Lettre 17 - Hermione

09 novembre, 22h11, 1995,

Fred, 

Tout se bouscule. Et tout se transforme. Et tout change autour de moi. 
Je ne comprends pas. Je ne comprends plus. Je voudrais juste que ça s'arrête. 
Parfois le monde qui m'entoure se met à tanguer comme un bateau ivre. 
Et ma vision devient floue. Et ma vision devient trouble. 

Et je me sens comme une gamine qui se cache en tremblant sous sa vieille couverture de laine pour fuir l'évanescence des ombres nocturnes qui valsent et courent sur les murs de sa chambre. Sa chambre qui trop vite, lui ira trop petite, comme un vêtement qui moulant qui colle à la peau durant un été caniculaire.

Je sais que je suis cette enfant. J'ai grandis trop vite, je n'ai jamais fait mon âge. 
Et aujourd'hui me voilà à refuser de jeter les peluches qui prennent la poussière, larguées sur mon étagère comme des souvenirs qui s'évaporent et qui tentent désespérément de partir alors que leur temps de service est fini. Je suis l'enfant  qui cherche à retenir entre ses mains ses souvenirs, comme si ils étaient de l'eau, en sachant pertinemment qu'au fond, ils finiront tôt ou tard par s'enfuir. 
Je suis cette enfant. Je suis risible... 


Si tu savais combien ma prime enfance me manque... 

Me voilà à l'heure où je pourrais devenir comme toutes les filles de mon âge. 
Ce vœux que j'ai tant exprimé, tant voulu, tant souhaité au fond de moi... Petite, je ne demandais pas grand chose à la Lune avant de me laisser tomber dans les bras lourds et cotonneux du sommeil. 
Je demandais simplement d'avoir mon âge. Enfin. Juste mon âge et rien de plus. 

Je voulais être comme toutes les autres petites filles que j'observais de loin dans la cour de l'école. 
Celles qui riaient, qui dansaient, qui couraient toutes ensembles dans leurs petites robes à fleurs les beaux jours de printemps. 
Je voulais enfin pouvoir aller jouer avec elles, mais je savais que trop bien que je finirais pas m'ennuyer en le faisant. 

Je suis à l'âge où je pourrais être comme elles. 
Parce que je sais très bien ce qu'elle feraient à ma place. Avec toi. 
Elles minauderaient, glousseraient comme des dindes et te dragueraient d'un faux air innocent ouvertement provocateur. 
Je ne peux tout simplement pas me résoudre à faire ça. Parce que ça me dégoute. Et parce que je me suis promise à tout prix de ne JAMAIS m'oublier pour un garçon? 


Je n'ai jamais fait mon âge. 
Au fond, je n'en veux pas à mes parents pour m'avoir éduqué ainsi. Je doute sincèrement que ce soit de leur faute. Et même que si il n'existe aucun mode d'emploi de la parentalité parfaite, aucun parent ne peut savoir ce qu'il faut faire face à une petite fille à la curiosité et la soif d'apprentissage trop grande pour son âge. 
Les miens ont simplement choisit de mettre des bouquins entre mes deux petites menottes encore marquées de leurs formes enfantines premières. 


... Je me souviens maintenant d'un conte de fées que ma mère me lisait, étant plus petite. Je crois bien que Maman ne me l'a pas lut bien souvent d'ailleurs.. A bien réfléchir, je pense que c'est parce qu'elle ne l'aimait pas. Sans doute qu'elle la jugeait trop sexiste et trop dégradante. Je ne peux pas lui donner tort. 


L'histoire était banale en somme. Le cliché de la princesse enfermée dans sa haute tour de pierre, gardée par un méchant dragon, se languissant de sa longue captivité en attendant le beau prince qui viendrait la libérer et l'emmener dans son beau et grand palais -qui est, à mes yeux, une bien pire forme de prison-. 

Au grand dame de mon père, je me suis toujours plus identifiée au chevalier qu'à la princesse. Sans doute que je me refusais à rester sans défense, à dépendre de quelqu'un pour ma propre survie. 
Je déteste autant l'image de la "damoiselle en détresse" que je déteste les filles de mon âge. Et peu m'importait d'être le chevalier ou la sorcière, tant que j'étais maitresse de mon destin. 


Avec toi, c'est différent. Différent et je sens avec certitude combien je perds le peu de contrôle que j'avais jusqu'à lors réussi à obtenir. Comme l'eau entre mes mains de gamine, je sais qu'il finira par m'échapper si tout continue à suivre ce sens. 

Avec toi, je suis la princesse et le dragon tout à  la fois. Je suis la geôle qui veut m'emprisonner à l'abri de ton emprise, à l'abri de ce que tu pourrais me faire. 


Le pire, c'est que je te connais assez pour savoir que si tu avais vent du mal qui m'habite, de la peine qui me ronge, tu n'hésiterais pas une seule seconde à venir terrasser le dragon pour me serrer dans ta bras. 

Je ne veux pas de ton aide. Je ne veux pas de ta pitié. Je ne veux pas que tu joues au faux chevalier servant que tu ne seras jamais. Je souhaite juste que tout redevienne comme avant. 
Je veux redevenir la sorcière ou bien le chevalier. 
Je veux redevenir l'insouciante gamine aux milles bouquins. 
Je veux tout sauf dépendre de tes sourires. 

Tentatives d'amitiés vaines, diraient mes sentiments, 
Avec l'amour que j'aimerais te rendre en aller sans retour, 
'Mione. 



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