🎩 4_ Caprices ?
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Une semaine plus tard.
Ymir Farzen ouvrit ses yeux au moment exact où le coq qu'il élevait dans sa petite cour chanta pour la première fois de la journée. L'animal lui permettait de toujours se lever tôt et de ne jamais arriver en retard à son travail.
Il se tourna dans son lit et fit face à son épouse, Ilya Farzen. La jolie dame partageait sa vie depuis vingt ans.
Le jardinier contempla avec amour le visage de son épouse. Ilya était magnifique quand elle dormait ainsi, sur le ventre, la joue et la bouche déformée, car posées sur son bras.
La femme, proche de la quarantaine, possédait une longue chevelure noire comme de l'encre. Ses épais cils accentuaient le charme de ses yeux étirés. La courbe de ses sourcils brousailleux et de ses lèvres généreusement charnues lui apportaient une véritable touche de féminité naturelle. Elle était mince, presque maigre, mais en parfaite santé. Et le plus important, Ymir l'aimait.
Le jardinier posa délicatement sa paume sur la joue de sa femme et la caressa tendrement. Tous les jours, au réveil, il réalisait à quel point la chance lui avait souri. Elle avait mise sur sa route une personne qui avait partagé sa vie pendant deux décennies, qui lui avait donné deux enfants précieux, qui s'occupait de lui et qui l'aimait en retour.
Ilya gémit en sentant quelque chose frôler sa peau. Elle ouvrit lentement les yeux, découvrant ainsi ses profonds iris marron-gris. Elle était malvoyante, mais son problème n'était pas très grave puisqu'elle pouvait admirer la beauté du visage ridé de son mari.
Ilya sourit à son époux. Elle l'aimait de tout son cœur, malgré la forte odeur masculine de celui-ci. La fragrance de jour qu'elle avait commandée chez Belma n'avait pas l'air de faire effet sur lui, pourtant, la guérisseuse était réputée pour concocter les plus puissants parfums de l'île.
La femme posa sa main sur la joue de son époux, elle y fit de très lents mouvements, afin de sentir chaque parcelle de la peau de son homme. La barbe d'Ymir la fit frissoner. Elle plongea ensuite chacun de ses doigts dans ses cheveux et les caressa avec amour.
— Mon époux, murmura Ilya, tes cheveux deviennent de plus en plus gras.
Ymir sourit en entendant la douce voix de sa femme. Il se redressa pour l'embrasser sur la bouche et l'étreignit avec force.
— Comment vas-tu ? demanda-t-il.
— Et toi, comment vas-tu ?
Le quarantenaire soupira, comme exténué, alors qu'il venait à peine de se réveiller. Il relâcha sa femme et retomba lourdement sur le lit.
— Je vais bien, mon épouse... Pour être honnête, je m'inquiète pour notre fille. Cela fait une semaine que Raceli a rapporté à son père qu'elle était venue au manoir, depuis, j'ai la nette l'impression que les choses se détériorent. J'ai remarqué que le jeune maître Vodleris ne parle plus à sa famille... J'imagine que c'est à cause de sa sœur qui a dû dire que c'était lui qui avait permis à Neela d'entrer.
— Ymir, soupira Ilya à son tour. Pourquoi n'étais-tu pas au pied du mur comme tous les jours ? C'est un peu de ta faute aussi, tout ce qui arrive.
— Je...
— Ne dis rien, le coupa Ilya. En réalité, cela n'est ni de ta faute ni celle de notre fille, d'ailleurs. Les seules personnes à blâmer, ce sont ces Vodleris.
La femme au foyer s'assit sur le lit et croisa les bras, l'air contrarié.
— Ils n'ont pas de cœur, Ymir, ils n'en ont pas. C'est étrange que tu travailles encore chez eux aujourd'hui avec tout ce qu'il ont osé nous faire. Le pire c'est qu'ils arrivent toujours à nuire à notre fille comme bon leur semble...
Le regard d'Ilya s'assombrit soudainement, et ses yeux si pures reflétèrent un sentiment qui contrastait étrangement avec leur beauté.
— Je les hais, pesta-t-elle avec froideur.
Ymir, interdit par ces propos, la prit dans ses bras et la serra encore plus fort, en embrassant son front, ses cheveux, ses joues. Il la couva d'amour, comme tous les jours.
— Ne parle pas comme ça, Ilya, cela ne te ressemble pas... Met ta rancune de côté, s'il te plaît. Peu importe ce qu'il s'est passé avec les Vodleris dans le passé, nous devons aller de l'avant.
— Notre fille a failli trépasser par leur faute !
— Mais elle est en vie ! Et grâce au jeune Dariun qui était là, répliqua le jardinier. C'est grâce à lui que nous avons encore Neela à nos côtés, mon amie.
Ilya détourna le regard, peu convaincue par les propos de son mari.
— Tu continues cependant à travailler pour eux...
— Parce que je m'y plais ! s'exclama Ymir. Et par gratitude envers Dariun. C'est aussi parce que je leur ai déjà pardonné ce qu'ils nous ont fait. Et c'est grâce au jeune Vodleris. Cela ne servira à rien de leur en vouloir toute une vie... Tu le sais parfaitement bien, mon épouse. C'est pourquoi je te demande de ne pas te focaliser sur des évènements passés.
Ilya sentit l'étreinte de son mari se reserrer autour de ses bras. Elle fit une moue si drôle qu'Ymir manqua de s'étouffer en se retenant de rire.
Cependant, même si son époux lui demandait de passer l'éponge sur ce qui était arrivé il y avait dix ans chez les Vodleris, la maman de Neela ne pouvait se résoudre à oublier tout le mal qu'on lui avait fait subir. Pas aussi facilement. Elle n'était pas prête. En tout cas, pas encore. Elle les détestait et ne voyait pas ce qui allait bien pouvoir changer cela.
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Il était à peine sept heures du matin quand Kang Numan déboula dans la chambre à coucher de son père.
— Père ! cria-t-il en poussant la porte de l'antre de son géniteur.
Ce dernier se réveilla en sursaut et quitta rapidemment son lit à baldaquin pour enfiler une tunique. Manase Numan était un grand homme qui ressemblait beaucoup à son fils. Bien que chauve, ils possédaient le même visage angulaire, les mêmes yeux noirs, et la même corpulence rondouillarde et musclée. Sa peau, plus foncée que celle de Kang, dessinait des rides au niveau du front et les bords des paupières.
— Je peux savoir pourquoi me casses-tu les tympans ce matin, Kang ? gronda-t-il son fils.
Le jeune noble se précipita vers lui en balayant les vêtements de la catin qui avait partagé le lit de son père cette nuit et qui essayait tant bien que mal de se cacher sous les draps. Et une fois qu'il fut assez proche, il dit, sous le regard ébaubi de la douce blonde à peine sortie de la fleur de l'adolescence :
— Je veux me marier.
Manase demeura statufié sur place, ne sachant si son fils se jouait de lui ou s'il parlait sérieusement. Il gloussa, en pensant que Kang ne serait jamais prêt à lui dire une telle chose sans avoir au préalable consommé une substance illicite.
— Je ne savais pas qu'en plus d'être mal élevé tu avais déjà commencé à sombrer dans la folie, Kang. D'abord tu me sors de mon lit comme si une guerre avait éclaté entre les deux Ka'els de ce royaume, ce qui m'aurait enchanté si c'était le cas, mais ensuite tu me parles de sottises qui n'ont aucun sens.
Manase s'approcha de son enfant en fronçant des sourcils. À le voir comme ça, il avait plutôt l'air drôle, mais on ne pouvait plus sérieux. Il était achalé par le caractère de son fils.
— Ne parle pas sans réfléchir, Kang. Tu es loin d'être prêt à te marier. Et si je te le dis, c'est que c'est vrai. Je me demande comment un bon à rien de ta classe ferait pour prendre en charge une famille.
Le jeune Kang se crispa d'un coup. Il serra les poings et affronta son géniteur en bombant le torse, fier, égoïste, viril...
— Père, tonna-t-il, contrairement à ce que vous pouvez penser, je suis réellement amoureux. Et je veux épouser celle que j'aime.
— Ne sois pas stupide, veux-tu ? Tu souhaites simplement profiter de ta jeunesse en vagabondant sexuellement. Si c'est bien de cela que tu as envie, Kang, tu as ma permission. Mais s'il te plaît, ne refait plus ce que tu as fait aujourd'hui. Ne m'interrompt jamais quand je suis occupé.
La jeune catin restait assise sur le lit, s'aidant des draps pour dissimuler ses parties intimes. Elle était plus que gênée et ne savait où se mettre.
Kang défia son père du regard. Il le fixa avec la même ardeur qui faisait de lui le leader de son gang, celle-là qui lui permettait de plier tout le monde à sa volonté. Manase soupira d'exaspération. Il ramassa les vêtements de son amante et les lui lança à la figure, en lui demandant de s'en aller. La prostituée ne se fit pas prier. Elle sortit de la pièce avec le drap dans lequel elle se couvrait.
— Bien... Je ne sais pas si tu es en train de devenir un homme sérieux, Kang. J'en doute fortement. Mais comme tu y tiens tellement...
Manase s'arrêta et soupira pour la énième fois en se pinçant l'arête du nez. Il reporta son attention sur son fils et croisa les bras.
— De quelle famille s'agit-il ?
Bien qu'il fut heureux de voir que son père était sur le point de céder à sa demande, Kang ne faiblit pas pour autant. Il conserva son air sévère et fermé et bomba davantage le torse.
— Farzen.
— Fa-Farz... Tu parles du jardinier des Vodleris ? s'étonna le noble.
— Exact, père. Je veux épouser sa fille, Neela Farzen.
Manase écarquilla les yeux à cause de la surprise. La fille d'Ymir Farzen ? Il ne s'y était pas du tout attendu. Il avait pensé que Kang courait autour d'une fille de noble, comme la plupart des fils de riches de l'île. Tomber amoureux d'une prolétaire, c'était vraiment... surprennant de sa part, après toutes celles qui étaient passées dans son lit...
— Es-tu sûr de toi ? Ton choix est-il vraiment porté sur une roturière ?
— Oui, père. Je veux me marier avec cette jeune femme. Et le plus tôt sera le mieux.
Manase sourit. Il gloussa presque après la confirmation de Kang. Une idée lumineuse commença à germer dans son esprit, alors qu'il envisageait déjà de multiples scénarios.
— Bien, dit-il. Je pense que je peux essayer d'arranger un mariage. Je pense même que vous seriez mari et femme très prochainement.
Sans un merci, Kang tourna le dos à Manase et s'en alla, abandonnant ce dernier dans sa vaste chambre remplie de peintures et de bibelots décoratifs. Mais il ignorait encore que son père avait de biens grands desseins pour ce futur mariage.
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