J'étais sur la frontière nord quand Nathaniel me trouva. Je murmurai les incantations nécessaires pour renforcer la protection. Je pouvais sentir le lien que j'avais avec elle maintenant. J'étais partie tôt de chez Alice. J'avais eu besoin de m'écarter un instant d'elle et cela m'avait fait terriblement mal. Parce qu'au fond, mon instinct me disait que quelque chose n'allait pas. J'avais regardé son avenir encore ce matin et ce même voile noir semblait se poser sur elle. Alors, il y avait forcément quelque chose que je loupais.

_ Tu comptes faire des heures supp ? fit Nathaniel en se postant à mes côtés.

Sa voiture était sur le bord de la route, non loin de nous. Je lui jetai un coup d'œil. Il avait rasé ses cheveux de près. Il portait un vieux jogging avec la veste qui allait avec. Pourquoi mon Alpha déprimait juste après ma cérémonie hein ? Il avait encore changé de sorcière ou quoi ?

_ J'ai besoin que vous soyez tous en sécurité, soufflai-je.

La main de Nathaniel se posa sur mon épaule. Mes bras retombèrent le long de mon flanc.

_ Tout ira bien Basile, reprit mon Alpha. Nous avons vécu pires.

Je déglutis. Je n'en étais pas sur. Le Faucheur... Le Faucheur était comme un marteau. Il savait exactement frapper là où il ne fallait pas pour faire flancher n'importe qui. Même moi. J'avais beau me dire que j'étais plus puissant et que maintenant j'étais le sorcier d'une meute puissante... Je n'étais pas invincible. Je le savais.

_ Le Faucheur n'est pas quelqu'un que tu veux avoir sur ton territoire, Nathaniel, dis-je d'une voix sombre.

Il fronça les sourcils et finit par hausser ses épaules.

_ Rappelle-toi Basile, souffla-t-il. Tu n'es plus tout seul. Et tu es à moi maintenant.

Nous échangeâmes un long regard. Oui, j'étais lié à lui à présent. Je pouvais sentir la puissance de son loup m'entourer comme si c'était ma propre puissance. Comme s'il était une bouée de sauvetage si importante que je ne pourrais me noyer. Jamais. Mon Alpha ne m'abandonnerait pas à la première difficulté. Mais les mettre en danger n'était pas ce que je voulais non plus. Cela faisait deux heures que j'étais sur cette partie de frontière et je n'avais encore rien senti traverser ma barrière. Le Faucheur allait-il arriver bientôt ? Ou dans quelques jours ?

_ Parle-moi de ce Faucheur, reprit Nathaniel. Si tu peux faire ça et renforcer la barrière en même temps...

Je hochai la tête et relevai mes mains vers la barrière, laissant mon pouvoir l'alimenter et la renforcer. Elle était presque lumineuse maintenant.

_ Le Faucheur, soufflai-je, le Faucheur est comme une assurance pour les Oracles. Il est envoyé vers ceux qui s'échappent. En général, il est envoyé surtout pour les Oracles les plus puissants.

_ Ceux de la Haute Sphère, comprit Nathaniel.

Je hochai la tête.

_ Cathy n'en fait pas partie, remarqua mon Alpha. Elle est donc hors de danger ?

Son interrogation était présente. Et cela était l'un de mes plus gros problèmes. Catherine. Si le Faucheur venait...

_ Catherine était promise à l'un des plus hauts rangs au sein de notre espèce, murmurai-je. Et j'étais censé être à ses côtés. Nous sommes deux Oracles d'une puissante génération. Si le Faucheur vient... ce n'est pas que pour me récupérer.

_ Je veux toutes les possibilités, Basile, remarqua Nathaniel.

Je soupirai. Il y en avait tellement... ou si peu à vrai dire... J'y réfléchis à voix haute, laissant Nathaniel m'aider à séparer toutes les hypothèses.

_ Si le Faucheur vient ici, m'expliquai-je, il vient pour me ramener... mais aussi pour ramener Catherine.

_ Et Elizabeth dans l'histoire ? me demanda le loup de Nathaniel.

Je le regardai et grimaçai.

_ Si le Faucheur la trouve, il l'exécutera. Au sein des Oracles elle est considérée comme faible. C'est une sorcière relativement puissante, mais elle reste une Oracle de premier niveau.

Le doigt de Nathaniel suivit le premier bracelet sur mon avant-bras. Je hochai la tête.

_ Elle m'a suivie et a emmené Catherine avec elle. Elle a privé la Haute Sphère d'un pouvoir immense. Le Faucheur n'y réfléchira pas à deux fois. Pour moi, cela pourra être différent. Je ne sais pas qui il privilégiera entre Catherine et moi.

_ Tu ne peux pas négocier ? souffla Nathaniel en se mettant à faire les cent pas dans mon dos.

Je penchai la tête sur le côté et soupirai.

_ On ne négocie pas avec le Faucheur, soupirai-je. Tu suis ou tu meurs... enfin, c'est ce que les rumeurs disent et elles ont toutes été vérifiées.

_ Je vais prévenir Quinn qu'il reste avec les filles encore quelque temps. On va renforcer la sécurité à la maison.

_ Nathaniel, commençai-je.

Il revint vers moi, son regard était attentif.

_ Si je sens le Faucheur passer ma barrière, est-ce que je peux mettre Elizabeth et Catherine dans le Bloc ?

Nathaniel fronça les sourcils.

_ Les murs en béton qui composent le Bloc sont si épais que cela pourrait cacher les énergies des filles. Y compris celle de Catherine.

_ Utilise ce dont tu as besoin Basile. C'est ton territoire maintenant.

Je hochai la tête. Je baissai mes bras, sentant ma magie fourmiller partout sur la barrière.

_ Cette partie-là est parfaite maintenant, remarquai-je.

Nathaniel s'approcha doucement et leva une main. Je le touchai et il vit la barrière à travers mes yeux. Il eut un grand sourire et me tapota la tête.

_ Bon travail, Sorcier, sourit-il.

Je m'inclinai légèrement.

_ Je vais aller voir comment va Catherine, dis-je. Je continuerais après.

_ Va. Je vous rejoindrai dans l'après-midi à la maison. Tiens-moi au courant pour le Faucheur.

Je hochai la tête. J'aurais pu voir exactement quand il arriverait... mais je voulais éviter de faire un sacrifice maintenant. Cela me prendrait trop d'énergie et nous serions vulnérables alors... Je pris une longue inspiration et fermai les yeux.

Lorsque je les rouvris, j'étais à la maison. Je jetai un coup d'œil dans la cuisine et découvris Quinn et Izy. Celle-ci avait posé sa tête sur la table et semblait exténué. Elle avait veillé Catherine toute la nuit. Quinn avait appuyé son dos contre le dossier de sa chaise et sa tête partait légèrement en arrière. Ils semblaient dormir, mais je savais que Quinn était alerte. Nathaniel l'avait mis au courant de l'arrivée d'un membre de mon peuple... Izy ne savait pas encore et... je ne voulais pas lui dire pour l'instant. Tant qu'elles n'étaient pas dans le Bloc, cela ne servait à rien de l'alarmer.

_ Cathy dort encore, souffla Quinn.

Je souris et montai à l'étage rapidement. Je poussai doucement la porte de la chambre d'Izy et entrai. Alors que je m'asseyais sur le lit où Cathy dormait, je vis qu'elle avait les yeux ouverts. Elle me regarda, une légère peur se diffusant autour d'elle. À l'inverse des loups, on ne le sentait pas par notre nez, mais c'était comme un léger flou autour de la personne. Et une sensation inscrite dans nos os qui résonnaient doucement.

Je posai ma main sur sa joue.

_ Comment te sens-tu petit chat ? murmurai-je.

Elle pinça ses lèvres. Je repoussai ses cheveux qui me cachaient la moitié de son visage. Elle s'assit dans le lit et se pressa contre moi. Je l'enlaçai doucement et vérifiai que toutes ses défenses étaient présentes et impénétrables. Je pris une longue inspiration, sentant ma magie couler en elle. Elle n'avait pas de séquelle. Tant mieux... Soulagé, je la pris dans mes bras et redescendis en bas avec elle. Elle resta contre moi le temps de prendre son petit déjeuner. Izy alla avec elle regarder un peu la télé, ne voulant pas qu'elle dessine pour l'instant.

Quinn rinça rapidement les affaires de Catherine et pivota vers moi. Je me frottai la nuque, mal à l'aise. Tout cela me rendait incroyablement nerveux.

_ Nous sommes là, Basile, souffla Quinn.

Je hochai la tête.

_ Si je vous dis de ne pas intervenir, murmurai-je, vous devez rester en dehors de ça. D'accord ?

Il haussa un sourcil et m'observa avec une expression vaguement intéressée. Je soupirai et agitai ma main. Je ne voulais pas que le Faucheur les voie. Alors si je pouvais éviter qu'une meute de loups se jette sur lui et se fasse blesser : je l'éviterais. Hors de question de les mettre en danger si ce n'était pas nécessaire.

Je repartis pour les frontières, me forçant à ne pas penser à Catherine, au Faucheur, ou même à... Alice. Je l'avais laissée ce matin et je m'en voulais un peu même si je savais que ça avait été la meilleure chose à faire. En plus, elle allait faire une cérémonie de deuil. Je ne pouvais pas rester là avec mes questions. Je mis plus de trois heures à renforcer la barrière est du territoire. Alors que je terminai la barrière Sud, je sentis quelque chose au niveau du nord. Là où je n'avais pas encore renforcé. Mon sang se glaça alors que l'énergie d'un sorcier me revenait.

Quinn, emmène Elizabeth et Catherine au Bloc.

Nathaniel relaya mon ordre et je sentis Quinn en mouvement à travers Nathaniel. Ce dernier ne me pose pas de question. Je m'éclipsai la seconde suivante pour me retrouver à l'endroit précis de l'intrusion. J'avais atterri non loin du parc d'Alum Creek. Ce parc était un mélange de lac et de forêt. Sur le ponton du lac, j'aperçus un homme. L'énergie qui se dégageait de lui était caractéristique de notre race. C'était un Oracle, mais c'était un Pisteur. En France, on appelait les Pisteurs les sorciers qui étaient devenus des spécialistes dans les sorts de localisations. Personne ne les battait à ça. Même pas moi visiblement. Même en nous protégeant des yeux du destin, cet homme avait réussi à nous retrouver. Dire que le Faucheur était l'un des meilleurs Pisteurs était un euphémisme. Il était le meilleur.

_ Basile De Turenne, souffla sa voix.

Sombre. Rauque. Presque glacée. Tout comme le lac devant lui. Tout comme la neige qui tombait autour de nous.

_ À quoi te sert cette barrière de protection dis-moi ? murmura-t-il, continuant de me tourner le dos.

Il était grand. Un mètre quatre-vingt aux bas mots. Il avait une silhouette assez forte. Il semblait à la fois fin, et musclé. Mais pas plus que moi. Pas avec l'entraînement de Liam. Il portait une longue veste noire qui frôlait ses chevilles alors que le vent soufflait fort ici. Les arbres ne nous protégeaient pas.

_ Sûrement à protéger des gens. Je crois savoir que cette ville abrite une meute. N'est-ce pas ?

Il pivota enfin. La natte qu'il portait dans son dos vola un instant autour de lui. Ses cheveux étaient sombres et tirés sur le haut de sa tête, se terminant en une longue natte. Je n'aperçus pas forcément d'arme sur lui, mais cela ne voulait pas dire qu'il n'en cachait pas.

Son visage était ciselé. Ses joues anguleuses. Son regard était rempli d'une telle noirceur et d'une telle puissance... Mes Ombres bougèrent autour de moi, sentant l'imminence d'un danger.

_ Ta mère avait donc raison, dit-il en faisant un vague geste de la main.

Il portait des gants noirs, qui terminaient sa tenue.

_ Tu as été recueilli par ton père ? Cette tenue n'est-elle pas faite pour un Chasseur ?

Il fit un autre geste de la main me désignant de haut en bas. Je ne répondis pas, essayant d'évaluer sa puissance. Il ne laissait rien filtrer cependant. C'était comme un vide autour de lui. Un vide très dangereux.

_ Tu fais partie de la Haute Sphère, Basile, tu le sais, n'est-ce pas ? souffla-t-il. Même avec ces... Ombres qui te poursuivent. Même avec cette malédiction. Tu es devenu l'un des nôtres. On ne quitte pas les Éminents simplement en partant. Simplement en effectuant un sacrifice. Ce n'est pas comme ça que ça se passe.

_ Que voulez-vous ? Soufflai-je enfin.

_ Tu n'es pas parti tout seul en plus de cela. Qu'est-ce que tu as pensé, Basile De Turenne ? fit le Faucheur. As-tu pensé que partir serait une solution ? As-tu pensé que nous ne ferions rien ?

Mes épaules se crispèrent. Il fit un pas en avant. Je restai sur mes positions, tentant de ne pas montrer à quel point le vide qui l'entourait me terrifiait. Je n'étais pas effrayé avec un rien, mais je n'avais jamais senti autant cette puissance, cette magie noire scindée sur une personne.

_ Je suis là pour plusieurs choses, Basile, reprit le Faucheur. Plusieurs choses que tu vas me donner. Plusieurs choses que tu vas exécuter.

Basile. La voix de Nathaniel résonna dans ma tête. Elizabeth et Catherine sont en sécurité.

Je le remerciai, lui faisant savoir que j'étais encore en vie et capable de communiquer avec lui. Il n'ajouta rien, mais je savais qu'il me surveillait. Il ne pouvait pas venir. Et j'espérais que le Faucheur ne sentait pas ce que je faisais...

_ Ta mère semblait si surprise de ton départ.

Je déglutis. Lui avait-il fait du mal ? Non. Anne était trop connue maintenant et puissante, assez pour donner de bons descendants. Elle était protégée de par son rang !

_ Consternée aussi peut-être, ajouta-t-il.

Sa voix avait le don de me glacer les os. Le vide qui l'entourait semblait attirer mes Ombres. Cette sensation était... désagréable. Comme s'il tentait de m'aspirer.

_ Les Éminents ont toujours su que tu étais perverti par les gènes de ton père. Mais ta puissance n'était pas négligeable. Et ta mère avait fait le sacrifice nécessaire.

_ Que voulez-vous ? répétai-je.

Il fit un nouveau pas vers moi, ce qui le rapprocha à quelques mètres à peine. Je n'étais plus aussi confiant que quand il était loin.

_ Tu es un Oracle de la Haute Sphère, Basile. Tout comme l'était Catherine De Turenne avant que tu ne l'enlèves.

Je pinçai mes lèvres.

_ C'est elle qui t'a prévenu de mon arrivée, n'est-ce pas ? Même en sachant que tu es invisible à nos yeux pour quelques mois encore.

Je le regardai s'approcher encore un peu. Alors que je voulus reculer, le vide qui l'entourait se jeta sur mes pieds, m'empêchant de bouger. Mes Ombres s'étalèrent autour de moi, comme un long voile noire. Le Faucheur n'approcha pas plus.

_ Catherine De Turenne est appelée à devenir une Éminente. Tout comme tu l'étais. Si elle ne le devient pas, que crois-tu qu'il se passera ? La puissance qu'elle porte en elle devra être relâchée à un moment ou à un autre.

Oui... oui bon sang je le savais et mes scellés étaient là pour ça. Pour ralentir cette course bon sang.

_ Tout comme tu as dû libérer tes ombres, Basile.

Je n'avais pas eu le choix. C'était elles qui me grignotaient ou moi qui leur donnais assez de liberté pour survivre face à leur puissance. Comment savait-il tout ça ? Il savait toutes les faiblesses de mon plan....

_ Tu sais, comme moi et comme les Éminents, que Catherine un jour, aura besoin de nous. Elle aura besoin de se développer en tant qu'Oracle. En tant qu'Éminente. Sinon... Sinon elle sombrera dans la folie. Et même toi, tu ne pourras la sauver.

_ Que voulez-vous ? répétai-je encore, la voix tendue.

Il écarta ses bras de lui et sourit.

_ Tu sais ce que nous voulons, Basile. Tu le sais, n'est-ce pas ?

_ Je ne vous donnerais pas Catherine.

Son visage se ferma et ses bras retombèrent doucement contre ses flancs. Un léger pli se forma sur son front. Je retins mon souffle.

_ Si elle n'est pas à nous, Basile, à qui sera-t-elle ? murmura Le Faucheur.

Soudain, il bondit sur moi. Sa main se referma sur ma gorge et son vide se répandit sur mon corps. Mes ombres voulurent l'attaquer, mais il fut protégé par son propre vide. Le souffle me manqua. Mes pieds décollèrent du sol.

_ Veux-tu que je trouve celle qui porte ton médaillon de naissance à la place ? souffla-t-il.

Je battis des pieds alors que l'air me manquait.

Alice ! Non ! Jamais ! Je refermai mes mains sur ses poignets.

_ Tu as osé te lier à une personne, murmura Le Faucheur. C'est une bêtise comme une autre, je suppose. Tu pourras te racheter en t'accouplant avec l'une des nôtres. Tu pourras te racheter en perpétuant ta lignée, Basile. Tu es l'un des nôtres. Tu es l'un des plus puissants. Catherine et toi pourriez donner au peuple des Oracles des enfants si puissants ! Encore plus que vous deux !

Quoi ? Catherine ? Il délirait ou quoi ? Rien que cette pensée me donna envie de vomir, mais je suffoquai dans sa prise.

_ Alors Basile, qu'est-ce que ce sera ? Dis-moi. Dis-moi ton choix...

Je clignai des yeux, le corps en miette. Bon sang ! Il m'avait démolit des pieds à la tête. Il avait méthodiquement broyé chacun de mes os. Et si je n'avais pas eu la meute, ou la faculté de me soigner, je crois que je serais déjà en train de me décomposer en pourriture. Je gisais sur la neige du lac, en plein milieu. J'avais déjà essayé de bouger, mais la glace avait craqué sous mon poids. La nuit était tombée depuis quelques heures déjà. Je n'avais plus trop de notion de temps. Le Faucheur m'avait expliqué les conditions, m'avait donné un choix. Il m'avait aussi donné un avant-goût de ce qui se passerait si je ne suivais pas la marche. Si bien que je me retrouvai là, le corps en miette, à attendre qu'une solution me vienne à l'esprit. Je savais que je saignai beaucoup des côtes et de la jambe. Je crois... je crois même qu'il avait planté une dague dans ma cuisse et que la dague était aussi enfoncée dans la glace. Si bien que je ne pouvais pas bouger.

J'avais tenté de le frapper... mais le vide. Le vide qui l'entourait était une barrière si épaisse que cela en était effrayant. Et cette peur avait sans doute été la chose qui ne m'avait pas permis de rester fort... Et si la meute n'arrivait pas, c'est qu'il avait posé un sort sur le lac qui les empêchait de me trouver. Je bougeai doucement, mais la douleur dans ma cuisse s'enflamma, me clouant au sol. La glace craqua de nouveau.

Merde. Si je tombais dans cette eau glacée, j'étais dans la merde. Et je n'avais pas assez de force pour me transférer quelque part. Quel idiot j'avais été de le laisser s'approcher.

Alors que je tentais de rester éveillé, frigorifié et légèrement paralysé, j'entendis des grognements. Au loin, je vis mon Alpha sous sa forme de loup, ainsi que Quinn. Et... Liam ? Liam retint Nathaniel d'un signe de la main.

_ Il... grognai-je. Il... a du... Il a dû poser... un sort... ne...

Le loup de Nathaniel se mit à faire les cent pas, grognant continuellement, longeant le bord du lac.

_ Comment pouvons-nous t'atteindre ? souffla Liam.

Je regardai la dague dans ma cuisse. C'était de l'argent. Il avait voulu appeler ma magie noire, je le savais bien. Je sentais toutes mes Ombres à la limite de me dévorer en pensant que c'était moi le danger. J'avais d'ailleurs de plus en plus de mal à faire quelque chose.

Soudain, une main sur mon front. Je clignai des yeux. Un hurlement me parvint. Nathaniel ne la connaissait pas... j'avais oublié. J'espérais que Liam lui expliquerait.

_ Je peux t'aider, souffla la voix de ma sœur.

Elle était ombre au-dessus de moi. Sa main glissa sur ma joue.

_ Je... je croyais...

Je pensais qu'elle était morte. Ma bouche tremblait tellement que je ne réussis pas à articuler un mot de plus. Elle posa un doigt sur ma bouche.

_ Basile, souffla la voix de Liam.

Soudain, ma sœur bascula et sembla exploser de l'intérieur alors qu'elle posait sa main sur la dague. Son cri éclata entre nous, me rendant complètement fou.

La douleur explosa dans mon corps aussi et tout se flouta.

Mon cri mourut alors que la douleur semblait dépasser tous mes seuils.

La glace craqua de nouveau.

Où était-elle ?

Où était ma sœur ?

Qu'est-ce que le Faucheur avait fait ?

Je hurlai de nouveau alors que mes Ombres semblaient me dévorer de l'intérieur. Ma magie noire semblait exploser dans mon corps. Créant deux forces opposées entre mes Ombres et ma magie...

De nouveaux hurlements.

J'entendis des voix. Je crus reconnaître celle de Nathaniel. Mais celle de Liam aussi.

Je suffoquai alors que la glace craqua de nouveau.

Je sentis quelque chose sous mes mains. De l'eau ?

Glacée. C'était glacé.

Nouveau craquement.

Bouge. Bouge. Bouge.

Je hurlai en retirant la dague de ma jambe.

Mauvais mouvement.

Nouveau craquement.

_ Basile !

Cette voix...

Je fus avalé par la glace et l'eau glacée.

Le froid me fit suffoquer et je ne pus avaler de l'air. Juste de l'eau.

Soudain, une vague de puissance balaya mon corps.

La glace se ressouda et je fus à l'air libre, le dos contre une épaisse couche de glace.

_ Alice non ! cria Nathaniel.

Des bruits de pas s'approchèrent alors que des mains chaudes se posaient sur ma peau.

Je toussai de l'eau, recrachant ce que j'avais avalé de travers. Quelqu'un me bascula sur le côté, tapant dans mon dos. Une voix répétait mon prénom encore et encore.

_ Alice, grognai-je.

Je clignai des yeux alors que son visage m'apparaissait.

_ Non... paniquai-je. Non ! Recule... ne...

_ Basile qu'est-ce que...

Son expression trahit sa peur quand je voulus la repousser, mais elle s'accrocha à moi. Le sort ! Le sort allait l'attaquer !

_ Je vais bien ! Basile !

Elle me secoua, fort. Mes dents s'entrechoquèrent. Je me figeai un instant, essayant de voir si elle allait vraiment bien, mais j'étais frigorifié et faible. Bon sang... Pourquoi ?! Pourquoi était-elle venue ? Le Faucheur avait voulu voir mes alliés... j'en étais sûr! Et je les lui offrais sur un plateau ! Il allait tout voir, tout comprendre ! Non, non, non !

_ Il faut... il ne faut pas qu'il vous voie ! dis-je en tremblant de tout mon corps.

_ Emmène-le à la maison, Alice ! cria Nathaniel toujours bloqué sur la berge. Maintenant !

Je la vis hocher la tête et son Air m'entoura. Je hurlai de douleur alors que nous réapparaissions dans la véranda de Nathaniel. Je tombai à genoux, traversé par mes blessures internes. Alice réussit à me faire basculer sur le canapé. Elle défit plusieurs sangles de ma tenue et découvris mon torse. D'énormes bleus se détachaient de ma peau.

_ Que s'est-il passé, bon sang ? murmura-t-elle.

Je grimaçai quand l'un de ses doigts frôla mes côtes. Elle voulut me soigner, mais je la retins.

_ Non ! criai-je en agrippant ses poignets.

_ Basile bon sang ! souffla-t-elle. Laisse-moi te soigner...

Je continuai de secouer la tête.

_ Ne... n'utilise pas ta magie sur moi...

Je ne savais pas. Je ne savais pas ce que ça ferait !

_ Qui t'a attaqué ? murmura-t-elle soudain effrayée. Qui ?

Sa peur fut tellement soudaine que je ne sus comment l'interpréter. Je repoussai ses mains une nouvelle fois.

_ S'il te plaît, soufflai-je en grimaçant.

_ Je ne peux pas te laisser comme ça Basile, dit-elle en repoussant mes mains.

_ Alice ! criai-je.

Elle se figea enfin. Nathaniel et Liam apparurent.

_ C'est lui qui t'a fait ça ? souffla Nathaniel.

_ Qui bon sang ? s'écria Alice.

Je clignai des yeux avec Nathaniel. Elle semblait sur le point de frapper l'un d'entre nous si nous ne parlions pas. Croyait-elle que c'était le sorcier qui avait attaqué Ezan et les autres qui m'avaient fait ça ?

_ Ce... ce n'est rien, murmurai-je.

Elle me regarda, et l'émotion qui la traversa me toucha. Comme une... petite trahison. Je la repoussai au mauvais moment... Et merde.

_ Qui t'a appelé d'ailleurs ? grognai-je en observant les deux autres derrière elle.

Qui avait mis Alice en danger ? Liam pointa Nathaniel. Ce dernier leva les yeux au ciel.

_ Peu importe, rétorqua Alice. Quelqu'un doit te soigner et je suis la seule capable de le faire.

_ Non ! couinai-je alors qu'elle avançait ses mains.

_ Alice, reprit Nathaniel.

Elle le fusilla du regard.

_ C'est un message, Alice, grogna Liam. Un message de la Haute Sphère. Tu ne peux rien y faire...

Au lieu de regarder Liam, elle me regarda moi. L'inquiétude n'était plus la même. Elle avait vraiment pensé que ce sorcier m'avait attaqué. Je caressai doucement sa joue. Elle agrippa mon poignet, mais heureusement ne tenta pas de me soigner.

_ Que se passe-t-il ? souffla-t-elle.

J'avais besoin de me soigner. J'avais besoin de réfléchir à la situation.

Soudain, Alice se figea, son regard se posant au-dessus de ma tête, sur le dossier du canapé. Je tournai difficilement mon regard à mon tour. Un petit papillon violet battait doucement des ailes, posé sur le dossier.

_ Alice ? dis-je.

Elle secoua la tête et grimaça. Je compris que c'était un message. L'un des dessins de Catherine me revint. L'homme avec des ailes violettes. Alice le connaissait.

_ Vas-y, soufflai-je comprenant que c'était important.

Sinon elle n'aurait pas fait attention au papillon.

_ Je vais entrer en transe pour me soigner correctement, murmurai-je. D'accord ?

Elle ferma les yeux, retenant son souffle. Ses mains se posèrent sur mes joues. Elle déposa un léger baiser sur mes lèvres.

_ Évite de faire des bêtises, murmura-t-elle à contrecœur.

Elle se leva et pointa Nathaniel du doigt.

_ Apprends à t'occuper de ton sorcier, Alpha idiot ! dit-elle sur un ton plutôt énervé.

Malgré la douleur, je souris. Nathaniel la regardait presque froidement.

Elle pivota de nouveau vers moi, se pencha pour m'embrasser.

_ Je reviens au plus vite, souffla-t-elle.

Et elle disparut.

Je m'effondrai sur le canapé, laissant la douleur apparaître sur mon corps et mon visage.

_ En transe ? souffla Liam.

_ C'est un sommeil prolongé, murmurai-je. Qu'Elizabeth et Catherine restent à l'abri.

_ Tu es vulnérable pendant ce sommeil ? demanda Liam.

Je hochai la tête. Nathaniel et Liam échangèrent un regard.

_ Je reste, souffla finalement Liam.

Le Faucheur... Le Faucheur avait dû voir Alice... Il l'avait forcément vue.... Bordel. Je devais vite sortir de ce sommeil. Je devais vite faire en sorte que personne ne soit blessé. Si ce n'était que moi, cela était supportable. Mais pas Alice. Pas Catherine.

_ Il rode, soufflai-je à Nathaniel.

Je lui tendis ma main. Il la prit et ferma les yeux. Il savait à quoi ressemblait le Faucheur maintenant.

_ Soigne-toi, m'ordonna l'Alpha.

Je hochai la tête, apercevant la mine renfrognée de Liam. Celui-là alors...

Je fermailes yeux et ma magie m'entoura.