.
— Je ne peux pas.
Ma voix n'était qu'un souffle.
Je n'avais pas parlé à quelqu'un depuis des mois. Est-ce qu'on pouvait oublier comment faire ? Combien de temps pour cela ?
— Pourquoi ? Bien sûr que tu le peux. Tu es ma sœur. Tu fais partie de la famille. De la meute. Reviens, Alice. Reviens.
Je secouai la tête, les larmes roulant le long de mes joues. Il ne comprenait pas. Il n'avait pas vu la haine et la déception dans les yeux de son père. Il n'avait pas été là. Alors, il ne savait pas. Il ne pouvait pas comprendre.
— Rentre, Reygon. Et ne reviens pas.
Parce qu'il n'y avait rien pour lui ici. Rien du tout. Je resterais ici. Je ne pourrais pas rentrer. C'était ainsi après tout.
La colère brilla dans ses yeux, son loup juste là. Reygon n'avait jamais eu la patience de son père. Il était intrépide, intrépide et courageux.
— Faut-il que ce soit lui qui vienne te chercher pour que tu reviennes ? gronda-t-il.
Je clignai des yeux. Je ne savais pas. Je ne comprenais pas. Il ne viendrait pas. Parce que c'est lui qui m'avait renvoyée.
Je n'étais pas sa chair, je n'étais pas son sang.
Je n'étais rien.
Rien du tout.
Alors, il ne viendrait pas.
— Vas-t-en, dis-je simplement.
Je réapparus devant un grand lac. Les rayons d'un soleil qui avait enfin réussi à percer les nuages faisaient miroiter la surface. C'était incroyable à voir.
Il ne neigeait plus.
Les flocons avaient cessé depuis quelques heures et il ne restait plus que la chaleur de ce soleil d'hiver. Il chauffait un peu, mais ne brûlait pas. Les rayons de ce soleil d'hiver n'atteindraient jamais ceux de ce soleil du désert.
Là-bas, tout était aride, tout n'était que mort.
Mes pieds étaient justes au bord, prêt à toucher l'eau. Ma magie était autour de moi et je sentis des vêtements plus légers, plus fins sur mon dos. Ma robe de cérémonie.
Je percevais beaucoup de monde autour de moi, autour du lac qui n'était pas très grand. Mais je ne relevai pas la tête pour chercher des yeux Nohlan. Pour chercher des yeux Basile. Parce qu'il était là, je le sentais. Il n'était pas temps pour moi de penser à lui, à eux.
Mes Huit étaient là eux aussi.
Tous présents, tous disséminés dans la foule. Leur énergie était là, elle courait dans la terre, elle courait dans la barrière de magie qui enveloppait tout le Michigan.
Je n'avais pas besoin de les voir pour savoir où il se tenait exactement. Ils étaient là ; là où était leur place.
Mais Nazir n'était pas dans la foule. Il était juste derrière moi.
— Nous te protégerons, dit-il.
Et il parlait du temps que durerait la cérémonie.
C'était le moment de l'année où j'étais la plus vulnérable, où tous mes boucliers, toutes mes barrières, étaient mis à bas et où j'étais exposée à n'importe quoi, à n'importe qui.
Il ne me toucha pas et son corps n'effleura pas le mien. Je relevai la tête et observai un instant le ciel. Cette immensité de bleu et de gris.
Si grand. Si beau.
Il n'y avait pas de fin.
Il n'y avait pas de début.
Je fis un pas et le bout de mes pieds fit onduler la surface de l'eau.
Je sentais la meute.
Chaque loup.
Et leur Alpha.
La glace jaillit.
Reygon grogna et tourna la tête.
— Tu vois, je te l'avais dit.
À qui parlait-il ? Je ne sentais personne, je ne voyais personne.
Parce qu'il n'y avait personne. Nous étions tous les deux. Juste tous les deux.
Et pourtant, Reygon n'était pas fou. Il n'aurait pas parlé au vide. Il n'aurait pas parlé dans le vent.
Il y avait quelqu'un.
Qui ?
Qui était là ?
Je paniquai soudain. Je ne voulais pas savoir. Je ne voulais pas voir. Je repoussai Reygon et reculai en secouant la tête. Ma magie m'échappa et tout ce qui se trouvait autour de moi commença à geler. Je n'avais aucune maîtrise de mon pouvoir.
Je paniquai.
Et une ombre bougea.
Trop petite pour être un chien.
Un loup.
Un loup que je connaissais bien. Un loup que j'avais suivi. Un loup qui m'avait sauvé. Un loup qui m'avait aimé.
Mes yeux s'écarquillèrent alors qu'il s'avançait vers moi.
J'étais paralysée. Je ne pouvais plus bouger.
À bout de souffle. Je ne parvenais plus à respirer. Je ne parvenais plus à penser.
Il s'avançait, si gros, si imposant.
Si beau.
Tellement, tellement beau.
Et ses yeux incroyables se rivèrent aux miens.
Il me regardait. Il me fixait. C'était comme si j'étais la seule chose ici. Comme s'il ne voyait réellement que moi.
Il s'arrêta juste devant moi et je ne perçus plus que le bruit de sa respiration. Son souffle. Encore et encore.
Et ses yeux qui étincelaient dans la nuit.
Il était le cauchemar des enfants.
Il était le prédateur.
Il était le monstre aux dents pointues.
Il était mon loup.
Et je n'avais pas peur. Je n'avais jamais eu peur. Jamais.
Parce que je savais comment il était. Je savais à quel point il pouvait aimer.
C'était un loup.
Protecteur.
Mes jambes tremblèrent et je tombai devant lui.
Je n'osai le toucher.
Je n'osai passer mes doigts dans cette fourrure.
Je n'osai respirer.
Peur.
Et les battements de mon cœur.
Boom.
Boom.
Boom.
Et les larmes.
Toute la surface du lac se retrouva gelée.
Et je m'avançai dessus, sans glisser, sans avoir peur.
Chaque pas m'amenait au centre.
Chaque pas m'amenait loin de la berge.
Je sentais les regards sur moi. Je sentais l'exaltation. C'était puissant et incroyable.
Galvaniseur aussi.
Chaque conscience, chaque vie.
Puissance.
Le temps semblait suspendu. Il semblait avoir arrêté sa course juste pour ce moment. Tout était silence.
Un silence magique. Parce que tout le monde attendait.
Je m'arrêtai au centre du lac.
Et pendant plusieurs secondes, je ne bougeai plus. J'écartai les bras, paume vers le ciel.
Je sentis la puissance des Huit courir sur la glace.
Nazir.
Jezabel.
Balthazar.
Cirdan.
Kassandra.
Aaël.
Eliezer.
Brianna.
Tous là. Tous réunis. Tous unis.
Autour de moi. Avec moi. Pour moi.
La glace craqua sous mes pieds et des milliers de petites particules blanches montèrent et m'enveloppèrent.
Elles m'effleurèrent.
Elles me caressèrent.
Comme douées d'une vie propre. Comme douées d'une conscience.
Et elles montèrent vers le ciel.
Elles effleurèrent l'immense barrière et la dévoilèrent à tous.
Loups.
Vampires.
Sorciers.
Chasseurs.
C'était comme un dôme.
Un dôme avec des milliers de couleurs qui se mêlaient et s'entrecroisaient. C'était brillant. C'était étincelant.
Et vivant.
Ça ondulait. Doucement.
Mon pouvoir tournoya à l'intérieur de moi et la glace monta le long de mes jambes.
Froide.
Glaciale.
Mes mains devinrent presque bleues et du givre recouvra mes avant-bras. Je rejetai la tête en arrière et la lumière étincelante de mon pouvoir m'enveloppa, cachant ma forme, cachant mon enveloppe à tous ceux présents.
Pendant un instant, il ne se passa rien.
Je sentais encore la glace sous mes pieds. Je sentais encore la glace qui montait, recouvrant mon corps.
Et puis la réalité perdit de sa consistance.
Je ne sentis plus mon corps.
Je ne sentis plus rien d'autre que le pouvoir.
Yeux dans les yeux.
Une connexion.
Un simple regard.
Le temps autour de nous. Le monde. La vie. La réalité.
Ma main. Dans son pelage.
Le choc.
Là. Il était là.
Le loup gronda doucement et vint se presser tout contre mon corps.
Sa chaleur. La douceur de ses poils.
Lui.
Sa grandeur. Sa beauté.
Et je pleurais.
Je m'agrippai à lui comme s'il était la réalité. Comme s'il était la vie.
Ma réalité.
Et ma vie.
Ici et maintenant, les mots ne servaient à rien.
Ici et maintenant, il n'y avait que cet instant qui comptait.
La barrière miroita un instant.
Avant d'exploser.
Ce fut comme du verre brisé. Des milliers de petits morceaux tombèrent tels des flocons de neige.
Ils tombèrent sur les gens à travers tout le Michigan.
Et ça me relia à eux.
La conscience de chacun devint ma conscience.
Je sentis où chaque surnaturel se trouvait.
Je sentis chaque Chasseur, chaque vampire, chaque sorcier.
Je sentis la meute comme si j'étais la meute. Comme si j'étais la conscience collective. Comme si j'étais une louve.
Leurs pensées.
Leurs envies.
Leurs désirs.
Tout était là au fond de moi. C'était moi.
La magie de mes Huit s'ancra autour de moi, opaque et infranchissable.
Il y eut des exclamations de joie quand de la glace jaillit de terre et prit la forme des gens. C'était comme se retrouver devant son clone de glace.
Les enfants rirent.
Il y eut des explosions de joie.
Magnifique. Magique. Intense.
Je souris alors que mon autre pouvoir montait. Ma nature de Changeuse.
Mon corps perdit toute consistance.
Je devins le pouvoir.
Je devins le givre.
Je devins la glace.
Et j'explosai en mille morceaux.
Les clones de glace posèrent leurs fronts sur leurs modèles et se fondirent en eux.
La magie grimpa.
La mienne.
Celle de mes Huit.
Celle des milliers de sorciers se trouvant à l'Éthérée.
Et doucement, la barrière se reforma.
Plus belle, plus brillante, plus colorée que jamais !
Et le temps que ça dura, j'oubliai qui j'étais. J'oubliai ce que j'étais.
Il n'y avait plus que la magie et ce pouvoir si immense.
Le vent se leva et souffla.
Et dans un souffle douloureux, je repris conscience de mon corps.
Je clignai des yeux alors que la glace autour de moi s'était totalement fissurée.
J'inspirai et essayai de reprendre pieds dans la réalité.
Des loups hurlèrent. Et certains sorciers n'hésitèrent pas à faire quelques tours de passe-passe pour épater la galerie.
Je me sentais épuisée.
Et vidée.
Toute ma magie courait dans la barrière et ce serait comme ça pour les prochaines heures à venir.
J'étais à découvert. J'étais... comme une humaine.
Je m'avançai doucement jusqu'au bord du lac avant que la glace ne fonde complètement. Ce qui ne tarda pas à arriver.
Voilà. C'était fait.
Maintenant... maintenant il me fallait profiter de tout cette puissance qui courait partout pour rompre mes liens avec l'Éthérée, avec la meute.
Avec Nohlan.
Pour que personne ne s'en rende compte. Pour que personne ne s'en aperçoive tout de suite.
Oui, il le fallait.
Mais la vision de Basile devant moi vida entièrement mon cerveau.
Il n'y avait plus que lui.
Mon Oracle.
— C'était magnifique, dit-il, étrangement fermé.
Je souris et m'avançai vers lui. J'avais envie de me blottir dans la chaleur de ses bras et de fermer les yeux un instant.
Juste un instant.
Mais il y avait quelque chose dans sa position... je ne comprenais pas. Et n'osai pas m'avancer soudain.
— J'aimerais te parler, dit-il.
Il n'avait jamais été ainsi. Il n'avait jamais agi ainsi.
Il ne me touchait pas.
P... pourquoi ?
Je hochai la tête et le suivais alors qu'il s'écartait un peu de tout le monde. Je sentais certains regards sur nous, sans savoir qui c'était.
Il s'arrêta alors et prit une longue inspiration légèrement tremblante. Ou alors ce n'était qu'une impression, que mon imagination.
— Tout cela... tout ce qui est arrivé était une erreur, Alice.
Les battements sourds de mon cœur.
La douleur dans ma poitrine.
Une... erreur ? De quoi parlait-il ?
— J'ai cru que tu me correspondais à tous les niveaux ; on sait très bien tous les deux comme les sorciers ont du mal à se trouver, alors j'ai cru que... tu étais celle qu'il me fallait.
J'étais vide.
J'étais au bord d'un précipice et je n'avais aucune chance de m'en sortir. J'aurais aimé ne pas comprendre ce qu'il était en train de me dire. J'aurais aimé me dire que je rêvai et qu'en fait, j'étais encore en train de l'attendre dans mon appartement.
C'était ça en fait, n'est-ce pas ?
Basile... il me semblait si lointain soudain. Si inaccessible.
— Tu...
Me quitte ?
Pourquoi ?
— Je pourrais te dire que j'ai rencontré quelqu'un d'autre, mais je ne veux pas mentir. Tu n'es pas faite pour moi. Même si j'ai quitté mon peuple, je reste un Oracle de la Haute Sphère et j'ai besoin d'une sorcière de mon peuple. Si un jour je veux avoir des enfants puissants, il me faut quelqu'un de ma trempe. Tu es puissante, mais pas assez pour moi, Alice.
Je fis un pas et tendit ma main. Je voulais le toucher. J'avais besoin de le toucher ! Mais ses doigts agrippèrent mon poignet avant que je ne l'atteigne.
Et son expression, son regard... C'était comme être face à Liam. C'était comme avoir ce psychopathe juste devant moi.
La douleur.
La douleur.
Et mon cœur qui tombait en miettes.
Il n'allait rien en rester.
Rien du tout.
— Vis ta vie et je vivrais la mienne. Tout cela n'aurait jamais dû arriver.
Une unique larme coula le long de ma joue.
Traitresse.
Je m'écartai de Basile et chancelai. Pas sous le coup de la fatigue, mais sous le choc.
Il me quittait.
Avait-il donc menti tout ce temps ? Avait-il fait semblant ?
Quelque chose passa dans son regard, mais ce fut trop court, bien trop fugace. Je ramenai mes bras contre moi et sentit le pendentif.
Son pendentif.
Le sien. Celui qu'il m'avait donné. Celui qu'il...
— Tu peux le garder si tu veux. J'en ai fait refaire un autre. Celui-là ne met plus d'aucune utilité.
Si dur.
Cette phrase sonnait comme le pire des rejets. Comme s'il se fichait de tout ça, de tout ce qui était arrivé.
Mais c'était comme si je pouvais encore sentir ses lèvres, sa peau contre la mienne. Comme si je me trouvais encore dans la chaleur de ses bras.
Non.
J'avais froid.
J'étais glacée de l'intérieur.
Si mal.
Si mal.
J'avais envie de mourir. Je n'avais pas eu aussi mal depuis la mort d'Ulysse. Je n'avais pas ressenti un tel vide depuis la mort de ceux que j'aimais.
Robin avait eu tort.
Il n'y avait personne pour me rendre heureuse.
J'étais destinée à être seule. Parce que tous ceux que j'aimais, je les perdais.
— Je comprends, dis-je dans un murmure, réussissant à sourire sans trop savoir comment. Je ne peux pas dire que c'est la même chose pour moi. Je... je suis vraiment tombée amoureuse de toi.
Rien dans son regard.
Rien dans son expression.
Je m'étais trompée depuis le début. Il était bien le fils de Liam. Il était bien comme son père.
Tout n'avait été qu'illusion.
Mais je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir, parce que moi aussi j'avais menti.
Je ne pouvais pas le regarder plus longtemps. Trop de douleur.
J'étais au fond de l'abysse. Et il n'y aurait personne pour venir me chercher cette fois.
Ni Reygon.
Ni Nohlan.
Personne.
Je me retournai et heurtai presque Nohlan qui s'était avancé. Je levai la tête vers lui. Son regard était posé sur Basile. Et ses yeux étincelaient. Ils irradiaient même.
La colère. La haine pure.
Il avait tout entendu. Chaque mot de Basile.
— Quitte mon territoire, sorcier. Et ne reviens pas.
Il m'attira contre lui et je savourais quelque seconde. Je mourrai d'envie de rester là, dans ses bras et d'oublier.
Oublier Basile et cette souffrance qui était en train de me bouffer à l'intérieur. Mais je ne pouvais pas.
Je ne pouvais plus.
Je repoussai légèrement Nohlan alors que je ne sentais plus la présence de Basile :
— Je... j'ai besoin de...
Je n'arrivais plus à parler. Je n'arrivais plus à penser. Je voulais partir. Vite. Partir loin d'ici.
— Va, Alice, souffla-t-il en effleurant ma joue du bout des doigts. Va.
Il embrassa mon front et je n'attendis pas plus pour disparaitre.
Je réapparus chez moi et le peu de magie qu'il restait en moi explosa et les vitres explosèrent et la glace recouvrit tout.
Je tremblai.
J'avais froid.
J'avais mal.
Tellement mal.
Les larmes coulaient le long de mes joues.
Je n'avais plus rien.
Je n'étais plus rien.
Et il était temps de partir. Temps de tout arrêter. Je reniflai et ne prenant aucune affaire avec moi, je me téléportai en dehors de l'Éthérée, juste devant la barrière. Je posai ma main dessus, comme ailleurs et sentis toute la magie qui circulait dedans.
J'avais un trou béant dans la poitrine. Alors, rompre mes liens maintenant ne me ferait rien. J'avais déjà tout perdu.
J'inspirai, mais avant que j'aie le temps de faire quoi que ce soit, je sentis deux mains sur mes épaules et je fus aspirée par les ténèbres.
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