13. Alice

Au moment où Quinn prononça ces mots, je le sentis.

Liam.

Sa colère et... autre chose. Il était juste à côté de l'hôtel. Il était tout près du Mighty wolfes et sa présence était comme un volcan prêt à entrer en éruption. Tout ce qui se dégageait de lui était limpide sur mon flux de magie qui courait à travers tout le Michigan. J'en frissonnai doucement, drapée dans ce qui restait du drap. Le sentir ainsi était presque suffisant, aller le voir ne me semblait pas une solution très réjouissante. Mais dans cet état, il était dangereux. Dans cet état, tout le monde était un ennemi pour lui. Je l'avais déjà vu agir de la sorte. J'avais déjà dû m'interposer entre Nohlan et lui pour ne pas que l'Alpha soit blessé. Ses Ombres m'avaient alors heurtée et leur touché mortel avait été une torture, une horreur sur mon corps.

Le prénom de Liam s'échappa des lèvres de Basile alors que je relevais les yeux vers lui, ne prêtant aucun intérêt aux loups entrés dans la chambre.

Son visage n'était pas froid ou distant, mais il y avait quelque chose. Mes doigts me démangèrent un instant, mais je préférai serrer des poings doucement. Même sous la douche, plus tôt, j'avais vu quelque chose dans ses yeux. La même chose qu'il y avait en Liam. Sauf que chez lui, c'était tout le temps.

Cette froideur.

Cette... non-humanité.

Ce... mal... cette peur et cette terreur qu'elles amenaient inexorablement.

Basile était le fils de Liam. Basile était aussi dangereux que son père après tout. Il n'y avait pas de demi-mesure là-dedans et il n'y en aurait jamais. Mon corps eut presque un mouvement de recul, mais la main de Basile saisissant mon poignet m'empêcha de faire le moindre geste.

Dans ma gorge, mon souffle se bloqua complètement et ce fut comme si un courant électrique nous traversait tous les deux. Il baissa les yeux un instant sur moi et j'étais sûre que lui aussi avait oublié que nous n'étions pas seuls. Pourquoi est-ce que je voulais qu'il me prenne encore dans ce lit ? Pourquoi est-ce que je voulais encore le sentir en moi, ses mains sur mon corps et sa bouche sur ma peau ?

J'avais cru pendant un instant que tout ça, cette attirance démesurée et ce besoin presque... vital seraient assouvis une fois que nous l'aurions fait, mais... mais c'était loin d'être le cas ! Qu'est-ce qui n'allait pas chez moi ? Qu'est-ce qui clochait pour que je veuille cet Oracle si... fort ?

Peut-être que si je m'éloignai un moment, il...

Ses doigts s'enfonçant dans ma peau, son regard légèrement plus sombre. Ce n'était pas une option. Ce n'était même plus une solution.

J'étais la biche prise dans une lumière trop vive. Et quelque chose me soufflait que Basile aurait toujours le pouvoir de m'éblouir.

Qu'il aurait toujours le pouvoir sur... mon corps. Et sur mon âme, s'il ne l'avait pas déjà... Pourquoi avais-je cette étrange impression qu'il me tenait, qu'il me possédait déjà alors que je ne voulais pas que ce soit le cas ?

Je ne voulais pas que ça arrive.

Ça ne devait pas arriver.

Pas lui. Pas cet Oracle, pas ce futur Maître des Ombres en puissance. Si je lui donnais accès à autre chose qu'à mon corps, ce qui s'était passé avec nos pouvoirs n'en serait que pire. Ou meilleur ? Je ne savais pas. Je ne voulais pas forcément savoir. Il y avait des choses qu'il valait mieux ne jamais savoir. Pour le bien de tous. Pour son propre bien.

— Alice ? Tout va bien ?

La voix de Tomas, un des Dominants de la meute ne réussit pas à me faire reprendre pieds dans la réalité de ce qui nous entourait.

Regarde ailleurs avais-je envie de lui souffler.

Ne regarde que moi.

Son corps avait déjà une emprise sur moi. Ses yeux avaient déjà un pouvoir sur mon esprit, sur mon corps.

Peur et plaisir se mélangeaient.

Terreur et désir.

Je voulais qu'il m'embrasse. Je voulais sentir la dureté de ses caresses et la douceur de son baiser.

Il fallait que je me reprenne. Maintenant. Pas plus tard. Tant que je pouvais le faire, tant que cela était possible.

Me protéger.

Il fallait que je me protège de lui.

Pas de l'Oracle.

Ni même du Maître des Ombres.

Mais de lui.

De Basile.

Du mouvement. Du coin de l'œil je vis les Ombres de Basile se rassembler doucement alors que Tomas avait fait un pas.

Et mon pouvoir remua en même temps. Sans que je ne fasse rien, il était déjà en train de se mêler à celui de Basile.

Qu'étions-nous capables de faire ? Qu'étions-nous capables de créer au juste tous les deux ? J'étais vieille, j'avais vu beaucoup de choses et connu beaucoup de sorciers. Je côtoyai un Maître des Ombres depuis plus de trois cents ans maintenant, mais je savais que les Ombres de Liam ne pouvaient réellement me toucher. Elles me fuyaient. Oh, je savais très bien que dès qu'elles pourraient étouffer ma Lumière elles le feraient, mais les Ombres de Basile étaient différentes. Elles étaient attirées par ma Lumière, mais elles... complétaient mon pouvoir, ou alors, c'était moi qui complétais son pouvoir. Je ne pouvais le dire. Lui-même le savait-il ? Contrôlait-il seulement la totalité de son pouvoir ? Non. Non, il était très loin du niveau de son père, mais avec l'entraînement adéquat, il deviendrait beaucoup plus puissant, je n'en doutais pas une seule seconde.

La main de Basile se fit plus possessive sur mon corps. Si Tomas s'avançait plus...

— On arrive, grommela-t-il.

Il ne laissa à personne le temps de protester et me tira derrière lui, ramassant nos affaires d'une main. Il claqua la porte de la salle de bain derrière nous et me lâcha enfin.

Il se passa une main légèrement tremblante dans les cheveux et je l'entendis inspirer doucement.

Que sa peau ne soit plus en contact avec la mienne m'aidait à réfléchir, m'aidait à reprendre mes esprits. Mais il y avait une sensation étrange qui allait de pair avec ce manque si soudain de contact. Mes lèvres s'entrouvrirent et pendant un instant, je peinais à respirer.

Tout n'aurait pas dû être si fort, si intense.

Cette nuit.

Chacune de ses caresses ou chacun de ses souffles.

Chacun de ses baisers.

Mais surtout cette sensation d'abandon n'aurait tout simplement pas dû être là.

Pas normal.

Pas normal.

Pas normal.

Ça clignotait, ça bipait.

Ma propre sécurité était en jeu. Je devais juste... Bon sang !

Je soupirai en essayant de calmer le flux de mes pensées. Je fermai un instant les yeux et une longue cape drapa mon corps.

C'était une barrière entre Basile et moi. Entre son corps et le mien. Je voulais me protéger, mais comment me protéger moi de ce que je ressentais ? C'était tout simplement impossible. Le croire était une bêtise.

Il était là, juste devant moi. Comment pouvait-il bouger aussi vite ? Comment mon corps pouvait-il se tendre vers le sien de cette façon si... sensuelle, si sexuelle ?

Je levai la tête vers lui et sa bouche fondit sur la mienne.

Un baiser dur. Un baiser possessif. Son corps n'était que chaleur, sa présence, si... mâle. Il exhalait le désir et la sexualité.

Je gémis contre ses lèvres alors qu'il me clouait contre la porte, ses mains tenant mes poignets, m'empêchant de le toucher, m'empêchant de le saisir pour rester saine d'esprit.

Ses hanches tapèrent contre les miennes et je sentis tout son corps, toute cette puissance en lui. Son nez glissa contre ma joue et je ne pus retenir mon gémissement :

Tout cela est vain, Alice, souffla-t-il avec son accent si parfait.

Je sentis mes seins s'alourdir, mes tétons durcir et la tension crépita dans l'air. Son souffle était brûlant contre mon oreille. Ses dents en mordillèrent le lobe.

Je ne pouvais pas parler. J'en étais totalement incapable !

— Je te veux encore, même après ce qui s'est passé. Et toi aussi.

Sa main sur mon sein. Je rejetai la tête en arrière. Il fallait que je dise quelque chose, ou que je fasse quelque chose. N'importe quoi, mais quelque chose !

Ses doigts pincèrent mon téton. Mon dos s'arqua et quelque chose craqua à nos pieds. Pourquoi ne pouvait-il pas y avoir de maîtrise ?

Trop fort.

Trop incontrôlable.

— Tu ne resteras pas ici éternellement, et...

Et moi non plus. Je tremblai alors qu'une lueur de défi s'allumait dans son regard :

— Les chaînes sont faites pour être brisées, sorcière.

Et une fois encore la douceur de son baiser me pétrifia, me surprit. Il y avait trop de facettes chez cet homme. Il y avait trop de côtés que j'avais peur de toucher, de ne serait-ce qu'effleuré. Et il le sentait.

Basile était le serpent qui acculait sa proie, qui acculait la souris. Et qui s'en délectait. Ses mains quittèrent mon corps.

Il se recula alors et attrapa son jean qu'il enfila à même la peau. Il passa son t-shirt, mais avant qu'il ne pense à retourner dans le salon, j'attrapai son bras et ma magie nous entoura.

Les loups pouvaient nous rejoindre.

Mon Air nous emmena loin de cette chambre d'hôtel.

Mes pieds nus se posèrent sur un sol recouvert de neige.

Il y avait des loups.

Et il y avait un Maître des Ombres qui semblait dévoré par sa propre masse sombre. C'était un spectacle incroyable, comme cette fois où nous l'avions cru mort et où ses Ombres s'étaient jetées sur son corps, comme pour s'en rassasier.

Liam était à peine visible. Mais son aura meurtrière ne pouvait tromper personne. Pas même la Mort. Ne l'était-il pas en cet instant ?

La Mort incarnée, la Mort personnifiée.

Ce qui se dégageait de son être tout entier n'était qu'horreur et terreur. Il était passé maître dans cet art. Il était tellement plus qu'un simple Chasseur. Et il était devenu un Ancien.

Qu'était-il venu faire ici ? J'aurais pensé ne pas le revoir avant quelques jours et pourtant, il était là. Elijah ne l'avait donc pas raisonné ? Pourquoi nous avait-il renvoyé une bombe à retardement ?

Je sentis la présence de Nohlan et mon regard le chercha avant qu'un cri retentisse. Les Ombres de Liam se jetèrent sur nous et je sentis quelque chose de mauvais remuer en moi.

Je sentis le sang couler sur ma joue alors que le corps de Basile était à quelques mètres du mien. Il y avait quelque chose qui rampait sur mon corps, au niveau de mon aine, au niveau de mon ventre. Je le sentais sans avoir besoin de le voir.

Mon tatouage de Maudite. Quand était-il...

Est-ce que les scellés avaient... Non. Non. Bien sûr que non. Ils étaient... affaiblis après ma nuit passée avec Basile, mais ils étaient toujours là.

La puissance de l'Alpha de l'Éthérée grimpa alors que toute ma magie courait vers lui. Il ne fallait pas que je perde de vue les priorités. Jamais.

Et Nohlan, sa sécurité était ma seule priorité. Il n'y avait rien d'autre et il n'y aurait jamais rien d'autre.

Où était Marina ? Je ne la sentais pas. Liam était forcément ici pour elle. Même avec ce qu'il avait pu dire ou faire hier, ça ne changeait rien. Elle était sienne. Et elle portait son enfant. Sa sécurité n'était pas une option.

Les Ombres du Chasseur éclatèrent autour de nous et plusieurs loups furent touchés. Ils roulèrent au sol alors que ma glace protégeait Nohlan. Elle agissait indépendamment de ma volonté.

Il était lié à moi alors mon pouvoir le protégeait. Ce n'était pas plus compliqué que cela.

— Sorcière, sorcière.

La voix de Liam. Une lame d'Ombre me visant. Je la parai du mieux que je pus alors que mon tatouage grimpait soudain.

Nazir l'avait dit. Trop retenue... une simple brèche et ça exploserait.

Basile fit un pas. Son regard était concentré sur cette masse. Et derrière lui, ses propres Ombres étaient en train de montées.

Quelque chose commença à se former devant moi et un petit garçon apparut. Il n'était que noirceur, que ténèbres, qu'Ombres dures et voraces.

Il n'avait pas de visage. Il n'était pas humain, n'était qu'une sorte de... projection et pourtant... pourtant, des pensées me venaient de lui.

Des images.

Fortes.

Des souvenirs.

Et ça fourmilla à l'intérieur de moi.

Je savais ce que Liam essayait de faire. Parce qu'il avait compris comment mon pouvoir marchait, comment il pouvait se retourner contre moi.

Et les hurlements des enfants de l'orphelinat furent de nouveau présents à mon esprit.

Ma peau me brûla et des grains de poussière s'élevèrent alors qu'une terreur sourde s'emparait de moi.

Il n'avait pas le droit de faire ça. Il n'avait pas le droit de... de... faire ça...

Et comme attirées par tout cela, celles de Basile se dressèrent complètement et fondirent.

Il y eut un souffle terrible alors que les Ombres du père et du fils se mêlaient étrangement. Basile pâli a vu d'œil. Il luttait contre la puissance écrasante de Liam. Il luttait et il tenait bon. Ce n'était pas complètement un novice. Mais il n'était pas au niveau de son père et ses Ombres furent balayées quand celles de Liam se désagrégèrent doucement.

Un sourire fendait son visage. De la curiosité dans ses yeux. Il pencha légèrement la tête alors que la voix de plusieurs personnes nous parvenait d'un peu plus loin.

— Aller laisse-nous te raccompagner chez toi. Il est encore tôt pour qu'une si belle femme se promène toute seule.

Des rires.

Liam tourna la tête et quelque chose sur son visage me cloua sur place. Basile aussi bougea légèrement.

Le Chasseur bougea si vite que même les loups présents ne purent le voir.

Basile était sur ses talons.

Les voir bouger tous les deux... c'était... incroyable.

Liam frappa le premier homme en plein visage quand Basile s'occupa du deuxième. Le troisième ne demanda pas son reste et détala, sans se retourner une seule fois.

Marina observa Basile et sourit doucement. Quand son regard se tourna sur son amant, son visage était froid et dur.

Liam s'avança vers Marina et agrippa son menton avec une douceur qu'elle était sûrement la seule à avoir de sa part. Il se pencha, mais s'arrêta à quelques centimètres de ses lèvres.

Le regard de la jeune femme était terrible. Elle ne lui avait pas pardonné. Et ne le ferait pas maintenant.

— Je l'ai mérité, n'est-ce pas ?

Il la lâcha et recula avec un soupir. Son visage se tourna vers Basile un instant avant de regarder l'enfant fait d'Ombres devant moi. Un sourire mauvais, et puis la masse disparurent.

Mais c'était trop tard.

Une main saisit mon épaule alors que mon visage se retrouvait contre un torse.

Nohlan.

Mon dieu... Nohlan. Mais même ainsi, le Changement s'opérait doucement alors que des images défilaient dans ma tête et qu'une entêtante soif de sang me prenait.

J'agrippai le t-shirt de Nohlan et fermai les yeux. Mais c'était peine perdue. C'était trop profondément ancré maintenant. Et mon corps brûlait d'un feu sauvage et obsédant.

Mes mains tremblaient.

Je pouvais résister.

Je devais résister.

Ma bouche s'ouvrit dans un cri silencieux. Ma peau s'étiolait, devenait des grains de poussière.

— Alice.

Nohlan était là. Je le sentais. Je m'accrochai à cela, mais il n'y avait rien à faire.

La douleur explosa dans mon crâne alors que les images défilaient dans ma tête.

Un petit garçon qui pleurait, roué de coups.

Sa soif d'amour. Sa soif de vengeance.

Et ça faisait mal. Et ça tirait.

— Qu'est-ce que tu as encore fait ? souffla Marina.

Mes cheveux perdirent leur teinte, devenant d'un blanc laiteux, tout comme ma peau.

Le Changement prenait tout.

Il me volait mon corps.

Et je devenais quelqu'un d'autre.

Nohlan fut forcé de reculer alors que je n'avais plus d'enveloppe. Pendant une seconde, je ne fus plus personne. Je ne fus rien.

Et je fus Changée.

Ce n'était plus mon corps. Ce n'était plus mes pensées ni même mes souvenirs.

Je sus ce que j'étais avant d'ouvrir les yeux. Le souvenir d'un chasseur conservé dans l'esprit de Liam.
Je n'étais plus moi. Je n'étais non pas autre chose, mais une autre entité. Certes un souvenir, mais ça n'en demeurait pas moins réel.

Voilà mon pouvoir.
Voilà ce que j'étais.
Je prenais la peau de quelqu'un d'autre.
Et je ne m'appartenais plus.

Et même la main de Nohlan sur moi me semblait terriblement étrangère.

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