14. Alice
Le voir rougir ainsi me prit au dépourvu et me coupa le souffle. Dans ma longue vie, j'avais rarement vu des hommes rougir, mais j'avais vu beaucoup d'hommes pleurer. Si le premier était comme un cadeau, comme quelque chose de précieux, le deuxième faisait mal, le deuxième était horrible à regarder, à supporter.
Basile ouvrit la bouche, puis la referma. Cherchait-il ses mots ?
Pour une fois, ses yeux ne me dévoraient pas, ne me prenaient pas toute ma raison. Je me demandai réellement pourquoi tout cela l'avait inquiété, ébranlé. Je n'étais rien pour lui et ne voulais rien être. Nous avions couché ensemble et l'attraction entre nous était insoutenable, mais ça ne devait pas aller plus loin.
Jamais.
Alors qu'il se soit ainsi exposé, qu'il ait même refusé que j'aille rejoindre Nohlan...
Je ne comprenais pas, où je ne voulais pas comprendre ? Là était toute la question et il y avait une énorme différence entre les deux.
Les loups étaient possessifs de nature. Ils ne partageaient pas ce qu'ils leurs appartenaient.
Jaloux et intransigeants, contrôler dans une certaine mesure la vie de l'autre ne les dérangeait pas. Je le savais. J'avais vécu dans une meute plus de la moitié de ma vie.
La meute d'Aaron et de Yama avait toujours représenté une grande famille à mes yeux, même si mon monde s'était résumé à Nohlan, Enora et Reygon. Et Ulysse, bien sûr, mais plus tard.
Tout cela n'avait pas été au point que je change ma manière d'être, que je me dise que j'étais une sorte de louve avant d'être une sorcière. Ce n'avait pas été comme Elijah qui s'était toujours vu comme un Chasseur avant d'être un loup.
J'étais une sorcière et avant d'être une sorcière, j'étais une Changeuse.
Pour le peuple des sorciers, la famille ne voulait pas du tout dire la même chose que pour les loups. Un sorcier n'avait pas forcément qu'une seule femme. Il ne pouvait se contenter de cela.
Ce n'était pas vraiment un harem, mais le but était d'avoir le plus de rejetons possible et de laisser les femmes s'en occuper entre elles.
Aucune branche ne différait vraiment de ce mode de vie, à part les Vengeurs peut-être, mais c'était alors tellement différent.
Cela marchait aussi comme ça pour les Oracles, même si eux ne se reproduisaient qu'entre eux. Avaient-ils le droit d'aller voir ailleurs ? Je ne savais pas vraiment, mais le fait que la mère de Basile ait fricoté avec un Chasseur n'avait pas dû être très bien vu. Il y avait cette histoire de Haute Sphère quelque part dans l'équation. Je m'en souvenais. Les femmes devaient s'offrir aux Oracles de ce cercle. C'était un peu comme pour les Chasseurs. Mais eux, c'étaient tout simplement par manque de femmes parmi eux.
Alors, les sorciers n'étaient en rien possessifs. Ils n'étaient que très rarement jaloux, même s'il y avait des exceptions à la règle.
Un Chasseur n'était pas possessif non plus et quand on voyait Liam avec Marina, on se demandait s'il n'avait pas passé trop de temps parmi les loups.
Il y avait bien sûr ce jeu de séduction pour chaque peuple, mais pourquoi est-ce que j'avais l'impression que Basile ne jouait pas vraiment ? Qu'il y avait quelque chose de bien trop... concret dans ses gestes, dans ses regards ?
Il n'était pas question du jeu de séduction avec lui, mais bien d'autres choses. Quelque chose de plus sombre, de beaucoup plus désirable aussi.
Une danse était en train d'arriver.
Dangereuse et suave, personne n'en ressortirait indemne et moi encore moins. Jouer était dangereux, surtout quand l'adversaire était aussi ténébreux qu'une obscurité insondable.
Surtout quand l'adversaire était Basile, un Oracle puissant et un futur Maître des Ombres en puissance.
Parfois, mieux valait ne jamais se lancer dans une partie perdue d'avance... mais celle-ci n'était-elle pas déjà commencée ? Et n'avais-je pas déjà commencé à lutter en vain ?
Ma main se leva et mes doigts effleurèrent sa joue.
Je n'aurai pas dû chercher à le toucher ou à l'atteindre. Je n'aurais pas dû chercher le contact, mais mon corps était attiré par lui. Il était mon aimant, il était le filet qui emprisonnerait mes ailes comme jamais personne ne l'avait fait et comme personne n'aurait jamais dû avoir a le faire.
Mais quand je pensais cela, une voix me soufflait que Basile était différent et que parce que c'était lui, ça n'avait pas d'importance.
Son regard rencontra le mien et mon geste fut figé dans le temps, dans l'espace.
Gabriel avait dit une fois en parlant de Scarlett que les rencontres étaient comme le vent. Certaines vous effleurent et d'autres vous percutent de plein fouet.
Ça avait été ses mots exacts.
J'avais compris bien sûr, mais cela ne m'était jamais arrivé. Ma rencontre avec Nohlan ne rentrait pas en compte, parce que cela avait été le destin, cela avait été écrit dans les étoiles, quelque part dans l'immensité du ciel.
Mais maintenant, avec cet Oracle devant moi...
Ce n'était pas une brise.
Ce n'était pas une brise de printemps, caressant les fleurs et effleurant les peaux.
C'était un ouragan. Celui capable de détruire une ville. Celui capable de chambouler une existence tout entière.
Et c'est ce qui était en train d'arriver.
Sa main sur mon poignet. Il tira et je me retrouvai à califourchon sur ses cuisses, mon visage à quelques centimètres du sien.
Il était en train de tout chambouler.
Pas seulement moi. Il allait changer des choses.
Pour sa future meute, mais aussi pour l'Éthérée, pour Liam, pour Marina et pour tous les autres.
Peut-être même pour son propre peuple. Basile n'était pas le genre d'homme qu'on enchaînait. Il n'était pas le genre d'homme à attendre que les choses arrivent. Il les provoquait.
Et ce qu'il voulait, il le prenait. En ce point, il était le portrait craché de Liam. Il était exactement comme son père.
Il sourit doucement en sentant mon souffle sur son visage.
Sa présence, sa simple présence électrisait mes sens. Je savais que même dans une salle avec une centaine de personnes, mon corps n'aurait eu aucun mal à percevoir son approche, sa proximité.
Est-ce que j'avais peur d'éprouver de telle chose ? J'étais terrorisée.
Il arrivait à fissurer mes scellés, il arrivait presque à commander mon pouvoir en faisant appel au sien.
Rester près de lui n'était pas seulement dangereux, c'était mortel pour moi. Mais ma volonté volait en éclat quand ses mains touchaient ma peau, comme maintenant.
Ses deux paumes sur mes cuisses nues.
Un souffle déjà erratique.
Le mien.
Non. Non. Pourquoi lutter me paraissait-il à ce point impossible ? C'était comme cette fois où j'étais tombée à l'eau et où j'avais essayé de remonter à la surface sans jamais y parvenir.
Jusqu'à ce que des mains me saisissent.
Jusqu'à ce qu'on m'attrape et qu'on me sorte de l'enfer.
Basile était l'enfer.
Et seules ses mains pouvaient m'en sortir.
N'était-ce pas risible ?
Le haut de mon corps se pencha légèrement en avant. Je voulais gouter ses lèvres. Et je voulais lutter contre cette envie.
Sa main sur ma nuque.
Chaude et possessive.
Brûlante et revendicatrice.
Son visage plus près du mien, mon cœur battant à ton rompre. Mon corps et mon esprit étaient épuisés de lutter. Après le Changement et surtout après un Changement forcé, il me fallait du repos. Mais dans le cas présent, cela ne suffirait pas. Le tatouage sur mon aine s'étendait encore sur mon ventre. Je le sentais. C'était comme un rappel, comme une douce alarme.
Ses lèvres effleurant les miennes. Mes mains s'agrippant à ses épaules. Mon corps était tendu. Par l'effort du Changement, mais aussi par le désir. Les deux se confondaient pour l'instant et je ne savais pas ce dont j'avais le plus besoin, le plus envie.
— S'il te plaît..., couinai-je.
Sa prise sur ma nuque se fit plus forte, plus sure. Je lui donnai la permission et il ne pouvait refuser.
Un baiser d'une douceur incroyable, d'une douceur à me donner envie de pleurer. Je ne voulais pas cela. Je voulais le sentir.
Mes mains dans ses cheveux, ma langue cherchant la sienne et son sexe grossissant sous son jean.
Un baiser humide.
Un baiser qui contenait tellement de choses.
Il y eut un bruit et ma cape glissa le long de mes épaules, sur mes bras, dévoilant ma poitrine, dévoilant mes seins lourds et mes tétons dressés, n'attendant qu'une seule chose ; la bouche de Basile.
Il grogna contre mes lèvres, ses dents attrapèrent ma lèvre et il tira.
J'aurais pu éclater en mille morceaux en cet instant tant je le voulais. J'aurais pu hurler son prénom sans même m'en rendre compte.
Ma peau irradiait.
Ma peau brûlait du toucher de l'Oracle.
Je le voulais en moi. Je voulais me perdre dans le plaisir et la luxure. Et j'avais peur devant l'intensité de tout ce que j'éprouvais à son contact.
Il avait passé mes boucliers avec un regard.
Il avait fait valser mes scellés avec une caresse.
Et il avait dérobé mon âme avec un baiser.
Il était dangereux.
Il était celui qui entraînerait ma chute.
Il était le soleil et j'étais Icare.
Ma cage. Mes barreaux.
Sa langue sur mon téton. Le cri s'échappant de ma bouche. Mes hanches bougèrent ; je me frottai à lui. Encore, encore, encore.
Il déchira un peu plus ma cape et cette fois, elle glissa complètement de mon corps. Sa main remonta le long de mon dos et un frisson me secoua de la tête aux pieds.
J'étais à bout de souffle et tellement prête alors qu'il semblait se jouer de moi.
Lents étaient ses baisers sur ma peau.
Lent était l'effleurement de ses doigts dans mon dos.
Et sa langue qui goûtait cet endroit si sensible. Je pressai sa tête contre ma poitrine. Ses cheveux étaient si doux, si soyeux. Une invitation à y passer la main.
— Basile...
— Je sais, sorcière, je sais.
Une déclaration tellement masculine, tellement remplie de promesses.
Et la pulsation qui montait et qui ravageait tout, comme un tremblement de terre, comme un tsunami.
Il me serra alors contre son torse et se releva. Mes jambes s'enroulèrent autour de ses hanches et la minute d'après, nous étions dans ma chambre. Il se pencha et lâcha doucement mon corps.
Et il resta debout, à me regarder, à me dévorer des yeux. Son regard s'attarda sur le tatouage. Voyait-il à quel point il était différent de la première fois qu'il l'avait vu ? Je n'aurais pas dû le laisser voir cela, mais je n'avais plus aucune force en moi pour camoufler cela.
Parce que Basile me prenait tout.
Raison.
Conscience.
Maîtrise.
Mes mains agrippèrent les draps et mon pouvoir courut le long du lit. La glace explosa et les Ombres de Basile se jetèrent en avant.
Figées.
Nos souffles formaient de la buée. Dans mon dos, mon tatouage me brûlait. Dans ma tête, une phrase que ma bouche ne voulait pas dire.
Ne me touche pas.
Ne me touche pas.
Ne me touche pas !
— Tu es... magnifique.
Je rougis.
J'étais nue devant lui. Mon corps totalement à sa merci. Un geste, une caresse, un souffle et je ne serais plus rien.
Ma bouche s'entrouvrit, mais il était déjà sur moi, son corps pesant d'une façon exquise sur le mien.
Nos langues dansèrent.
Serai-je rassasiée après cela ?
— J'ai envie de t'entendre gémir, Alice.
Il mordit doucement mon sein. Mon dos s'arqua. Un gémissement m'échappa.
La glace et l'Ombre.
L'Ombre et la glace.
Un craquement.
Tout était figé.
Une barrière. Une protection contre le monde extérieur. Mais le danger en cet instant, ce n'était pas ce qui nous entourait, c'était nous.
Et seulement nous.
La noirceur était là, à la surface. S'il n'y avait pas eu Basile, elle aurait gagné en cet instant. Mais s'il n'y avait pas eu Basile, les scellés n'auraient pas bougés.
Sa paume sur mon sexe humide.
Il traça des cercles.
Et je me mordis la lèvre. Mes hanches suivaient le mouvement de son poignet. Mon corps chantait pour lui.
La glace grimpa sur les murs. Je fermai les yeux alors qu'il introduisait un doigt en moi. Je criai, m'agrippant à lui, cachant mon visage dans son cou.
Son odeur m'enveloppa.
Un ancrage.
Une main tendue.
Une corde lancée.
Et son prénom en staccato dans mon esprit.
Basile. Basile. Basile.
Un deuxième doigt. Je le mordis, parce que j'en avais besoin. Le sang dans ma bouche, les larmes sur mes joues.
Son souffle.
Sa peau.
Son odeur.
Je volai en éclat en hurlant, mon corps complètement ravagé. Et des pics de glace jaillirent des murs, du sol, de partout. Un froid glacial.
Et la chaleur si brûlante, si vivante de l'Oracle.
Mon esprit lâcha prise et je sombrai, entendant sa voix qui chuchotait mon prénom.
C'était doux...
Je pouvais voir la lumière floue du soleil, de ses rayons. Elle me semblait si proche et pourtant je savais que même en tendant les bras, même en cherchant à l'atteindre, je n'y arriverais pas.
La surface était juste là. Peut-être que si je battais des pieds j'y arriverais. Peut-être qu'avec de la volonté, j'y parviendrais.
Mais je manquais d'air.
Et j'avais peur.
Peur de sombrer complètement dans cet océan de ténèbres. Et je paniquai. L'eau s'engouffra dans ma bouche et je compris.
J'allais mourir.
Il n'y avait personne ici.
J'étais seule et je sombrai, avalée par des litres et des litres d'eau. Par un océan glacial. Et j'avais peur.
Et je ne pouvais plus respirer.
Et je ne pouvais plus bouger.
Et la lumière devenait de plus en plus lointaine.
Et la surface s'éloignait de moi.
Et je sombrai... sombrai... sombrai...
Je fermai les yeux.
J'avais peur. Parce que je ne voulais pas mourir. Je ne voulais pas mourir comme ça. Je ne voulais pas mourir de cette façon.
Et qu'on m'oublie.
Qui resterait avec Nohlan alors ? Qui le protégerait si ce n'était moi ?
Nohlan.
Seules ses mains pouvaient me ramener.
Seules ses mains pouvaient me sauver.
Me sauver de la peur.
Me sauver de moi-même.
Me sauver de la noyade.
Je ne voulais pas... m...o...u...r...i...r...
Une sensation. Une caresse. Légère. Au niveau de mon dos.
Des doigts.
Qui descendait.
Et qui remontait.
En une lente, très lente caresse.
J'ouvris les yeux. Mais ne bougeais pas. C'était trop bon.
Tellement léger.
Un doigt traça le contour du tatouage qui prenait une grande place sur mon dos. La paume de Basile se posa au centre et je sentis son souffle sur ma nuque.
Un baiser.
Comme la caresse d'un papillon. Sa chaleur m'enveloppait. Elle me berçait.
Et son touché m'avait ramenée, m'avait éveillé du cauchemar.
Un autre baiser au niveau de ma colonne vertébrale. Et un long frisson.
Il sourit contre ma peau, sachant que j'étais réveillée.
C'était une sensation étrange. Pas de se réveiller auprès d'un homme, mais d'être ramenée dans la réalité par un homme. Par Basile.
— Tu as la peau toute douce.
Je fermai les yeux et savourai sa caresse. Sa présence. Il ne pouvait voir mon visage. Il ne pouvait deviner mes pensées.
Je n'osai lever la tête de toute façon. Je n'osai voir ce que mon pouvoir incontrôlable avait fait. Il fallait que je remette mes scellés. Il fallait que je demande à Nazir de faire cela pour moi...
— Alice.
Comment une simple voix pouvait-elle faire autant d'effets ? Je n'en savais rien.
— Je veux voir ton visage, sorcière.
— Pourquoi, Oracle ?
Sa bouche sur mon épaule. Ma main serra le drap. Ses dents sur ma peau. Sa langue laissant un chemin humide.
Et ses doigts descendant au niveau de mes fesses.
— Pourquoi pas ? répliqua-t-il d'une douceur extrême.
Mon souffle se bloqua dans ma gorge.
— J'aime te voir rougir sous mon regard... sous mes caresses...
Son nez dans le creux de mon dos.
— Regarde-moi, sorcière.
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