Chapitre 9

Faire un gâteau, c'est un jeu d'enfant et un plaisir d'adulte (Craig Claiborne)


A Liske, Melissa avait pris refuge dans l'appartement depuis quatres jours. Elle passait peu de temps avec Liam qui travaillait beaucoup. A la place elle avait appris à connaître Christian et traînait avec Katie de temps en temps. Elle en avait aussi profité pour finir le dernier livre que Samuel lui avait prêté. Elle avait été contente d'en trouver un exemplaire à la bibliothèque de Liske, afin de pouvoir poursuivre sa lecture pendant ses heures perdues. Le livre parlait de la capacité d'une personne à être en accord avec son milieu et de s'adapter à de nouvelles situations. Les conseils y étaient particulièrement précieux et Melissa ne comprenait pas que l'on néglige cette facette du combat.

Ce jour-là, elle regardait la télévision avec Christian comme d'habitude, sauf qu'il semblait préoccupé. Melissa l'encouragea à vider son sac, ce qui ne fit qu'accroître le malaise de Christian. Il avait apprécié Melissa dès le premier regard, elle était vraie, elle était gentille et digne de confiance. Hors il ne supportait pas de voir son frère rentrer le soir, embrasser Melissa et faire comme si de rien était. C'est pourquoi, ce jour précisément, ils avaient décidés, Katie et lui, de tout raconter à Melissa. Lorsqu'il entendit Katie revenir des courses, il éteignit la télévision et se tourna vers Melissa. Celle-ci le regarda en coin. La curiosité commençait à laisser place à la peur dans ses yeux. Katie vint se placer debout, devant le canapé, sans un mot.

- Si vous voulez que je m'en aille vous n'avez pas à vous sentir coupable, les prévint Melissa. Je comprendrais que vous vouliez vous retrouver en famille à nouveau.

- Ce n'est pas de ça dont nous voulons te parler, commença Katie. C'est à propos de Liam.

Elle respira profondément et lui avoua la vérité :

- Liam est un infidèle chronique.

- Quoi ? Je ne comprends pas.

- En clair, notre frère te trompe, lâcha Christian.

Melissa resta sans rien dire. Elle n'arrivait pas à percuter ce qu'ils tentaient de lui faire comprendre.

- Mais... vous l'avez vu ? balbutia-t-elle en se levant. Et chronique cela veut dire qu'elles sont plusieurs ?

Elle ne savait absolument pas ce qu'elle faisait, mais rester assise était comme au dessus de ses forces.

- A ma connaissance il n'y en a qu'une, répondit Christian, très factuel. C'est une sorte de « régulière »...

Katie lui lança un regard foudroyant, il n'avait pas besoin de lui faire l'article non plus ! Pendant ce temps Melissa comprenait les longues absences de Liam et le fait qu'il ne semblait pas chercher à la voir. Par contre cela ne l'avait pas empêché de lui faire des avances plus qu'explicites... heureusement qu'elle avait refusé bon sang !

Le frère et la sœur la regardait fixer un point sur le mur, complètement perdue dans ses réflexions. Ils n'osaient pas l'interrompre, mais son silence associé à son immobilité totale commençaient à les inquiéter.

- Ils se voient où ? demanda-t'elle tout à coup à Christian.

Il leva les bras en signe de rédition.

- A son travail, je n'en sais pas plus.

Elle appuya son regard sur lui, lui faisant presque peur.

- Je te le jure, ajouta-t-il.

- Très bien, lâcha Melissa, la voix bouillonnante.

Katie avait compris que la colère que son amie nourrissait envers son père avait préparer un joli foyer à la trahison de Liam. Elle ne pu s'empêcher de sourire. Son frère allait comprendre la différence entre une guerrière, toute médecin soit elle, et ses amantes habituelles. Cela ne pouvait pas lui faire de mal.

- C'est beau l'amour fraternel, lâcha Christian sans pour autant défendre son frère.

Melissa les surprit cependant en s'emparant d'un bloc et d'un stylo. Elle s'assit à la table de la cuisine et commença à écrire frénétiquement sur sa feuille, esquissant parfois des sourires mauvais. Elle se sentait à peine coupable, après ce qu'elle avait vécu ces derniers jours, elle avait besoin de réagir, de se battre. Son plan mis au point, elle en dévoila les détails à Katie et Christian, qui n'avaient aucune intention de l'en empêcher. Ils trouvèrent son idée machiavélique, bienheureux d'être à leur place et non à celle de Liam.

Melissa demanda à Christian d'appeler quelques potes à son frère, pour leur dire de venir le soir même. Elle pria ensuite le frère et la sœur d'aller s'aérer pour la soirée. Restaurant, cinéma, peu lui importait tant qu'ils ne rentraient pas chez eux. Elle commença ensuite à placer quelques objets compromettants dans la chambre de Liam.


Des magazines homosexuels et sadomasochistes sur sa table de nuit, des posters d'hommes dénudés contre les murs et un gode au pied de son lit. Quand tout fut en place, Melissa commença à mélanger toute sortes de produits dans un pot de miel. Lorsque Liam arriva, il trouva à son plus grand plaisir Melissa dans un ensemble de lingerie en dentelle noire, une paire d'escarpin lui galbant les jambes et lui faisant des fesses à croquer.

Elle était terriblement sexy. Elle le savait.

Melissa canalisa toute sa colère, se drapant dans son rôle de séductrice. Elle s'approcha de lui, effleurant de sa poitrine pigeonnante le torse de Liam.

- Que me vaut ce plaisir ?

- Disons que j'ai compris... murmura-t-elle en le regardant par en dessous, que si je veux passer du temps avec toi, il faut que je te donne envie de moi.

Elle avait susurré ces derniers mots à son oreille et le sentit frémir.

- C'est une idée, répondit-il, visiblement très enthousiaste à cette idée.

« Quel connard » pensa Melissa.

Il voulu la conduire dans la chambre, mais Melissa l'en empêcha en riant.

- On n'a pas encore l'âge de faire ça dans un lit, se moqua-t-elle. Ah moins que tu ne sois plus... routinier que ce que j'espérais ?

Il la souleva par les hanches et la posa sur la table.

L'ego. Classique.

Melissa commençait presque à s'amuser à le voir sauter à pieds joints dans son piège.

- J'ai acheté du miel, chuchota-t-elle en lui indiquant le pot posé sur le plan de travail.

Elle n'eut pas besoin d'en dire plus, Liam alla chercher le miel et fit couler une ligne dorée le long du ventre de la jeune femme alongée sur la table de la cuisine.

Melissa ferma les yeux, se forçant à se laisser faire tandis qu'elle sentait les lèvres du jeune homme se poser sous sa poitrine. Sa langue lapait avec application le liquide doré, descendant dangereusement vers son tanga en dentelle. Melissa commença à se dire qu'elle n'avait pas assez forcé la dose quand elle sentit la langue de Liam ralentir. Quelques secondes passèrent et Melissa entendit le bruit du corps de Liam heurter le sol. Elle se mit debout et jeta un regard au jeune homme. Parfait. Elle partit dans la chambre s'habiller, n'oubliant pas au passage de laver son ventre collant. Elle enfila un legging noir et un long pull vert forêt lui arrivant sous les fesses. Ces vêtements étaient si confortables ! Elle s'était acheté cette petite tenue spécialement pour son retour, ne voulant pas emprunter des vêtements à Katie sans savoir quand elle la reverrait.

La sonnette retentit.

Sur le pas de la porte se tenait un homme grand et très musclé, déguisé en policier.

- Bonjour, s'exclama-t-elle en l'invitant à entrer.

Elle s'empara du portefeuille de Liam, en sortit quelques gros billets qu'elle donna au stripteaseur.

- Vous savez ce que vous avez à faire.

Il hocha la tête et souleva Liam pour le mettre sur son lit. Melissa l'aida à le dévêtir complètement et le glisser sous les couvertures. Finalement Melissa tira la couverture presque entièrement en bas du lit, laissant le corps nu de Liam à la vue de tous.

- C'est plus réaliste, dit-elle, plutôt fière du résultat.

- Quoiqu'il vous ai fait, je pense qu'il s'en mordra les doigts, ricana l'homme.

Il jeta à Melissa un regard complice. Elle était plutôt fière de son plan. Lorsque les amis à Liam viendraient ce soir, ils le trouveraient « endormi », nu, au lit avec le beau stripteaseur que Melissa avait engagé.

- Ses amis devraient arriver d'ici une vingtaine de minutes, l'informa Melissa en se dirigeant vers la porte d'entrée. D'ici là il aura quitté son état d'inconscience, il dormira tout simplement. Donc quand ses amis feront du bruit en entrant dans la chambre, il se réveillera sans peine. Quand il dira qu'il ne vous connaît pas, vous n'aurez qu'à faire l'étonné et mentir très mal. Et en partant vous n'aurez qu'à l'appeler par son prénom !

Le stripteaseur hocha la tête, mort de rire.

- Au moins, vous me changez de mon quotidien, fit-il remarquer en lui disant au revoir.

- De rien, s'exlcama-t-elle en s'en allant.

Arrivée aux portes de Liske, Katie et Christian l'attendaient. Melissa leur sauta dans les bras.

- Mais qu'est-ce que vous faites là ?!

- On allait tout de même pas te laisser partir sans te dire au revoir ! s'indigna Katie.

- Tu sais où tu vas dormir ? lui demanda Christian, pragmatique.

Melissa soupira.

- Mes affaires sont encore toutes chez Samuel donc je pense dormir chez lui au moins pour cette nuit. Pour la suite j'aviserai demain. Mais dans tous les cas vous devez venir me voir dès que vous revenez à Bisan hein !

- C'est d'accord, je pense que le climat familiale ne sera pas très joyeux ces prochains temps, mais je viendrai faire un tour entre deux missions ! lui promit Katie. Et donne-moi des nouvelles dès que tu arrives à Bisan.

- D'accord ! Et merci encore pour tout.

- C'est normal, lui dit Christian. C'était un plaisir de te rencontrer.

Melissa passa les portes et prit le chemin de son village natal. Imaginer ce qui était en train de se dérouler dans la chambre de Liam la faisait rire. Cette adrénaline lui permit de rester éveillée malgré l'heure tardive. Elle avait pensé garder un rythme soutenu afin d'arriver le plus rapidement possible à destination, mais l'athmosphère particulière lui apportait un certain réconfort. Elle marcha donc tranquillement, guidée par la lumière lunaire et savourant la solitude, le silence et l'odeur si particulière de la forêt.

Elle arriva finalement à deux heures du matin. Elle se sentait épuisée physiquement, mais son esprit avait été apaisé par le voyage.

Arrivée devant la maison de la famille Meyer, elle se mit à lancer des petits cailloux à la fenêtre de Samuel afin de ne pas réveiller ses parents. Elle attendit un moment dans l'air frais de la nuit, commençant à frissonner, et se demanda si elle avait réussi à faire suffisament de bruit pour le réveiller. Avec soulagement elle vit la lumière de l'entrée s'allumer et la porte s'ouvrir sur son ami.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? lui demanda-t-il d'une voix fatiguée où perçait l'inquiétude. Depuis quand tu es revenue à Bisan ?

Elle nota d'abord qu'il était vêtu uniquement d'un short, puis son regard rencontra le sien. Tout à coup, un barrage dont elle ne connaissait pas l'existence céda en elle, laissant ses larmes couler.

Samuel entendit un sanglot s'empressa de la tirer à l'intérieur. Elle semblait perdue, elle soulagée et pleurait en même temps sans vraiment sembler totalement heureuse ni vraiment triste. Il posa ses mains sur ses épaules, soucieux de savoir ce qui lui était arrivé.

- Est-ce que ça va ?

Jenna, alertée par la lumière, avait descendu les escaliers. Elle observait elle aussi Melissa avec inquiétude.

- Elle ne va pas très bien, lui répondit Samuel.

Sa mère vit qu'il ne savait pas vraiment quelle attitude adopter. N'écoutantq ue son instinct maternel, elle les conduisit à la cuisine.

- Va chercher une couverture, elle doit être gelée d'avoir marché dans la nuit, ordonna-t-elle à son fils. Chérie tu veux un chocolat chaud ? Un thé ?

- Un chocolat s'il-vous-plaît, lui demanda Melissa.

Melissa avait arrêté de pleurer mais se sentait en miettes. Elle était perdue, elle croyait avoir réglé ses problèmes mais c'est comme si elle n'avait fait que les cadenasser dans un coin de son cœur. Elle observait la mère de Samuel lui préparer son chocolat et lui amener une assiette de biscuits. Elle sentit une boule se former dans son ventre et sa gorge se serrer. Où donc était sa mère à elle ? C'était à elle de la réconforter ! Elle l'imaginait tranquillement endormie dans son lit conjugual, vivre sa vie avec son mari. Melissa avait beau tenter de se raisonner, elle n'arrivait plus à voir sa mère comme une innocente victime. Elle avait beau lui avoir dit qu'elle ne lui en voulait pas, elle se rendait compte à présent que c'était un mensonge. Sa mère aurait pu se battre, si ce n'est pour elle-même, au moins pour sa propre fille !

Samuel avait posé la couverture sur ses épaules, laissant un bras autour d'elle, et la regarda boire son chocolat.

- Je suis désolée de vous importuner, mais je n'ai encore nul part où aller, avoua Melissa.

- Tu peux rester ici aussi longtemps que tu auras besoin d'un toit, lui promit Jenna.

- Merci beaucoup.

Une fois son chocolat nocturne terminé, ils montèrent se coucher. La chambre de Sam était encore plongée dans l'obscurité. Il alluma sa lampe de chevet et l'invita à s'asseoir sur son lit pendant qu'il allait chercher un matelas. Sa chambre était constituée d'un grand lit, d'une bibliothèque remplie de livres et d'une armoire. Il possédait aussi une petite télévision dans un coin et une pile de films. Samuel revint et Melissa se sentit mal à l'aise en le voyant déposer le fin matelas au pied du lit.

- Tu peux dormir dans mon lit, je dormirai à côté.

« Evidement, c'est un gentleman » pensa Melissa.

- Ça me gêne de t'expulser de ton lit. Tu peux dormir avec moi si tu veux, il y a bien assez de place.

- Non, c'est mieux pas. (il intercepta le regard surpris de Melissa) Par rapport à Liam je veux dire.

- Ah, oui...

Un ange passa. Voyant l'air étrange de Melissa, Samuel s'assit à côté d'elle et attendit la suite.

- Justement, nous ne sommes plus ensemble. Il m'a trompé. Plusieurs fois d'ailleurs d'après ce que j'ai compris.

- Quel con ! cracha Samuel.

Son regard s'était durci tout comme sa voix. De peur, elle s'était reculée. Samuel posa machinalement sa main sur l'avant-bras de son amie pour la rassurer.

- En fait ça a toujours été une sorte de Don Juan, dit-elle sans grande conviction.

- Ça ne change rien. On ne trompe pas une fille comme toi... je ne comprends pas qu'est-ce qui a bien pu lui passer par la tête, tu es si... non vraiment je ne comprends pas. Il ne te méritait pas, crois-moi, lui assura-t-il en la regardant intensément.

Elle baissa les yeux, touchée par ses compliments.

- Merci, c'est gentil. Tout est arrivé si vite, je n'ai pas tellement eut le temps de comprendre moi non plus, avoua-t-elle.

- Comment l'as-tu appris ?

- Katie et Christian m'ont mis au courant cette après-midi. Ils le savaient depuis toujours je crois, mais ils ont d'abord hésité à me le dire. A cause de ce qu'il s'est passé avec mon père j'imagine.

- Je peux les comprendre, concéda Samuel. Et alors tu as parlé à Liam ?

- Non, j'ai préféré organiser une petite vengeance à son intention. Beaucoup plus efficace.

Samuel eut un sourire ravi et lui demanda de lui raconter sa revanche en détails.

- L'idée c'était de pourrir sa réputation, juste assez pour que ce soit très gênant pour lui mais sans que cela remette en question sa fonction de Haut Guerrier. J'ai mis plein d'objets compromettant dans sa chambre, genre des magazines sexuels bizarres, des posters d'hommes nus, enfin tu vois...

Samuel éclata de rire. Melissa termina son récit, sous le regard médusé de Samuel.

- Tu es machiavélique ! lui dit-il d'un air admiratif. Que les filles peuvent être manipulatrices quand même !

- Il faut dire que tes livres de stratégie m'ont bien aidé à ordonner mes idées... d'ailleurs j'ai trouvé le même livre que celui que tu m'avais prêté à Liske, comme je l'ai terminé là-bas je te le rendrai dès que possible !

Elle se leva et parcouru les différents étages de la bibliothèque. Un détail chiffonnait tout de même Samuel.

- C'est quand même fou qu'il soit tombé dans le panneau, que tu lui fasses manger du miel comme ça sans raison, il aurait dû renifler le truc à des kilomètres non ?

Melissa lui jeta un regard par dessus son épaule. Son ami vit qu'elle avait légèrement rougi. La vérité éclata alors dans sa tête comme une bulle de savon.

- Melissa ?

Elle se retourna et vit qu'il s'était mit debout. Et elle lu dans ses yeux verts ce qu'elle n'avait jamais pensé y voir un jour : de la déception. Complètement interloquée, elle resta muette.

- Tu n'as quand même pas couché avec lui ?

- Comment oses-tu penser un truc pareil ?! s'exclama-t-elle, en croisant les bras, blessée.

Il s'avança jusqu'à elle.

- Alors raconte-moi.

Elle secoua la tête et une larme coula à nouveau le long de sa joue. Il voulu l'essuyer du bout des doigts mais elle lui tourna le dos.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? lui chuchota-t-il, s'approchant d'elle aussi près qu'il le pouvait sans la toucher.

- Je l'ai séduit afin qu'il lèche le miel sur mon ventre. Après il s'est évanoui. Pour moi ce n'était pas grand chose... mais maintenant j'ai honte.

- Pourquoi ?

- Parce que... je vois que je t'ai déçu. Et je ne le supporte pas.

Samuel sentit toute son énergie quitter son corps à ces mots. Il lui toucha l'épaule et elle se retourna. Elle ouvrit de grands yeux surpris devant leur proximité mais ne bougea pas d'un pouce. La lumière dans la chambre était douce, donnant aux yeux de Samuel une teinte presque noir. Mais c'était un noir doux, le noir rassurant d'une nuit étoilée.

- Et moi je ne supporte pas que tu pleures à cause de moi. Tu ne me déçois pas. Tu as été astucieuse comme toujours. Tu as utilisé ta beauté pour piéger Liam et ça a fonctionné.

Les mots de son ami réchauffaient le cœur de Melissa et l'enveloppaient d'une douce chaleur.

- Et ta réaction ? insista-t-elle du bout des lèvres.

Samuel la regarda un moment. Il connaissait la manière dont ses lèvres s'entrouvrent lorsqu'elle est concentrée ou perdue dans ses pensées. Pourtant cette nuit, lorsqu'il contempla sa bouche et nota le bout rose de sa langue entre ses dents, une vague le renversa. Son esprit semblait avoir été empli de coton, empêchant toute pensée d'émerger. Il était spectateur de son propre corps. Il ressentait ses bras ballants, sa bouche ouverte (quelle ironie) et ses yeux qui ne clignaient plus.

On dit que l'amour fait battre votre cœur plus vite.

C'est totalement faux.

Plus fort. Il le fait battre plus fort.

Le jeune homme sentait les battements lents dans sa poitrine. Ils étaient si puissants qu'il était certain que cela devait se voir à l'œil nu.

Que lui avait-elle demandé déjà ? Ah oui, sa réaction. Mais... sa réaction à quoi ?

- Mmmmh, fit-il pour gagner du temps.

- J'aurais été déçu que tu couches avec lui... parce que tu es une femme incroyable. Tu lui aurais donné une... bien trop grande chance... si tu t'étais donnée à lui. Bien plus que ce qu'il mérite.

Samuel la regarda en coin. Il n'était pas sûr d'avoir été clair. D'autant qu'il ne se souvenait déjà plus de ce qu'il venait de dire.

Melissa lui offrit un sourire d'une éclatante douceur.

- Au moins si je me perds, je sais que toi tu me retrouveras.

Il posa sa main sur la nuque de la jeune femme et déposa un baiser sur son front.

- Allez princesse, il est temps de dormir je crois.

Melissa hocha la tête et se glissa dans le lit de Samuel, pendant que celui-ci s'alongeait à ses pieds.

- Allez, viens, insista-t-elle en tendant la main vers Samuel.

Il ne bougea pas, fixant la paume de son amie.

- C'est un ordre.

Il rit et se fit une place de le lit à côté d'elle.

Elle dormi d'un sommeil profond et fut debout avant Samuel le lendemain. Elle descendit silencieusement les escaliers et entra dans la cuisine où Jenna était déjà en train de déjeuner.

- Bonjour, dit timidement Melissa.

- Oh salut, lui répondit Jenna en souriant. Tu peux me tutoyer tu sais. J'espère que tu as bien dormi. Tu m'as l'air un peu plus en forme qu'hier. Suis-moi, je vais te prêter des vêtements si tu veux te doucher.

Melissa la remercia. Sa marche de la nuit lui avait effectivement laissé une odeur de transpiration. Elle se raidit en réalisant qu'elle avait dormi dans cet état avec Samuel. Elle espéra ne pas l'avoir trop incommodé.

Elle se retrouva dans la salle de bain, et vit pour la première fois son reflet dans le miroir. Sa peau brillait et ses cheveux n'étaient plus très propres. Comment Samuel avait pu dormir à côté d'une horreur pareille ? Elle se déshabilla, et passa ce qui lui sembla être une éternité sous le jet frais de la douche.

Samuel se réveilla entre temps et descendit voir sa mère.

- Elle est dans la douche, l'informa-elle. Tu peux me dire ce qu'il s'est passé ? Je n'ai pas osé lui demander cette nuit...

- Elle a découvert que son petit ami la trompait. Donc elle a fuit Liske et comme elle ne pouvait pas retourner chez elle à cause de son père, elle est venue ici.

- La pauvre... elle n'a assurément pas mérité ça. Enfin... même si elle est là à cause d'événements difficiles, tu dois être heureux qu'elle soit revenue, lui dit sa mère avec un regard rieur. J'ai bien cru que tu allais t'arracher les cheveux pendant son absence.

Il lui tira la langue. Depuis qu'il avait appris que Melissa s'était enfuie, il s'inquiètait pour elle. Etant donné qu'elle n'avait pas pris son transmetteur avec, il n'avait eut aucun moyen de la contacter, de savoir si elle allait bien. Cela avait été quatre jours très longs pour lui, et ce sont ses proches qui avaient dû subir ses inquiétudes incessantes.

Ils entendirent Melissa qui arrivait et se tournèrent vers elle. Le jeans brute et le T-shirt blanc de Jenna lui allaient à ravir. Le col bateau dénudait ses épaules bronzées et lui donnait un air romantique. Elle avait gardé son teinte halé des vacances, ce qui lui donnait bonne mine, presque un air exotique. Samuel ne pu s'empêcher de baisser les yeux sur son assiette, la soirée d'hier étant encore fraîche dans son esprit.

- Tu vas bien ? dit Melissa en s'asseyant à côté de lui. Tu as l'air pensif.

- Oui je vais bien, et toi ?

- Bien je crois. J'ai l'impression que tout ces événements m'ont blasé, rit-elle.

Jenna posa une assiette devant Melissa et un verre.

- Qu'est-ce que tu manges d'habitudes le matin ? Tu veux boire du lait, du café ? l'interrogea Jenna. Il y a du pain dans la corbeille, la confiture est ici. Sinon on a des cornflakes dans l'armoire...

- Du pain ça ira très bien, et du lait.

Jenna s'approcha de Melissa et s'accroupit pour être à sa hauteur. Elle posa sa main sur son épaule, comme la nuit d'avant.

- Melissa, je sais dans quelle situation tu te trouves. Sache que tu peux rester ici autant que tu le voudras, nous n'avons pas de chambre d'ami malheureusement mais nous pouvons t'aménager le bureau. Il suffira de sortir de la cave l'ancien lit de Sam, offrit Jenna avec affection.

- Je... merci, bredouilla Melissa, les larmes aux yeux. Je ne sais pas quoi vous dire.

- Ne dis rien alors, tu ne pensais pas qu'on allait te laisser à la rue sans rien faire ? s'étonna Samuel. En plus tes affaires sont déjà ici.

Le transmetteur de Samuel se mit alors à sonner, il répondit. C'était Katie. Une Katie surexcitée, il dut lui demander de se calmer pour comprendre ce qu'elle lui voulait.

- « Pitié dis-moi que Melissa est chez toi ! »

- Oui oui elle est là, dit-il en regardant son amie avec un demi-sourire.

« Ah ben voilà ! Elle m'avait dit qu'elle me donnerait des nouvelles à son arrivée et je commençais à m'inquiéter ! Bon, maintenant elle est entre de bonnes mains... c'est beau que vous puissiez compter l'un sur l'autre... comme un couple... » ajouta-t'elle d'une voix pleine de sous-entendus.

- Mmmh...

« Hé ! C'est quoi ce grognement affirmatif ? J'avais raison ? Hein ? Hein ? Hein ? »

- Ça se pourrait.

Elle cria, si bien qu'il éloigna le transmetteur de son oreille.

Melissa en profita pour demander à Samuel de mettre le haut parleur. La voix de Katie s'éleva dans la cuisine. Jenna était toujours là, feignant de ne pas écouter en se préparant un café.

- Coucou, dit Melissa au transmetteur. Alors ma petite farce s'est bien passée ?

« A merveille ! Je ne te dis pas comme il était gêné, une vraie pivoine ! «

- Et vous lui avez parlé de la raison ?

« Oui, mais bon comme il fallait s'y attendre il y tout nié en bloque. Ensuite il y essayé de se justifier, ce qui m'a mise très en colère et c'est Christian qui a dû calmer le jeu. Résultat l'ambiance est plutôt tendue ici. Je pense que je vais chercher un pretexte pour venir te voir à Bisan le plus vite possible. »

- Mais non, reste à Liske, ne t'en fait pas pour moi ! Je pensais aller voir Emma, elle n'est encore au courant de rien. En fait j'ai envie de voir les filles, marre de ces hommes, j'ai besoin d'un peu de papotage digne de ce nom.

Samuel lui donna un coup de coude auquel Melissa répondu en lui tirant la langue.

- Oh mais si vous faites une réunion, raison de plus pour que je vienne ! C'est décidé, je vais m'arranger ! Et sinon tu vas faire quoi ? Tu ne peux pas vraiment retourner chez toi.

- Elle reste chez moi, dit Sam d'une voix qu'il espérait neutre, bien qu'il avait l'impression d'entendre Katie jubiler depuis Liske.

« Aaaaah bon ? Mais quelle bonne idée ! »

Il leva les yeux au ciel devant la discrétion de son amie.

« Tu vas être super bien avec lui ! Enfin je veux dire chez lui ! »

Melissa haussa les sourcils mais ne releva pas l'allusion. Katie finit par raccrocher et Samuel informa son amie qu'Emma vivait momentanément chez Matt.

C'est comme ça que Melissa se trouva devant la porte de Matt. Cela lui fit bizarre, elle n'était jamais venue et n'était pas vraiment proche de lui. Heureusement, c'est Emma qui lui ouvrit et lui sauta dans les bras. Sa cadette sentit l'odeur rassurante de la maison et commença à pleurer.

Matt entra dans son champs de vision et s'arrêta, ne sachant pas comment réagir, il partit donc dans sa chambre, pour les laisser seules. Melissa parla à sa sœur de son envie de voir les autres filles pour passer un bon moment en leur compagnie et oublier ses soucis. Elles appelèrent donc les autres et fixèrent le rendez-vous chez Yasmine le jour d'après en espérant que Katie serait déjà arrivée.

Elles se retrouvèrent chez Yasmine vers quinze heure. Elles se serrèrent dans les bras pour celles qui ne s'étaient pas vues depuis longtemps, et Melissa eut droit à une quantité de mots rassurants après tout ce qu'elle avait vécu. Cela lui mis du baume au cœur, elle se rendait compte que même si elle n'avait plus de maison ni de petit ami elle avait des amis et une demi-sœur en or. Après les retrouvailles, elles s'assirent au salon.

- Et sinon comment vous allez ? Tout va bien ici ? demanda Melissa.

- De mon côté ça va, Thomas s'occupe de temps en temps de sa famille avec son père ce qui lui prend du temps mais je préfère, dit Gaby. Comme ça on n'est pas l'un sur l'autre tout le temps.

- J'ai remarqué oui, je me suis demandée pourquoi mon père a commencé à vouloir l'intégrer à la politique de notre famille de façon si subite, avança Yasmine. Même s'il a toujours beaucoup insisté sur la solidarité fraternelle... son attitude ne me rassure pas.

Elle secoua la tête.

- Enfin je suis en train de pourrir l'ambiance, désolé. Pour parler de quelque chose de plus joyeux : Emma, j'ai appris que tu vivais chez Matt ? C'est temporaire ou... ?

Emma rougit.

- A la base c'est temporaire... en fait je ne sais pas trop.

Ses amies la regardèrent avec un demi-sourire, amplifiant la rougeur de ses joues. Emma fronça le nez et avoua que ses rapports avec Matt ne pouvaient plus être qualifiés d'amicaux.

Joëlle éclata de rire, exprimant à gorge déployée ce que ses autres amies ressentaient. Elles étaient toutes heureuses pour Emma. Son amour pour Matt durait depuis presque aussi longtemps qu'il vivait à Bisan. Il avait eu de nombreuses admiratrices, surtout après que l'adolescence ai fait son œuvre, mais devant son manque d'intérêt pour la gente féminine, beaucoup avaient lâché l'affaire. Pas Emma. Enfin, elle avait fini par abandonner bien sûr, mais alors c'est Matt qui s'était tourné vers elle. La patience de son cœur avait enfin payé. Melissa avait pris la main d'Emma, heureuse pour elle.

- Et toi alors Melissa, où est-ce que tu dors avec toutes ces histoires ? demanda Yasmine avec compassion.

- Chez Sam.

Elle intercepta le regard entendu de ses amies.

- Oh là je vous arrête tout de suite ! C'est temporaire !

- Oui, enfin c'est aussi ce que je disais, pouffa Emma.

Sa remarque eu pour effet de déclencher les rires du groupe.

- Et... du coup tu as dormi où chez lui ? demanda Joëlle, en peinant à se reprendre. Ils n'ont pas de chambre d'ami à ma connaissance.

Melissa rougit.

- J'ai dormi dans sa chambre.

Elle vit que ses amies se mordaient les lèvres pour s'empêcher de rire.

- Il y avait un matelas au pied de son lit, ajouta la jeune femme en s'enfonçant dans le canapé de gêne.

- C'est toi qui a dormi dans son lit j'espère ! s'exclama Gaby.

- Oui oui bien sûr.

Melissa pinça ses lèvres. Ouf, elle s'en était sortie. C'était sans compter sa sœur, qui la connaissait par cœur.

- Melissa..., commença-t-elle en plissant les yeux.

La cadette s'éloigna de sa sœur en lâchant un « ouiii ? » suspect.

- Tu as dormi dans son lit.

- ...

- Et lui il a dormi où ?

- Baaaaaaaah.

Le teint pivoine de Melissa relança le fou rire de plus belle.

- C'est beau l'amitié platonique selon Melissa, en rajouta Yasmine.

- Ah non mais il ne s'est rien passé hein ! insista leur amie. Je vous le jure !

- On te croit, mais si tu te mets à dormir avec lui toute les nuits..., sous entendit Joëlle.

Melissa leur dit qu'elle allait passer ses prochaines nuits dans le bureau.

- Mais j'avoue que j'ai vraiment bien dormi, minauda-t-elle en glissant une mèche de cheveux derrière son oreille.

- Profite ! Parce que une fois en couple, les heures de sommeil certaines en manquent parfois, gloussa Joëlle.

- Oh pitié, sourit Gaby en levant les yeux au ciel. Melissa, depuis que Joëlle est à nouveau avec Kyle, je n'ose plus le regarder dans les yeux avec tout ce que me raconte cette grande blonde !

Décidément les jeunes femmes allaient avoir des abdos en bétons après cet après-midi !

- Moi je ne sais encore rien, et je suis curieuse de savoir si c'est un bon coup, ajouta Melissa d'un air malicieux.

- Oh oui ça c'est sûr !

Katie entra en trombe dans la pièce.

- Je suis là !!! Enfin ! Vous parlez de quoi ?

- De Kyle le dieu du sexe, avança Gaby avec un sourire.

- Ok ça me va, quoique Sam ne soit pas mal non plus dans le genre, dévoila Katie en s'asseyant.

Ses amies ne purent s'empêcher d'éclater à nouveau de rire, avant de se rendre compte que l'anecdote entre Melissa et Samuel la ferait peut-être souffrir. Katie cmprit immédiatement leur gêne et les rassura.

- De toute façon ce n'est rien de très croustillant, lui apprit alors Melissa. C'est juste que l'on a dormi ensemble parce que je ne voulais pas le faire dormir au pied du lit. Je t'assure qu'il ne s'est rien passé, le lit était bien assez grand.

Katie posa sa main sur la jambe de son amie.

- De toute façon le plus important c'est que tu sois bien. Samuel et moi nous sommes quitté bons amis. Je sais que c'est un stéréotype mais c'est vrai.

Melissa hocha la tête.

- De toute façon, s'il m'avait vue autrement que comme une amie, Sam ne serait pas sorti avec toi je pense.

Personne ne releva, mais ses amies virent la note de déception dans ses yeux. Elles continuèrent à discuter, se rappelant la trêve et tous les évenements qui s'y étaient passé. Quand le soir commença à pointer, elles se commandèrent des pizzas. Le livreur arriva, elles payèrent l'addition et posèrent les pizzas sur la table, humant la délicieuse odeur de fromage et de jambon chaud. Chacune se servit une part et elles commencèrent à manger. Au bout de quelques minutes, elles remarquèrent que Joëlle avait viré au livide.

- Je ne me sens pas très bien, bredouilla-t-elle. Cela vous dérange si je m'allonge par terre ?

- Non, firent–t-elles en cœur.

Elles recommencèrent à parler, cette fois de l'anniversaire de Dean qui aurait lieu quelques jours plus tard, jusqu'à ce qu'Emma aille au toilette et lance à tue-tête :

- Dites vous pourriez demander à Joëlle où elle a mis ses serviettes hygièniques ? Elle est toujours indisposée en même temps que moi...

Joëlle répondit qu'elle n'avait rien pris avec depuis le canapé. Emma sortit des toilettes et se planta devant son amie.

- C'est bon, si t'as pas envie de m'en prêter il faut me le dire, je ne t'en voudrai pas, ajouta-t-elle.

- Je ne l'ai aies pas encore, j'ai du retard ce mois-ci (devant le regard de ses amies) mais ça m'est déjà arrivé, c'est bon pas besoin de s'affoler !

- Tu peux prendre une des miennes, elles sont dans l'armoire à pharmacie au dessus du lavabo, lui indiqua Yasmine, sans cesser de dévisager Joëlle.

Quand elles eurent fini de manger, Joëlle retrouva peu à peu son teint naturel. Elles rentrèrent ensuite toutes chez elles. La jolie blonde passa la nuit chez Kyle dans son appartement. Le lendemain, elle se réveilla dans ses bras. Il l'embrassa pour lui dire bonjour et commença à lui caresser les cheveux pendant qu'elle lui racontait son après-midi avec les filles. Tout à coup, elle eut un haut-le-cœur et s'enfuit au toilettes. Kyle la suivit et lui tint les cheveux pendant qu'elle vomissait. Quand elle eut enfin fini, elle était très pâle et avait les yeux brillants. Elle se mit à tourner dans la salle de bain en se tenant la tête. Puis tira sur son pull pour regarder sa poitrine.

- Non... non, non c'est pas possible, c'est pas vrai... non...

- Qu'est-ce qu'il se passe ? lui demanda-t-il en commençant à s'inquiéter.

- Mes soutiens-gorges sont devenu trop petits...

- Heuuu j'aurais envie d'être content, remarqua Kyle avec un sourire.

- Hier en sentant l'odeur de pizza j'ai eut des nausées, j'ai pleuré mercredi parce que tu ne voulais pas qu'on aille se balader, et en plus j'ai un retard de règles. Et ce matin j'ai vomi, énuméra sa petite amie.

Kyle réfléchit et finit par comprendre où elle voulait en venir.

- Oh, tu penses que tu es enceinte ? Mais je me protège toujours pourtant.

- Oui mais on ne vérifie jamais si le préservatif a cassé, dit Joëlle.

- Parce qu'on le verrait !

- Pas si on le fait dans l'eau, termina-t-elle.

Il se souvint de leurs nombreuses douches crapuleuses et avala sa salive. Bon. Ne pas paniquer.

- Viens, on va aller t'acheter un test et on verra bien. Inutile de s'inquiéter tant qu'on est sûr de rien, trancha-t-il en lui prenant la main pour l'entraîner dehors.

Ils marchèrent rapidement jusqu'à la pharmacie au coin de la rue. Kyle s'empara d'un test de grossesse de chaque marque, préférant jouer la sécurité et n'y connaissant rien. A peine rentrés, Joëlle s'enferma dans la salle de bain. Kyle attendit sur le canapé, n'arrivant pas à croire à ce qui lui arrivait. Elle ne sortit qu'un quart d'heure plus tard, les tests dans la main.

- Ils sont tous positifs, les quatres, murmura-t-elle les yeux dans le vide.

Il vit à ses yeux rougis qu'elle avait pleuré. Il se leva rapidement et l'entoura de ses bras. Elle semblait comme une poupée de chiffons dans ses bras. Il lui murmura des paroles rassurantes. Cela ne changeait rien, il serait là pour elle, toujours.

Au bout d'un moment, Joëlle sembla reprendre ses esprits et appela son gynécologue. Puisqu'il s'agissait d'une urgence et voyant la confusion de Joëlle, la gynécologue fut d'accord de venir au cabinet plus tôt le lendemain pour la prendre. Elle devait juste faire une prise de sang afin de confirmer la grossesse avant la consultation.

Elle et Kyle entrèrent dans la salle d'examen. Malgré la situation, l'ambiance était plutôt détendue car Joëlle se moquait de Kyle qui appréhendait le rendez-vous. C'était la première fois qu'il assisterait à une consultation gynécologique et il ne se sentait comment dire... pas tout à fait à sa place. Disons qu'il avait très bien vécu jusqu'ici sans savoir ce qu'il s'y passait.

Joëlle se déhabilla, enfila la blouse et se coucha sur la chaise. Evénement incroyable : la gynécologue n'eut pas de retard, l'avantage quand on passe les premiers. Elle avait les yeux bridés et un sourire avenant. Elle leur demanda des précisions en enfilant ses gants et disparu entre les cuisses de Joëlle.

- Je fais un toucher vaginal, la paroi est plus épaisse lorsqu'une femme est enceinte.

Kyle regarda la médecin en se disant qu'être une femme obligeait à vivre des moments plutôt gênants. Comme d'avoir les jambes écartées et de se faire palper par une inconnue. Mais cela ne semblait absolument pas indisposer Joëlle qui semblait penser à autre chose en regardant le plafond. Une fois l'examen terminé, la jeune femme se changea et s'assit avec son petit ami face au bureau. La gynécologue était absorbée dans la lecture d'une feuille de résultats. « Ceux de la prise de sang » pensa le couple.

- Alors... vous êtes effectivement enceinte, dans votre deuxième semaine pour être précis.

Elle jaugea leur réaction. Ils semblaient tous les deux en état de choc, comme si la situation devenait réelle pour de bon. Elle nota tout de même que leurs mains s'étaient trouvées.

- A ce stade, de nombreuses options s'offrent à vous, continua la gynécologue avec précautions. Vos possibilités ne se résument pas à devenir parent ou interrompre la grossesse. Vous pouvez décider de mener la grossesse à terme et faire adopter le bébé.

« J'ai 22 ans... » pensa Kyle « .. et Joëlle seulement 20. C'est vraiment jeune ».

La médecin, habituée à ce genre de situation, sembla lire dans les pensées du jeune homme.

- Les seuls à pouvoir prendre cette décision c'est vous. Ne vous laissez pas influencer par votre entourage. Certainement que certains invoqueront votre jeune âge. Oui, vous êtes jeune, mais le fait d'être trop jeune vous seul pouvez en juger. J'ai vu des couples plus à l'aise dans leur rôle de parent à 20 ans que des trentenaires. Vous avez du temps pour y réfléchir, vous n'êtes qu'au tout début de la grossesse. Et je suis toujours disponible si vous voulez des conseils. Il faut de toute façon que nous prenions rendez-vous pour dans deux semaines, afin de faire la première visite médicale.

- Oh mais je suis sensée partir en mission demain soir, serait-il possible de décaler le rendez-vous ? demanda Joëlle.

- Et bien je peux décaler de deux semaines.

- Quel est le délai si elle veut av... interrompre la grossesse ? demanda Kyle.

- A partir de 12 semaines, ce n'est plus légale, affirma-t-elle. Notre rendez-vous aura lieu dans la 6ème semaine. A ce moment-là vous pourrez me dire ce que vous avez décidé. Est-ce que cela vous va ?

Ils hochèrent le tête, fixèrent le rendez-vous et repartirent. Lorsque le couple arriva dans l'appartement de Joëlle, elle commença à pleurer.

Ils se couchèrent sur le lit, elle pelotonnée contre lui, et commencèrent à en parler.

Les possibilités étaient finalement assez restreintes : le garder, le tuer ou l'abandonner. Elle se sentait trop jeune pour être mère, il y avait tant de choses qu'elle voulait encore vivre ! Elle parla de tous cela à Kyle, de tous ses doutes et de ses incertitudes.

- Je pense que la meilleure solution est d'avorter, conclut-il. Tu te sens trop jeune, tu ne veux pas de cet enfant maintenant. Et si tu le fait adopter ou tu accouches sous X ça sera horrible pour toi, tu te seras attaché à lui pendant 9 mois. En plus tu auras toujours le risque de le revoir dans la rue ou durant une mission, et je suis sûr que ça te fera souffrir.

- Ton raisonnement se tient, accepta Joëlle en sentant à nouveau les larmes couler sur ses joues. Mais ça me fait si mal.

- Pour l'instant ce n'est pas un bébé, je ne pense même pas qu'il ait une forme humaine, ça doit ressembler à une cacahuète géante, lui dit-il pour lui redonner le sourire.

Sa petite technique ne sembla pas lui remonter le moral.

- Je veux aller voir ma mère, décida-t-elle en se levant. Cela te dérange si j'y vais seule ?

- Non, vas-y je comprends.

Elle l'embrassa et partit. Elle rentra chez elle, quand elle poussa la porte d'entrée, son petit frère vint à sa rencontre et lui sauta dans les bras. Nolan supportait mal qu'elle s'absente trop longtemps et lui faisait toujours la fête lorsqu'elle revenait. Elle chercha sa mère et la trouva dans sa chambre en train de choisir ce qu'elle allait mettre pour aller faire les courses. Joëlle s'assit sur le grand lit double en regardant sa mère essayer vêtements sur vêtements. Sa mère vit qu'elle avait un air bizarre et se retourna.

- Ma puce, est-ce que ça va ?

Joëlle hocha négativement la tête et baissa les yeux. Sa mère s'assit à côté d'elle et la prit par les épaules.

- C'est Kyle qui t'a mis dans cet état ?

- Si on veut... maman je suis enceinte.

- Vous ne vous êtes pas protégé ? lui dit immédiatement sa mère d'un ton culpabilisant.

- Si toujours, mais... enfin je ne vais pas te faire un dessin.

- Ah... je vois. Bon, est-ce que Kyle est au courant ?

- Oui, c'est même lui qui m'a accompagné chez la gynécologue ce matin. Je suis enceinte de deux semaines, donc je peux encore choisir d'avorter. Pour l'instant on se dirige plutôt dans ce sens. On a pris rendez-vous pour dans un mois, à ce moment on devra avoir décidé.

- Je te soutiendrai quoi que tu décides, mais ne te précipite pas. Réfléchis encore. Et n'avorte pas juste pour Kyle, parce que sinon tu lui en voudras toute ta vie. N'oublie pas que tu devras vivre avec ta décision tous les jours de ta vie. Pour les hommes, c'est très abstrait tout ce qu'il se passe avant la naissance. Alors que la mère voit tout son monde bouleversé dès qu'elle apprend qu'elle est enceinte.

Joëlle hocha la tête. Voilà pourquoi elle avait eu besoin de parler à sa mère. Son expérience lui était précieuse.

- Je pars en mission demain soir normalement, ça me donnera le temps d'y réfléchir un peu seule. En parlant de ça, ça me rappelle que je dois aller voir la Haute guerrière pour lui demander des détails sur la mission

Samuel et Melissa avaient commencé à préparer des pizzas et des gâteaux pour la fête de Dean qui se tiendrait le soir même.

- Je te préviens, je ne sais pas cuisiner ! l'avertit Samuel en sortant les ingrédients du réfrigérateur.

- Oh tu sais je ne suis pas non plus très douée, mais on va faire ce qu'on peut ! Par contre, tu n'aurais pas un vieux T-shirt au cas où je me salirais ?

- Ah oui, dit-il en montant les escaliers.

Il revint avec un T-shirt beige usé. Elle l'enfila et prit la pose. Elle était ridicule, le T-shirt était trois fois trop grand et lui tombait à mi-cuisse. On ne voyait même plus son short, ce qui donnait l'illusion plaisante qu'elle ne portait pas de bas. Lorsqu'elle noua ses longs cheveux en deux couettes, il ne put s'empêcher de rire.

- Je ne pensais pas faire la cuisine avec une enfant de neuf ans, se moqua-t-il.

- Quand tu auras des tâches de tomate partout tu ne viendras pas te plaindre !

- S'il y a que ça pour te faire plaisir, dit-il en enlevant son T-shirt.

Les joues de Melissa rosirent lorsque son regard se posa sur les abdos de son ami, mais elle s'abstint de commentaires. Elle ouvrit le livre de recette et lu :

- Alors, d'abord il faut étaler la pâte sur le plan de travail...

La préparation des pizzas se fit dans la joie et la bonne humeur. Les deux guerriers essayaient de s'appliquer, mais ne pouvaient s'empêcher de faire des bétises dès que l'occasion se présentait.

- Alors maintenant on se lave les mains et on s'attaque au gâteau, informa Melissa. Essaie de ne pas le rater...

- Moi ?

- Oui toi ! Regarde ce que tu as déjà fait à cette pauvre pizza !

Elle montrait une pizza où Sam avait empilé une montagne d'ingrédients improbables.

- Elle est très belle ma pizza ! la contredit-il d'un air faussement indigné.

Melissa le regarda l'air de dire « Nan, mais tu te fous de moi là ? »

- Bon, je suis d'accord qu'elle est spéciale...

- Si elle pouvait parler, elle serait en train de nous supplier de l'achever, rit son amie.

Finalement elle décida de le laisser faire, tout en restant assise sur le plan de travail en lui dictant la recette.

- ... et maintenant tu mets un peu de farine et tu remues doucement.

Samuel laissa tomber le paquet de farine dans la casserole.

- Je crois que tu en as mis trop, dit-t'elle d'un air sceptique.

Il prit le surplus de farine et le jeta sur elle. Melissa toussa, son visage, ses épaules et ses cheveux blanchis lui donnaient l'air d'une statue de marbre. Elle pris deux grosses poignées de farine et les jeta au visage de Samuel.

Elle sauta sur ses pieds et partit en courant hors de la cuisine. Elle prit juste le temps de s'arrêter sur le pas de la porte pour lui tirer la langue avant de repartir.

- Non mais tu vas voir toi si je t'attrape ! s'exclama-t-il.

Samuel lui couru après dans toute la maison, mais arrivé dans sa chambre il s'arrêta. Il remarqua alors la fenêtre ouverte. En passant sa tête par l'ouverture, il vit son amie qui grimpait agilement sur le toit. Heureusement, la pente douce ne rendait pas l'ascension dangereuse. Sam, essouflé par la course et ses rires, s'alongea sur le dos. Les tuiles chauffées par le soleil contrastaient avec la brise de ce début d'automne. Il ferma les yeux et tendit l'oreille. Il entendit Melissa s'approcher doucement et s'asseoir à côté de lui. Il entrouvrit les yeux et l'observa tandis qu'elle admirait le paysage. La maison des Meyer était en lisière de forêt. La lumière de fin d'après-midi illuminait la cime des arbres d'une douce teinte dorée.

- On profite encore mieux de la vue depuis ici tu ne trouves pas ?

Elle lui sourit et s'alongea à côté de lui.

- C'est trop drôle, avec la farine on dirait que tu as des cheveux blancs, fit-elle remarquer en s'amusant avec les boucles du jeune homme.

- Ça me donne le charme des hommes mûres ? ricana-t-il.

- Tu lis dans mes pensées, se moqua la jolie brune. Tout à fait mon genre. Ce doit être la sagesse dans le regard.

Il rit et s'assit, de sorte à avoir son visage à hauteur du sien.

- Et ben toi tu as toujours l'air d'une enfant avec tes couettes et mon T-shirt.

Elle lui adressa un regard innocent en faisant la moue. Elle était si belle. Samuel sentit à nouveau son cœur ralentir et cogner dans sa poitrine.

- Arrête, la prévint-il.

Elle pencha la tête en souriant. Ce sourire taquin avec sa petite langue rose...

- Dernier avertissement, sinon il y aura des conséquences, dit-il en se persuadant qu'il oserait aller au bout de sa pensée.

Elle prit un air surpris, toujours aussi candide. Il avait utilisé sa voix de prof. Elle avait toujours bien aimé la manière dont il gérait ses classes. Une main de fer dans un gant de velour... c'était le genre de professeur qui l'aurait fait craquer. Son imagination s'empara de l'information et Melissa rougit violement.

Samuel, qui fixait son amie, la vit écarquiller légèrement ses yeux bruns et ses pommettes devenir pivoines. Elle était tellement craquante et paraissait tellement concentrée qu'il se lança. Il glissa ses doigts dans sa nuque et pressa ses lèvres contre celles de la jeune femme.

Il eut l'impression qu'il se passa une éternité. Melissa ne bougeait pas. Il laissa sa bouche à contrecoeur et s'éloigna. Son amie paraissait complètement perdue.

- Tu..., chuchota-t-elle. C'était quoi ça ?

- Ce que j'avais envie de faire depuis que tu es revenue.

- Tu veux dire, que je suis plus qu'une amie pour toi ? essaya-t-elle de comprendre.

Il hocha la tête. Il se rendit compte que par peur de sa réaction, il n'avait pas assez profité de ce qui avait peut-être été leur premier et dernier baiser.

Melissa passa ses bras sur les épaules de Samuel et frotta timidement le bout de son nez contre le sien. Samuel enserra sa taille et effleura sa bouche. Leurs lèvres se frôlèrent à plusieurs reprises.

- T'es chiant, murmura Melissa en pouffant.

Samuel rit et s'empressa de rémédier à sa frustration. Leurs lèvres se trouvèrent. Leur baiser s'approfondit tandis que Melissa collait son corps contre le sien. Elle se sentait vibrer à son contact, vivante. Elle frissonnait entre deux bouffées de chaleur et son souffle lui manquait. Elle voulait se fondre en lui, que chaque centimètre carré de son corps soit en contact du sien.

- Hum, je te rappelle juste qu'on est sur un toit, chuchota Samuel.

Melissa se rendit compte qu'une de ses mains s'était faufilée sous le T-shirt du jeune homme. Oups. Elle rougit.

- Et nous avons un gâteau à faire en plus, grimaça-t-elle.

Il lui vola un baiser.

- Je ne m'attendais pas à ce que cette journée soit si... intense, souffla Melissa.

- Pas trop rapide pour toi j'espère.

- C'est vrai, c'est rapide, admit-elle en hochant la tête. Rapide par rapport à Liam.

Elle balaya l'air de la main.

- Mais en éclipsant cette erreur... je me suis sentie proche de toi dès mon retour. Et en six mois tu es devenu vraiment important à mes yeux.

Elle le regarda avec tendresse, un peu timide.

- Je suis heureuse que tu m'aies embrassée. Même si ça me fait bizarre de n'avoir rien vu venir...

- Je te rassure, je m'en suis rendu compte assez tard pour dire.

Ils finirent par se lever à contre-cœur pour aller continuer de préparer le gâteau. Sauf qu'ils ne pouvaient s'empêcher de rester en contact permanent. Ils s'enlaçaient, s'embrassaient, s'effleuraient et se regardaient à la dérobée en souriant.

Ils venaient d'enfourner le premier gâteau lorsque leurs amis arrivèrent. Les guerriers étaient passés tout naturellement par le jardin, ainsi le nouveau couple ne les avaient pas entendus arrivés. Ils arrivèrent donc dans la cuisine et tombèrent sur Melissa et Samuel en train de discuter, les mains du jeune homme posées le plus naturellement du monde sur les hanches de son amie. Pour la discrétion on repassera.

- Au moins on sait pourquoi les gâteaux ont pris tellement de retard, pouffa Joëlle.

- Vous avez bien cuisiné alors ? s'intéréssa Gaby.

- Oui, Melissa trouve que j'ai de l'avenir, se vanta Samuel

- Tu parles ! Si je n'avais pas vérifié chaque mouvement que tu faisais, la cuisine aurait pris feu il y a très longtemps, rétorqua Melissa en riant.

- Oui, c'est ce que je disais. J'ai de l'avenir comme esclave.

Ils éclatèrent de rire au moment où Katie arrivait. Leurs amis se turent, ne sachant pas comment réagir. Cela faisait seulement une semaine et demi que Katie et Samuel s'étaient séparés, et même s'ils disaient que cela s'était décidé d'un commun d'accord, ils en doutaient un peu. Le fait que Samuel se soit remis aussi rapidement en couple laissait d'ailleurs penser que c'est plutôt lui avait décidé de la rupture.

Katie vit Samuel qui tenait Melissa part la taille et... se mit à rire. Elle se précipita vers eux et donna une petite tape amicale à Samuel.

- Et ben dis-donc quelle suprise !!! gloussa Katie. Je n'aurais jamais imaginé.

Elle se tourna vers Melissa qui semblait attendre sa réaction avec inquiétude. Katie la serra dans ses bras en lui chuchotant qu'elle lui souhaitait tout le bonheur du monde. Melissa la serra plus fort encore pour la remercier.

Ils se mirent à table et commencèrent à déguster les pizzas. Même l'étrange mélange de Samuel eut du succès. Joëlle leur annonça qu'elle était enceinte, à la plus grande surprise de tout le monde. Si chacun avait son avis sur la question, ils n'en débattirent pas afin de ne pas mettre le couple mal à l'aise. Ils changèrent donc subtilement de sujet assez rapidement, après avoir rassuré la femme enceinte.

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