Syrine

— Blaise ! Blaise !

J'appelais le jeune homme alors que j'étais en train d'enfiler mes bottes qui me remontaient jusqu'aux genoux en sautillant sur place.

C'était dangereux de faire ça, surtout avec mes deux pieds gauches légendaires, mais je détestai arriver en retard, même quand aucune heure précise n'était donnée. Honor nous avait inculquée beaucoup de choses. Et je m'accrochai à tout ça comme je l'avais toujours fait.

— Blaise, bon sang, si tu dors sur le canapé, je te jure que je vais te faire mal !

Aucune réponse.

Bien-sûr qu'il dormait sur le canapé. Qu'est-ce qu'il pourrait bien faire d'autre ? Réviser ? Autant donner un livre à un singe... et encore, j'étais sur que le singe s'en sortirait mieux que lui. Ce garçon allait me rendre folle, et dire qu'il n'avait que vingt-deux ans... il commençait déjà à me donner des cheveux blancs et à ce train là, je finirais vieille avant l'heure, c'était clair ! Et ça faisait rire pas mal de monde d'ailleurs. Qui à dit que s'occuper d'un jeune adulte lupin était facile ? Pas moi. C'est là que mon respect pour Honor jaillissait, bien plus fort que jamais. Cette femme était mon modèle, comme personne ne le serait jamais.

Je faillis partir en avant et me rattrapais in-extrémis à ma commode en jurant comme un charretier. J'avais pris cette mauvaise habitude de Blaise et devait faire attention à ne pas laisser ma langue fourcher quand je m'occupais de ma classe, sinon les enfants auraient pu dire une belle flopée d'injures à leurs parents et ce n'était certainement pas ce que voulais ces derniers.

Je boutonnai ma chemise par-dessus mon débardeur et la laissai ouverte de quelques boutons avant de passer une main dans mes cheveux pour les discipliner. En général, je n'avais pas besoin de plus. La brosse à cheveux et moi on n'était plus très copines depuis pas mal de siècles. Je ne pris pas la peine de jeter un coup d'œil dans le miroir et traversai le couloir qui menait au salon. D'ici, je pouvais entendre le souffle régulier de Blaise. Il faudrait que je demande à Honor comment est-ce qu'elle pouvait avoir une telle patience... c'était vraiment une question que je me posais depuis cinq ans...

Je m'avançai jusqu'au grand canapé blanc et me penchai par-dessus le dossier pour voir Blaise dormir paisiblement, un bras reposant sur son ventre et l'autre pendouillant dans le vide. Neko était allongé sur les jambes du garçon et lui aussi semblait dormir profondément du reste.

Blaise c'était toujours moqué du nom de mon chat et encore aujourd'hui, il aimait bien me chambrer là-dessus, même si je savais qu'il était dingue de cette boule de poils. En effet, en japonais, neko voulait dire chat. Rien de bien développer donc. Mais j'avais trouvé ça très drôle et maintenant, on me le faisait payer. Tous des ignorants. Je gratouillai la bête derrière les oreilles et son ronronnement me parvint distinctement. Je reposai mon regard sur Blaise et l'observai pendant quelques secondes, réfléchissant à la meilleure façon de lui faire regretter cette sieste. Mais je n'avais pas assez de gênes maléfiques en moi comme certains avaient adorés me le faire remarquer.

Je tendis une main et frottai énergiquement mon poing sur le sommet du crâne du jeune homme qui sursauta, envoyant valser Neko qui feula avant de disparaitre sous la table.

— Bordel de merde, Rine ! Couina Blaise avant de battre des bras et de tomber par terre.

— Dépêche-toi, on est en retard, dis-je avant de me diriger dans la cuisine pour fermer la fenêtre et tirer le rideau.

Je vis le cendrier qui gisait là avec quelques mégots et retins un soupir.

Que Blaise fume ne me dérangeait pas en soi. C'était un adulte et même s'il vivait ici, il avait autant de liberté que moi-même j'en avais eu. Je n'étais pas derrière lui du matin jusqu'au soir, le serinant pour faire telle ou telle chose, loin de là.

Je savais que j'étais facile à vivre, mais que je pouvais être ferme quand la situation l'exigeait. Honor nous avait apprit à être là pour les autres, tout en ne nous laissant jamais marcher sur les pieds. Nous avions tous été élevés de la même façon et même si les plus grands n'étaient plus forcément à l'orphelinat où ici en ville, tout le monde finissait toujours par revenir vers Honor. Parce qu'elle était notre mère, notre sœur, notre confidente, notre meilleure amie. Parce qu'elle était le pilier de nos existences.

Blaise n'était pas venu vivre ici sans raison. Comme tous les autres des générations suivantes, ils étaient passés entre mes mains pour que je m'occupe de leur éducation. J'avais été la Maîtresse de chacun, leur enseignant tout ce que j'avais appris. J'avais eu des liens différents avec tous et je crois que grâce à Honor, nous avions tous une sorte de fibre maternelle en nous. Blaise l'avait senti. Blaise avait toujours été très proche de moi, recherchant mon attention et bien plus encore, mon affection. Alors quand il avait voulu quitter l'orphelinat pour venir vivre avec moi, je n'avais pas pu refuser. Mais même s'il était un adulte, même si nous étions tous des adultes, les mêmes démons nous hantaient.

Et nous hanteraient toujours.

— On n'est même pas sûr qu'elle sera là, grogna Blaise en attrapant son t-shirt qui pendait sur une chaise et en l'enfilant.

Je pris le cendrier et le vidais. Ses cauchemars avaient repris et il ne m'en avait pas encore parlé. Alors j'attendrais qu'il le fasse. Parce qu'il finissait toujours par venir me trouver. Comme nous l'avions tous fait avec Honor, cherchant son réconfort la nuit. Et jamais elle ne nous avait renvoyé au lit. Même alors que Vadim était là. Honor nous avait toujours fait passer avant tout le reste. Et encore aujourd'hui, cela était toujours le cas.

— Bien-sûr qu'elle sera là, répliquai-je en attrapant mon téléphone sur le plan de travail et en allant chercher mon sac. Blaise appela Neko qui apparut tout de suite pour avoir sa caresse et je tins la porte pour laisser le jeune homme passer. Je fermai à clés derrière nous et nous descendîmes les quelques marches nous menant au hall de l'immeuble.

Blaise me rattrapa alors que mon pied glissait sur la marche :

— Fais attention, marmonna-t-il, plus par habitude qu'autre chose.

Je passai mon bras sous le sien et lui sourit :

— Je sais que tu es là pour me rattraper.

Il leva les yeux au ciel et saluâmes Eduardo, le concierge de l'immeuble.

Dès que nous eûmes mis un pied dehors, la fraîcheur de ce mois de décembre me fit frissonner. Nous traversâmes le petit ponton en bois qui surplombait un petit jardin style japonais tout simplement magnifique et Blaise me tins le portillon avant de le refermer derrière lui. Nous avions beau être en plein centre de Newberry, on avait juste la sensation d'être un peu coupé de la frénésie de la ville. Même si frénésie était un bien grand mot quand on y pensait...

En effet, Newberry comptait moins de trois mille habitants ce qui ne représentait vraiment pas grand-chose.

La ville était la seule à des kilomètres à la ronde et cela n'était pas près de changer dans les décennies à venir. Nous étions un peu coupé de tout et certain aimait à dire que c'était complètement paumé. Personne n'aurait pu réfuter un tel argument ; c'était la stricte vérité après tout. Mais j'aimais cette ville. J'aimais pouvoir dire que je connaissais plus de la moitié de ses habitants et que même si ces derniers savaient qu'il y avait des loups parmi eux, ils n'avaient jamais rien fait. Nous étions intégrés ici depuis bien avant le coming-out et au final, très peu avait été surprit. Il n'en demeurait pas moins qu'il y avait bien plus d'humains que de loups à Newberry et que ça me convenait très bien. J'avais déjà été dans de très grandes villes. J'avais voulu voir à quoi tout cela ressemblait, mais je ne m'étais pas attendu à ce que ce soit si... extrême. Et je n'avais jamais voulus partir loin d'Honor, je n'avais jamais voulu quitter les enfants qui étaient comme nous. Même si nous étions leurs aînés de bien des siècles, nous restions tous frères et sœurs quelque part. Et je ne voulais jamais perdre ça. Jamais.

— Je conduis, me souffla Blaise en me chipant mes clés.

Je levai les yeux au ciel et il fit le tour de la voiture pour prendre place derrière le volant. Je posai mon sac à mes pieds et bouclai ma ceinture.

L'orphelinat était à une quarantaine de minutes de route du centre de Newberry. Personne ici ne savait qu'un tel endroit existait. Tout comme très peu connaissait l'existence d'Honor. Surtout au sein de notre peuple. Cela avait toujours été pour la sécurité des enfants. Une fois, il y avait quelques années de cela, l'orphelinat avait été attaqué et si à ce moment là, il n'y aurait pas eu les loups d'Elias, mais bien plus encore si Priam n'était pas arrivé à temps, il y aurait eu des morts. Honor serait morte. Et alors, il ne serait rien resté de cet endroit que nous appelions maison.

Honor était un des secrets les mieux gardés de notre Gardien. Très peu d'Alphas savaient pour l'orphelinat et cela devrait toujours rester ainsi. Ceux qui partaient ne devaient rien dire. Et ils ne disaient rien. C'était la règle. La seule chose qu'Honor leur faisait promettre, en plus de revenir la voir et de ne rien faire de dangereux. Ça par contre, certains avaient du mal à tenir parole...

— Tu crois que Priam sera là ? Demanda Blaise en me jetant un coup d'œil.

Je haussai les épaules :

— C'est un Régent, il ne peut pas toujours venir.

Si toute mon enfance et bien après, Honor avait été liée à Vadim, aujourd'hui les choses étaient différentes. Le sorcier n'avait été qu'une ombre, qu'un nom bien plus qu'une présence pour nous. Il ne venait que la nuit et repartait à l'aube.

Avant l'arrivée de Priam dans la vie d'Honor, je ne m'étais jamais demandé si elle était heureuse. Si son sorcier la comblait. Mais alors, je l'avais vu rire et surtout, je l'avais vu sourire à cet homme. Priam était le seul qui semblait pouvoir rendre heureuse Honor. Le seul qui pouvait faire naître l'expression que j'avais vu une fois. Priam avait été adopté par tous les enfants de l'orphelinat et même si les plus vieux avaient joués du « si tu lui fais du mal, on te retrouvera », ils avaient vu comme moi. Priam était de la famille maintenant. Et tout comme Jensen et Raji, quand il venait pour voir Honor, il prenait le temps d'apprendre aux plus jeunes. Et ça, ça comptait beaucoup aux yeux d'Honor, je le savais.

Nous prîmes une petite route nous enfonçant dans la forêt et je senti l'énergie magique qui parcourait les lieux. Un vieux sorcier avait jeté un sort autour de l'endroit pour que personne ne trouve l'orphelinat. Et jusqu'à présent, cela avait toujours fonctionné, hormis lors de l'attaque, mais cela n'était en rien venu à cause du sort.

— Je trouve que les autres ont été relativement soft avec Priam, tu sais ? Moi, quand tu ramèneras quelqu'un à la maison, crois-moi, il se souviendra à vie de la petite discussion qu'on aura.

Je rougi avant d'éclater de rire. Je ne doutai pas un seul instant de ça. Blaise était protecteur avec moi depuis qu'il était petit, ce qui m'avais toujours fais rire quelque part.

— Mais vu que tu ne ramène jamais personne...

Je lui donnai un coup dans l'épaule et il ricana :

— Syrine la vieille fille.

— Et toi alors ? Je ne crois pas avoir entendu un seul gloussement de petites dindes depuis au moins un an.

Blaise fit la moue, sachant très bien que j'avais raison.

— Un an, c'est pas grand-chose. Toi, honnêtement, ça fait combien de temps ? Une décennie, deux ? Tu sais que tu peux tout me dire, Riri.

Et il éclata de rire comme un idiot alors que la voiture était bringuebalée dans tous les sens. Je laissai mon regard dérivé sur le paysage qui nous entourait.

Ça ne faisait pas dix ans que je n'avais pas eu de relation, mais Blaise n'était pas censé le savoir. Très peu avait été au courant et cela avait été très bien ainsi. Je n'avais jamais été du genre à beaucoup parler de moi de toute façon. Honor avait été la première au courant, tout comme Catalina et Jaci, deux femmes que je considérais comme des sœurs bien plus que n'importe qui d'autre. Blaise n'avait pas besoin de savoir ça. Tout comme pour l'instant je ne lui parlais pas de Bennett, un homme qui ne savait pas lâché l'affaire, surtout quand il était question d'un diner en ville.

J'avais attendu presque sept ans avant de m'intéressé de nouveau à un homme et encore, mon intérêt pour Bennett était somme toute assez inexistant. Mais aller dire ça à Catalina...

— Je ne suis pas du genre histoire d'une seule nuit, moi, dis-je alors que l'orphelinat m'apparaissait enfin.

— Tu es plus du genre preux chevalier en armure rutilante, c'est ça ? Se moqua Blaise. De toute façon, avec ta putain de malchance et ta putain de maladresse, c'est ce qu'il te faut.

Je fis la moue en croisant les bras sur ma poitrine. Celui-là, toujours en train de se moquer...

— Un jour, pendant que tu dormiras sur le canapé, je te coudrais la bouche, maudit gamin.

Blaise éclata de rire alors qu'il garait la voiture devant la maison principale. Il y avait d'autres voitures, mais personnes dehors, ce qui au vu de la température, pouvait parfaitement se comprendre. Même si j'étais sur que Jashue était quand même quelque part dehors, en train de s'occuper.

Je reconnus la voiture de Shay Collins, un Alpha d'État qui était au courant de notre existence et qui était souvent venu nous voir, lorsque nous étions petits. Mais alors, il n'était qu'un simple loup. Maintenant, il avait sa meute et quelques-uns d'entre nous étaient devenus ses loups.

Alors que je sortais de la voiture, la porte d'entrée s'ouvrit sur Ly'ann et Shun qui m'offrirent un sourire éblouissant.

Nous avions été élevés ensemble tous les trois avec Catalina, Jaci, Kade, Shan et Nahe.

Si Ly'ann et Shun avaient choisit de rester ici pour aider autant que possible Honor, Jashue, Brielle et Nérys, d'autres avaient optés pour d'autres voies.

Catalina et Shan étaient liés depuis bien des siècles et vivaient à Newberry avec les enfants qu'ils avaient adoptés. Jaci et Kade, qui étaient liés eux aussi faisaient parti de la meute de Shay, tout comme Nahe. Honor nous avait toujours encouragés à bouger et à faire ce que nous voulions, mais certains n'avaient pas assez de courage ou assez d'envie pour vraiment s'éloigner d'ici. C'était comme ça.

Ly'ann me souleva du sol et déposa un baiser bruyant sur mes lèvres :

— Tu aurais du laisser le morveux à la maison, Rine, dit-il.

Blaise lui rétorqua quelque chose et Shun attrapa le jeune loup pour lui donner l'accolade.

— Laissez le tranquille, vous deux, dis-je avec un sourire.

Un bras autour de mes épaules, Ly'ann m'amena à l'intérieur et la bonne odeur de pâtisserie me fit grogner de plaisir. Brielle était la meilleure cuisinière que je connaisse et j'aurais pu me damner pour son pain à la citrouille bon sang.

Des voix me parvinrent de la cuisine et le rire de Shay me fit sourire. Il semblait se moquer de son Second.

Ma louve remua doucement en moi et quand j'entrais dans l'immense cuisine, j'essayai de ne pas focaliser mon regard sur une personne en particulier.

— Rine !

Eamon, Macey et Annie me sautèrent littéralement dessus et je serais partie en arrière si Ly'ann ne m'avait pas rattrapé avec dextérité. Il avait l'habitude après tout.

— Tu vas devoir être deux fois plus vigilant, Blaise. En hiver avec le verglas, Syrine peut se tuer à chaque coin de rue !

— Ha, ha, très drôle, Shun, rétorquai-je.

J'embrassai les enfants et Honor vint me serrer contre elle. Je me laissai aller à son étreinte, fermant un instant les yeux. Ma louve percevait différentes odeurs émanant d'elle. Principalement celle de Priam. Ce qui était normal après tout.

— C'était comment l'Arkansas ? Demandai-je alors qu'elle reculait.

— L'Alpha d'État est sympa, répondit-elle avec nonchalance. Et le Régent de la Maison est... à croquer ?

Je ris en secouant la tête et Shay s'avança. Je lui offris ma nuque et ses doigts firent se dresser mes poils très légèrement.

— Regan ne rend pas trop fou tes loups ?

L'Alpha rit. Regan était parti faire ses études dans l'Arkansas, puisqu'ici, le lycée et tout le reste n'offrait pas vraiment beaucoup de perspective. Shay veillait sur la jeune louve à la place d'Honor et nous ramenait toujours Regan pour les vacances. Regan n'avait pas un caractère facile, mais je savais que se retrouver loin d'ici la rendait un peu différente. Ça nous rendait tous différents après tout.

— Mon Second ici présent te dirait que n'importe quelle autre louve que sa Dominante est gérable.

Des rires et le marmonnement de Bajram.

Shay se recula, une petite étincelle de malice dans les yeux alors que Bajram était juste là. Nos regards se croisèrent et je lui souri le plus naturellement possible.

— Bajram, dis-je en penchant la tête pour lui offrir ma nuque.

Je senti ses lèvres et ma gorge se serra un instant. Je réussi à contrôler mon rythme cardiaque sans mal ; tout était dans la pratique après tout, et je me redressai.

— Syrine, sourit-il.

Blaise salua tout le monde et termina par Bajram. Je me retrouvai dans un coin de la pièce, une tasse de café fumante entre les mains. Mon regard se posa sur la nuque de Bajram qui me tournait le dos et je soufflai distraitement sur le filet de fumée. Honor se matérialise à côté de moi et passa un bras autour de ma taille avant d'appuyer sa joue contre mon épaule.

— Priam n'est pas venu avec toi ? Demandai-je doucement.

Elle secoua légèrement la tête.

— Unai n'est pas facile ces derniers temps. Il a besoin de son Régent.

Unai était un petit qui venait d'ici. Un petit qu'Honor avait amené à la Maison se trouvant dans l'Arkansas. Le petit avait alors onze ans et était toujours dans les pattes d'Honor. Le laisser là-bas n'avait pas été facile, mais elle l'avait fait, parce qu'Unai avait besoin de contrôle. Un contrôle que seul un Régent pouvait lui donner. Et ce Régent n'était autre que Priam.

— Je comprends, dis-je.

Honor redressa légèrement la tête et suivit mon regard que je détournai une seconde trop tard. Honor savait, il ne savait à rien de faire comme si de rien n'était. Mais quand même... ça faisait presque sept ans.

— Catalina m'a dit. Pour Bennett, jugea-t-elle bon de préciser.

Je pinçai mes lèvres :

— Je vais finir par croire que Catalina s'ennui dans son rôle de compagne et de mère.

Honor rit légèrement et sa main caressa doucement mon bras.

— C'est bien de passer à autre chose, Syrine, chuchota-t-elle, même si ça n'empêcherait personne dans la pièce d'entendre ce qu'elle disait.

Je la regardai un instant.

Est-ce qu'elle était passée à autre chose, elle ? Non. Il n'y avait jamais eu personne d'autre que Priam dans son cœur. Vadim n'avait été tout au plus qu'une occupation, une façon d'essayer d'oublier. Et ça n'avait pas du tout fonctionné.

Loin de là.

Je posai ma tasse sur le plan de travail derrière moi et repoussai mes cheveux derrière mon épaule :

— J'ai oublié mon sac dans la voiture, je reviens.

J'en profiterai pour aller embrasser Jashue. Quand il travaillait, il perdait la notion du temps qui passait. Et je n'avais pas envie de parler de Bennett de toute façon. Honor le comprit sans mal.

J'enfilai mon écharpe et mon manteau et retournai dehors. On avait l'impression que la nuit était en train de tomber, mais en fait, de gros nuages opaques obscurcissaient le ciel. Ils étaient lourds de neige. L'air était glacial et mon souffle formait de la buée. Les températures chutaient tellement vite ! C'en était presque affolant. J'attrapai mon sac dans la voiture et me retournai en entendant la moustiquaire grincer.

Bajram se tenait sur le porche, cherchant d'une main son paquet de cigarettes. J'hésitai un instant à simplement aller voir où se trouvait Jashue, mais ma louve me fit bouger et je me retrouvai au niveau des escaliers.

— Où sont les bonnes résolutions ? Dis-je avec un léger sourire.

Il se contenta de hausser les épaules et de placer une cigarette entre ses lèvres. Il attrapa son briquet et sans me quitter des yeux, alluma sa clope.

— Il fait aussi froid chez vous ? Demandai-je.

— Il faut froid partout, et l'hiver ne fait que commencer, grommela-t-il.

Bajram et sa mauvaise humeur, tout le monde connaissait. Je passai mes deux mains dans mes cheveux et observai un instant l'enclos à chevaux. Je soupirai et grimpai sur l'une des marches.

— Qui est Bennett ? S'enquit alors Bajram, penchant très légèrement la tête.

Mon souffle se bloqua dans ma gorge et je ne réussis pas à me soustraire de son regard. Et comme à chaque fois qu'il m'observait avec autant d'attention, un souvenir monta...

Je gardai les yeux fermés, même si je savais qu'il avait très bien conscience que je ne dormais plus. Peut-être était-ce mon souffle qui l'y aidait. Ou les battements irréguliers de mon cœur, plus des ratés qu'autre chose... Mais à chaque fois que sa bouche se posait sur ma peau, ça n'y manquait pas. C'était trop de sensations d'un seul coup et tout mon corps réagissait, jusqu'à mes doigts de pieds.

Je pouvais sentir la brise qui venait de la porte fenêtre chatouiller mes jambes découvertes. Je fermai rarement cette dernière, parce que je savais qu'il viendrait, comme il le faisait invariablement. Les portes d'entrées, il ne connaissait pas vraiment ça... Cette pensée me fit légèrement sourire, avant que je retienne un gémissement en sentant le raclement de ses dents. Je savais que c'était dangereux de laisser ouvert, Newberry avait beau être une petite ville, nous avions notre lot de malheur et de malfrat après tout. Mais quelque part, je m'en fichais bien. Parce que je ne craignais rien. Pas avec lui.

— Je sais que tu ne dors pas, Rine, résonna sa voix alors que sa bouche était sur le creux de mon genou.

Je souri contre l'oreiller et le senti bouger légèrement.

— Dur de dormir quand quelqu'un nous embête, tu ne crois pas ?

Son rire résonna dans la pièce.

Un son bas et rauque.

Un son dont je ne pouvais pas me passer.

Est-ce c'était mal ? Je ne pensais pas.

— Qui est-ce qui t'embête ? Que je lui casse la figure.

J'éclatai de rire et levai la tête pour croiser son regard. Sa main recouvrit ma nuque et ses yeux brillèrent légèrement :

— Bonjour toi, souffla-t-il.

Il m'attira contre lui ; mon dos allant appuyer contre son torse. Son bras enlaça mon bas ventre et son souffle chatouilla mon oreille.

Je tournai mon visage vers lui et lui tendis mes lèvres. Il n'hésita pas une seule seconde et m'embrassa, faisant s'envoler une nuée de papillons logés dans mon ventre. Je gémis quand sa langue s'enroula autour de la mienne et que ses mains se mirent à pétrirent mes seins avec lenteur et douceur.

J'adorais quand il me touchait ainsi. Qu'il me possédait avec sa langue.

— J'aime ta façon de me dire bonjour, haletai-je.

— Je sais.

Je senti mes seins se réveiller totalement.

Cela n'échappa pas à Bajram.

Rien n'échappait jamais à Bajram.

Le bout de mon pied buta sur la marche suivante et le bras de Bajram s'enroula autour de moi avant que je ne m'étale sur les escaliers.

Je renâclai un peu, maudissant une fois de plus l'inexistence de coordination chez moi et me redressai, une main appuyé contre le torse de Bajram.

Je papillonnai des cils, mon visage à quelques centimètres du sien et me senti rougir.

Je du m'y reprendre à deux fois avant de pouvoir dire quelque chose :

— M... merci.

Il me lâcha une fois sur que je tenais convenablement sur mes deux pieds.

Je remis de l'ordre dans mes cheveux, voulant aussi mettre le plus de distance entre nous deux.

Bajram sourit légèrement :

— Toujours un plaisir, trésor.

Mon cœur battait trop vite et mon souffle était un peu trop rapide. Cela sembla faire encore plus sourire Bajram et si j'avais été plus tigresse que petit chaton, j'aurais sorti les griffes. Mais lui comme moi savions exactement comment j'étais.

— Je... vais...

Je me mordillai la lèvre et me réfugiai à l'intérieur, sentant son regard sur ma nuque. Bon sang...


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Re-bonsoir en cette soirée plus que productive niveau postage d'histoires xD 

Voici de nouveaux personnages, nous restons dans l'univers des loups, mais cette fois, c'est l'histoire de Syrine et Bajram. Là encore simple spin-off, donc ce sera court. Profitez donc !!! 

taki' <3 


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