27. Alice
Ça me brûlait.
C'était comme un fer chaud appliqué sur ma peau, comme si tout mon corps était léché par des flammes, comme si mon être tout entier était plongé dans de la lave.
Je sentais mon tatouage qui s'étendait encore, même alors que le Vengeur n'était plus là. Il grimpait sur ma peau comme des ombres mouvantes. Il montait et il détruisait. C'était comme s'il était vivant et qu'il avait décidé de me dévorer.
Et c'est ce qu'il était en train de faire.
Chaque souffle était une torture.
Chaque inspiration était une souffrance.
J'appuyai mon front contre le sol et essayai d'endiguer la douleur. Le Vengeur avait fait bouger les choses trop vite et il avait appelé ma puissance trop rapidement.
Mon corps ne supporterait pas.
Il ne supporterait pas ce que j'essayai de contenir depuis tellement longtemps.
Et le Changement viendrait. Comme avec Nyadri, comme avec cette Vengeresse qui me hantait encore. Mais il ne fallait pas que ça arrive. Pas maintenant. La présence de mes scellés ne ferait que compliquer tout ça et surtout, je n'étais pas sure de pouvoir supporter une si grande dose de douleur sans que ceux qui étaient liés en moi n'en reçoivent le contre coup.
Cela voulait dire la meute. Cela voulait dire Nohlan. Et cela voulait dire Basile. N'est-ce pas ? Il y avait quelque chose. Entre nous. Qui était naissant, mais bien là. Un lien. Une connexion.
— Sécurisez la zone.
Je fermai les yeux alors que j'avais l'impression d'être sous un soleil brûlant. Mon corps était si chaud. J'avais si chaud !
Le monde autour de moi tanguait et j'avais l'impression de ne pas être tout à fait là. Comme si j'évoluais dans un rêve alors que j'étais parfaitement réveillée. Et je détestai tellement cette sensation. Parce que je savais où j'étais, mais que le monde ne semblait juste pas vouloir de moi.
— Alice.
La voix de Nazir résonna et se répercuta. Dans ma tête aussi. Un pic de douleur me vrilla le crâne et je me mordis la lèvre jusqu'au sang. J'inspirai l'air que je pus. Je sentis l'énergie de mon Premier m'envelopper.
Cocon protecteur.
Bientôt, je ne perçus plus rien du monde qui m'entourait. Il n'y avait plus un bruit ; rien. Mais la douleur ne disparut pas et j'avais l'impression que mon esprit ne tenait que sur le fil du rasoir. D'un instant à l'autre, quelque chose allait éclater. Quelque chose allait voler en éclat. En moi. Et j'étais incapable d'empêcher cela. Je ne pouvais pas lutter contre l'appel du Vengeur.
J'étais sa Maudite. Ma puissance était sa puissance. Elle lui répondait. Et elle était trop... intense pour moi. Mon corps n'allait pas supporter.
Je n'allais pas supporter.
Et quelque part, derrière cette souffrance, il y avait Brianna. Elle avait besoin de nous. Elle avait besoin de moi. Il fallait que je fasse quelque chose. Elle était l'un de mes Huit. Je ne pouvais pas juste ne rien faire. Ce n'était pas possible... ce n'était pas...
— Je vais devoir utiliser plus de magie, Alice. Ça va faire mal. Très mal.
J'entendais Nazir, mais je n'étais pas sûre de comprendre ce qu'il me disait.
Ça pulsait si fort !
Ma peau était en feu et j'avais envie de me plonger dans de l'eau glaciale. Je ne pensais qu'à cela. Et c'était une envie plus forte que tout le reste.
J'ouvris la bouche et mon souffle s'en échappa par saccades.
— F... fais ce que tu dois faire, Na... zir...
Je me fichai de la douleur. De toute façon, est-ce que ça pouvait être pire que maintenant ? Je ne pensais pas. Mais il fallait qu'il se dépêche. Parce que la puissance était sur le point de tout balayer. Et j'eus réellement peur. Parce que la dernière fois que cela était arrivé... non... non ! Je ne devais pas y penser. Je ne devais pas penser à ça maintenant. Mais je ne devais pas me perdre non plus.
Il restait des choses à faire.
— Endigue tes liens, dit-il alors que ses mains touchaient mon corps.
L'une se retrouva dans mon dos et l'autre sur mon ventre, là où mon tatouage de Maudite était en train de s'épanouir complètement.
Je ne voulais pas regarder. Je ne voulais pas voir jusqu'à quel point il avait grandi. J'avais trop peur soudain. Parce que l'échéance approchait et qu'alors, je ne pourrais plus rien faire.
Et j'allais tout perdre.
J'allais me perdre.
Je me concentrai sur les liens que j'avais. Certains étaient brillants ; celui avec Nohlan étincelait si fort. Et il vibrait doucement.
Il avait senti quelque chose venant de moi. Et si j'endiguais le lien, ça ne lui échapperait aucunement. Mais tant pis. C'était ça ou le laisser avoir mal avec moi. Je ne cherchais pas à trouver mon lien avec Basile ; j'endiguais tout, me coupant de tout le monde.
Un écho dans ma tête. La voix de Nohlan et le soudain silence. C'était... étrange.
Je sentis la magie de Nazir courir en moi et je sentis la puissance de mes scellés se réveiller, appelée par leur créateur.
Et la douleur explosa alors que ma puissance de Maudite était acculée par celle de Nazir.
Mon corps était comme écartelé et j'avais l'impression d'avoir reçu de l'acide sur le ventre et dans le dos.
Mon corps tout entier se tendit et mes os craquèrent alors que je rejetais la tête en arrière. Dans mon esprit, un étrange sentiment de tristesse. Il m'étreignit et alors que j'avais réellement l'impression de mourir, je me laissai submerger par de vieux souvenirs...
J'avais marché longtemps. Ou alors ce n'était qu'une impression. J'avais perdu la notion du temps. Cela aurait pu être des heures, des jours, des semaines ou même des années. Je ne savais pas. Je ne voulais pas savoir. J'étais incapable de penser. J'étais incapable de réfléchir.
Dans mon esprit, il n'y avait que ses paroles. La dureté de son ton. Je n'étais pas une des leurs. Il avait raison. Mais jamais... jamais je n'aurais cru que lui pensait cela. Et ça avait été un coup de poignard en plein cœur.
La douleur. La souffrance. Et cette trahison dans son regard. J'avais eu si mal en voyant cela. Parce qu'il était tout pour moi et que je lui avais menti. Je lui avais caché la vérité. Et je comprenais sa colère, je comprenais ce qu'il ressentait. Mais ça faisait si mal bon sang... je voulais mourir. Juste mourir.
N'était-ce pas là ce que tout le monde avait toujours voulu pour moi ? Peut-être que si son loup m'avait laissée dans ces bois alors rien de tout ça ne serait jamais arrivé. Peut-être que je n'étais pas faite pour cette époque.
Peut-être que je n'étais pas faite pour vivre, tout simplement.
Même Nohlan ne voulait plus de moi.
Comme mama. Sauf que lui n'avait pas eu le courage, ou l'envie, de mettre fin à ma vie comme mama avait essayé de le faire. Il m'avait juste renvoyé.
Loin de la meute.
Loin d'Enora et de Reygon.
Loin de lui.
Et un coup de couteau en plein cœur n'aurait pas eu le même effet. Parce que ça, c'était pire que tout. Jamais de toute ma vie je n'avais eu aussi mal. C'était comme s'il avait arraché mon cœur et qu'il l'avait piétiné.
Mais je le méritais. Je savais que je méritais cela.
Finir seule.
Parce qu'ainsi, je ne blesserais personne. Jamais je n'avais cru que mama avait voulus me faire du mal. J'y avais pensé pendant longtemps et je m'étais dit que tout cela était de ma faute. Peut-être que je n'avais pas été une bonne fille. Peut-être qu'elle avait eu peur de mon pouvoir qui était si différent de celui des autres. Mais avec Nohlan, j'avais cessé de penser à tout ça. J'avais cessé de réfléchir à ce que j'avais pu faire de bien ou de mal.
J'avais vécu avec eux. Avec lui. Et Enora, Reygon et lui étaient devenus ma nouvelle famille, mon nouveau chez moi.
Alors maintenant... maintenant, que me restait-il ?
Rien.
J'étais toute seule.
Et j'avais si mal. Si mal... respirer n'était que souffrance. Vivre ne voulait plus rien dire.
Parce que je voulais mourir.
Si Nohlan ne voulait pas de moi, alors personne ne le voudrait. Et si Nohlan ne voulait pas de moi, alors je n'avais aucune raison d'exister. Parce que c'est lui qui m'avait sauvée.
Alors... alors...
Mon corps s'effondra. Le soleil brûlait ma peau et j'avais si soif.
Mourir.
C'était peut-être là ce que Nohlan attendait de moi. Partir... partir... il ne voulait plus de moi. Il ne m'aimait plus. Je l'avais trahi. Je lui avais fait mal. Alors tout ça... toute cette souffrance... je devais l'endurer. Je devais me relever et...
Les larmes coulèrent le long de mes joues.
Je ne voulais pas vivre.
Je ne pouvais pas vivre sans Nohlan.
Mes ongles râpèrent contre le sol et j'y laissai une traînée de sang. Je n'étais que souffrance. Je n'étais que douleur. J'étais en plein milieu d'une tempête. Et je n'étais pas épargnée. Je percevais chaque battement de cœur.
Le mien. Et je m'accrochai à cela.
Boom. Boom. Boom. Boom.
Ma bouche s'ouvrit sur un hurlement silencieux. Deux puissances se heurtaient en moi. L'une était lumineuse, l'autre était les ténèbres elles-mêmes.
Je cherchai mon air. Ne le trouvais pas.
Si mal.
Si mal.
Si mal !
Son regard était brillant, vivant. Et c'était tellement beau à voir. Parce que c'était la seule chose qui me prouvait qu'il était encore bien là. Il eut la force de sourire et leva le bras pour prendre ma joue en coupe. Sa peau était glaciale. Son corps, rachitique. C'était horrible à voir.
— Tu ne vas pas pleurer, hein ?
J'ignorai où il trouvait la force de parler, et pourtant, il le faisait.
Je baissai légèrement la tête, cherchant mon souffle. J'avais l'impression que mon cœur était pris dans un étau. C'était affreusement douloureux. Mais je devais faire bonne figure.
Pour lui.
Pour ce qu'il représentait.
J'avais eu deux frères dans ma vie ; Reygon et Robin.
L'un était mort il y avait longtemps et le deuxième allait le rejoindre. Il était étrange de voir comme la mort frappait ceux qu'on aimait, ceux qu'on chérissait.
— Je ne promets rien, dis-je difficilement.
Où était le garçon plein de vie ? Où était-ce beau jeune homme souriant et tellement insouciant ? Où était le Robin De Turenne avec qui j'avais passé presque une décennie ?
— S'il te plaît...
Mon regard dans le sien.
Il était en train de mourir. Et je ne pouvais rien faire. Et ça faisait si mal. Si mal bon sang ! Il allait partir.
— Je ne suis pas de glace...
Il eut la force de rire. C'était un son si beau, si chaud.
— Ah... mademoiselle Klein, quel esprit...
Je me penchai et appuyai mon front contre le sien. Les battements de son cœur étaient de plus en plus lents, de plus en plus espacés. Le moment était presque venu. Et je ne pouvais rien faire. Rien du tout.
Tellement impuissante.
Tellement inutile.
J'aurais aimé pouvoir le sauver. J'aurais aimé pouvoir le faire vivre encore de très, très longues années, mais j'en étais incapable.
Son corps était malade depuis trop longtemps.
— Il ne faut pas que tu sois triste pour moi, Alice.
C'était tellement facile à dire ! Je pouvais lui mentir. Je savais qu'il avait besoin d'entendre que tout irait bien, mais ce n'était pas le cas. Il était en train de mourir, là, maintenant.
— Je ne peux pas te mentir, Robin. Tu es un Oracle.
Il était mon Oracle. Sa Vue ne concernait que ma personne, alors il savait. Connaissait-il déjà tout mon futur ? Les choix que je ferai le changeraient forcément, n'est-ce pas ? Mais Robin savait des choses. Plus qu'il ne m'en dirait jamais. Et c'était particulièrement vrai en cet instant. Il emporterait tout ce qu'il savait avec lui.
Et il ne resterait rien.
Rien d'autre que son corps sans vie.
— Même mort, je ne laisserais rien te faire du mal, Alice. Jamais.
Une larme coula le long de ma joue. Je fermai les yeux.
— Je t'aime.
Un souffle. Un murmure.
J'avais aimé Enora et elle était morte.
J'avais aimé Reygon et il était mort.
J'aimais Robin et il allait mourir.
Parce que c'était ainsi. À la fin, tout le monde mourrait. Là était le grand cycle de la vie et personne, pas même les surnaturels n'étaient épargnés.
Robin bougea et sortit son pendentif de sous l'oreiller. Il leva les deux bras et le passa autour de mon cou. Pour un Oracle, ce n'était pas un cadeau anodin. Mes doigts effleurèrent la pierre qui me parut affreusement lourde :
— Et je t'aime aussi, mon petit glaçon.
Il sourit et nos doigts se rencontrèrent alors qu'il touchait la pierre aussi.
— Comme ça, je serais toujours avec toi.
Le vide.
Je ne sentais rien. Pas même la douleur. Il n'y avait rien et j'avais l'impression... d'être vide. Totalement vide.
Les mains de Nazir me lâchèrent et il se redressa à côté de moi.
Les scellés étaient remis et ma puissance de Maudite sommeillait de nouveau, même si je la sentais prête à jaillir dès que l'occasion se présenterait. Nazir ne pouvait plus faire grand-chose à partir de maintenant. Dans une semaine, tout cela serait brisé. Et je m'oublierais.
J'oublierais la sorcière Blanche.
Je papillonnai des cils en relevant légèrement la tête. J'étais par terre et j'avais l'impression de reprendre pied après un trop long sommeil.
Un sommeil non pas hanté par des cauchemars, mais hanté par de vieux souvenirs qui me serraient le cœur encore aujourd'hui.
J'inspirai doucement alors que Nazir me fixait :
— C'était ton Vengeur, Alice ?
Sa voix était sourde. Était-il en colère ? Je ne répondis rien. Il connaissait déjà la réponse à cette question, seulement, j'étais sûre qu'il ne s'était pas attendu à ce que tout cela arrive... maintenant.
Il ouvrit la bouche, la referma.
Puis soupira.
— Nohlan est ici.
Je vis son loup surgir de l'obscurité alors que je sentais la présence d'Elijah et d'Amalia, cette dernière sous sa forme de loup et suivant de très prêt son Alpha. La louve était fine et d'un joli marron clair. Mais mes yeux, comme toujours, étaient appelés par le loup de Nohlan. Même maintenant, il me paraissait immense et imposant. Il dégageait cette puissance si étouffante, mais si chaude et douce, si protectrice.
Il était d'un gris tellement incroyable, presque métallique au clair de lune. Jamais je n'avais vu un loup semblable à lui. C'était comme s'il était réellement unique. Et à mes yeux, il l'était.
Il courut jusqu'à moi alors que la louve se stoppait, reniflant les odeurs de la ruelle. Elle du sentir celle de Balthazar, mais aussi celle de Jézabel. Tous les deux avaient disparu, mais ils étaient là, non loin d'ici.
Nazir se recula légèrement, sachant très bien comment pouvait être le loup de Nohlan. Il avait appris les ficelles du monde lupin.
L'Alpha me donna un léger coup de museau et se frotta à moi. Je m'agrippai à sa fourrure et enfouit mon visage dedans. Il n'y avait rien de plus doux, rien de plus réel. Combien de fois m'étais-je réchauffée dans cette fourrure, plus petite ? Combien de fois ce loup m'avait-il laissées me pelotonner contre lui ? Je ne pouvais compter.
Je souris légèrement et le serrai fort contre moi. Il ne broncha pas et se laissa totalement faire. Je savais qu'il fallait que je me lève et que je bouge, mais pour un moment, ne pouvais-je pas rester là ? Juste un peu... juste quelques minutes...
Un coup de langue. Le loup de Nohlan avait toujours tendance à me considérer comme un petit louveteau, surtout quand il me sentait faible et fragile. Comme maintenant. Nous étions liés à un tel point que même notre lien endigué, il pouvait sentir.
Nos deux âmes étaient entremêlées.
Et elles le seraient jusqu'à la toute fin, même après que j'aille rejoindre le Vengeur.
— Ça va, dis-je. Ça va.
J'avais besoin de le rassurer. Je voulais qu'il sache que j'allais bien. Le loup de Nohlan était comme lui ; protecteur, terriblement protecteur même. Cela sembla lui suffire, car bientôt, ce fut l'homme devant moi.
Nohlan attrapa mon menton entre ses doigts et me força à le regarder :
— Qu'est-ce qui se passe, Alice ?
Il dégageait tellement de chaleur, de puissance. J'avais besoin de la sécurité qu'il m'offrait. Je me lovai entre ses bras et il n'hésita qu'une seconde avant de me serrer contre lui.
Ses bras étaient différents de ceux de Basile, mais il y avait tout de même quelque chose de semblable.
Tous les deux me donnaient le même sentiment ; celui d'être aimée.
Celui d'être protégée.
Oui. C'était exactement ça.
Et en cet instant, j'avais besoin de cela.
— Quelqu'un s'en prend à nous pour atteindre la sorcière Blanche de l'Éthérée, répondit Nazir à ma place.
En révéler assez, mais pas trop. Il savait. Nazir était intelligent et pragmatique. Toujours.
— Qui ?
Le torse de Nohlan vibra sous son intonation.
— Un mauvais sorcier, dis-je dans un murmure. Il a eu Brianna.
Brianna.
Je sentais sa conscience. Mais sa douleur et sa détresse aussi.
Il fallait y aller. Elle avait besoin de nous.
Pas plus tard, mais maintenant.
Elle était la plus jeune. La plus faible de tous. Et je ne pouvais pas laisser quelque chose lui arriver. J'avais besoin d'elle.
L'Éthérée avait besoin d'elle.
Elle faisait partie des Huit. Elle faisait partie de la toile.
Un pilier. Voilà ce qu'elle était. Et c'était aussi ma protégée. Alors, je n'allais pas rester sans rien faire.
— C'est grave ? souffla Nohlan en se redressant légèrement, me faisant bouger entre sa prise.
Oui. Si nous ne faisions rien, cela pourrait réellement devenir pire. Et je ne disais pas cela parce que ça risquait de me toucher moi.
— Il faut y aller, Alice, souffla la voix de Jézabel alors qu'elle apparaissait à nos côtés.
C'était une belle femme, tout en jambes et en courbes. Elle portait les cheveux très longs et une épée fine et courte pendait toujours à sa ceinture. Des symboles couraient sur ses mains et remontaient le long de ses bras.
Je la vis saluer Nohlan et ce dernier lui rendre son salut d'un geste de la tête.
Il se releva et m'entraîna avec lui.
Il caressa ma joue et frotta le sang séché de la blessure causée par Liam. Il se pencha et embrassa mon front.
Son amour me submergea et me réchauffa. Il n'y avait rien de plus important pour moi.
Nohlan... Nohlan était tout.
— Allons-y, dit-il.
Je secouai doucement la tête, mais ne pensais même pas à protester.
Si Nohlan voulait venir, rien de ce que je pourrais lui dire ne pourrait le dissuader. Quand ça me concernait, il était plus têtu qu'une mule malheureusement. Cela faisait toujours bien rire Peython qui disait qu'il se comportait comme un papa un peu trop protecteur. Personne n'aurait pu dire le contraire et moi encore moins.
Elijah surgit à côté de son Alpha. Il portait sa tenue de Chasseur et n'était qu'une ombre, comme toujours. Le silence le caractérisait si bien.
— Où est-ce ? demanda-t-il.
Il me tendit sa main et je la pris. La seconde suivante, il partait déjà pour l'endroit que je lui avais montré. Il disparut dans l'obscurité et c'est comme s'il n'avait jamais été là.
La louve d'Amalia grogna légèrement et donna un coup de museau à son Alpha. Il y eut un échange entre eux et elle détala derrière son compagnon qui avait pris un peu d'avance.
— Cirdan est déjà là-bas, me dit Jézabel.
Je hochai la tête et prit le bras que m'offrait Nohlan sans même le faire exprès.
Je cherchai le regard de Nazir qui s'approcha. Ma magie revenait doucement, mais pour l'instant, je préférai ne pas l'utiliser inutilement.
Balthazar et Jézabel disparurent avec nous et Nazir posa une main sur mon épaule. Nos regards se croisèrent un instant et il nous transporta vers Brianna.
Ce qui en premier me frappa, ce fut le silence.
Il était lourd et pesant. Il était oppressant. Bien plus encore que les Ombres de Liam pouvaient l'être.
Nous étions dans un vieil entrepôt, là où avant, il y avait certains combats clandestins qui se déroulaient et dont les Surveillants de Bear Creek Village avaient mis fin. Ça remontait à quelques années maintenant, mais les lieux portaient encore la trace de ce qui s'était passé ici.
Je repérai Cirdan qui se trouvait en hauteur, assit sur l'une des poutres en métal. Il sentit mon regard et tourna légèrement son visage vers moi.
Il était mon Quatrième et ressemblait à un gamin d'une vingtaine d'années. Il avait choisi cette apparence il y avait des siècles et n'avait pas changé depuis. J'ignorai quelles étaient ses raisons, mais ça semblait lui plaire ainsi.
Il pencha légèrement la tête et salua Nohlan sans laisser passer la moindre expression. Mon regard redescendit au niveau du sol et se posa sur Brianna.
Elle se tenait droit, au milieu de l'entrepôt, la tête baissée.
— Elle est ainsi depuis bientôt dix minutes.
Inerte.
Elle ne bougeait pas.
Balthazar et Jézabel étaient non loin d'elles, mais ils n'avanceraient pas plus. Pas si je ne leur disais pas de le faire.
J'observai longuement ma Huitième alors qu'autour de moi, personne ne bougeait ni même ne parlait.
Il y avait une ombre entre elle. Il y avait la trace de noirceur qui avait du passé de sorciers en sorciers avant d'atteindre Brianna.
Là avait été le but de tout ça. Le Vengeur avait magnifiquement réussi son coup. Maintenant, il restait à savoir si cela allait continuer.
— Où est Eliezer ? m'enquis-je doucement.
Eliezer était mon Septième, celui juste au-dessus de Brianna.
Nazir fronça très légèrement les sourcils :
— Loin d'ici, dit-il. Il ne faut pas qu'il approche Bri, sinon ça va le toucher.
Oui. Je l'avais pressenti. Une fois qu'un Huit était touché, ça ne passerait que sur les autres. C'était comme une gangrène qui se propageait tout en douceur. Et si tous mes Huit étaient touchés, alors je le serais inexorablement.
Il fallait enlever cela de Brianna. Il fallait ôter la magie noire du Vengeur de l'âme de ma Huitième. Parce que c'était en train de la pourrir de l'intérieur.
Je le sentais.
Je le voyais.
Je m'écartai doucement de Nohlan et il me laissa m'avancer, Nazir marchant à mes côtés. Et comme si Brianna avait attendu ce moment, elle releva la tête.
Elle portait une marque noire sur la joue, qui descendait dans son cou. D'ici, je n'arrivais pas à voir ce que c'était, mais ça ressemblait beaucoup à du sang.
Le sien ?
Celui de quelqu'un d'autre ?
Son regard était éteint et elle me fixait sans vraiment me voir. Je sentis l'énergie d'Elijah. Il avait été rapide. Et Amalia le talonnait de très près.
Je m'arrêtai.
Balthazar et Jézabel à ma hauteur. Cirdan était juste au-dessus de nous. Nazir se pencha sur mon oreille :
— Utilise notre force, Alice. Tu n'es pas encore assez remise.
Presque immédiatement, la conscience des sorciers autour de moi s'éleva et leurs puissances convergèrent vers moi.
Ça m'enveloppa. C'était chaud et vibrant.
Brianna sourit. Elle pencha très légèrement la tête et sa magie jaillit de son corps. Toutes les fenêtres explosèrent et au lieu de tomber au sol, les éclats de verre restèrent suspendus dans les airs.
C'était comme si le temps lui-même avait cessé de tourner. Comme si tout s'était stoppé.
Je fis un pas, rien ne bougea. Un autre, le sourire de Brianna s'agrandit et sa souffrance me heurta de plein fouet.
Elle luttait, à l'intérieur, elle luttait contre cette noirceur qui avait pris possession d'elle et qui faisait bouger son corps, qui utilisait sa magie contre nous, contre moi.
Un autre pas.
Elle hurla et mes débris de verre fondirent sur nous.
Mes trois Premiers se protégèrent et protégèrent Nohlan alors que la magie de Cirdan tournoyait autour de moi, empêchant le verre de me toucher.
Brianna bougea et son visage se retrouva à quelques centimètres du mien alors que la lame d'Elijah venait reposer contre son cou.
Un mince filet de sang coula.
Elle leva une main et caressa ma joue. Elle pressa son ongle et refit saigner l'entaille infligée par Liam.
— Si... lumineuse.
Son souffle sur mon visage.
Je levai mes mains et enserraient son visage. Elle ne bougea pas. Et je sentis la noirceur bouger au fond d'elle, comme douée d'une vie propre, et c'était bien le cas. Elle avait réussi à étouffer suffisamment la conscience de ma sorcière pour contrôler son corps.
La magie de mes sorciers fit fourmiller le bout de mes doigts. Je me penchai sur l'oreille de Brianna, sachant très bien que ce que j'allais dire serait entendu par le Vengeur, tout comme il voyait sûrement tout ce qui se passait en ce moment même.
— J'espère que cela sera une preuve suffisante. Nohlan est intouchable. Et il le sera même quand je serai partie.
Ma voix n'était qu'un très léger chuchotis que même l'ouïe d'un loup ne pourrait percevoir.
La magie coula dans le corps de Brianna. Elle hurla sous la douleur et les pouvoirs combinés de Nazir, Balthazar, Jézabel et Cirdan annihilèrent toute trace de noirceur en elle.
Ses yeux s'écarquillèrent, puis se révulsèrent.
Son corps trembla et Elijah l'empêcha de tomber en la rattrapant. Il l'allongea avec douceur au sol et je me penchai sur ma Huitième.
Ma propre magie grimpa doucement et une lumière enveloppa le corps de Brianna. C'était lumineux et doux.
Cirdan sauta à côté de moi et s'agenouilla à son tour. Il caressa le visage de Brianna et son regard se posa sur moi :
— Tu veilles bien sur nous, sorcière Blanche. Alors, nous te protégerons de tous les dangers.
Il inclina légèrement la tête et disparut. Elijah se releva et recula, la louve d'Amalia à ses côtés.
Je sentis Nohlan s'avancer derrière moi et poser une main sur ma tête :
— Tu rentres avec moi ce soir, Alice. Je veux garder un œil sur ma sorcière.
Je souris doucement et me relevai alors que Brianna ne courait plus aucun risque. Jézabel s'avança et la souleva. Elle allait s'occuper d'elle jusqu'à ce qu'elle reprenne conscience. Tout comme Cirdan, elle disparut.
Balthazar échangea quelques paroles avec Nazir et disparut à son tour. Aucun ne relâcherait leur surveillance. Cette nuit et pour toutes les autres nuits à venir avant la Fête de l'Hiver, l'Éthérée serait surveillée de très près.
Et rien, strictement rien n'échapperait à un seul de mes Huit.
Mon regard se posa sur Nazir qui ne me quittait pas des yeux. Je n'arrivais pas à déchiffrer son expression, je n'arrivais pas à savoir à quoi il pensait.
Mais il était sombre.
Parce qu'il comprenait ce que signifiait la présence de mon Vengeur ici.
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